[Quête] Dans les rues et les villas huppées du Havre

[Taliesin]

-Non non, ça n'est pas trivial. Au contraire : mieux vaut laisser ici le moins de traces possible... Alors effectivement, si tu pouvais récupérer mon manteau, je t'en saurais gré.
Il prit une profonde inspiration.
-Bon, je file. Si possible... Dis à Judicaël de me suivre de près. De très près. Aux autres aussi, peut-être... Il faudra agir avant que Meloenn se doute de quoi que ce soit, avant qu'elle puisse faire quoi que ce soit. Et attaquer leur base avant qu'Arion ne soit alerté par un éventuel changement du programme prévu.
Puis, sans plus perder de temps, il se mit en quête de l'entrée latérale.

[Galathée]

Le barde dut se faufiler au travers de la foule, distribuant sourires et salutations aux personnes qu'il devait frôler ou qui voulaient lui parler. Deux fois, il dut brandir une excuse fallacieuse pour se défaire d'une connaissance obscure, et il parvint à se glisser dans le dos de sa tante sans qu'elle ne l'aperçoive. Il pénétra dans la salle de réception, bondée, elle aussi, et dut faire un détour pour éviter le baron de Blanchemartre. Longeant les murs, s'excusant auprès des convives et des esclaves, il parvint à atteindre les portes-fenêtres, dont plusieurs étaient entrouvertes sur le jardin, pour faire entrer de l'air frais. Il croisa plusieurs couples qui discutaient sur la terrasse, gagna l'ombre d'un buisson, suivit une haie aux allures de labyrinthe et trouva, près d'une fontaine, la fameuse balançoire. Meloenn y était assise, dans une grande capeline sombre, et se balançait en fredonnant, d'un air absent.

[Taliesin]

Sitôt qu'il l'apperçut, il pressa le pas et s'efforça de paraître légèrement essoufflé.
-Mille excuses pour l'attente que je vous ai imposée... dit-il en le rejoignant. J'ai fait au plus vite, mais m'extirper de cette ruche n'a pas été aisé. C'est fou : depuis que ma situation s'améliore, tout le monde tient à me parler !
Il sourit.
-Alors, par où quitterons-nous ce jardin ? Ah, j'avoue que cette évasion a un petit côté excitant qui ne me déplait pas...

[Galathée]

" Par l'entrée des artistes, qu'en penses-tu ?" fit-elle, sans parvenir à garder ses mains pour elle.
Sa main caressa sa joue, s'attarda dans ses cheveux, et elle le regarda droit dans les yeux, un instant.
" Je doute qu'un futur officier puisse se permettre de sortir par la grande porte, au vu et au su de tous... Cela ternirait ta réputation... ou peut-être pas... Cela dépend un peu de ce que tu veux devenir, Philoris..."
Elle descendit de la balançoire. Elle dégageait une odeur forte, aphrodisiaque, qui contractait l'estomac du barde et lui échauffait les sens sans qu'il puisse rien y faire.

[Taliesin]

Sale catin, songea-t-il, brusquement furieux.
Rester calme. Rustour, rester calme et garder les idées claires...
-Je veux devenir ton chevalier servant, répondit-il, jouant la spontanéité. Sortir par la porte principale en ta compagnie serait un honneur. Malheureusement, ma femme, maligne comme elle est, ne va pas tarder à remarquer que quelque chose cloche et de se lancer à mes trousses. Elle risquerait alors de débarquer au pire moment, et comme l'heure n'est pas encore tout à fait venue de me... libérer d'elle, mieux vaut éviter pareille d'convenue. L'entrée des artiste me paraît donc tout indiquée.

[Galathée]

" Bien sûr." susurra-t-elle en lui prenant le bras.
Elle l'entraîna à travers la pelouse, en direction d'un chemin de pierres grises, qui se perdait entre des haies d'ifs taillés. Ils suivirent un itinéraire tortueux si bien que Taliesin crut un instant qu'elle tentait de le perdre dans les profondeurs du parc des SourdeBouche, avant d'atteindre une allée de terre qui servait manifestement aux livraisons. Meloenn l'emprunta en laissant la demeure seigneuriale derrière eux et ils atteignirent rapidement les grilles closes. Il y avait deux gardes en faction, qui jetèrent des regards jaloux au barde avant d'ouvrir sans rien leur demander. Manifestement, la jeune femme était connue en ces lieux, à moins que la mise du nobliau suffise à les faire taire. Il était vrai aussi qu'ils surveillaient sans doute davantage les entrées que les sorties.
" Alors, grand prince, où vas-tu m'emmener ? demanda-t-elle une fois qu'ils furent dans la rue. Il me tarde d'être servie... par tes bons soins."
S'il n'agissait pas rapidement, elle serait à nouveau sur lui dans moins d'une seconde...

[Taliesin]

Ce qui était évidemment hors de question, vu la colère qui couvait en lui, vu les effets du parfum qui émanait d'elle...
-Allons vers l'Esplanade Impériale, dit-il en l'entraînant, comme un homme pressé d'atteindre des lieux plus propices aux ébats dont il se réjouissait déjà. Je n'aime pas trop l'idée d'une hostellerie, parce que ma femme va les écumer une à une jusqu'à nous trouver. Mais je ne vois pas vraiment d'autre solution, et j'imagine que si nous en dénichons une suffisamment à l'écart des grandes rues...

[Galathée]

Elle rit de bon coeur.
" J'oubliais presque que tu n'es pas d'ici... Tu ne t'exprimes pas comme les provinciaux qu'il m'a été donné de rencontrer... Mais j'espère que ta bourse est pleine, petit rat des champs, j'ai des idées à la mesure des plaisirs que j'entends te procurer."
Le prenant par le bras, elle l'entraîna dans la rue, gloussante. Taliesin sentit alors un picotement à la surface de son esprit et la voix de Judicaël résonna directement dans sa tête.
Je suis sur votre gauche, à environ dix toises. Deux possibilités. Soit Maude intervient pour vous séparer et je la suis jusqu'à son repaire. Sans doute serait-il préférable qu'elle soit déjà loin de la fête, car elle pourrait y retourner, ce qui nous retarderait... Soit nous la neutralisons et nous essayons de lui extirper son secret par des méthodes... plus directes. Si tu es pour la première possibilité, arrête-toi quelques secondes. Si tu es pour la seconde, continuez à marcher.

[Taliesin]

Quel dommage qu'il ne puisse lui répondre autrement...
Mais puisqu'il n'y avait pas d'alternative, il fronça un instant le sourcil... et continua sa route comme si de rien n'était.
Il doutait que, s'ils étaient séparés, Meloenn retourne tout droit à son repaire. Sous l'emprise du sortilège, elle essaierait sans doute de le retrouver. Et s'il la libérait en jouant un autre morceau... Elle comprendrait que quelque chose avait cloché, qu'on l'avait ensorcelée. Car elle n'était pas née de la dernière pluie...
Bref, il fallait la neutraliser, la forcer à parler.
Il espérait qu'ils n'auraient pas à en venir à des moyens trop violents qui iraient à l'encontre des convictions des clercs comme des siennes. Néanmoins, s'ils n'avaient pas le choix...
Ils l'auraient peut-être, cependant. En effet, chemin faisant, une idée lui était venue. Une petite comédie pas piquée des hannetons qui avait des chances de réussir, à son avis. Après tout, Meloenn pouvait se méfier d'Arion, n'est-ce pas ? Entre gens retors, on s'allie, certes, mais on ne baisse jamais sa garde...
Et si cela échouerait, on en reviendrait à des méthodes d'interrogatoire moins subtiles mais qui avaient fait leurs preuves.
-J'ai de l'argent, ne t'inquiète pas, dit-il à la barde, joyeux. D'ordinaire, ma femme tient à garder la bourse. Toutefois, j'ai réussi à la manœuvrer... Je ne suis pas peu fier de moi !

[Galathée]

Meloenn semblait avoir pris les choses en main et l'entraînait désormais dans une direction bien précise.
Il va falloir que tu la diriges vers une impasse, pour que nous n'attirions pas l'attention. Ensuite, distrais-la d'une manière ou d'une autre. Parle-lui. Il ne faut pas qu'elle entende les incantations et qu'elle contre-attaque. Nous la ramènerons directement au Temple de Moandre.
La jeune femme le dévisagea, un sourire mutin sur les lèvres.
" J'espère que tu aimes l'eau."
Taliesin devina qu'ils prenaient le chemin des Thermes, il reconnaissait petit à petit le quartier.

HRP : poste la suite dans le bon quartier