[RP] Guerre des Plaines Brûlantes - armée mélandienne

[Elzen]

« Ma couleur préférée ? Le jaune de tes yeux. »

Elzen semblait bien avoir retrouvé son entrain. Néanmoins, après un autre regard taquin à Chance, son regard se perdit dans le vague, comme à chaque fois qu'il pensait aux membres de son clan.

« Ma famille… oui, en quelque sorte. La plupart doivent avoir un lien de parenté plus ou moins lointain avec moi : vu le nombre et les conditions de vie de nos ancêtres, ce n'est pas comme s'il y avait eu énormément de possibilités… Certains sont plus proches de moi que d'autres, bien sûr. À commencer par ma mère, Eilydra. C'est une sorte de… chef spirituel, ou quelque chose comme ça, pour la plupart d'entre nous. Bien qu'elle a perdu la plupart de ses pouvoirs lorsque nous avons commencé notre périple. Je suppose qu'il faut aussi que je te parle de Richard. L'autre tête du clan, et une fichue tête de mule. Ma mère et lui passaient leur temps à se disputer, mais, au fond, je pense qu'ils s'aiment bien. C'est surtout qu'ils avaient des avis assez divergents sur ce que nous devions faire, alors, forcément… Et puis, il a des cornes très impressionnantes. Il y a Lyna, aussi. Ma meilleure amie, presque ma petite sœur. Je suis sûr que tu t'entendrais bien avec elle. Et puis Dallae. C'était la compagne de… »

La voix du tieffelin s'interrompit brusquement. Alors qu'il semblait enthousiaste et joyeux jusque là, la dernière phrase semblait sur le point de lui attirer un sanglot. Il se reprit, cependant.

« Dallae a des enfants. Alors je suppose que tu ne l'approcheras peut-être pas beaucoup. »

[Echo]

Le compliment pigmenta à nouveau de rouge le visage de Chance qui avait réussi à retrouver une couleur à peu près normale quelques secondes plus tôt. Elle se promit de se venger, un jour.

Puis elle avait regretté d'avoir abordé ce sujet quand elle vit qu'Elzen était anormalement bouleversé en parlant de certains membres de son clan mais elle n'eut pas besoin de faire une autre diversion, il s'en chargea lui-même. Elle se mit à rire de bon coeur à sa dernière remarque.

- Ce sont juste les enfants humains qui me perturbent à ce point ? Peut-être qu'il leur faut simplement des cornes sur le front pour cesser d'être effrayant...

[Elzen]

« J'espère bien. La dernière fois que je les ai vu, c'étaient deux adorables petits monstres. »

Elzen avait retrouvé son attitude ordinaire, comme si l'incident ne s'était pas produit. Il avait également reprit le travail sur sa flûte. Il semblait que celle-ci serait bientôt prête.

« Je ne suis pas sûr que je puisse vraiment tous te les décrire. Il faudra que tu les rencontres pour te faire une vraie idée d'eux. »

Une fois encore, son regard se perdit au loin ; mais cette fois, c'était qu'il observait le paysage les environnant.

« Je suis sûr que nous trouverons l'endroit adéquat pour nous installer… J'ai hâte de nous voir tous réunis. »

[Echo]

Alors qu'il regardait au loin, Chance en profita pour l'observer à nouveau en silence. Quel que soit le souvenir douloureux qui avait refait surface, son trouble était apparu aussi vite qu'il avait disparu, comme s'il avait remis un masque, et la tieffeline se demanda si Elzen était le genre de personne à dissimuler la moindre de ses failles sous un masque en permanence. Cela n'aurait rien eu d'étonnant de la part de quelqu'un certainement habitué à jouer la comédie. Puis elle se demanda s'il accepterait de se livrer plus avant si elle le lui demandait, même si, en réalité, elle savait très bien qu'elle éviterait sciemment le sujet à l'avenir : rien ne justifiait qu'elle ressasse des choses qui lui étaient désagréables, et surtout pas la curiosité.

- Je pense que je serai capable de te suivre sans trop te retarder d'ici demain, après quelques repas chauds et une bonne nuit de sommeil.

Elle se sentait déjà bien mieux par rapport à la veille.

- Je n'aime pas abuser de l'hospitalité de ces gens mais je crois que je n'ai pas trop le choix...

Après beaucoup de repas chauds, de préférence. Et comme en réponse à cette pensée, son ventre émit un gargouillis presque sinistre.

[Elzen]

Le tieffelin rangea calmement sa flûte naissante et son couteau avant de sauter sur ses pieds.

« Eh bien, dans ce cas, je pense que nous pouvons rentrer voir quel repas nous attend. »

Il tendit la main à la tieffeline, souriant.

« Si mademoiselle veut que son humble serviteur l'aide à se relever… »

Elle avait parlé de “rattraper le temps perdu”, et il n'avait pas manqué cela. La convalescence de la demoiselle toucherait bientôt à sa fin ; suite à quoi ils partiraient et se retrouveraient alors tous deux en tête-à-tête. La perspective était plus qu'intéressante, aux yeux du barde.

[Echo]

Chance attrapa la main que le tieffelin lui tendit, souriant elle aussi. Elle ne savait pas s'il la traitait de cette façon parce qu'elle n'était pas encore en très grande forme mais elle n'aurait aucun mal à s'habituer à tant de prévenance. Elle s'appuya un peu sur lui au début, sur le chemin du retour, et sembla même traîner des pieds plus que nécessaire, visiblement peu pressée de mettre fin à leur escapade.

Toutefois ils ne tardèrent pas à rejoindre la maisonnée ainsi que ses occupants...

[Althéa]

Ils étaient en pleine lessive. Joachim frottait le linge, Clothaire le tordait dans l'eau et les autres le rinçaient, puis l'étendaient dehors. La maman quant à elle était toujours aux prises avec son poulet. Une petite organisation mais qui semblait avoir fait ses preuves. A leur entrée, ils relevèrent à peine la tête. Ils étaient bien occupés.

[Elzen]

Elzen salua poliment la compagnie, mais conserva toute son attention pour la demoiselle qu'il accompagnait. Il allait d'abord la racompagner jusqu'à sa chambre ; ensuite il redescendrait pour tâcher de se rendre utile. Toujours prévenant, il tendit son bras à Chance pour la soutenir lors de la montée de l'escalier, croyant ou faisant semblant de croire que la vitesse de marche de la tieffeline sur la fin de leur chemin était due essentiellement à son état de santé encore trop peu assuré…

[Echo]

Chance aurait voulu dire ou faire quelque chose mais elle sentait que sa présence n'était ni requise, ni souhaitée, alors elle se laissa docilement conduire au premier étage sans un mot. De retour dans sa chambre, elle se laissa tomber sur le lit. Elle ne savait pas trop quoi penser de cette famille ; si la maîtresse de maison s'était montré méfiante au départ, à présent elle semblait se moquer que la tieffeline déambule librement dans les couloirs de sa maison. Oh, elle ne s'en plaignait pas, il n'y avait rien de plus désagréable que d'être constamment suspecté de préparer un mauvais coup, surtout quand ce n'était pas le cas.

Elle n'avait pas encore eu l'occasion de parler aux enfants les plus âgés, elle espérait pouvoir le faire avant de partir, et peut-être en apprendre davantage sur la façon dont ils avaient mis la main sur elle. Un nœud se forma dans sa gorge à cette pensée, comme si en apprendre davantage l'angoissait, inconsciemment.

[Elzen]

Elzen accompagna Chance jusqu'à son lit, l'aidant comme il le put à s'installer. C'était le moins qu'il pouvait faire pour cette étrange demoiselle qui avait le don de provoquer chez lui des émotions déstabilisantes. Après s'être assuré qu'elle était correctement installée, il se dirigea vers la porte, pour aller apporter son aide à la préparation du repas – plus tôt celui-ci serait prêt, et plus tôt la belle aurait ce dont elle avait besoin. Il s'attarda cependant avant de franchir la porte et lui lança un regard… ils n'avaient pas échangé un mot depuis leur entrée dans la maison…

[Echo]

Son regard croisa celui du tieffelin, interrogateur. Puis elle sembla comprendre ce qu'il attendait.

- Oh, oui, c'est vrai. Une minute, dit-elle en extirpant un morceau de parchemin de son sac avant de le lui tendre. Le voilà.

Le fameux parchemin indéchiffrable semblait avoir été un peu malmené, comme si sa propriétaire avait été partagée entre l'envie d'en faire des confettis et l'envie de le garder précieusement. C'était finalement cette deuxième envie qui l'avait emporté. Chance laissa à Elzen tout le loisir de le parcourir et se contenta de l'observer, les sourcils légèrement froncés. A son expression, il comprenait effectivement ce qui était écrit, d'autant plus qu'il s'agissait de sa propre écriture -mais cela, la tieffeline l'ignorait.

- Alors ? finit-elle par demander au bout d'un moment, impatiente. C'est important ou c'est juste la notice de mon arbalète ?

[Elzen]

« Oh. »

L'histoire de ce bout de papier lui était en fait complètement sorti de tête ; mais puisqu'elle le lui tendait, le tieffelin y jeta machinalement les yeux, et… hum… oh.

C'était sa lettre. Elle lui était bien parvenue, finalement. Et la tieffeline l'avait conservée. Ce qui devait vouloir signifier que… qu'elle… hum. Ne pas rougir. Faire comme si tout état normal. Comme si ce n'était qu'un papier de rien du tout. Il aurait tout le temps de lui en reparler… ensuite. Lorsqu'elle serait en mesure de… hum. Lorsqu'elle se souviendrait. Lui expliquer ainsi quel était le contenu de… non, ce n'était pas franchement…

« Ah, tu as une arbalète, maintenant ? »

Il sourit, de son air habituel. Peut-être ses émotions avaient-elles été lisibles sur ses traits un court instant, mais son masque imperturbable était revenu très rapidement. Montrer ce qu'il ressentait, être expressif… il n'en avait pas l'habitude. Et parvenait donc plutôt bien à le dissimuler lorsque telle était son intention.

« En tout cas, c'est… inquiétant. Car ceci est écrit dans la langue que nous sommes présentement en train de parler. Si tu n'as pas réussi à le lire… si ton amnésie résulte d'un mauvais coup à la tête, il y a peut-être eu plus de séquelles que je ne l'aurais cru… »

Il n'avait pas répondu, non. Mais il ne feignait pas d'être préoccupé : ignorant que Chance n'avait jamais su lire – ce que, de toute évidence, démentait le fait d'avoir conservé cette lettre, d'ailleurs ; car il ignorait également l'existence d'Augustin –, il avait tout lieu de penser qu'elle avait perdu cette aptitude, ce qui lui semblait fatalement être la conséquence de quelque chose de bien plus grave.

[Echo]

Elle jeta un oeil distrait sur l'arbalète reposant au fond de son sac, avant de replacer celui-ci près du lit.

- Il semblerait.

Elzen ne semblait pas pressé de lui révéler ce que contenait ce parchemin, ce qui attisa sa curiosité - et l'inquiéta aussi. Mais elle s'arma de patience.

- Tu penses qu'en plus d'être devenue amnésique je suis devenue débile ?

Mais une toute autre théorie lui traversa l'esprit. Bien pire.

- A moins que... Elle semblait tout à coup préoccupée, très préoccupée. Elle n'avait pas envie de formuler sa peur à haute voix. A moins que je ne sache tout simplement pas lire.

Ça y est, elle avait osé le dire. Elle se laissa mollement retomber sur son lit.

- C'est possible d'après toi ? Mais... quel genre de personne ne sait pas lire ? A part quelqu'un qui a été élevé par des trolls je veux dire. Oh non, j'ai été élevée par des trolls tu crois ?

Son expression horrifiée n'était pas feinte, mais elle était surtout comique. C'était à croire que, sur la liste des choses terribles qu'elle apprenait sur son compte, ne pas savoir lire était plus grave encore que ses problèmes de drogue.

[Elzen]

« Débile, non, mais… de mauvais chocs peuvent faire perdre certaines aptitudes. Lire en fait partie, je crois… mais ne nous inquiétons pas pour rien. »

Il sourit.

« Tu n'as pas été élevée par des trolls. De ce que je sais, c'était par des humains. Ceci dit, apprendre à lire n'est pas si courant que ça, surtout parmi les gens qui n'ont pas l'habitude de rouler sur l'or ou qui n'ont pas eu beaucoup d'occasions de fréquenter des professeurs. Une bonne partie de mon clan ne sait pas lire, par exemple. Il est possible que ça ait été ton cas, oui… mais si c'est ça, je ne vois pas trop pourquoi tu aurais gardé ça avec toi… »

Il voyait assez mal la Chance de Melandis engager quelqu'un pour lui faire la lecture, surtout sans savoir a priori ce que contenait la lettre…

« Mais, si tu veux, je pourrais essayer de t'apprendre. »

[Echo]

Le choc à la tête semblait être un coupable tout désigné, mais Chance savait bien qu'il n'en était rien. C'était une façon d'expliquer sa perte de mémoire mais elle n'avait aucune bosse sur la tête et elle imaginait mal qu'un choc assez puissant pour effacer les souvenirs de toute une vie ne laisse aucune trace physique.

- J'imagine que c'est le genre de chose dont je n'ai jamais parlé à personne. Je risque de m'en vouloir d'avoir craché le morceau lorsque j'aurais recouvré la mémoire...

Mais elle reporta son attention sur le parchemin qu'Elzen tenait toujours dans les mains. Elle ne savait toujours pas ce que c'était, ni même pourquoi elle le gardait sur elle.

- Et donc, qu'est-ce que c'est au juste ? Une recette de famille ? Une lettre enflammée de l'un de mes nombreux admirateurs ?

[Elzen]

« Bah, il n'y a rien de honteux à ça. Et puis, si ça te gênait tant que ça de ne pas savoir, le mieux serait de le dire, histoire de pouvoir apprendre. »

Le tieffelin sourit à la dernière proposition.

« Une lettre enflammée d'un de tes admirateurs ? Oui, on a qu'à dire que c'est ça… »

Il vint ensuite reposer la lettre près de la demoiselle.

« Je sais : tu la liras toi-même, quand je t'aurai appris. Ça te motivera à t'appliquer ! »

Et, rieur, il s'enfuit prestement vers la porte.

[Echo]

- Ce n'est pas drôle ! eût-elle le temps de lui dire avant qu'il ne s'échappe.

Elle regretta que son arbalète ne soit pas chargée, elle aurait alors pu clouer ce fuyard de tieffelin sur la porte et le forcer à répondre à ses questions. Voilà qu'il commençait à se comporter comme Augustin : il lui révélait ce qu'il voulait bien lui révéler et lui cachait le reste. Il ne se rendait pas compte à quel point cette attitude était horripilante et dans quel état de frustration cela la mettait à chaque fois. Lui cacherait-il quelque chose susceptible de l'aider à comprendre qui elle était et ce qu'elle faisait ici ? L'idée la rendait furieuse. Elle essaya donc de se persuader que ce n'était pas quelque chose d'important, auquel cas il n'aurait pas hésité à lui en parler.

Le parchemin, ou plutôt la boulette qu'elle en avait fait, se retrouva bien vite au fond de son sac pour tenir compagnie à son arbalète. Il n'y avait rien à faire, elle ne décolérait pas et commença à imaginer quel accueil glacial elle lui réserverait la prochaine fois qu'il franchirait cette porte, histoire de bien lui montrer qu'on ne badine pas avec ces choses là.

Elle finit par s'endormir tout en fantasmant sur sa vengeance future...

[Althéa]

La famille leva la tête en le voyant descendre en courant. La matrone se posta devant ses enfants, son poulet à la main. Protection bien dérisoire mais peut-être efficace dans certains cas. Elle eut l'air cependant soulagée en s'apercevant que Chance ne le suivait pas.

Elle resta aux aguets quelques secondes comme pour vérifier qu'elle n'était pas embusquée derrière lui. Eût l'air de décider que non.

"Vous avez l'air de bien la connaître ...", finit-elle par dire.

[Elzen]

« On peut dire ça comme ça, oui. »

Le tieffelin sourit, reprenant une attitude plus convenable.

« Je ne m'attendais pas à tomber sur une connaissance dans le coin… surtout pas sur elle. Je ne vois pas pourquoi elle est venue par ici… et malheureusement, elle n'en sait pas plus pour le moment. »

Il s'abstint de demander explicitement si les occupants des lieux en savaient davantage : c'était peu probable ; et si d'aventure c'était le cas, ils le diraient sans doute sans qu'il les interroge. En revanche, il s'approcha des préparatifs.

« Puis-je vous aider ? »

[Althéa]

La matrone pour toute réponse lui mit le poulet entre les mains.

"Nous non plus nous ne savons pas trop d'où elle vient. On ne l'a jamais vue dans le coin avant."

Elle alla chercher une aiguille et du fil dans une boîte perchée sur une étagère et commença à repriser quelques chaussettes abandonnées dans un coin.

"Vous avez encore quelques chansons dans votre escarcelle ?"

Elle l'écouta chanter tout en travaillant. Et il fut bientôt l'heure de passer à table. Prévoyante, la maîtresse de maisonnée tendit à Elzen une part de poule au pot.

"Pour elle, si vous voulez lui monter."

[Elzen]

Elzen s'efforça de “prendre soin” du poulet, et dans le même temps, de gratifier ses hôtes de quelques chants joyeux.

Le repas préparé, ce fut bien volontiers qu'il céda à l'invitation de la maîtresse des lieux ; et se dirigea vers la chambre de Chance le plat à la main. Il constata assez rapidement que la belle dormait, et eut un court instant la tentation de l'éveiller comme il l'avait déjà fait à la Mélandienne d'Argent, ce qui avait à l'époque donné lieu à quelques représailles assez amusantes. Néanmoins, mieux valait sans doute, pour sa santé, lui éviter cela dans l'immédiat. D'autant qu'il lui avait déjà, d'une certaine manière, joué un mauvais tour avant de descendre : point trop n'en fallait.

Il se contenta donc de poser le plat auprès d'elle, espérant qu'elle ne tarderait pas à se réveiller et qu'elle en profiterait avant qu'il ne refroidisse… Avant de quitter les lieux, cependant, il ne put s'empêcher de venir déposer un baiser sur le front de la demoiselle. Puis il tourna les talons pour quitter la pièce…

HRP : mais je suppose que je n'ai pas encore franchi la porte quand tu te réveilles.

[Echo]

Ce n'est pas tant le baiser sur le front que la douce odeur de poule au pot qui réveilla la tieffeline. Elle ouvrit les yeux et se redressa légèrement, l'air un peu hagard, et son regard se posa sur le plat encore fumant posé près d'elle. Pour des gens qui ne semblaient pas très à l'aise à l'idée d'être sous le même toit qu'elle -mais le sentiment était réciproque- elle trouvait qu'ils la traitaient extrêmement bien. Peut-être avaient-ils envie qu'elle reste avec eux pour toujours finalement ; le repas servi au lit aurait pu l'inciter à jouer les parasites plus de temps que prévu en tout cas.

Et, bien sûr, c'était Elzen qui, toujours aussi prévenant, était venu lui apporter à manger. Elle sourit avant de se rappeler qu'elle était en colère après lui, ou censée l'être. Son sourire disparut presque immédiatement mais le mal était fait : impossible qu'il n'ait rien remarqué. Et il était trop tard pour le foudroyer du regard maintenant. Dommage...

- Merci.

Voilà, pas plus, pas moins. A défaut de regards foudroyants, elle pouvait toujours se montrer distante avec lui. Enfin essayer.

[Elzen]

Le tieffelin gratifia son amie d'un regard amusé et d'un sourire espiègle.

« Ce fut un plaisir. Bon appétit, dame… »

Et il improvisa une révérence un tantinet exagéré, avant de faire mine de quitter les lieux. Il n'avait pas pu ne pas remarquer sa tentative de rester distante, et mourrait d'envie de savoir si elle allait tenter le retenir ou non. Après tout, ça ne coûtait pas grand chose…

[Echo]

La réaction d'Elzen amusa beaucoup Chance qui déploya toute son énergie à ne surtout rien laisser paraître. Mais si elle mettait un point d'honneur à ne pas se laisser attendrir par les révérences et les sourires enjôleurs, elle sembla beaucoup moins disposée à faire semblant de bouder dans son coin lorsque le tieffelin fit mine de tourner les talons. Elle n'avait pas envie qu'il parte, elle n'avait pas non plus envie de manger toute seule ici.

- Elzen...

- Ne le retiens pas. La forme spectrale d'Augustin venait d'apparaître à ses côtés, il semblait inquiet, presque nerveux. J'aimerais te parler.

Il y eut quelques secondes de flottement pendant lesquelles Chance cilla stupidement, quelques secondes pendant lesquelles elle eut envie d'envoyer promener ce maudit fantôme. Elle réussit néanmoins à avoir l'air aussi naturel que possible, comme si aucune présence indésirable n'était venue la troubler. S'il était manifeste qu'elle s’apprêtait à retenir le tieffelin, elle y renonça sous la pression du regard d'Augustin qu'elle sentait plus qu'elle ne voyait.

- Non, rien.

[Elzen]

Elle avait semblé être sur le point de lui demander de rester, ce qu'il était bien sûr tout disposé à faire ; et puis, elle avait eu comme un sursaut, et… que s'était-il passé ? Peut-être un souvenir lui revenant brusquement en mémoire. C'était en tout cas le plus probable à quiconque n'étais pas en mesure de percevoir la moindre cause extérieure. Toujours est-il qu'elle avait changé d'avis. Peut-être le souvenir en question était-il suffisamment gênant pour qu'elle n'ait pas envie de le partager… peut-être aussi venait-elle de se rappeler qu'en fait, le tieffelin ne lui plaisait pas tant que ça… toujours est-il qu'il valait mieux, pour l'instant, la laisser seule.

Elzen referma doucement la porte derrière lui, et descendit l'escalier. Son masque habituel était revenu sur ses traits, ne laissant rien paraître de ses sentiments ni de ses émotions. S'efforçant de ne pas déranger la famille dans leur repas, il se servit une part qui n'était point trop grosse et s'installa pour manger, espérant que sa prochaine visite à la demoiselle se passerait mieux.

[Althéa]

La mère de famille lui proposa bon nombre de tâches qui l'occupèrent pour le reste de la journée. La présence d'un homme en plus à la maison était plus que providentielle. Le toit de la maison fuyait dans la chambre des garçons et une partie du grillage commençait à être attaquée par les renards et autres prédateurs nocturnes.

Comme souper, ils mangèrent tous le restant de poule au pot. Une part bien sûre fut réservée à Chance. Il incombait à Elzen la tâche de lui apporter.

[Elzen]

Il y avait assurément là de quoi bien occuper la tête et les mains. Au moins, il n'aurait pas l'impression de repartir sans avoir payé leur séjour à tous les deux. Il s'efforça donc de se montrer aussi efficace que possible, ce qui présentait en outre l'avantage de ne pas lui faire appréhender sa prochaine rencontre avec la belle… comme quelqu'un l'avait dit⁽¹⁾, « ceux qui aiment ne doutent de rien, ou doutent de tout » ; et Elzen était présentement dans le second cas.

Cependant, toute chose avait une fin, et le moment de retourner voir Chance arriva. Le tieffelin emporta donc le plat, le cœur battant la chamade, et monta l'escalier, pour venir doucement frapper à la porte de son amie…


(1) Balzac, 'me semble.

[Echo]

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Lorsque le tieffelin quitta la pièce, la tête d'Augustin traversa la porte pour vérifier qu'il ne restait pas campé devant celle-ci. Une fois assuré que ce n'était pas le cas, il s'autorisa un petit sourire amusé.
- Hum, c'est incroyable que vous vous soyez retrouvés, tous les deux. Le destin, peut-être...
- J'imagine que ça ne pouvait pas attendre ? La tieffeline, mine renfrognée, croisa les bras sur sa poitrine dans une attitude défensive.
- Oh, si, mais les occasions de te parler sans que tu ne sois déjà en charmante compagnie commencent à se faire rare et ça ne risque pas de s'arranger, j'imagine. Elle fronça les sourcils, il fit semblant de ne rien remarquer et poursuivit. J'ai repensé à notre dernière conversation.
- Celle que tu as interrompu en prenant la fuite, tu veux dire ?
- Oui... Il semblait un peu gêné. Celle-là même. Je m'interrogeais : quels sont tes projets ?
- Je n'y ai pas réfléchi, j'évite de réfléchir, ça me donne mal à la tête, soupira t-elle.
- Quoi que tu décides, j'aimerais que tu me fasses une promesse.
- Tu ne doutes vraiment de rien. Qu'est-ce qui te fait croire que je ferai une telle chose ?
- Laisse-moi au moins de dire de quoi il retourne.
- Si tu y tiens...
- J'aimerais que tu me promettes de ne pas retourner à Melandis.
- Et pourquoi donc ? s'étonna la tieffeline.
- Parce que tu y entreras sur tes deux jambes et tu en ressortiras les deux pieds devant. Enfin, si tu en ressors. Les gens ne s'embêtent sûrement pas à jeter les cadavres hors de la ville, ils les jettent plutôt dans les égouts et les y laissent pourrir. En tout cas ce serait bien leur genre...
- Oui oui, j'ai contrarié des gens là-bas, tu me l'as déjà dit. Mais j'y ai vécu toute ma vie, cette ville doit être pleine... de mes souvenirs.
- Oui, voilà, c'est exactement le genre de choses que je ne voulais surtout pas t'entendre dire !
- Il y a sûrement des gens qui me connaissent, continua la tieffeline, et pas seulement des gens qui veulent ma mort, de la famille peut-être.
- Tu n'as pas de famille, répliqua un peu trop sèchement le fantôme, ce qu'il regretta aussitôt. Mais ce n'était que la vérité après tout, et cela la dissuaderait peut-être de retourner dans cette maudite cité.
- Des amis ?
- Des amis ? Le seul ami que tu as est en face de toi.
Chance eût un éclat de rire sans joie.
- Me voilà rassurée, j'ai au moins un ami, oh et quel formidable ami !
- Écoute, je suis désolée. Chance détourna les yeux et le fantôme eût soudain l'air aussi abattu qu'elle. Je ne cherchais pas à me montrer blessant, mais il n'y a rien pour toi à Melandis, rien de bon. Tu devrais rester avec Elzen, il prendra soin de toi.
- Je peux très bien prendre soin de moi toute seule, répliqua t-elle, plus que jamais sur la défensive.
- Oh, oui, bien sûr, et c'est une réussite jusque là, n'est-ce pas ? Il n'y a qu'à voir dans quel état tu es aujourd'hui pour se rendre compte à quel point tu te débrouilles bien. Peut-être aurait-il du s'y prendre autrement et essayer de la ménager davantage. Mais contrairement à elle, il n'avait pas perdu la mémoire, et le pénible souvenir de ces dernières semaines était encore vivace dans son esprit. Dès que le vent commence à tourner pour toi, tu te débrouilles pour... Ah, mais c'est inutile. Il suffit que je te pousse dans une direction pour que tu te mettes à courir à l'opposé. Comme tu as toujours fait. Et moi je ne suis qu'un spectateur impuissant.
Elle gardait le silence et Augustin se demanda s'il n'était pas préférable qu'il parte, même s'il n'aimait guère l'idée que la conversation se termine de cette façon.
- C'est injuste, murmura t-elle finalement. Je sais que j'ai du prendre de mauvaises décisions, de très mauvaises décisions, sinon je ne serai pas ici, et pas dans cet état, comme tu dis. Mais enfin... toutes ces décisions, je ne me souviens même pas les avoir prises. Elle se prit dans la tête dans les mains et Augustin s'aperçut qu'elle pleurait. Il s'accroupit alors et tendit la main vers elle, comme s'il voulait la poser sur son épaule.
- Il n'est pas trop tard pour prendre les bonnes. Tes souvenirs te reviendront peut-être un jour, mais, par pitié, ne leur cours pas après. Et ne va pas mettre ta vie en danger inutilement.
- Il n'y a vraiment personne qui m'attend là-bas ?
- J'ai bien peur que non.

Chance avait continué de sangloter longtemps après le départ d'Augustin et n'entama son repas qu'une fois celui-ci complètement froid. Si le but du fantôme avait été de lui couper toute envie de retrouver la mémoire, alors il avait réussi. Elle finit par s'endormir à nouveau, les yeux plein de larmes, et se réveilla de longues heures plus tard, alors que le soleil avait déjà bien entamé sa course à l'horizon. Son assiette vide et ses couverts étaient toujours sur la table de nuit, personne n'était venu ici pendant son sommeil, pas même Elzen...

Puis on toqua à la porte et la tieffeline s'empressa de se relever. Elle tenta de discipliner rapidement ses cheveux, jetant un œil -passablement rougi d'ailleurs- dans le miroir à l'autre bout de la pièce. Sans surprise, c'est Elzen qu'elle découvrit sur le pas de sa porte. Chance lui offrit un timide sourire avant de l'inviter sans un mot à entrer.

- Je ne pensais pas qu'on pouvait dormir autant, lui dit-elle d'un ton qu'elle espérait détaché une fois qu'il fut entré. Je croyais même pouvoir m'autoriser quelques nuits blanches après toutes les heures de sommeil que j'ai accumulé ces derniers jours.

[Elzen]

La première chose que remarqua Elzen en entrant dans la pièce fut que Chance avait pleuré. Il s'en voulut aussitôt de n'être pas remonté, malgré ses appréhensions, malgré le travail confié par la maîtresse des lieux : Hélas, ce qui était fait était fait, et il n'était guère possible de revenir en arrière. Il s'approcha donc du lit, s'efforçant d'exprimer une attitude aussi réconfortante que possible. Posant le plat auprès d'elle, comme il l'avait fait précédemment, il vint s'asseoir à ses côtés, prêt à la prendre dans ses bras si elle semblait en ressentir le besoin. C'était, parfois, la réponse la plus adaptée…

« Malheureusement, on peut rattraper le sommeil, mais prendre de l'avance n'est pas ce qu'il y a de plus simple… »

Il voulut ajouter quelque chose, lui demander ce qui n'allait pas… mais il n'était décidément pas doué pour ce genre de choses, aussi se contenta-t-il d'attendre qu'elle se manifeste d'elle-même.

[Echo]

Chance fixait le plat qu'elle avait dans les mains comme si elle ne savait pas quoi en faire. Puis elle se mit à picorer lentement, avec beaucoup moins d'enthousiasme que les fois précédentes. Ça ressemblait à ce qu'elle avait mangé quelques heures plus tôt, mais en plus chaud.

- C'est dommage, j'aurais pu monter la garde toutes les nuits pendant presque une semaine, je suis sûre.

Oui, parler de n'importe quoi, ne pas penser aux paroles d'Augustin qu'elle tournait et retournait dans sa tête. Pourtant, malgré les efforts qu'elle faisait pour paraître dans son état normal, il était clair qu'elle était perturbée par quelque chose et qu'elle hésitait à en parler.

- Elzen ? Est-ce que tu penses que... qu'il y a quelqu'un qui s'inquiète pour moi à Melandis ? Quelqu'un qui m'attend quelque part ? Un proche que j'aurais oublié...

Il n'en savait sûrement rien en vérité, mais il lui répondrait certainement quelque chose qui lui redonnerait le sourire, ou se contenterait-il de faire preuve de beaucoup plus de tact que ce méchant fantôme qui prétendait ne vouloir que son bien.