[Lieu] La campagne luménienne

[Voyageuse]

Son inquiétude la toucha, et elle se sentit, paradoxalement, tout de suite mieux.
Elle secoua vivement la tête en réponse à sa suggestion, et répliqua d'un ton faussement sérieux.
"Ah ça, non !... Reynald d'Erhedun, il est hors de question que je te laisse accomplir cette mission à ma place, tiens-toi ça pour dit !"
Elle sourit et ajouta avec douceur.
" C'est moi que Sheldon a chargé d'accompagner Byron, donc c'est à moi d'y aller. Je vais l'amener à Luménis, et on va réussir, ne t'en fais pas, je remuerai ciel et terre pour cela ! "
Ce n'étaient pas des paroles en l'air : elle était convaincue d'y parvenir... surtout s'il venait les aider, au cas où on leur parle de délais excessifs.
" C'est vraiment gentil à toi de t'inquiéter pour moi, vraiment. Mais je t'assure que ça va aller. Peut-être que c'est le contre-coup de toutes ces mésaventures, comme tu dis. Ou alors... en fait, je crois que j'ai juste envie de passer un peu plus de temps près de toi, mais il y a toujours des obstacles qui se mettent en travers... et c'est un peu frustrant."
Ca devait être ça. C'était la seule explication qui lui venait... Ou peut-être la sensation absurde qu'il s'éloignait d'elle. Sensation peut-être complètement imaginaire, causée par ce qu'il lui avait dit avant de la laisser aux Etourneaux, sa certitude que leur passion ne durerait pas. A fond d'elle-même, depuis ces paroles, elle se sentait presque... en sursis. Non, c'était absurde. Il fallait qu'elle se tienne à ses bonnes résolutions*: vivre au jour le jour, ne pas se préoccuper de l'avenir. Ne pas chercher à interpréter chaque acte, chaque parole. Se contenter de l'aimer et profiter de chaque instant auprès de lui.

[Galathée]

" Nous ne sommes pas de jeunes gens oisifs de la bonne société qui peuvent se permettre de passer des veilles entières à se bécoter en regardant le ciel... Nous n'en avons ni le temps, ni l'inclination... C'est la vie qui nous appelle." dit le clerc avec un sourire.
Il jeta un oeil par une des fenêtres.
" Rentrons à l'intérieur. Je ne veux pas que cette bande de gosses prenne des décisions à mon insu. Et n'hésite pas à préparer un petit casse-croûte pour ton ami à quatre jambes : il doit avoir passablement faim, désormais."

[Voyageuse]

" J'espère qu'ils n'ont pas tout dévalisé ! Et qu'il en reste assez pour un appétit de centaure..."
Elle déposa un léger baiser sur ses lèvres avant de lui prendre la main, entrelaçant leurs doigts, pour retourner dans la salle principale. Elle sentit son estomac gronder : elle n'avait encore rien avalé, laissant les gosses se servir en priorité, et elle commençait à avoir faim. Bah, s'ils avaient tout mangé, il restait de toute façon des provisions dans leurs sacs. Mais tout de même, le petit déjeuner offert gracieusement par le sortilège était rudement plus appétissant. Et puis, ça serait bien de ramener quelque chose de succulent à Byron, pour se faire pardonner la nuit qu'il avait passé en solitaire.
Elle lâcha la main de Reynald avec un léger pincement au coeur et s'approcha de la table. Elle se souvenait que les centaures aimaient déjeuner d'une sorte de gruau aux pommes. Peut-être y avait-il quelque chose qui s'en rapprochait, de la compote par exemple... Et des petits pains, sans doute.

[Galathée]

Astrée trouva du gruau en suffisance, des fruits secs et du miel, des pommes qu'elle put couper en morceau pour les rajouter dans son bol, et à force de créativité et d'improvisation, elle finit par concocter quelque chose qui n'avait ni le goût, ni l'aspect d'un petit déjeuner centaure, mais qui n'était pas mauvais pour autant. Autour d'elle, plusieurs enfants offrirent leurs services de goûteurs et lorsqu'elle eut reçu leur bénédiction, elle put gagner la campagne.
Byron était manifestement levé depuis un certain temps et prêt au départ. Quand il la vit arriver près de l'étable, il l'accueillit cependant d'un sourire calme et la remercia avec effusion pour ses bons soins. Il avait déjà petit-déjeuner, rapidement, mais avait encore grand faim, si bien qu'il s'installa pour faire honneur à ce qu'elle avait apporté. Bien qu'il soit affable et souriant, Astrée devina à ses traits qu'il avait sans doute peu ou mal dormi, car il était cerné et un peu fébrile.

[Voyageuse]

Astrée avait quitté Reynald avec un pincement au coeur, sur un dernier baiser. Ca n'était que pour deux ou trois jours, sans doute, le temps qu'il les rejoigne...
Elle se sentit coupable, en voyant l'air fatigué de Byron, de n'avoir pas insisté pour qu'ils reviennent dormir dans l'étable plutôt que là-bas. Elle n'avait pas osé contredire l'impulsion de Reynald... alors qu'elle savait, pourtant, au fond d'elle-même, qu'il le fallait.
Elle s'efforça de prendre un ton léger, quitte à en rajouter un peu.
" Byron... Je suis désolée d'avoir mis tant de temps, mais j'ai eu l'aide de dix gosses qui se battaient tous pour m'aider à préparer ton petit-déjeuner... et du coup on n'a pas été très efficace. Je leur ai dit qu'il fallait une sorte de gruau aux pommes, c'est ce qu'on a tenté de faire, mais on n'a jamais réussi à recréer le goût de la cuisine centaure. Je ne sais pas quelles épices vous mettez. Alors je sais, ça ne ressemble pas vraiment à l'objectif fixé... mais les gosses ont dit que c'était très bon comme ça ! Et j'espère que ça ira, en quantité...

[Galathée]

Byron sourit en acceptant la pitance et mangea de bon appétit.
" J'imagine que si je suis en voyage, je me dois de goûter aux spécialités locales, dit-il, avant de lever les yeux sur elle. Je te proposerais bien de rester avec Reynald... Je sais que c'est ce que tu voudrais, et je m'en veux de devoir vous séparer, mais... Je ne m'en tirerai pas tout seul. Je sais que ça sonne un peu désespéré, mais je pense que c'est assez réaliste..."

[Voyageuse]

Astrée secoua la tête.
" Reynald n'en a pas pour très longtemps ici. Et il n'a pas besoin de moi..."
Elle sentit un relent de tristesse au fond de l'âme en prononçant ces dernières paroles. Oui, elle aurait voulu rester, et donner un coup de main elle aussi. Mais il n'avait pas besoin d'elle... Bah, si les circonstances avaient été autres, il aurait accepté son aide. Elle se serait chargée de les ravitailler en viande, aurait emmené l'un des gosses avec elle pour apprendre. Elle aurait pu se rendre utile. Mais les circonstances faisaient qu'elle avait une mission plus urgente et plus prioritaire à accomplir, c'est tout.
" Et puis, il nous rejoindra vite. Il va ramener de l'aide de Bortheïas, demain, et ensuite il se remettra en route avec Tybert, si tout se passe comme il l'a prévu. Mais il vaut mieux qu'on prenne de l'avance de notre côté. Je ne sais pas combien de temps peuvent prendre nos démarches là-bas. Il vaut mieux ne pas perdre une journée de plus. Et il est bien sûr hors de question que je te laisse y aller seul ! Même si je suis sûre que tu te débrouillerais bien mieux que tu ne crois...

[Galathée]

Le centaure acquiesça.
" J'ai besoin d'un garde du corps, cependant. Et d'un guide." murmura-t-il.
Il avait terminé son bol et le tendit à la rôdeuse.
" Je vais te laisser aller lui dire au revoir. Je t'attendrai sur la piste... Je n'ai pas envie de me frotter à tous ces enfants. Même si je suis certain qu'ils sont charmants."

[Voyageuse]

La mention du garde du corps arracha un sourire amusé à Astrée. Le centaure était objectivement bien plus fort qu'elle, même si elle le sentait foncièrement incapable de violence. Mais ce n'était pas forcément à des violences physiques qu'il aurait à faire face...
" Je suis sûre que les enfants auraient été ravis de voir un centaure ! Mais je comprends que tu n'aies pas envie d'assouvir la curiosité de dix gamins qui n'ont jamais quitté les murs de leur ferme ou presque..."
Elle se leva, se dirigea vers son sac dans lequel elle fourra, pêle-mêle, la couverture qu'avait ramenée Reynald et les quelques affaires qu'elle avait sorties la veille au soir. Elle en profita pour changer rapidement de tunique, celle de la nuit étant passablement frippée. Elle prit le temps de partager les provisions, également, en laissant une partie à Reynald pour le trajet qu'il aurait à faire avec Tybert. Ils avaient de quoi manger en quantité, et elle préférait ne pas charger inutilement leurs bagages. Enfin, surtout les siens, puisque Byron pouvait porter bien davantage.
" Je vais lui ramener le bol... et son sac. Attends-moi sur le chemin, je fais vite !
Elle chargea son propre sac sur son dos, prit dans ses bras tout ce qu'elle devait laisser au clerc, et se dirigea vers la ferme.

[Galathée]

Dans la salle principale de celle-ci, le repas touchait à sa fin. Reynald était en train de discuter avec les deux aînés de la fratrie mais il se leva et rejoignit Astrée quand elle survint.
" Prête pour le départ ? demanda-t-il avec un sourire. Je vais moi-même filer incessamment. Tybert sera surpris de me voir si tôt, mais rassembler une petite équipe me prendra probablement la journée. Je vous souhaite bon voyage à tous deux. Je te contacterai ce soir pour prendre de vos nouvelles. Soyez prudents, quoi qu'il en soit. Mais je doute que vous risquiez quoi que ce soit aussi près de Luménis. La zone est bien patrouillée, désormais, et Byron n'appartient pas à une espèce maléfique."

[Voyageuse]

" Je pense qu'on ne risque rien, en effet, même si on peut toujours jouer de malchance. On campera quelque part dans la cambrousse ce soir, si je trouve un coin adéquat. Sauf si vraiment une grange accueillante se trouve sur notre route pile à ce moment. Je verrai comment les choses se présentent. D'ailleurs, si tu as une ou deux piécettes à me prêter, au cas où on ait à négocier une nuit à l'abri, ça pourrait être utile, on ne sait jamais..." ajouta-t-elle avec une grimace.
Elle lui rendrait, bien sûr. C'était juste pour ne pas se trouver complètement prise au dépourvu. Mais elle préférait la solution du bivouac. A condition de s'éloigner un peu de la route trop fréquentée, et de trouver un petit bois où se dissimuler pour ne pas tenter d'éventuels voleurs.
" Tybert sera heureux de te voir déjà de retour. Et si tu as le temps, passe apporter quelques fleurs, jaunes de préférence, à Prince... Mais à la réflexion, peut-être qu'il vaut mieux ne pas trop demander de ses nouvelles à Goran. Je l'ai senti d'humeur rebelle en partant hier..."

[Galathée]

" J'irai jeter un coup d'oeil. Mais entre nous, si ton cheval a fait des siennes, je pense que je le saurai d'emblée, sans avoir besoin de poser la moindre question ! Goran me guettera... Il sait que je dois revenir aujourd'hui."
Il haussa les épaules.
" Je te tiendrai au courant des développements. C'est vrai qu'il serait dommage que je me retrouve coincé à Bortheias parce qu'il a déjà pris la clé des champs. Mais j'ai bon espoir que son fond épicurien l'ait gardé dans le petit paradis équin que lui a concocté Goran. Quand une douzaine de poulains miels seront nés au printemps prochain, tu pourras revenir à jamais dans la Trouée, sans inquiétude. Même si ta bestiole devait à nouveau coller au canon annuel, il aurait suffisamment de concurrence pour que tu sois tranquille."

[Voyageuse]

Astrée rit joyeusement.
" Oh, je suis certaine qu'il est toujours par là-bas, il aime cet endroit et il sait qu'il ne peut pas me rejoindre. Mais je l'imagine bien fuguer tous les jours pour aller courtiser les plus belles juments des alentours, c'est tout à fait son style. Et peut-être qu'il pousse la taquinerie jusqu'à ne pas se laisser approcher par les hommes de Goran. Rien de plus grave à mon avis. Mais vérifie quand même qu'il n'y ait pas une abeille jouant les passagers clandestins lorsque tu reviendras. Personnellement, j'adorerais, mais je crois que Goran m'écharperait au retour..."
Elle l'enlaça avec tendresse. Que c'était dur de le quitter déjà...
" Bon courage pour toutes les démarches, pour aider cette petite tribu à surmonter tout ça. Les jours à venir vont être difficiles pour eux, mais je sais que tu trouveras quelqu'un de compétent. Et rejoins-nous vite, surtout...

[Galathée]

Il l'embrassa doucement.
" Suivez votre route. Je serai bientôt là. Mais dans le fond du fond, tu verras que vous n'avez pas besoin de moi."
Il s'écarta d'elle et jeta un oeil aux enfants.
" Je ferai attention aux abeilles, en tout cas. Bonne route à vous deux, Astrée. Sois prudente."

[Voyageuse]

Astrée sourit avec malice.
" Mais je suis toujours prudente, voyons ! Enfin... presque toujours..."
On ne pouvait pas dire que son expédition à Montequine ait été un exemple de comportement prudent et réfléchi.
" Bonne route à toi aussi, mon amour", ajouta-t-elle avant de le serrer impulsivement une dernière fois dans ses bras pour un baiser passionné.
Elle avait besoin de lui. Bon, peut-être pas pour les démarches, si tout se déroulait bien. Il les aiderait surtout en cas d'obstacle ou s'il fallait convaincre des personnes récalcitrantes. Mais elle avait besoin de lui... pour elle-même.
Elle s'engagea sur le chemin, se retourna une dernière fois pour lui faire signe de la main, puis s'en fut. A partir de maintenant, elle devait se concentrer sur la mission de Byron, exclusivement... même si une part d'elle-même était déjà dans l'attente de le revoir.

[Galathée]

Byron l'attendait plus loin sur la route, hors de vue de la ferme. Quand elle l'eut rejoint, il ne fit pas le moindre commentaire, se contentant de sourire et de partir d'un bon pas en direction de la voie principale. Ils l'atteignirent peu après et constatèrent qu'ils auraient à nouveau de la compagnie. Un groupe de cavaliers fusa au petit galop devant eux avant qu'ils ne puissent s'intégrer au flux de voyageurs. Quelques chariots cheminaient devant, deux bergers convoyaient un troupeau de moutons derrière eux, et ils croisèrent d'autres voyageurs qui remontaient vers le Pont, dans l'autre sens. Les regards étaient généralement curieux, ils s'attiraient souvent des sourires ou des salutations, et Byron se détendit petit à petit, tandis qu'ils marchaient. Astrée elle-même trouva rapidement un bon rythme, habituée qu'elle était à cheminer à pied. Autour d'eux, la campagne s'épanouissait sous le soleil, de plus en plus cultivée, de plus en plus peuplée. Le centaure n'avait jamais vu autant de monde de toute sa vie et son regard semblait boire l'environnement, entre émerveillement et crainte.

[Voyageuse]

Astrée devinait un certain trac chez son compagnon quadrupède. Elle cheminait juste à côté de lui, passant parfois devant lui lorsqu'il fallait croiser un convoi assez large, et s'efforçait, pour lui donner confiance, de répondre sereinement aux sourires et aux salutations. Si elle avait eu son étalon, elle aurait proposé de cheminer à travers champs pour croiser moins de monde. Mais à pied, la route était tout de même plus praticable.
N'empêche qu'elle n'aimait pas être la cible d'autant de regards. Voyager en compagnie d'un centaure était tout sauf discret. Elle réussissait cependant à prendre sur elle et à dissimuler son envie de se faire toute petite. Elle savait que c'était important pour la sérénité de Byron : s'il la sentait mal à l'aise il le deviendrait également. Donc il fallait qu'elle se montre à l'aise, voire enjouée, autant que l'était toujours Reynald... Enfin, non, c'était un mauvais exemple : un tel don de communication avec tout le monde était hors de sa portée. Mais répondre sereinement à ses sourires et des salutations, c'était parfaitement accessible. Et elle était soulagée de voir que son compagnon se détendait petit à petit lui aussi.

[Galathée]

Ils cheminèrent ainsi jusqu'à la mi-journée, où ils profitèrent du bord d'un ruisseau pour pique-niquer. D'autres voyageurs avaient choisi le même endroit et c'est dans ce cadre charmant qu'eurent lieu les premières interactions réelles. Un jeune homme d'Haradhar, venu chercher du travail à Luménis, interrogea Byron sur ses origines, et celui-ci le renseigna affablement, sans entrer cependant dans les détails. Des marchands de fruits qui apportaient les premières fraises du sud à Luménis posèrent alors leurs propres questions, et la discussion s'engagea sur les hardes de la Vallée, les vieux contes et la langue sylvestre. Tout cela parut très naturel, Byron était volubile, une fois mis en confiance, et ils se quittèrent bons amis, même s'ils ne choisirent pas de voyager de concert. Et quand la nuit tomba doucement sur la campagne, Astrée et Byron étaient plus ou moins seuls sur la piste.

[Voyageuse]

Astrée avait beaucoup laissé parler Byron, puisque c'était à lui que s'adressaient les questions. La curiosité des voyageurs était compréhensible : la présence d'un centaure dans la région n'était pas chose courante. Elle se contentait, pour sa part, de faciliter le premier contact lorsqu'ils paraissaient hésiter à s'adresser à Byron, et d'écouter les échanges.
Elle profita du temps de discussion de la pause déjeuner pour se tailler un bâton dans une tige de noisetier. Elle n'en avait pas réellement besoin pour marcher, mais préférait avoir une arme quelconque si jamais il était nécessaire de se défendre, pour quelque raison que ce soit, notamment pendant la nuit.

La route se vida peu à peu de ses occupants au fur et à mesure que le soir s'avançait. Il était temps de décider d'un lieu ou passer la nuit.
- Je ne sais pas ce que tu préfères, pour la nuit, mais je te proposerais bien de bivouaquer en pleine nature. On devrait pouvoir trouver un petit bois où s'installer, peut-être se fabriquer un abri si le temps devient incertain... A moins que tu ne préfères qu'on aille demander l'hospitalité d'une grange, dans une ferme ? C'est comme tu préfères...
Elle jeta un coup d'oeil au ciel, tentant d'évaluer les risques de pluie nocturne. Si le temps semblait propice, une nuit à la belle étoile serait le plus simple.

[Galathée]

Le ciel paraissait dégagé, mais un petit crachin nocturne n'était pas à exclure, en cette saison capricieuse. Byron n'hésita pourtant pas longtemps.
" J'aime autant rester à l'extérieur. Les odeurs humaines, même bien intentionnées, ne me sont pas encore très familières et me rendent nerveux. Je sais que je devrai m'y faire, mais tant que nous n'y sommes pas obligés, ma foi..."
Il sourit.
" Cela dit, je suis loin d'être un expert en bivouac... C'est le défaut de vivre dans un grand tout : nos talents sont complémentaires... et je suis mal équipé quand je suis seul."

[Voyageuse]

Astrée sourit.
" Ne t'en fais pas, j'ai l'habitude de bivouaquer la plupart du temps quand je voyage. Surtout quand le temps s'y prête..."
Elle observa à nouveau la course des nuages.
" Le plus simple, c'est de trouver un bois bien touffu, idéalement avec un ruisseau. Le temps a l'air suffisamment stable, on n'aura pas de grosse pluie je pense. Et si on ne trouve rien avec des feuillages assez dense, j'essaierai de nous fabriquer un abri de fortune avec des branchages... Et on va se faire une bonne petite flambée pour se réchauffer.

[Galathée]

" Je te suis." dit Byron avec un sourire tranquille.
Il faisait de plus en plus sombre, et Astrée y voyait de moins en moins clair, mais elle finit par dénicher un petit bois prometteur, à l'écart de la route, entre deux champs manifestement cultivés. Ils suivirent donc la limite entre les deux espaces semés, veillant à ne pas piétiner les plantations, et gagnèrent l'abri des arbres. Il y avait en tout et pour tout une vingtaine de troncs, mais ce serait suffisant pour leur petit bivouac, et un ruisseau passait un peu plus loin, en contrebas d'une légère déclivité.
" C'est incroyable... Il ne reste pratiquement aucun espace sauvage." dit le centaure en pénétrant sous la frondaison des arbres.
Il paraissait plus étonné que chagriné.

[Voyageuse]

Astrée hocha la tête.
" Plus on s'approche de Luménis, et plus le moindre mètre carré de terrain est utilisé, rentabilisé, exploité... C'est compréhensible vu la population qui s'entasse dans la ville. Tu trouvais la route peuplée, mais là-bas ça l'est bien davantage. Ils vivent tous entassés dans des habitations serrées les unes contre les autres, souvent sur plusieurs étages. Et pour nourrir tous ces gens, et bien on cultive un peu de tout sur des centaines et des centaines d'hectares à la ronde, et on élève des troupeaux pour la viande. Et il n'y a effectivement plus guère de nature sauvage dans les parages."
Elle sourit.
" Cela dit, ils ont laissé quelques petits bosquets de-ci de-là, ne serait-ce que pour faire du bois de chauffe. Et il y a aussi un immense parc à l'intérieur de la ville pour que les citadins puissent respirer le bon air de la nature, soi-disant. Même s'il s'agit d'une nature enfermée, domestiquées, ça fait tout de même un bien fou quand on n'est pas citadin."
Elle choisi l'arbre dont le feuillage lui paraissait le plus touffu, suffisamment pour les abriter de la pluie, et commença à rassembler un peu de bois pour le feu.
" Toi qui a la chance d'y voir clair, ce serait bien si tu pouvais nous amener un peu de bois. S'il y a de longues branches, amène-les aussi, je pourrai les utiliser comme support pour nous concocter un semblant d'abri, si jamais on sent que le temps devient trop menaçant.
Il valait mieux prévoir deux abris, chacun d'un côté du tronc, pour limiter les risques d'accident. Mais le bosquet était si petit qu'elle doutait de pouvoir rassembler suffisamment de matériau pour cela.

[Galathée]

" Je m'en charge." dit le centaure avec un sourire.
Il disparut aussitôt entre les troncs et ne tarda pas à rapporter des branchages.
" Il n'y a pas grand chose, dit-il. Les hommes ont dû ramasser la plupart de ce qui traînait. Cela dit, je peux couper des perches assez aisément, et il y a deux petits bouleaux un peu plus loin, qu'on abattrait aisément. Si on laisse tout sur place ensuite, les fermiers du coin pourront encore utiliser ce que nous n'aurons pas brûlé."

[Voyageuse]

Astrée hocha la tête.
- C'est comme tu veux... Pour un feu, on peut se débrouiller avec ce que tu ramasses. Mais c'est sûr que si on veut un abri ça ne suffira pas...
Elle jeta un coup d'oeil au ciel, hésitante. Elle n'aimait pas trop l'idée de couper un arbre pour se bricoler un abri juste pour une nuit. Seule, elle ne l'aurait pas fait, d'autant qu'il ne pleuvrait peut-être pas. Mais en même temps, elle voulait assurer un peu de confort pour Byron. Et puis, ça repousserait... Et effectivement, ça servirait à ceux qui viendraient glaner un peu de bois de chauffage.
- Écoute, vois ce que tu peux trouver. Si possible, prends des longues tiges surtout parmi les branches, mais en laissant une bonne base de tronc pour que l'arbre puisse repartir. Si tu dis qu'il y a deux jeunes bouleaux, j'imagine qu'il s'agit de repousses fraîches mais qu'il y en a d'autres autour, donc on doit pouvoir les prendre aussi sans trop nuire au bosquet...
Tout en parlant, elle triait le bois qu'il avait amené, sélectionnant les branches les plus fines et les plus sèches pour les arranger soigneusement. Elle délimita l'emplacement du feu avec quelques pierres et se mit en devoir de l'allumer.

[Galathée]

La laissant à son feu, il repartit dans la nuit puis revint à nouveau avec un petit chargement.
" Je ne crois pas qu'il y ait de quoi faire un abri, dit-il finalement. A mon avis, en tendant une toile entre les arbres, une couverture ou un manteau, ce sera acceptable. Puis en cette saison, le couvert est déjà dense. Il nous faudra faire confiance aux esprits de la pluie pour nous garder du pire."
Il se coucha près du feu qu'elle avait allumé.
" Tellement peu d'arbres, je n'oserais pas les couper. Que cette responsabilité revienne à ceux qui en sont les gardiens. Je suis certain que même s'ils cultivent tout autour, ils mesurent bien mieux que moi la valeur de ces quelques troncs..."

[Voyageuse]

" Oh, ils coupent juste ce dont ils ont besoin, en veillant simplement à en laisser suffisamment pour que ça repousse derrière. Il suffit de ne pas faire des coupes trop fréquentes, et ils le savent. Sinon, il y a longtemps que ce bosquet serait rasé. Mais ils ont besoin de garder des espaces de bois qui se renouvellent pour avoir du bois de chauffe."
Elle soupira.
" Il est possible aussi que ce bois appartiennent à quelqu'un et qu'il voie d'un mauvais œil qu'on coupe "ses" arbres... Les humains ont tendance à faire ça, s'approprier des morceaux de terrain et ce qui y pousse..."
Elle prit les plus longues tiges.
" Je vais essayer de bricoler une sorte d'armature de chaque côté de l'arbre. On n'aura de toute façon pas assez de feuillage pour se bricoler un abri complet. Mais il fait bien moins froid ici qu'en montagne, donc on peut facilement se passer d'une épaisseur de couverture et la tendre, effectivement."

[Galathée]

" Les centaures exploitent la forêt comme les humains, tu sais. Simplement, nous sommes nomades, nous n'avons donc pas besoin de beaucoup de bois... Mais nos corps pesants nécessitent une nourriture abondante... Nous sommes des prédateurs redoutables et seule la mémoire du shaman nous permet de ne pas commettre d'erreurs dans notre relation à la nature. Mais c'est surtout lui qui veille."
Il grimaça, incertain.
" Je ne sais pas s'il existe des hardes sédentaires. Peut-être, plus au nord. Mais quand on est né pour galoper, il est difficile d'imaginer l'attrait d'une résidence fixe. Même si nous y perdons sûrement en efficacité. Cultiver la terre, c'est quand même quelque chose de fascinant, pour qui vit de ce qu'il déniche au gré de ses errances."

[Voyageuse]

" Fascinant, peut-être... Mais tu sais, la sédentarité a ses avantages et ses inconvénients."
Elle commença à couper ses tiges à la bonne longueur.
" Cultiver la terre, élever le bétail, ça permet davantage de stabilité, de sécurité dans l'approvisionnement. Et ça prend moins de temps que cueillir et chasser... Enfin, ce que je veux dire, c'est que pour une quantité de nourriture équivalente, il faut moins de gens pour cultiver et élever que pour cueillir et chasser. Et puis on ne perd pas de temps à se déplacer. Donc ça libère du temps et des personnes pour faite autre chose... travailler le métal, faire des outils plus sophistiqués, des armes, de l'art aussi..."
Elle se leva pour commencer fixer les perches de son mieux, les plus longues à droite de l'arbre, pour abriter Byron, les plus courtes à gauche, pour son propre abri. Avec un tronc entre eux, il n'y aurait pas de risque d'accident.
" Mais il y a des conséquences plus discutables. Par exemple, l'idée que chaque parcelle de terre appartient à quelqu'un. L'idée de rentabiliser l'espace, aussi, et l'accumulation de richesses par certains. Le développement des villes, aussi : puisqu'on n'a pas besoin de tant de monde pour cultiver, les autres vont vivre en ville et faire d'autres métiers. Ce sont des conséquences qui sont vues comme positives par la majorité des humains, qui ont la sensation de créer de la richesse et de rendre ainsi leur race prospère. Mais tu vois... les humains n'ont pas de shaman pour réguler leur relation à la nature. Et il y a souvent des excès dans la façon dont ils l'exploitent..."
En ayant le sentiment que la nature leur appartenait, qu'elle n'était qu'un moyen de devenir plus prospère, en voulant tout dominer, ils avaient tendance à trop détruire.

[Galathée]

" C'est dommage que les humains n'aient pas de shaman. Mais j'imagine que, parmi leurs dieux, certains doivent se soucier de la nature. Sylvanus, par exemple. Ou Mielikki. Ce sont des dieux humains. Et... il leur est impossible de se défier complètement d'elle. Elle est l'eau de leurs rivières, le soleil dans leur ciel, la terre où ils plantent leurs graines. Je sais que les humains de Montequine sont à moitié fous... mais je ne peux pas croire que toute l'humanité, sur Hélonna, soit à ce point dévoyée. Les gens de Bortheias m'ont fait bonne impression, par exemple. Mais tu as raison, aussi... Les humains se multiplient et s'installent partout. Cohabiter avec eux n'est pas aisé."
Il se leva pour l'aider à fixer les perches les plus hautes et installer la toile qui les protégerait.
" En même temps, je crois que toute race a en elle d'être la meilleure de Toril ou la pire. Je suis certain qu'il y a des centaures mauvais, des hardes entières qui vénèrent l'ombre, qui foulent le vivant du tranchant de leurs sabots et le piétine dans la poussière. Je ne suis pas naïf."