[Lieu] Temple de Moandre

[Galathée]

" Ne t'en fais pas... Je crois que chacun y a trouvé son compte et sans difficultés... Toutes les beautés de la lumière ne s'affirment pas de la même façon."
Tim laissa ensuite filer Taliesin, l'envoyant vers la chambre de Guéric. Le barde y trouva le halfelin en train d'aiguiser la lame de son épée courte en sifflotant l'air de la Fille du Froid. Il lui décocha un joyeux sourire avant d'éprouver le tranchant de sa lame du bout du pouce et de grimacer. Il porta ensuite son doigt à sa bouche et reporta son attention sur le barde.
" Je suis content que tu sois venu me voir avant de partir. Nous voilà à nouveau séparés, le destin est cruel !"

[Taliesin]

-Je crois au contraire qu'il te fait une belle faveur. Parce que quand vous en aurez terminé ici et nous rejoindrez, tu devras me supporter tous les jours, du matin jusqu'au soir, et ce durant de longues veilles... Alors savoure cet ultime répit !
Il observa un instant le halfelin et redevint sérieux.
-Mais j'espère que tu ne profiteras pas de mon absence pour faire trop d'imprudences. En effet, cela me peinerait beaucoup que tu ne sois pas des nôtres quand sera organisé le grand banquet célébrant la naissance des jumeaux et notre départ pour Helonna.

[Galathée]

Guéric sourit.
" Ne t'inquiète pas, nous n'avons que des choses légères au programme : une visite au temple de Beshaba, une visite au temple de Shar, un petit massage aux thermes de la Goule Fumante — je te dis pas le genre de clientèle qu'il doit y avoir là-dedans, je suis impatient de le découvrir — et une petite descente chez un bijoutier de l'Esplanade. Du gâteau, en somme. Ensuite, nous viendrons changer des couches. Bon, je suis pas sûr que Kerun sera complètement très motivé par les couches, mais depuis qu'il a sa bestiole, il est déjà un peu moins lugubre, c'est déjà ça de gagné..."
Il leva la jambe de son pantalon.
" Tu as vu ma nouvelle béquille ? N'est-ce pas qu'elle est belle ?"
Il passa un doigt sur le bois lustré, sombre, verni, qui reproduisait la forme d'une jambe halfeline à la perfection.
" Je vais avoir du mal à quitter toutes les jolies filles qui traînent dans ces couloirs. Iris et Ismène, et Maude... Helen est un peu trop maternelle pour moi, mais les trois autres... Hmm... Elles sont pas mal pour des grandes perches."

[Taliesin]

Il haussa les épaules.
-Je ne saurais te dire. Comme il n'y a qu'une seule et unique femme dans ma vie, toutes les autres... Je ne peux pas dire qu'elles soient invisibles, mais disons plutôt que je les envisage comme... comme des hommes ?
Il rit.
-Ne désespère pas, cependant : peut-être y aura-t-il de charmantes prêtresses à la ferme ? Et qui sait si nous ne croiserons pas d'accortes damoiselles durant notre trajet jusqu'au port, puis s'il n'y en aura pas sur notre bateau ? En plus, avec une jambe de bois aussi magnifique - franchement, elle est réussie ! -, tu vas faire fureur...

[Galathée]

" Tu as raison. C'est avant tout pour ça que je suis devenu marin : une femme dans chaque port ! Bon, je vais te laisser y aller. Je n'aime pas les grands au revoir, et de toute façon, on se retrouve dans quelques jours. Sois bien sage, ne bronze pas trop, et bon courage pour la grande aventure... Finalement, le Temple de Shar, à côté de ça, c'est de la rigolade !"
Il lui fit un clin d'oeil et l'étreignit brièvement.
" Je souhaite le meilleur à ta belle. Et si les petits ne dorment pas la nuit, dis-leur que le grand méchant Guéric... Non. Dis-leur que le grand méchant Kerun va venir leur faire les gros yeux ! Ça va marcher du tonnerre."

[Taliesin]

L'elfe lui rendit son étreinte.
-Tu rigoles ? A peine aura-t-il vu mes enfants que Kerun fondra littéralement et deviendra une adorable nounou ! Sans compter sa martre qui jouera les peluches... Hum, non, décidément, il faudra trouver une autre personne pour incarner le croque-mitaine. Certainement pas toi, puisque tu seras adorable avec eux...
Il se redressa.
-Et donc, tu parlais de bronzer... En voilà une bonne idée ! Entre les cavernes de Mersant, le long séjour au Comptoir, notre halte ici, les moments où j'ai pu profiter du soleil se comptent sur les doigts d'une main. Alors je ne vais pas m'en priver tant qu'il me reste encore un peu de temps libre... Tu as ma parole sur ce point ! Ah, c'est juste dommage qu'il n'y ait pas de plage à proximité... Enfin, je dis ça, mais je n'en sais rien.
Il recula d'un pas.
-Pour le reste... Qui sait, l'accouchement n'aura peut-être pas eu lieu quand tu nous rejoindras. Et si les petits sont déjà arrivés... Et bien, je serai heureux de leur présenter mon ami Guéric. Alors prends-soin de toi, il faut que tu sois en pleine forme pour ce grand événement !

[Galathée]

" Je ferai ça, dit le halfelin. File, maintenant."
Le barde rejoignit donc la salle à manger où l'attendaient Baptiste, Helen et Judicaël. Le gosse avait un sac sur l'épaule, dans lequel on devinait la forme d'un livre, mais aussi de quelques vêtements. La prêtresse avait un paquetage beaucoup plus volumineux, sans doute en prévision de l'accouchement.
" Bon, si tu es prêt, nous allons pouvoir partir, dit Judicaël. Vous allez retrouver là-bas trois clercs de notre équipe. Alexandre et Blanche sont des Chauntéens. Ce sont eux qui supervisent l'exploitation. C'est principalement une ferme à crocus, dont nous tirons du safran. C'est une épice rare et chère, qui nous permet de maintenir notre activité plus ou moins à flot. Cependant, compte tenu du respect de la nature et autres flonflons, nous ne produisons pas grand chose. Nous employons douze personnes, qui ne résident pas sur la ferme. Il n'y a ni serviteurs, ni rien du tout de ce genre. C'est un petit domaine familial, qu'on appelle Ferme des Crocus, simplement. Alexandre et Blanche sont connus dans la région sous le nom de Plumethym. Ils sont mari et femme.
— Et ce sont les parents d'Ismène, ajouta Helen.
— Aussi. La personne qui s'occupe en apparence de leur intérieur est Zora Telthin, une Eldathienne. Les employés du domaine sont d'anciens esclaves auxquels nous avons permis de racheter leur liberté. De temps en temps, nous incorporons de nouveaux esclaves à notre domaine, mais nous les faisons évader nous-mêmes... Enfin, tout cela n'est pas très intéressant. Taliesin, pendant que tu vas préparer tes affaires et chercher Galathée, je vais soumettre Baptiste au sortilège de protection du Temple."

[Taliesin]

-C'était intéressant, au contraire, répondit-il après avoir écouté avec grande attention. De surcroit, plus on en apprend à l'avance sur un lieu inconnu, moins il y a de risques d'appréhension... Bref, si tu as d'autres informations, je pense que nous serons preneurs.
Il se tourna vers Baptiste.
-Tu verras, ce sortilège n'est vraiment pas douloureux. Cependant, si tu préfères que je reste, il n'y a aucun souci. Je suis sûr qu'Helen sera d'accord pour aller chercher Galathée. Quant à mes affaires, il me faudra moins d'une minute pour les récupérer.
Il ne souhaitait nullement embarrasser le gamin. Toutefois, quand on n'était pas habitué, être la cible d'un sort pouvait s'avérer impressionnant...

[Galathée]

" Non, ça va, j'ai pas peur. Et puis je pense que c'est mieux que tu ailles voir Galathée. Déjà qu'elle n'a pas pu profiter de votre musique... Elle sera contente de te voir."
Helen sourit au barde tandis que Judicaël commençait à incanter.
" Judi préfère ne pas soumettre Galathée au sortilège tant que les bébés ne sont pas nés, car il craint l'effet de la magie sur eux. Je ne pense pas que les risques soient très élevés, c'est un sortilège très ciblé, mais dans le doute... Sans doute est-il préférable de s'abstenir... Et c'est lui le spécialiste des questions profanes, assurément. Ce qui me fait penser qu'il restera ce problème de marque de l'Ecole... Elle ne sera pas difficile à ôter pour quelqu'un de ses compétences mais là encore... Tant que les bébés ne sont pas nés, Galathée devra garder l'artefact qu'il lui a donné. C'est une bague toute simple, mais elle la rendra indétectable. C'est moins contraignant que de devoir rester à l'intérieur."

[Taliesin]

-Oh, je n'étais pas au courant... Mais c'est une excellente nouvelle ! Être confinée dans un bâtiment alors que la nature s'étend tout autour, ça se serait avéré terriblement rude pour la rôdeuse qu'elle est. Grâce à la bague, ne nous reste plus qu'à trouver un bel endroit où elle pourra passer agréablement ses derniers jours d'immobilité...
Sur un sourire, il tourna les talons et prit la direction de leur chambre. Outre retrouver Galathée, il renfilerait son manteau, glisserait livre et pipeau dans ses poches, passerait son épée à sa ceinture... et le tour serait joué/

[Galathée]

Taliesin trouva Galathée assise sur son lit, prête à partir. Elle avait rassemblé quelques affaires, elle aussi, et avait jeté un élégant manteau vert sur ses épaules. Sans doute l'avait-elle reçu d'une des prêtresses : il lui serait en tout cas impossible de le fermer avant quelques jours.
" Je suis scandalisée, lui dit-elle avec humour, tandis qu'il faisait son propre sac. Il parait que vous avez improvisé un concert ! Sans venir me chercher ! Sans même songer à l'organiser directement dans ma chambre ! Nos enfants à venir ne savent même pas que leur père est musicien, ou à peine ! Tu as intérêt à te rattraper à la campagne, messire barde, et à me jouer la sérénade tous les jours, sans quoi, je serai contrainte d'imaginer une vengeance !"

[Taliesin]

Si Taliesin était réellement embarrassé, il choisit d'en rajouter et adopta l'attitude et le ton d'un elfe désespéré.
-Je suis vraiment désolé... Les choses ont été totalement improvisées. A la base, je jouais un peu avec Tim, puis tout le monde a débarqué, et puis... Enfin voilà. Je te présente toutes mes excuses et je te promets de tout faire pour que cette impardonnable bévue soit rattrapée au plus vite. Pour les jumeaux, je... Je pourrai, ce soir, leur chanter ce vieil air de ma cité disparue que me chantait ma mère quand j'étais tout petit. Et, pour toi... Et bien, je jouerai de la harpe tandis que tu seras étendue, paisible, à l'ombre des grands arbres... Oh, de surcroit, comme il y a un clerc d'Eldath là-bas, il se peut que nous trouvions aussi quelque cascade dont la douce musique accompagnera la mienne...

[Galathée]

Galathée lui prit le bras pour se redresser et leva un doigt accusateur.
" Tu as intérêt à tenir tes engagements, vaurien ! De la harpe et des chansons ! Pour ce qui est de la cascade, je te connais, tu serais fichu d'improviser une bataille d'eau avec Baptiste et de me tremper ! En cette saison, il fait encore frisquet, je resterai donc loin de toute source glacée."
Elle sourit.
" C'est bien sympathique de me confiner au lit, mais j'ai encore plus de mal à me remettre en mouvement, du coup..."

[Taliesin]

-Courage, c'est bientôt terminé, lui souffla-t-il, encourageant. Par ailleurs, là-bas, tu devras bouger un peu plus, car il te faudra, chaque jour, gagner le petit coin de nature que tu te seras choisi puis en revenir...
Sitôt qu'ils eurent récupéré leurs maigres bagages, il la mena dans le couloir, la soutenant de son mieux.
-Et je suis prêt à parier que s'il y a une cascade ou simplement une source dans les parages, tu t'installeras à proximité malgré la menace que je représente. La ferme est située loin au sud et elle produit du safran, épice qui est, me semble-t-il, propre aux régions chaudes. Et puisque le printemps touche à son terme... Bref, peut-être regretterons-nous la fraicheur du temple de Moandre !

[Galathée]

" C'est peut-être du safran dorrandin, Taliesin, qui pousse sous la glace comme le cresson." fit la rôdeuse en grimaçant.
Ils avaient atteint la salle à manger. Baptiste se touchait le front d'un doigt, circonspect, et les accueillit d'un sourire radieux avant de rougir et de tousser dans son poing. Judicaël leur fit signe d'approcher.
" Nous allons arriver à une heure où les ouvriers agricoles sont déjà rentrés chez eux, vous aurez donc le domaine rien que pour vous.
— C'est une expression un peu trompeuse, car ce n'est pas gigantesque, dit Helen. Une vingtaine d'hectares, dont douze sont exploités.
— Ça m'a l'air grand, à moi, murmura Baptiste.
— Ce n'est pas grand chose, à l'échelle de ce que possèdent les propriétaires terriens des alentours.
— Ce sera parfait, fit Galathée.
— Nous dînerons tous ensemble et puis je rentrerai. Vous serez bien."
La rôdeuse serra le bras du barde et acquiesça.
" Bon. Je vais mettre ma main sur ton bras, Galathée. Taliesin, tu peux mettre ta main sur la mienne, et Baptiste tu touches mon bras, ici, et Helen... Aaaah... Tu as les mains froides !
— Désolée.
— On dit ça. Bon, on y va."
Il se mit aussitôt à psalmodier de sa voix de basse, enchaînant les mots porteurs de pouvoir jusqu'à tisser une trame autour d'eux. Le barde ressentit un léger pincement à l'estomac, un petit picotement dans le crâne, il ferma les yeux par réflexe et les rouvrit sur... un tout autre endroit.