[Quête] Dans lÂ’ombre des merveilles

[Le Façonneur]

La page qu’observa Maël était couverte de la même écriture runique. Toutefois, des annotations s’y ajoutait, vraisemblablement écrite par une autre main. Celles-ci étaient en langue commune. Peut-être s’agissait-il de traductions, ou de remarques. Toujours était-il que le druide pouvait les comprendre.

Sitôt sorti du sanctuaire, l’homme ne fut guère surpris de retrouver le lapin. Adossé contre une statue, bras croisés, la blanche créature toisa l’aventurier et surtout ce qu’il transportait.

« Vous n’êtes pas aussi inutile que cela, après tout », déclara le lapin en se redressant. « Filez-moi le livre. Il est grand temps que tout ce délire prenne fin ! »

[Maël Maëviàn]

Tout cela semblait presque trop facile… Maël n'avait entendu aucune alarme. Il fallait faire avec le risque que tout cela n'ait été qu'une manigance du lapin… mais d'un autre côté, la sorcière ne pouvait prétendre œuvre aux forces naturelle : il avait vu ses abominations, et entendu les propos qu'elle tenait. Quand bien même son guide ne nourrirait que de mauvaises intentions, cela ne serait sans doute pas pire. Et, quoiqu'il puisse comprendre les annotations, elles ne lui seraient sans doute pas d'une grande utilité sans le contenu principal du livre, à moins, peut-être, d'avoir de longs moments d'étude à y consacrer, ce qu'il n'avait sans doute pas. Ce geste, celui de tendre le livre à la créature, était donc, selon toute vraisemblance, le plus avisé qu'il était en mesure de faire. Et il le fit donc. En espérant que ç'ait été le bon choix.

[Le Façonneur]

« Merci bien », déclara le lapin, avec un contentement certain.

L’épais ouvrage était lourd pour lui. Il tâcha de n’en rien montrer, c’était difficile, trop difficile. Il dût le poser au sol pour l’ouvrir et chercher en toute ^hâte une page. Ce faisant, il marmonna pour lui-même.

« Par tous les dieux, où est-elle ? Pas le temps... je n’aurais pas le temps. Tant pis, je le ferais après. »

Il se redressa et s’adressa à Maël d’un ton supérieur.

« Vous avez de la chance qu’il me reste quelques scrupules. Vous m’avez donné des envies de meurtre. La sorcière sera là dans la minute. Planquez-vous où vous voulez, je m’en fiche. Profitez du désordre qui ne serait tarder pour vous esquiver, c’est votre seule chance de salut. Je vous préviens, ça ne va pas durer longtemps. »

Sur ce, le lapin débuta une incantation. L’instant d’après, il miroita sous l’effet d’un bouclier magique. Il devait sûrement se préparer à l’imminente confrontation.

[Maël Maëviàn]

Évidemment, le lapin avait changé de ton après avoir obtenu ce qu'il voulait. Ç'avait été assez prévisible. Par prudence dans plusieurs sens du terme, Maël choisit de le laisser achever ses préparatifs. Néanmoins, rebrousser chemin vers le couloir par lequel arriverait très probablement la sorcière n'était sans doute pas la meilleure idée qui soit, quand bien même celle-ci ne se préoccuperait que de la personne possédant le livre. Et puis, assister à l'affrontement serait sans doute instructif ; d'autant que le druide n'était pas certain que son rôle s'arrêterait-là : peut-être était-il préférable qu'il reste à proximité, en mesure d'intervenir. Il se hâta donc de rejoindre le braséro le plus proche pour s'y dissimuler, comme il l'avait déjà fait plusieurs fois.
Enfin, peut-être pas le plus proche tout de même. Une certaine distance de sécurité serait sans doute appréciable…

[Le Façonneur]

La sorcière ne tarda guère à se montrer. Flanquée de son colossal serviteur, elle apostropha le lapin de sa vieille voix colérique.

« Toi ? Tu me voles ? Je te croyais pourtant moins téméraire ! »
« Vous croyez ce que je vous ai laissez croire, morue ! Ma folie, ma couardise, que de la comédie ! Je m’en vais avec votre précieux bouquin ! Mais il me fallait vous souhaiter d’aimables salutations au préalable ! »
« Fou tu l’es assurément pour tenir ce discours ! Livre ou pas, tu demeures un insecte que je vais écraser sous ma botte ! »

Après la confrontation verbale vint la confrontation véritable. Maël, depuis sa cachette, vit le lapin invoquer deux bonnes dizaines de créatures à l’aspect sinistre. Elles se ruèrent sur la sorcière qui décocha un éclair multiple dont le claquement vrilla les oreilles du druide. La majorité des invocations furent détruites par la foudre furibonde. Les autres entamèrent un corps à corps effréné avec le colosse bestial. Le lapin enchaîna avec une orbe lumineuse qu’il envoya droit sur la sorcière. Elle la reçu mais en resta de marbre alors qu’elle générait quatre énormes boules de feu dont le souffle fut tel que Maël, malgré la protection du braséro, fut jeté au sol, les habits roussis. Le livre était curieusement intact. Le lapin, par contre, bien que toujours debout, avait le pelage noirci, fumant.

[Maël Maëviàn]

Un tel déluge de magie dépassait de très loin ce dont Maël était capable ; il mesurait à présent la folie qui avait été la sienne d'avoir voulu intervenir plus tôt. Était-il seulement en mesure de faire quoi que ce soit face à cela ? Mais il ne pouvait simplement pas repartir. D'ailleurs, même s'il l'avait voulu, ses chances de parvenir hors de portée avant que sa présence ne soit repérée lui semblaient particulièrement minces. Et puis, il arrivait parfois qu'un rat triomphe là où un lion s'échinait en vain. La sorcière ne craignait visiblement pas la magie, mais son corps restait fait de chair, et peut-être qu'une arme simple parviendrait à lui causer davatnage de dégâts…
Tout dépendait, en fait, du lapin. S'il abandonnait la lutte – il semblait bien plus vulnérable que son adversaire –, le druide demeurerait caché le temps que l'autre se lance à sa poursuite ; et tenterait ensuite de sauver sa peau. Dans le cas contraire, Maël attendrait la première occasion de lancer sur la sorcière l'un de ses harpons. Cela s'apparenterait sans doute à un suicide ; mais cela semblait lui valoir la peine d'essayer : s'il y avait peu de chances qu'il la tue d'un seul coup, cela permettrait peut-être au moins à celui qui détenait pour l'instant le livre de prendre l'avantage.

[Le Façonneur]

Le colosse, qui avait également subi le souffle du feu, ne s’en mis pas moins à charger le lapin, écrasant sur son passage les dernières invocations. Mais d’un claquement de doigt, le lapin se volatilisa avec le livre pour réapparaitre plus loin, au niveau d’un des carrefours. Emporté par son poids, le colosse fracassa les portes du sanctuaire.

« Incapable ! » vociféra sa maîtresse.
« Trouver du personnel de qualité n’a jamais été une mince affaire » railla le lapin.
« Tu feras moins le malin quand je t’aurais écorché vif ! » reprit la sorcière.

Le lapin disparut de la vue de Maël lorsqu’il s’engagea dans l’un des couloirs latéraux. Peu après, de nouvelles invocations, toutes plus immondes les unes que les autres, apparaissaient et attaquaient la sorcière. Celle-ci se métamorphosa en une créature de cauchemar, faite de griffes et de cornes, que seul l’enfer aurait pu vomir. Sous cette forme impie, elle tailla dans le vif tout en se dirigeant, inexorable, vers le couloir où s’était retranché son ennemi. Le colosse réapparut, les portes défoncées dans les mains. Il finit par les lâcher et par suivre la sorcière. Le druide constata alors que le chemin principal, celui permettant de partir de ce lieu dément, semblait s’être relativement dégagé.

[Maël Maëviàn]

Autant pour ses nobles intentions : si ses pauvres armes avaient eu un semblant de chance d'atteindre la sorcière sous sa forme humaine, il doutait fortement de leur efficacité face à la chose en laquelle elle s'était métamorphosée.

Mais l'impressionnante créature avait quitté les lieux, et la voie était maintenant dégagée. Que faire ? Maël n'était pas sûr que repartir ainsi soit une bonne idée : il ne savait pas lequel des deux adversaires triompherait, ni ce qu'il adviendrait des innocentes victimes… mais le lapin avait eu raison sur un point : on ne faisait pas attention à lui le moins du monde. Ce qui signifiait qu'il avait encore, peut-être, moyen de se rendre utile. Et puisque le colosse lui avait grand ouvert les portes…

Le druide se dirigea vers le sanctuaire. Un rapide coup d'œil aux livres restants – particulièrement celui qu'il avait remarqué plus tôt – n'avait, lui semblait-il, que peu de risques d'empirer la situation.

[Le Façonneur]

Le livre repéré un peu plus tôt était toujours présent. Les mystères de la magie druidique. De nombreux autres ouvrages s’alignaient. Maël put lire quelques noms et il devint vite évident que la sorcière avait un attrait particulier pour la nature, même si elle semblait une maîtresse de la magie profane. Pas moins de cinq épais ouvrages traitaient des forces naturelles, des rituels druidiques ou encore de l’analyse de leurs sortilèges par rapport à la toile de Mistra. Peut-être y en avait-il d’avantage. Les étagères avaient beau s’offrir en intégralité au regard de l’intrus, il y avait trop de rayons pour tous les examiner à la fois. La métamorphose était aussi un sujet assez présent.

Entre les livres trônaient de curieux instruments inconnus du druide. En hauteur, il repéra un petit coffret en ébène. Les gros coffres pouvaient également être examinés. Et pendant ce temps, l’homme entendait le léger tic, tic, tic de l’étrange sculpteur, toujours afféré devant son cube de pierre, totalement indifférent à ce qui se déroulait autour de lui. Plus loin, dans les couloirs, raisonnaient l’écho de déflagrations magiques.

[Maël Maëviàn]

Tant que duraient les déflagrations au loin, Maël se sentait relativement en sécurité : sorcière et lapin avaient sans doute trop à faire pour se soucier de lui, et si le sculpteur était resté imperturbable jusque là, il y avait peu de risques que les agissements du druide n'attirent son attention. Il ne fallait guère traîner, cependant, car l'un ou l'autre des adversaires pourrait prendre le dessus d'un instant à l'autre, et les choses deviendraient sans doute encore plus chaotiques à partir de ce moment.

Examiner les coffres ne lui semblait pas utile dans l'immédiat. En revanche, jeter un œil à ce livre qui, malgré tout, avait grandement éveillé sa curiosité, lui semblait plus intéressant. Il ne serait guère sage de commencer à le lire, mais il pouvait au minimum vérifier la langue – savait-on jamais – et consulter la table des matières, s'il y en avait une. Cela lui indiquerait s'il valait ou non la peine qu'il tente de l'emporter.

[Le Façonneur]

Les Mystères de la Magie Druidique était rédigé en langue commune. Toutefois, comme l’avait un instant supposé Maël, de ce qu’il put lire rapidement, l’ouvrage était abordé d’un point de vue profane. Un examen plus poussé pouvait néanmoins mettre en lumière des parties plus intéressante pour un druide. Alors que ce dernier refermait le livre, il réalisa que le silence venait tout juste de retomber dans les couloirs. Si l’affrontement était belle et bien terminé, il n’avait duré pas plus que quelques minutes.

[Maël Maëviàn]

Plus aucun bruit. Que s'était-il passé ? Une chose était sûre : quelle qu'ait été l'issue du combat, il valait mieux ne pas rester dans le coin.

Fuir, sans avoir la moindre assurance d'avoir accompli la mission qu'il s'était confié ? C'était malheureusement parfois le plus sage… ce livre lui serait peut-être utile ; rien n'était sûr, cependant. Mais puisqu'il l'avait entre les mains…
À la réflexion, le petit coffret d'ébène, situé en hauteur, pouvait être assez important également. Était-il assez imprudent ? Peut-être. Maël s'approcha pour voir s'il pouvait l'attraper rapidement.
Que ce soit le cas ou non, il aurait de toute façon quitté la pièce quelques secondes plus tard, pour se dissimuler de nouveau derrière les braséros et prendre la direction de la sortie…

[Le Façonneur]

Maël put sans problème s’emparer du petit coffret et le voilà qui sortait du sanctuaire. Alors qu’il se dissimulait derrière le braséro le plus proche, une voix le fit tressaillir.

« Je me doutais bien que ce maudit lapin aurait été incapable de s’emparer du livre seul. Non, il lui fallait quelqu’un d’autre. Un sale petit voleur. »

La sorcière venait d’émerger du couloir latéral, retrouvant dès lors une pleine vision de la voie principale. Elle se trouvait de nouveau sous sa forme humaine de vieille femme décharnée, voutée, appuyée sur un bâton. Une bonne trentaine de mètres la séparait du druide. Son colossal serviteur n’était pas encore revenu, si jamais il devait revenir.

« Sois gentil, mon mignon, sors de ta ridicule cachette et dépose mes affaires. J’entends ne plus perdre de temps aujourd’hui, ma patience est à bout ! »

[Maël Maëviàn]

Raté. Bon, il fallait espérer qu'elle ait épuisé le plus gros de ses sorts contre le lapin.
Dans la situation présente, se cacher n'aurait servi à rien : il avait été vu. Néanmoins, il n'obéit pas exactement à l'injonction, mais déposa d'abord le livre et le coffret où il se trouvait avant de reparaître dans le champ de vision de la sorcière, l'air hébété.

« Vous… Cet endroit est chez vous ? Je ne suis pas sûr d'avoir compris tout ce qui s'est passé. Ni comment je suis arrivé là. »

Il n'avait pas le talent d'acteur d'un barde ; mais dans la situation présente, il n'avait pas gros effort à faire pour jouer les égarés. En fait, il avait dit la stricte vérité : il était loin d'être sûr d'avoir compris ce qui s'était produit depuis son entrée dans la grotte. Si cela pouvait inciter la sorcière à le croire plus bête qu'il ne l'était, cela pourrait s'avérer utile par la suite.

[Le Façonneur]

La sorcière, en guise de première réponse, lança un sort. Maël se sentit alors pénétré d’une douleur que jamais il n’aurait pu imaginer. Alors qu’il s’effondrait en hurlant, incapable d’agir ou même de réfléchir, la vieille s’approcha. Alors qu’au sol, il était prit de convulsion, elle se baissa et récupéra ses biens.

« Navré, mais j’ai autre chose à faire que d’expliquer quoi que ce soit à un imbécile. »

Une fois redressée, elle s’adressa à son serviteur qui venait de passer l’angle du couloir.

« Je vais partir à la recherche de notre fuyard à grandes oreilles. Occupe-toi de ça et des portes aussi. »
« Oui maîtresse. »

Le colosse vint vers le druide, l’attrapa d’une main et de l’autre, l’assomma net...

...Maël se réveilla en sursaut. Troublé, perdu, il mit quelques temps à réaliser qu’il se trouvait au milieu de la forêt. Une trouée dans les arbres lui dévoila un ciel pâlissant à l’approche de l’aube. A côté de lui, les vestiges d’un feu de camp. Son camp ? Il ne savait pas. Tout comme il ignorait si toute cette histoire de sorcière et de lapin s’était bien déroulée. De telles aberrations, n’était-ce pas un peu absurde avec le recul ?

[Maël Maëviàn]

Que… s'était-il passé ?

Maël mit un moment avant de réaliser qu'il ne se trouvait plus sous terre. Son premier réflexe, après avoir remarqué la présence réconfortante des arbres, fut de passer les mains sur son corps, pour s'assurer qu'il était toujours… humain, et non l'une des aberrations fabriquées par la sorcière.

L'atmosphère étrange et bleutée de la grotte… est-ce que cela n'avait été qu'une sorte de rêve ? En y réfléchissant, cela expliquerait sans doute certains de ses actes qui, en y repensant à présent, lui semblaient totalement saugrenus. Mais si ça n'avait été qu'un rêve, ç'avait au moins été un rêve très étrange. Très réaliste, peut-être même plus que la réalité elle-même.

Le druide tenta de se lever et de faire quelques pas pour recouvrer ses esprits.

[Le Façonneur]

Maël n’avait pas fait trois pas qu’il apercevait, émergeant d’un buisson, un lapin en fuite. Un lapin blanc, visiblement ordinaire. Un lapin comme il en existait des millions. Un lapin qui lui fit tout de même un drôle d’effet. Quelques secondes plus tard, il avait disparu, laissant le druide seul avec ses pensées. Tout autour, la forêt lentement s’éveillait...

HRP : dernier message me concernant.

[Maël Maëviàn]

HRP : merci.

Un songe… un de ces songes envoyés par les dieux, porteur d'un message particulier. Un avertissement, peut-être.
Quel pouvait en être le sens caché ? Certains signes étaient sans doute assez clairs. Ces créatures, ces aberrations, comme composées de plusieurs parties d'êtres différents… il était lui-même une telle aberration : druide et marin, la combinaison était au minimum peu commune. Et ce comportement si curieux qu'il avait adopté au cours de ce rêve, est-ce que cela ne reflêtait pas le fait qu'il se soit perdu lui-même ? Il avait besoin de se recueillir, de se retrouver.
Oui, il y avait sans doute de cela. Mailikki lui demandait de se rappeler de ce qu'il était, et d'agir pour la nature. En tant que druide, il avait du travail ; il était temps de l'accomplir.