[Lieu] Embarcadère-Débarcadère

[Kasumi]

Le capitaine était copieusement maculé de suie lui aussi et son bel uniforme avait fait les frais de la lutte contre l'incendie pour laquelle il n'avait pas hésité à retrousser les manches. Il répliqua non sans un certain aplomb :

- Le temps n'est pas un gros problème du moment que mes hommes peuvent commencer rapidement avec le premier chargement : il nous faudra au minimum trois jours pour remettre la Surprise en état de retourner au combat. Je vais devoir retourner sur mon navire pour me changer et passer les ordres nécessaires. Vous devriez en faire de même, non pas que la suie ne vous aille pas au teint !

[Althéa]

Le teint de l'intéressée vira sensiblement au rouge. Elle fit comme si de rien n'était. Autour d'elle, ses hommes la regardaient mi-amusés mi-goguenards. Elle se mit brusquement au garde à vous.

"Vous n'avez rien de mieux à faire, soldats ?, demanda-t-elle d'une voix forte, au garde à vous, fiiiiiiiixe"

Plus aucun de broncha, elle les regarda satisfaite.

"Soldats, je vous donne vingt minutes pour aller vous rafraîchir et changer d'uniforme. Vous l'avez bien mérité. Rompez."

Ils se dispersèrent en ordre et en silence.

[Kasumi]

Le capitaine Lachance semblait plutôt satisfait de son petit effet mais salua très dignement l'officier Vimaire avant de permettre à ses hommes de retourner à la chaloupe. La femme savait mener ses hommes et il semblait qu'elle ne devait qu'à une blessure ou à une infirmité peut-être d'être restée en arrière. C'était assurément une chance, de son point de vue.

- Vous serez la bienvenue à mon bord pour votre inspection, officier. Nous discuterons alors de nos besoins en matériel mais j'imagine que vous allez devoir procéder à un inventaire de ce qui a été épargné avant cela. Je vais retourner sur la Surprise en attendant et superviser les travaux que nous pouvons déjà entreprendre.

[Althéa]

Vimaire prit le temps de regarder ses hommes partir avant de se retourner vers le capitaine Lachance.

"Il serait peut-être plus simple que vous veniez procéder à l'inventaire avec moi. Ainsi, je pourrais voir ce qu'il nous reste et vous pourrez sélectionner ce qui serait susceptible de vous aider. Je vous laisse bien sûr le temps de remonter vous changer à bord de votre navire et d'enlever la suie. Même si votre teint n'est pas mal non plus."

[Kasumi]

Le capitaine était plutôt satisfait que ses hommes s'en soient déjà retournés vers la chaloupe et soient trop loin pour entendre la réplique de la manostienne. Réplique qui le fit rire franchement et oublier, pour un bref instant, les combats qui avaient mis à mal son navire et l'attentat où ils avaient bien failli y rester. Il répliqua d'un ton bon enfant :

- Si mon teint actuel ne vous gêne pas, je ne vois pas de raisons de faire de manières tout compte fait. Si nous procédons à l'inventaire dès maintenant, nous économiserons en outre le temps d'un aller-retour. Mon bain attendra plus tard : le devoir avant tout ! Et ainsi j'aurai plus de temps pour visiter l'une de vos célèbres tavernes. Vous en avez de célèbres, n'est-ce pas ?

[Althéa]

Vimaire hocha la tête.


"Bien sûr, il existe le Loyal Paladin, même si actuellement la cuisine souffre de diverses pénuries. L'ambiance aussi d'ailleurs. Mais baste, le réconfort après l'effort. Un inventaire nous attend."

Elle tourna d'un geste théâtral, grimaça en prenant appui trop brusquement sur sa mauvaise jambe et repartit en direction de l’entrepôt.

Une puanteur chimique planait encore à l'intérieur. Ce n'était pas du souffre, ni de la poudre mais ça prenait très facilement au nez.

Vimaire s'engouffra la première à l'intérieur. Elle découvrit avec bonheur que plusieurs planches avaient finalement été épargnées. L'incendie avait suivi une sorte de droite ligne, sans doute tracée par le produit.

"J'ai l'impression que vous portez bien votre nom, capitaine."

Elle fronça soudain les sourcils. Une malle à demi carbonisée trônait au milieu de la salle.

"ça, par contre, je ne l'ai jamais vu ..."

[Kasumi]

Le luménien s'intéressa à la malle carbonisée lui aussi ainsi qu'à la trajectoire peu commune de l'incendie. Manifestement il ne comprenait pas comment le saboteur s'y était pris ni quel avait été son but exact ou même encore s'il l'avait atteint ou non. Il y avait peu de chance qu'il ait pu anticiper leur venue et les ai visé alors il restait toujours la possibilité qu'il était surpris et contrarié dans ses projets. Le fait qu'une bonne partie du stock entreposé soit encore utilisable plaidait aussi en faveur de cette hypothèse. Cependant et jusqu'à preuve du contraire, l'affaire ne concernait que les autorités manostiennes et il se contenta de répondre d'un ton léger :

- J'espère que mon nom attire en effet les faveurs de dame Tymora, louée soit-elle ! En tous cas, nous allons avoir largement assez de matériaux pour nos réparations. Enfin, si vous pouvez vous en séparer bien évidemment !

[Althéa]

"Comme je vous l'ai dit, répondit Vimaire, nous avons fort peu de bateaux. J'ai toujours dit que nous entreposions trop de matériel de toute façon. Indiquez-moi vos besoins, je vous dirai si cela est possible."

Elle lorgnait du coté de la malle comme si elle pouvait lui dire quelque chose. Et manifestement non.

[Kasumi]

Le capitaine se rapprocha d'un empilement prometteur qui n'avait du tout souffert de l'incendie et le toucha de la paume des mains avant de déclarer d'un ton presque révérencieux :

- Cet ébène est exceptionnel et constituera un excellent bois de coque : il est solide et régulier. Mais pour les travées abîmées et la structure du château, il me faudrait un bois plus souple, du hêtre peut-être. Et dans l'idéal nous devrions remplacé notre second mât mais ce n'est pas une nécessité : j'imagine que vous n'auriez un pin laricio d'une vingtaine de mètre en stock. Ce serait trop de chance, même pour moi !

[Althéa]

Vimaire grimaça, presque déçue.

"Vous savez, il ne pousse pas de pin à Manost. Apparemment, il n'aiment pas vraiment notre type de climat. Ici, nous avons plutôt du feuillu. Un peu de sapin en altitude mais le temps qu'on le découpe et qu'on le rapporte ... La guerre sera finie. Va pour l'ébène, alors."

[Kasumi]

Le capitaine luménien s’attendait vraisemblablement à cette réponse et ne fut donc pas particulièrement déçu d’autant que le stock présent aller permettre de pallier le plus urgent.

- Nous aurions idéalement besoin d’un quintal de cet ébène sous forme de planches en effet. Celles-ci seront parfaites. Mais nous devons tout d’abord assainir la structure du château. Pouvez-vous nous livrer entre dix et quinze poutrelles de cinq mètres en bois d’hêtre en premier lieu ? Nous ne travaillerons sur le blindage de la coque avec l’ébène que dans deux ou trois jours. Il va de soi que Luménis tiendra à vous dédommager de ces matériaux et des efforts de vos hommes.

[Althéa]

"Ce n'est pas le hêtre qui manque dans la région, donc les planches non plus, répondit Vimaire avec le sourire assuré de la personne qui connaissait son stock sur le bout des doigts, pour l'ébène, nous disposons aussi de ce qu'il faut. Donc, vous resteriez environ trois jours à Manost ?"

[Kasumi]

Le capitaine dédia un sourire charmeur à l'officier Vimaire avant de répondre d'un ton apparemment sincère :

- Croyez bien que j'y resterais davantage si nous n'avions pas une guerre à gagner. Mais le devoir passe avant le plaisir et m'appelle au large. Il m'empêchera certainement de visiter votre fière cité à mon plus grand dam. Qu'en pensez-vous pouvoir nous livrer le premier chargement ?

[Althéa]

Une fois de plus, Vimaire rougit jusqu'aux oreilles, ce qui fit ressortir une multitude de tâches de rousseur. Elle se maîtrisa juste avant de voir ses hommes revenir.

"Vil charmeur.", chuchota-t-elle avec un petit sourire en coin.

Puis plus fort.

"Charger quelques planches en moins de deux heures sur une chaloupe, cela vous paraît-il possible, soldats ?"

Un "oui" massif répondit à la demande du capitaine.

[Kasumi]

Le sourire du capitaine Lachance s'élargit encore si une telle chose était possible et Vimaire crut même à un instant surprendre un léger clin d'œil avant qu'elle ne se tourne vers ses hommes. il suivit néanmoins l'échange avec attention et admira la façon que la manostienne employait pour motiver ses hommes et les poussait à l'exploit. Il n'aurait certainement pas renié ses méthodes de meneuse d'hommes.

- Alors ce qu'on m'a dit des manostiens était bien vrai : ils sont accueillants et efficaces en toutes circonstances. Je m'en réjouis. Officier Vimaire, je vous donne rendez-vous sur la Surprise dans deux heures dans ce cas. Et permettez moi de vous en remercier d'avance.

[Althéa]

"Accueillants je ne sais pas ... Nous sommes plutôt méfiants, surtout en temps de guerre, répondit la jeune femme en jetant un regard en coin à Hilare qui entrait dans l'entrepôt, la mine compassée, efficaces ... cela est indéniable. Dans deux heures alors, à bord de la Surprise."

[Kasumi]

Le capitaine ne releva pas les précisions mises en exergue par son homologue : tous deux avaient conscience que la méfiance était la normalité et que leurs rapports immédiatement cordiaux étaient l'exception. C'était valable pour les deux camps : Luménis ne manifestait pas davantage de candeur que sa voisine à cet égard. Nombreux étaient ceux qui se souvenaient des tentatives d'alliance récentes entre les deux géants Dorrandins et qui avaient grandement nuis aux rapports diplomatiques entre les alliés d'aujourd'hui. De leurs côtés, aucun des manostiens ne pouvaient croire que Luménis n'agissait que par bienveillance dans ce conflit menaçant l'équilibre des deux îles.

Il était inutile de s'attarder sur ces considérations : mieux valait agir pour le mieux comme se proposait de le faire l'officier Vimaire. Le capitaine luménien prit donc congé sur un dernier salut poli et formel mâtiné d'une pointe d'espièglerie dans l'expression de son visage, peut-être.

[Althéa]

Vimaire le laissa partir avec un léger sourire puis donna des ordres. Les hommes furent rapides. Vaillants et précis, marque d'une éducation manostienne réussie. Le fait qu'elle mouille aussi sa chemise en leur compagnie en soulevant des planches les motiva d'autant plus. En deux heures à peine, ils eurent rempli trois bateaux. Le chargement très lourd les faisait presque giter mais se maintinrent tout de même en surface.

La chemise trempée par l'effort et noircie par la suie, elle prit cependant place au milieu de ses hommes. Puis elle les encouragea alors qu'ils ramaient. Mais elle ne prit pas part à la maneuvre sans quoi, elle aurait eu du mal à dissimuler sa jambe qui lui faisait si mal.

[Kasumi]

A côté de la Surprise, les trois bateaux utilisés par les manostiens faisaient office de frêles esquifs. Quand le premier transport prit position le long du flanc droit de la caraque, entre les deux châteaux les lumiéniens déployèrent des câbles reliés à un palan ainsi qu'une échelle de corde invitant les officiers manostiens à venir superviser la manœuvre depuis le pont. Vimaire put apercevoir le capitaine Lachance quitter la passerelle de proue pour s'approcher de l'échelle, sans doute dans l'objectif de l'accueillir. L'officier avait trouve le temps de se changer, contrairement à son contact sut les quais.

[Althéa]

Vimaire se leva, étouffant une petite grimace. Elle prit le temps de féliciter ses hommes pour le travail accompli et gravit l'échelle. Quand elle parvint en haut, elle était en nage. Elle laissa venir Lachance les bras croisés, un tantinet honteuse.

"Je suis désolée, j'aurais dû me changer avant de vous rendre visite. J'espère que vous n'y verrez pas un manque de respect de ma part. Je ne voulais simplement pas vous faire perdre votre temps."

[Kasumi]

Le capitaine lui dédia un sourire tranquille et répondit d'un ton paisible comptant un semblant de soupçon d'espièglerie mais peut-être n'était-ce qu'une impression due à son accent étranger :

- Ne soyez pas désolée en ce cas, bien au contraire. C'est même moi qui devrait l'être alors que vous avez manifestement participé à la tâche de vos hommes pour faciliter celle des miens. Vous devez me trouver superficiel et coquet mais je ne cherchais qu'à vous faire bon accueil. Et bonne impression. Bienvenue à mon bord en tous cas, voulez-vous rejoindre ma passerelle pour superviser vos troupes ?

[Althéa]

Vimaire rosit de nouveau. Heureusement, ses hommes n'étaient pas là pour la regarder. Puis elle repartit d'un ton amusé, à moins que ce fut son accent qui faussât un peu la donne.

"Coquet ... Non, je prends cela pour une marque de respect. On vous voit mieux sans votre couche de suie. Pour la passerelle, oui, c'est une très bonne idée. Merci."

Elle avait l'air de se sentir à son aise, et heureuse de marcher sur le pont d'un bateau.

"Votre navire est impressionnant. Je n'en ai jamais vu de tels."

[Kasumi]

Le château abritant le poste de commande et la barre du navire était accessible par un escalier d'une trentaine de marches. Arrivés en haut, la manostienne bénéficia d'une vision complète du pont de la caraque ainsi que de sa voilure proprement impressionnante. Le sourire du capitaine s'élargit sous le compliment et il déclara sans dissimuler sa fierté :

- C'est parce qu'il s'agit de la Surprise ! Elle a été nommée ainsi car c'était la première caraque luménienne de son genre. D'autres ont suivi bien sûr mais elle leur a ouvert la voie et l'amiral Longuehune avec qui j'ai eu le plaisir de l'inaugurer m'a confié qu'il aime bien compter sur l'élément de surprise dans ses batailles. Seriez-vous intéressée par une visite après que nous ayons réglé cette histoire de chargement ? Je vois bien que vous n'êtes pas une espionne manostienne ou alors les vôtres auront enfin compris que le charme est un atout dans cette fonction.

[Althéa]

Si Vimaire n'aurait pas eu si mal à la jambe, elle en aurait sauté sur place, c'était certain. Elle sourit pourtant et eut de nouveau le rouge aux joues.

"Le charme ... Le charme. Quand je vous dis que vous êtes un vil flatteur. Vous n'êtes pas mal non plus dans votre genre. Oui, je serais heureuse de pouvoir visiter votre bâtiment. Mon père était ingénieur de la marine. Il aurait été heureux de voir un bateau tel que la Surprise."

Elle se pencha pour encourager ses hommes.

"Allez soldats, vous avez fait le plus difficile. Ce soir, je vous offre une tournée générale au Loyal Paladin."

[Kasumi]

Lachance donna lui-même quelques ordres pour qu’une partie de l’équipage vienne en aide aux manostiens. Il ne fallut pas plus de cinq minutes pour que les deux équipes apprennent à travailler efficacement ensemble. En quelque sorte, ce qui se passait presque naturellement dans ce contexte anodin était motif d’espoir pour ce qui était de la guerre en général. Oui, les luméniens et les manostiens pouvaient apprendre à collaborer et à travailler de conserve. Tout n’était pas si évident mais cela contribuait tout de même à la bonne humeur du capitaine.

- Je crois que vos hommes parviendront à s’en sortir sans vous, officier. Souhaitez-vous que nous entamions la visite dès à présent ? Vous me parlerez ainsi de vos origines marines si vous le voulez bien.

[Althéa]

Vimaire était satisfaite de l'attitude de ses hommes et surtout de la coopération avec les luméniens.

"J'ai l'impression que je vais aussi devoir une tournée générale à vos hommes.", dit-elle avec un sourire.

Elle regarda autour d'elle, recula même pour avoir une vision d'ensemble.

"Pour mes origines marines, j'aimais beaucoup regarder mon père travailler mais j'avais déjà choisi ma voie. Je suis plutôt terrienne, malheureusement. Bien sûr, je prends plaisir à regarder les bateaux en souvenir du bon vieux temps."

[Kasumi]

Le capitaine donna quelques ordres pour que son second prenne les commandes du château arrière et de la manœuvre bien engagée puis il désigna l'escalier à la manostienne, l'invitant à rejoindre le pont principal.

- Je crois que c'est moi qui devrais vous offrir un verre à ce Loyal Paladin. Enfin, une tournée plutôt, pour reprendre vos termes. Quant à vos origines, les marins disent toujours que la mer reste dans le sang. Je n'ai jamais très bien compris cette expression si vous voulez une confidence.

Tout en marchant, le luménien désigna les hunes installées sur les quatre mats du navire et permettant à des archers de défendre le pont contre toute tentative d'abordage. Ils passèrent également devant l'une des quatre catapultes censées donner un avantage de portée à la caraque sur les autres navires. Le capitaine précisa que le but était avant tout d'endommager la voilure et la mâture des ennemis pour les immobiliser. C'était d'ailleurs cette tactique qui avait permis d'envoyer les trois mélandiens par le fond malgré la présence de mages à leurs bords.

[Althéa]

Vimaire hocha la tête.

"D'accord. Mais si vous payez cette tournée, je payerai la suivante. D'une part parce que je l'ai promise à mes hommes. Et surtout parce que cela me fait plaisir de vous offrir aussi un verre."

Elle se permit un petit rire.

"Ce n'est pas de l'eau de mer qui coule dans mon sang, fort heureusement. Sinon, je ne serais pas là. Votre bateau est purement et simplement un chef-d'oeuvre. Je suis heureuse d'avoir pu l'admirer."

[Kasumi]

Le capitaine Lachance partit d'un rire chaleureux sans que la manostienne puisse vraiment savoir ce qui avait exactement déclenché son hilarité. Il s'expliqua immédiatement cependant :

- Allons, vous n'avez encore rien vu ! Si les cales et les cabines ne vous tentent peut être pas, vous ne pouvez pas considérer avoir visité mon navire tant que vous n'êtes pas montée dans le nid de pie. A moins que vous n'ayez le vertige bien sûr. Ou que votre blessure ne vous gêne...

La question non formulée derrière cette approche était évidente.

[Althéa]

Vimaire eut une grimace.

"Les nids de pie, par temps humide ... Non, il vaut mieux éviter. Il fait toujours humide à Manost, ce n'est pas de chance. Monter de nos chaloupes à votre bateau n'a pas été une partie de plaisir. Non que je veuille me plaindre. C'était déjà fort aimable de votre part de m'avoir permis de visiter votre navire."