[Désert d'Anauroch] Quête : Racines

[Voyageuse]

- Buvez ça, d'abord. Vous devez être épuisé. Mais vous allez vous remettre vite, ne vous en faites pas. Ah, et Rubis va bien, évidemment. Il a retrouvé tous ses esprits dès que vous avez occis cette créature. Mais je préfère ne pas imaginer ce qu'elle en aurait fait. Je sais ce que les habitants de Pénombre font aux bêtes qui entrent en leur pouvoir... des monstres puissants et dévoués à leur cause...
Il lui tendait un bol de cette étrange infusion inconnue à l'odeur piquante.
- J'ai mis deux fois plus de miel que d'habitude, ça devrait passer et peut-être même n'être pas trop mauvais. Et j'ai le parchemin pour soigner Eärundra, pour répondre à votre question. Je voulais simplement attendre que vous soyez sur pied. Dans l'état dans lequel elle est, elle est parfaitement inconsciente du temps qui passe et, quelque part, parfaitement protégée. Je ne voulais pas que sa première vision, au réveil, soit de vous voir inconscient.

[Kasumi]

Le druide faisait cette fois preuve d'une grande délicatesse que ne pouvait qu'apprécier le demi-elfe. Rassuré sur le sort de Rubis et surtout de son amie, le rôdeur but le breuvage de bonne grâce, faisant un effort pour ne pas grimacer. Non pas que le goût fut particulièrement mauvais mais avaler quelque-chose lui était encore un peu difficile. Après une première gorgée, il s'assit lentement pour finir le bol et oser un petit trait d'esprit :

- Non seulement vous avez un sens impeccable du timing mais vous n'êtes pas si mauvais cuisinier ! Vous allez réussir à me faire réviser mon jugement un peu hâtif sur les vôtres : jamais je n'aurais cru leur demander une recette !

[Voyageuse]

Le druide rit de bon coeur... enfin, si on pouvait appeler rire l'espèce de chuintement qui s'échappa de sa gorge. Mais ça devait être ça.
- Je ne vous donnerai pas la recette. Si vous saviez ce que j'y ai mis, vous recracheriez aussitôt ! Et pourtant ça vous fera le plus grand bien...
Il était impossible de savoir s'il plaisantait ou était sérieux. Les traits d'un asabi étaient constamment lisses...
- Mais puisque vous semblez aller mieux, je vais réveiller notre amie...
Il sortit un parchemin de sa poche, le lut attentivement, d'abord silencieusement, puis à voix haute. L'encre s'effaçait au fur et à mesure qu'il prononçait les paroles, dans une langue sifflante inconnue de Kasumi.
Et Eärundra ouvrit les yeux, fixant sans comprendre, à tour de rôle, Ta'sslan et Kasumi.

[Kasumi]

Loin des bons petits plats qu'il savait préparer, Kasumi avait parfois dû composer avec des ingrédients pour le moins inavouables lorsque les conditions l'avaient imposé aussi laissa-t-il glisser la plaisanterie qui n'en était peut-être pas vraiment une. Au lieu de cela, il se redressa pour poser le bol puis pour observer le druide en train d'incanter. Dès les premiers mots, il ne put décrocher son regard de la druidesse et un sourire ourla ses lèvres quand elle ouvrit enfin les yeux. Il déclara d'un ton enthousiaste et rassurant à la fois :

- Bienvenue de retour parmi nous ! Vous m'avez fait de sacrée frayeur. Mais il faut croire que les druides ne peuvent pas s'empêcher de faire leurs intéressants à se transformer sans cesse en pierre ou au contraire à libérer leurs collègues lorsqu'ils le font !

[Voyageuse]

Eärundra mit quelques temps à réagir, puis grimaça.
- Le basilic...
Une quinte de toux l'interrompit et Ta'sslan lui tendit obligeamment un verre d'eau qu'elle but en silence.
- Tu as manqué un jour et demi d'existence... Rien de bien terrible au regard de ta longévité. Je suis sûr que te tu sens en pleine forme !
- Hum... Un peu... raide.
Elle se tourna vers Kasumi.
- Et bien j'ai de la chance que tu aies fini par trouver Ta'sslan...
Elle ne semblait pas s'être aperçue qu'elle s'était mise à le tutoyer.
- Vous avez eu le temps de faire connaissance, j'imagine ?

[Kasumi]

Kasumi ne réagit pas aussitôt : il était un peu gêné mais non pas à cause du tutoiement dont il faisait l'objet. Il avait lui-même hésité à en prendre l'initiative au réveil d'Eärundra, comme s'il s'agissait d'un nouveau départ dans leur relation en fait... Non, ce qui l'embarrassait était d'avoir bien trop conscience d'avoir failli abandonné la druidesse alors que l'asabi avait su la retrouver et prendre soin d'elle. Pire, il avait laissé Ta'sslan trouver le parchemin qui la sauvait définitivement. Il se réjouissait de l'état actuel de l'elfe mais, en la voyant ainsi reprendre vie devant lui, il se sentait coupable de n'avoir pas œuvré à son sauvetage : il s'en était même fallu de peu qu'il n'y assiste tout bonnement pas, le combat remporté de justesse et qui ne devait là encore rien à ses prouesses martiales étant encore vivace dans son esprit même si le druide en avait effacé les traces les plus visibles. Conscient qu'il avait laissé le silence s'installer et qu'Eärundra attendait une réponse, il répliqua d'un ton sincère :

[color=#9900000]- Nous nous connaissons un peu mieux oui mais nous n'avons pas passé ensemble tout le temps qu'a duré ton... sommeil.[/color]

Il lui était étrange d'employer une façon familière de s'exprimer avec la druidesse mais il poursuivit dans la même veine : cela deviendrait bien vite naturel, il n'en doutait pas :

[color=#9900000]- Ta'sslan m'a retrouvé au soir du premier jour où nous avons été séparés. Et il s'est ensuite absenté pour ramener de quoi te soigner pendant que je demeurais ici. Enfin, presque... Mais il a su briser la glace en partageant une partie de son talent culinaire avec moi. D'ailleurs c'est à moi de cuisiner ce soir ne vous en déplaise ![/color]

[Voyageuse]

- Je ne sais pas si j'oserai goûter...
- Moi ça me convient parfaitement, assura la druidesse. Enfin, pour le moment, je n'ai pas faim... J'ai l'estomac un peu lourd, comme s'il était encore de pierre. Mais ça reviendra sûrement. Et puis tu es bon cuisinier, donc l'odeur devrait éveiller mes sens !
Elle secoua la tête.
- En tout cas, je n'ai jamais vu de basilic aussi énorme, murmura-t-elle, songeuse. Mais c'est vrai que je n'ai pas vraiment l'habitude de fréquenter ce genre de bestiole...
- Il était anormalement grand, de ce que j'ai vu. Cela dit, il a fui très vite en voyant que son regard n'avait aucun effet sur moi... Mais je te confirme que ça n'était pas un basilic ordinaire. Il est sans doute passé par les mains des mages de l'Ombre... Comme toutes les bêtes anormalement agressives et puissantes que vous avez dû croiser dans les parages.

[Kasumi]

Ainsi donc Ta'sslan était-il protégé contre les effets mortels des basilics ? Voilà qui était inattendu sans être tout à fait surprenant : l'asabi semblait doté d'une grande expérience et on ne survivait pas bien longtemps seul dans le désert sans disposer d'un grand pouvoir. Son affrontement sur la plage le lui avait rappelé douloureusement. Un avertissement des grands dangers qui sévissaient en pareille lieu oublié des dieux de la nature. La conversation avait rapidement pris des dehors sérieux et c'est donc avec une certaine solennité que Kasumi intervint à son tour :

- Est-ce pour combattre ces abominations ou même pour lutter contre l'influence des mages que vous vous êtes rendu ici. Vous semblez capable de vous défendre mais un serviteur de la nature ne devrait pas avoir à mener un tel combat seul...

[Voyageuse]

- Oh, mais je ne suis pas fou... Je ne mène pas des combats qui me dépassent.
- Oui mais c'est quand même un peu à cause de ça que tu es là... non ? Ou c'est pur hasard ?
Ta'sslan se détourna pour se rapprocher du feu, ramenant une théière pour leur proposer à tous deux une deuxièpme dose d'infusion.
- Je ne combats pas. Je fuis... enfin, je fais fuir... J'essaie de faire en sorte que le moins de bestioles possible tombent entre leurs mains.
- Je vois...

[Kasumi]

Kasumi accepta poliment la seconde tournée d'infusion avant de remercier le druide. Avant d'y goûter toutefois, il déclara d'un ton quelque peu dubitatif et interrogatif :

- Nous avons vu des milliers d'animaux dont les traces semblaient apparaître de nulle part, au milieu du désert. Et toutes les créatures normale semblent se diriger vers le nord. C'est vous qui avez fait ça ? Et comment ? C'est proprement impressionnant...

[Voyageuse]

- C'est moi... à moitié. Je suis contenté de leur suggérer une forte peur, un danger immense, qui existe réellement du reste, même s'ils n'en ont pas conscience. C'est plus facile lorsqu'il s'agit d'animaux vivant en troupeau avec un mâle dominant, bien sûr... Je les incite à partie vers le nord ou l'ouest.
Il but une ou deux gorgées.
- Mais l'absence de traces et leur apparition subite, je n'y suis pour rien en revanche.
- La tempête de sable ?
- Exactement. Je n'aurais pas été capable d'en créer une d'une telle ampleur, même s'il m'arrive de jouer avec les vents quand ça m'arrange...

[Kasumi]

Si le druide reconnaissait certaines limites, ses capacités et son exploit n'en étaient pas moins impressionnants et le rôdeur lui jeta un regard assez admiratif. Malgré leurs début houleux et la race honnie à laquelle il appartenait, l'asabi avait montré un certain sens de l'honneur en lui venant en aide ainsi qu'à Eärundra. Il répliqua d'un ton inquiet mais sincère :

-Reste-t-il des créatures à sauver ? Comptez-vous rester encore un peu ? Je crains que mon intervention ne vous ai forcé à vous découvrir. La shadar-kaï ne devait être qu'un éclaireur... D'autres viendront je le crains.

[Voyageuse]

L'asabi eut un sourire tranquille.
- Oh, ne vous en faites pas pour ça. Ils connaissent ma présence... enfin, ils savent qu'un druide est dans les parages. Ils ont bien vu que tous les animaux fuyaient les lieux, au point qu'il ne reste plus âme qui vive dans les parages. Mais ils ne me trouveront pas. Le désert est mon domaine, et je sais me dissimuler à leurs yeux, y compris à leurs scrutations magiques.
EAundra haussa les sourcils, manifestement surprise.
- J'ai un ou deux artefacts..., expliqua le druide, sans entrer dans les détails. Ils ne me trouveront pas. Et puis, je n'en ai plus pour très longtemps par ici. j'ai fait évacuer toute la moitié ouest de la mer. Il me reste à aller vers l'est...
- Là où se trouve la cité.
- Je n'irai pas jusque-là. Je vais m'approcher de la point nord-est de la mer, puis je rebrousserai chemin et je contournerai la mer par le sud pour m'approcher de l'autre côté. D'ailleurs, si d'ici une demi-veille ou une veille vous êtes encore dans les parages, et si vous pouvez me prêter l'un des aigles pour traverser la mer au lieu de la contourner...
- Que nous proposerais-tu en échange ?
L'intervention sembla prendre l'asabi de court.
- Je te connais, tu négocies toujours un prix. Ça fait partie des usages de notre corporation, d'ailleurs. Je suis sûre que même pour me libérer de la pétrification, tu as demandé un paiement... Est-ce que je me trompe ? demanda-t-elle à Kasumi.

[Kasumi]

Kasumi écarquilla lui aussi les yeux : même si le druide disposait de moyens de protection, s'approcher autant de Pénombre semblait être terriblement dangereux. La suite de l'échange le prit toutefois tout aussi au dépourvu que l'asabi et il tourna son attention vers la druidesse, esquissant même un sourire en répondant d'un ton sincère :

- En effet... Mais je n'estime pas avoir fait une mauvaise affaire : le prix à payer était sans commune mesure avec l'aide que tu m'apportes ! Mais je ne devrais peut-être pas le dire si cela nuit à la négociation. Donc oui, c'était très très cher !

[Voyageuse]

Eärundra sourit.
- Ce n'est pas le prix qui compte, c'est juste le principe. Tout a une contrepartie. Une question d'équilibre... Mais sinon, ajouta-t-elle, mutine, je retiens que tout ce qui compte c'est l'aide que je t'apporte... puisque que le prix à payer s'évalue uniquement en fonction de ça ! Je m'en souviendrais !
- En échange... je vous dis où trouver celui que vous cherchez ? intervint l'asabi, remis de sa surprise.
- Ca me semble correct... enfin, sauf si tu as déjà fait payer un prix pour ça bien sûr !
- Ah, heu... sinon, je peux aussi vous donner des informations générale sur les façon de lever une malédiction asabi...

[Kasumi]

Kasumi avait souri franchement à la repartie de la druidesse et s'apprêtait à répliquer sur le même mode mais préféra tout de même s'intéresser à la proposition faite par Ta'sslan. Disposer de la localisation de celui qu'ils recherchaient et surtout d'une première idée de la façon dont remédier à la malédiction pouvait les faire progresser à pas de géant et même éviter bien des erreurs. Le rôdeur prit cependant sur lui pour ne pas trop montrer son enthousiasme :

- Ces informations pourraient effectivement nous intéresser. Mais c'est à Eärundra de négocier l'éventuelle participation d'Opale à vos projets. Pour ma part, je suis tenu de ramener Rubis à Everaska. Alors ce sera difficile de vous aider. A moins que vos informations ne nous mettent très vite sur la voie.

Il s'interrompit puis s'adressa à la druidesse d'un ton bien plus espiègle cette fois :

- Et je tiens à préciser que la valeur de ta vie vaut bien davantage que l'aide précieuse que tu m'as apporté depuis le début... Si jamais je rentrais à Everaska en te laissant en arrière, je n'ose imaginer les reproches que je subirais de la part de ma grand-mère. Sans compter que Léo ne ferait qu'une bouchée de moi ! Non, en fait j'ai bien trop peur pour prendre le risque !

[Voyageuse]

EÄrundra sourit joyeusement, les yeux pétillants, et s'apprêtait à répondre, mais l'asabi tenait à rester sur un terrain plus sérieux.
- Bon... Eärundra... Tu me laisserais ton aigle d'ici une bonne demi-veille ? Juste pour un trajet ?
- Ca dépend où on en est, je ne peux rien garantir... Et... ton paiement ?
- J'avais déjà promis à ce jeune homme des informations sur Huasasth. En échange d'un peu de racine d'ayahuasca. Te sauver la vie était gratuit, bien sûr...
- J'espère bien !
- Il ne reste donc que les informations pour lever la malédiction... mais vous ne savez pas encore si vous en aurez besoin. Comme je l'ai dit à votre ami hier, si vous convainquez ce shaman de lever la malédiction de lui-même, ça suffira...
- Et de notre côté, rien ne prouve qu'on soit disponible, avec l'aigle, à la date où tu en auras besoin... Mieux vaut attendre avant de décider quoi que ce soit...

[Kasumi]

Kasumi n'était pas loin de penser la même chose que les deux druides : il ne servait à rien de conclure un marché qui comportait bien trop d'hypothèses. Toutefois, il tenait à éclaircir un point des plus cruciaux de son point de vue :

- Comme je le disais, nous chercherons à le convaincre si c'est possible mais il y a peu de chances que nous y parvenions. Même si vous préférez garder vos informations pour un éventuel marché ultérieur, est-ce que si nous étions amenés à tuer Huasasth aurait un effet défavorable sur mon père ? Je ne prendrai aucun risque de le faire mais... Si nous devions nous défendre. Enfin, j'aimerais savoir si cela risquerait d'empêcher de soigner mon père du mal qui l'affecte.

[Voyageuse]

- Hum... Que m'offrez-vous en échange de cette information ? Le prêt d'un aigle ?
Peut-être qu'il plaisantait. Ou pas. Eärundra leva les yeux au ciel, et interpella subitement l'asabi dans une langue inconnue du rôdeur. S'ensuivit un échange auquel il ne put rien comprendre. Il eût l'impression, à l'intonation, que la druidesse tançait son interlocuteur, puis se radoucissait, parlant longuement. L'asabi lui répondit à son tour, un long discours sans interruption, qu'elle écouta soigneusement. Puis le ton monta, de la part de l'asabi, tandis qu'Eärundra semblait écouter humblement... ou à peu près. Comme s'il lui faisait la morale, peut-être ? La druidesse restait calme, conciliante, tandis que son vis-à-vis parlait avec brusquerie. On aurait presque dit qu'il la menaçait, vu de l'extérieur. Mais elle ne semblait nullement inquiète.
Elle finit par se tourner vers Kasumi.
- Nous en reparlerons demain... Ne vous inquiétez pas.

[Kasumi]

Il était étrange de voir l'elfe si pleine de superbe, dirigiste parfois mais semblant dotée d'une grande sagesse être apparemment dominée dans une joute verbale. Kasumi n'entendait rien à l'échange et se méfiait de la signification trompeuse des intonations mais les attitudes des deux druides étaient éloquentes, révélatrices. La conclusion d'Eärundra le rassura à moitié et il se promettait de discuter en privé avec elle : peut-être que concéder leur dernier stock de racines pourrait amener le druide à livrer davantage de confidence mais il n'aimait pas l'idée de se séparer ainsi de leur dernière monnaie d'échange, d'autant qu'il soupçonnait que cela ne suffirait pas à glaner une information vraiment utile.

Le demi-elfe se leva, sentant ses jambes un peu ankylosées d'être demeuré allongé puis assis trop longtemps sans bouger.

- J'ai besoin de me dégourdir un peu les jambes. Ça te dit ? Je ne sais pas quel effet ça fait de passer un jour dans un corps de pierre et je ne voudrais pas tenter l'expérience... Tu ne te sens pas un peu raide ou une sensation comme ça ?

[Voyageuse]

La druidesse n'avait, en effet, fait que s'asseoir depuis son réveil. Elle se leva précautionneusement, mit un pied en avant, puis l'autre.
- Bah, je suis un peu raide... mais juste parce que je viens de passer un jour et demi immobile. Je vais faire quelques pas dehors...
- Je vous déconseille de quitter la petite cuvette de sable. Ici, vous êtes invisibles à leurs regards, même magiques. Non que vous ne soyez pas aptes à vous défendre, ajouta-t-il précipitamment, mais je ne voudrais pas qu'on vous repère si près de mon abri...
La druidesse acquiesça en silence et s'avança vers l'extérieur d'un pas lent, un peu raide, s'approchant d'Opale que l'asabi avait ramenée. En un geste habituel, elle fouilla dans leurs bagages pour lui donner du grain, laissant Kasumi en faire autant pour Rubis. Le druide resta à l'intérieur, s'affairant autour du feu. Au-dehors, le soir tombait et l'air avait nettement fraîchi.
- Alors, que cache cette envie subite de prendre l'air ? Tu as de la chance que ta chère et tendre ne soit pas dans les parages, elle pourrait mal le prendre !

[Kasumi]

Kasumi avait assuré Ta'sslan que quitter l'abri de la cuvette n'était pas dans ses intentions. Attirer l'attention sur eux aurait été bien trop dangereux et un risque inutile. Il rejoignit ensuite Eärundra dehors. Comme la druidesse prenait l'initiative de la conversation, il dut déterminer si elle cherchait à plaisanter et décida de faire comme si c'était le cas, répliquant d'un ton léger :

- Oh, il n'y a rien de répréhensible, enfin je crois : c'est juste que tu me rends un peu moins nerveux que ton comparse reptilien. Il m'a sauvé la vie, ce matin, et j'ai bien envie de lui faire confiance pour le reste mais sa présence me glace un peu. Et puis je n'ai pas de raison particulière hormis que je me suis senti affreusement seul depuis hier alors ça me fait plaisir de bavarder tout simplement avec une amie. Je sais que les elfes mettent bien plus de temps à offrir leur amitié mais c'est bien ainsi que j'ai envie de te considérer. Je ne pense pas que Sylvia pourrait m'en vouloir po Je ne pense pas que Sylvia pourrait m'en vouloir pour ça.

Cette fois il s'était montré plus sérieux, sincère et il osa un sourire un peu timide à des lieues de ses taquineries coutumières.

[Voyageuse]

- Hummm... Pour moi ça ressemble un peu à une façon de draguer sans vouloir l'admettre, mais soit ! Je vais m'en tenir au sens premier de tes paroles et ne pas chercher à les interpréter. Et promis, je ne dirai rien à Sylvia. Elle m'a l'air du genre jalouse...
Opale claqua du bec, comme pour la remercier pour la pitance, et elle incanta pour procurer aux deux aigles un peu d'eau.
- Quant à Ta'sslan... Je sais que tu as une méfiance instinctive, viscérale, envers ceux de sa race. Essaie de faire abstraction de ça. Il est druide. En un sens, tu peux considérer qu'il n'est plus d'aucune race... ou qu'il est un pont entre sa race et les autres peut-être. Son rôle est de défendre l'équilibre de la nature, y compris en s'opposant aux siens ou en aidant leurs adversaires si ça s'avère nécessaire. Ça n'est pas simple, et ça entraîne pour lui une solitude extrême, bien plus que pour moi. Je crois qu'il est le seul druide asabi, mais je n'en suis pas certaine. En tout cas ils doivent être rares...
Elle avait baissé le ton, machinalement. Grimaçant un sourire, elle ajouta.
- Les asabi ont l'ouïe fine, ils sentent les vibrations comme tout reptilien. Je parie qu'il entend tout ce que je dis, même à voix basse.

[Kasumi]

Kasumi haussa un sourcil mais finit par sourire et même rire un brin nerveusement de la réplique d'Eärundra. Il n'était pas loin de partager son avis à propos de Ta'sslan : leurs quelques conversations avaient suffi à lui apprendre que l'asabi ne partageait pas les opinions les plus communes de sa race et qu'il marquait clairement ses distances avec leur culture clanique et martiale. Oui, Ta'sslan ne pouvait pas être tout à fait assimilé à ceux qu'il avait combattu avec tant d'acharnement pendant des mois. Le rôdeur effectua quelques pas dans la petite dépression, reléguant son introspection en regardant le ciel qui s'assombrissait et retrouvant à l'inverse son humeur légère :

- Je vais donc éviter de critiquer sa soupe, même quand je pense qu'il n'écoute pas ! Et pour ce qui est de notre amitié... Et de la jalousie de Sylvia. Je suis intimement convaincu qu'elle sait faire la part des choses et qu'elle ne te perçoit plus comme une rivale. Mais pour éviter tout malentendu et puisque tu y vas aussi de tes interprétations douteuses, je pense qu'il serait plus sage de ne pas t'offrir le cadeau que je t'avais préparé pendant que tu jouais les statues.

[Voyageuse]

La druidesse le fixa, incrédule... et curieuse.
- Un cadeau ? Pour moi ? une sculpture aussi ? Non, sans doute pas, d'abord parce qu'il n'y a pas trop de bois par ici, ensuite parce que Sylvia serait jalouse... et enfin parce que ce serait confirmer mon interprétation de tout à l'heure et que tu ne ne prendrais certainement pas ce risque !
Elle secoua la tête.
- Ou alors c'est autre chose. Mais non. Tu essaies juste de me faire marcher. Et j'ai bien failli y croire !

[Kasumi]

Le teint du rôdeur changea légèrement et il fit clairement un pas en arrière avant de se reprendre. Son sourire s'était un peu figé et il était clair qu'il le forçait à présent. Il était clairement embarrassé par la tournure des événements et tenta un peu maladroitement de battre en retraite :

- Oui, voilà ! Je te faisais marcher mais vous autres druides êtes bien trop futés pour vous laisser avoir ! Hum... Et si nous allions aider Ta'sslan aux fourneaux avant qu'il ne s'avise de me griller la politesse : c'est mon tour de faire la cuisine après tout.

[Voyageuse]

Eärundra se mit subitement à rire.
- Il y a donc bien un cadeau alors ! A voir ta réaction, ça ne fait pas de doute... et c'est bien une sculpture... Allez, ne fais pas cette tête ! Je te taquinais !
Elle croisa les bras pour le toiser.
- Mais maintenant que je le sais, tu ne peux plus te défiler ! J'ai envie de savoir ce que tu as imaginé comme sculpture... Et je ne dirai rien à Sylvia si tu veux. De ton côté, je parie que tu ne lui as sûrement pas parlé des bracelets de cuir de mon père...

[Kasumi]

Kasumi fut soulagé en se rendant compte qu'il s'était tout simplement laissé prendre par l'espièglerie d'Eärundra : ce n'était pourtant pas faute d'être prévenu ! Il se sentait un peu coupable de n'avoir effectivement pas révélé à Sylvia d'où il tenait ses bracelets mais il avait simplement cherché à la protéger : la rôdeuse devait encore craindre de le voir filer et ce genre de signes ne ferait que fragiliser la confiance qu'elle lui portait, qu'elle portait en eux. C'était peut-être un peu lâche et déloyal mais il pressentait qu'il faudrait encore un peu de temps avant que leurs liens soient suffisamment solides pour que ce genre de chose ne pose plus vraiment question. Le rôdeur toussa dans son poing et s'éclaircit la gorge avant de répondre d'un ton se voulant léger mais quelque peu affecté tout de même :

- Inutile de nier : tu as toujours raison. Ou de te faire bisquer comme j'aime si bien le faire j'imagine ? Surtout que tu peux demander à Rubis de me faire la frayeur de ma vie à tout instant ou même envoyer une bestiole fouiller discrètement mon sac !

Le demi-elfe s'esquiva promptement pour aller fouiller dans son sac à dois proche de l'entrée de la grotte et revenir avec un petit objet de bois qu'il tendit aussitôt à la druidesse. Avec un luxe de détails et sans qu'on sache trop comment on avait cette impression, il avait capturé une scène d'un passé récent : quand Léo les avait aidé à attraper un daim peu avant qu'ils ne parviennent au campement de Haute Forêt et alors que l'elfe s'efforçait encore de tisser son lien avec le lion. La sculpture les représentait tous les deux dans un de leur premiers moments de complicité, alors que la frêle elfe enserrait le cou de l'animal massif de ses bras. Si Eärundra souriait franchement, cela semblait aussi être le cas de Léo qui manifestait visiblement son contentement d'être ainsi choyé.

[Voyageuse]

Eärundra examina la statue sous tous les angles, l'air pensif, concentrée.
- C'est très ressemblant, vraiment... tu as un don !
Elle caressa doucement les courbes du lion du bout des doigts.
- Et c'est cruel de me faire penser à Léo alors qu'il est si loin !
Mais son ton était léger, et ses yeux pétillaient.
- Et heureusement pour toi que tu n'as pas coupé exprès un morceau d'un arbre vivant, ou tu aurais eu affaire à moi ! ajouta-t-elle sur le ton de la plaisanterie.
A l'intérieur, l'asabi sifflotait... enfin, émettait une sorte de sifflement chuintant vaguement musical. Il avait ranimé le feu et farfouillait dans ses réserves.

[Kasumi]

Le rôdeur n'était pas dupe : sous ses dehors tantôt bougons, tantôt espiègles, la druidesse cherchait à dissimuler ses émotions mais il avait tout de même surpris son regard pétillant et cela suffit à le faire sourire. Il crut néanmoins bon de répondre et de tenter - une fois n'étant pas coutume avec Eärundra - d'avoir le dernier mot :

- Je n'utilise jamais de bois vivant pour mes sculptures. Et j'ai tendance à penser que les êtres qu'on aime ne sont jamais loin tant qu'on pense à eux. C'est une des raisons de ces sculptures. Mais tu n'as sans doute pas envie de tenir une conversation sur l'art et ses sources d'inspiration : un peu plus et tu risques de me prendre pour Tilmandil ! En plus je crois que notre hôte s'impatiente.