[Lieu] Antelucas

[Alchem]

« Ha bon ? Pourquoi ça ? Ils sont terribles les marchands à Lumenis ? Ou vous avez des coutumes bizarres ? »

Alchem était curieux mais il fallait bien avouer qu’il se forçait toujours un peu à poursuivre une discussion aussi légère. En temps ordinaire, pour se laisser aller, il devait se trouver dans un endroit absolument sûr avec des gens absolument sûrs. Et Théodore souriait... N’était-il pas en train d’ébrécher son image de froid pragmatique ne jurant que par l’efficacité de tous les instants ? Et si oui, était-ce une mauvaise chose ? Les relations, c’était vraiment compliqué !

[Kasumi]

Dotha se mit à rire franchement cette fois et déclara d'un ton léger :

- On voit que vous n'avez jamais fait les boutiques avec une gnome qui insistera pour vous faire essayer la moitié des vêtements du magasin - plusieurs fois - avant de décréter que c'est le premier qui vous va le mieux ! Et en plus il y a plusieurs boutiques si je me souviens bien. Non, vraiment, il vous faudra du courage. Et de la patience ! Mais vous avez l'un et l'autre je n'en doute pas.

Théodore intervint, s'attirant un regard noir de la clerc :

- Vous pouvez encore sauter de la barque et vous échappez, Alchem. Vous avez vos chances, à la nage.

[Alchem]

« Heu, non, c’est bon. Je devrais survivre à Dotha et à une marchande de vêtement. Mais je vous l’accorde, ça risque d’être rude. Au pire, je pourrais me téléporter à mille kilomètres de là ! »

Alchem esquissa un furtif sourire puis jeta un coup d’œil vers le bateau. Il lui tardait d’y être. L’eau lui ruisselait dans le dos. Une vraie douche !

[Kasumi]

Il fut exaucé moins de cinq minutes plus tard : ils purent à nouveau grimper l'échelle rendue un peu glissante par toute cette pluie et découvrirent qu'Aleka les attendait tout de même sur le pont.

- Contente de vous revoir tous en vie mais venez vous mettre à l'abri dans la cabine avant de tomber mortellement malades ! Nous avons à décider de la suite du programme mais pas avant que vous ayez tous pris une infusion bien chaude : on n'est jamais trop prudents.

[Alchem]

Ce n’était pas de refus. Alchem suivit donc, pressé d’avoir un toit au-dessus de la tête. Dès que tout serait réglé, il ferait sans doute mieux d’étendre ses affaires, au moins une partie, pour les faire sécher plus vite.

[Kasumi]

Il n’était pas le seul dont les affaires avaient subi les intempéries comme il put le constater à la quantité d’eau que le groupe laissait à chaque pas. Avant de les laisser pénétrer dans la cabine du capitaine, Aleka « proposa » que chacun d’entre eux lui remettent leurs bottes et leurs manteaux pour ceux qui en avaient. Avisant que ce n’était pas vraiment le cas d’Alchem, elle lui proposa de lui fournir une serviette et de lui amener son sac de voyage pour qu’il puisse se changer dans une des cabines adjacentes plus facile à nettoyer et qui ferait office de penderie provisoire. L’opération prit plusieurs minutes et il fallut encore attendre avant de pouvoir s’attabler devant une nouvelle tournée de thé agrémentée de biscuits sablés. Tolfdirr demanda alors au svirfneblin de lui résumer les derniers événements auxquels il n’avait pas assisté et de lui faire part de leurs décisions éventuelles pour la suite des opérations.

[Alchem]

Alchem n’avait qu’une seule tenue de rechange, cape et souliers exclus. Elle ressemblait beaucoup à celle qu’il avait retiré. Non, en fait, c’était totalement la même. Désormais sec, le gnome répondit au vieux mage avec son efficacité coutumière.

« Nous avons vaincu l’ombre du Despote. A l’issue de ce combat, une petite partie de l’Eclat a été purifié. On s’est résolu à briser la gemme pour en finir. Au premier coup, des morts-vivants se sont matérialisés, certainement les défunts marins. On les a tué. Alors qu’on s’apprêtait à frapper de nouveau l’Eclat, un fantôme nous a déconseillé de poursuivre. J’ai reconnu sa tenue. C’était celle des hauts elfes qui jadis occupaient le sanctuaire de la liche. Il a affirmé que si la gemme était brisée, le Despote pourrait se libérer. Pour en finir avec lui, il faudrait entrer dans la gemme. En attendant qu’on en ait les moyens, le fantôme a scellé l’Eclat. Les clercs jugent qu’il n’est plus dangereux pour l’instant. Il s’agit maintenant de savoir où mettre l’Eclat. La solution la plus probante est pour l’instant celle d’Aleka. Tout le monde l’a approuvé. Il ne manque que votre avis. »

Le svirfnebelin incita Aleka à expliquer cette solution.

[Kasumi]

La prêtresse ne se fit pas prier pour exposer à nouveau sa proposition : il s'agissait de gagner la chapelle du village de Dargyll. Ses clercs entretenaient une affinité toute spéciale avec la lutte contre les morts-vivants et ils accepteraient sans doute de s'occuper au moins durant quelques jours de l'Eclat. La solution lui paraissait en outre moins risquée que de l'amener à Luménis. En outre, l'endroit n'était pas si éloigné au cas où il faille intervenir rapidement.

Tolfdirr avait écouté Alchem et Aleka sans les interrompre et prit le temps de réfléchir avant de répondre :

- J'aurais aimé pouvoir l'étudier à l'université mais je suis aussi de votre avis : nous devons effectuer des recherches et trouver un moyen de purifier l'Eclat avant de nous lancer à nouveau à l'aventure. Notre brève rencontre nous aura au moins donné des indices et des pistes à suivre. Et le fait que vous soyez parvenu à une solution - même provisoire - est une très bonne chose. Comptez-vous vous rendre à Luménis après avoir confié la gemme ? Votre aide pourrait nous être utile.

[Alchem]

« C’est probable. »

Puisque les circonstances l’avaient déjà conduit à se rendre dans cette vaste cité, autant y retourner. L’endroit semblait idéal pour apprendre un tas de choses sur la surcace. Et puisqu’il pouvait être utile, la destination s’imposait véritablement.

« Bon. Puisque tout le monde est d’accord, il ne reste plus qu’à agir. De combien de sorts de téléportation on dispose ? Il m’en reste un et je peux emporter quatre personnes. »

S’il y avait assez de sortilèges disponibles, l’affaire pourrait être réglée dans l’heure. La gemme en sécurité à Dargyll et le gnome de retour à Lumenis.

[Kasumi]

Ni Aleka ni Théodore ne maîtrisaient ce sortilège évidemment mais cela le svirfneblin le savait déjà. Tolfdirr, Ancamo et Ezekiel le connaissaient mais ils n'avaient pas choisi de le préparer puisqu'ils avaient eu dans l'idée d'accomplir un exorcisme. Dotha intervint alors, tous sourires :

- Un gnome digne de ce nom prépare toujours une porte de sortie et en cela Alchem est un représentant tout à fait légitime de notre race ! Prenez-en de la graine ! Je dispose moi aussi d'un sortilège et je peux transporter trois personnes. Cela nous suffit pour atteindre Dargyll mais il faudra y passer la nuit.

La prêtresse de Lathandre intervint alors :

- Tant mieux : cela fait longtemps que j'ai envie de visiter Dargyll : la ville a un certain folklore local des plus intéressants. Et je pense que notre temple nous hébergera pour une nuit.

[Alchem]

« Bon. Parfait. On n’a plus qu’à dire en revoir et on y va. »

Le capitaine et son équipage ne seraient sans doute pas mécontent que l’Eclat s’en aille. Le voyage avait été passablement perturbé. Un vrai cauchemar. Alchem, quand à lui, préférait quand même la terre ferme. Un sol stable, c’était pas mal. Bien sûr, avant de partir, il allait réclamer une description précise de la destination. Mais bon, était-ce encore utile de préciser des évidences ? Précautions, précautions, précautions... et encore des précautions. La rengaine quotidienne.

[Kasumi]

Le capitaine ne tarda pas à se présenter de lui-même : il restait de l'ordre à mettre sur son bateau - notamment réparer le coffre-fort et rendre les derniers hommages aux marins décédés mais il n'était effectivement pas fâché que cette histoire soit terminée. Aleka lui adressa quelques mots en aparté et lui remit un document qu'il roula soigneusement avant de le ranger dans son manteau. Pendant ce temps, Dotha se fit un plaisir de commencer la description nécessaire au gnome : Dargyll était un petit village d'une trentaine de maisons qui se distinguait surtout par son cimetière. La gnome semblait bien le connaître à en juger par la description détaillée qu'elle lui fit. Tolfdirr attendit son heure pour poser la question qui le taraudait :

- Ce n'est peut-être pas très important étant donné les circonstances mais qui transportera l'Eclat ?

[Alchem]

« C’est moi qui le transporterai. »

Il n’y avait pas de vrai raison à cela, autre qu’Alchem avait toujours préféré prendre les risques indispensables à la place des autres. Il rassembla ses affaires, demanda l’Eclat à Dotha, salua le capitaine puis déclara qu’il était prêt au départ.

[Kasumi]

Près, les autres ne mirent pas bien longtemps à l'être également. Bientôt chacun avait réuni ses affaires même si certains manteaux étaient encore malheureusement humides. Aleka et Théodore décidèrent spontanément de se placer dans le groupe d'Alchem. Ezekiel et Ancamo se rapprochèrent de Dotha. Seul Tolfdirr parut hésiter un moment avant de rejoindre la gnome à son tour. En somme, le svirfneblin allait terminer cette aventure avec les mêmes compagnons qu'à son départ de Lameroy. Il avait sa destination bien en tête mais Dotha fut la première à incanter et disparaître vers Dargyll.

[Chandara]

RP : Révélation

Le voilier n'était pas fait pour la haute mer. Non, il était taillé pour la vitesse et c'était bien le plus important en cette saison clémente où la mer était d'huile et l'on pouvait déployer toutes les voiles sans risque.

Bien que disposant d'une petite cabine privative, c'est sur le pont du "Danse sur les vagues" que Chandara avait passé le plus clair de son temps depuis son départ de Luménis trois jours plus tôt. Elle prenait plaisir à observer la côte qui défilait à vive allure au loin ou à échanger quelques amabilités avec les quelques autres passagers du petit galion - une famille de retour de visite chez leur fils aîné, un diplomate et un jeune couple parti passer leur voyage de noces à Antelucas.

La voyant voyager seule, quelques-uns des membres d'équipage avaient tenté leur chance de la séduire mais l'aspirante paladine les avait éconduit poliment et joyeusement un à un. C'était flatteur, bien sûr, mais c'était un jeu dangereux et elle savait pertinemment qu'ils ne recherchaient qu'une aventure de plus avec une jolie fille. Cela donnait au moins le ton de ce que serait l'ambiance libérée d'Antelucas.

[Chandara]

Etait-elle réveillée ou rêvait-elle encore ?

Depuis la veille, Chandara se sentait inexplicablement euphorique. Peut-être était-ce simplement qu’elle sentait, pour la première fois depuis bien longtemps ou même pour la première fois tout court, qu’elle se dirigeait exactement dans la bonne direction. Qu’elle avait fait les bons choix et qu’elle se rapprochait de jour en jour, d’heure en heure, de la place qui lui revenait depuis des années.

Tout cela contribuait à alléger grandement son moral et tout semblait soudain plus beau ou meilleur, même la nourriture du bord qui n’avait pourtant rien d’exceptionnel. Et même dans ses songes, le monde et sa façon de l’appréhender semblaient différents. Ses rêves étaient de plus en plus intenses, à tel point qu’ils laissaient une impression tenace même après son réveil.

Etait-elle réveillée ou rêvait-elle encore ?

Toujours le même rêve. Elle débarquait sur un ponton empiétant sur une mer d’azur et e rapprochait d’une page de sable plus fin qu’elle n’en avait jamais vu. Devant elle, sa destination avait d’abord été floue mais les détails gagnaient à chaque fois en réalisme et en richesse. La ville qui lui faisait face était extraordinaire, comme émergeant d'un conte de Féérie. Elle ne l’avait jamais vue mais elle lui semblait pourtant familière et accueillante. Elle l’appelait.

Mais elle n’atteignait jamais les remparts de la ville. Elle bifurquait toujours rapidement sur la gauche pour suivre une route pavée de blanc. Elle gravissait une colline en sentant que chaque pas était plus léger que le précédent. Elle atteignait un nouveau mur d’un blanc immaculé. Il enserrait une destination qui lui paraissait encore floue. Le seul détail qui revenait toujours était une arche suffisamment grande pour laisser passer deux chevaux, les grandes grilles ouvragées et décorées qui étaient ouvertes.

Et elle se réveillait toujours au moment de les franchir. Mais était-elle réveillée ou rêvait-elle encore ? En tous cas l’appel était de plus en plus puissant, de plus en plus pressant. Et Chandara aspirait à y répondre de toute son âme. De tout son cœur.

[Chandara]

Le voyage touchait à sa fin. Le capitaine du galion avait invité une dernière fois ses passagers à partager le repas du midi avant qu’ils n’arrivent en vue des côtes Anteluciennes. La ville, vue de la mer, était exactement comme Chandara avait pu l’imaginer bien qu’il s’en dégagea une atmosphère exotique et unique.

Après le déjeuner, la jeune-femme avait préparé ses bagages avant de les monter sur le pont en prévision du débarquement. Ainsi, elle put observer sans discontinuer sa destination et son nouvel environnement pour les prochains mois. Et maintenant qu’elle les touchait du doigt, elle avait encore plus hâte de les atteindre.

Il fallut prendre son mal en patience pendant encore une heure avant que le voilier n’atteigne enfin le port où mouillaient nombre de bâtiments de toutes tailles et qu’elle ne puisse enfin débarquer. Elle avait aussitôt écarquillé des yeux de surprise tant son impression d’être déjà venue ici était tenace : le port, la route au-delà, les remparts de la ville proprement dite à quelques centaines de toises... Elle n’était jamais venue ici – elle en était certaine - mais tout lui semblait déjà intime et familier.

Remontant le ponton d’un pas empressé, elle ne vit qu’au dernier moment le garde qui enregistrait le nom des passagers et elle répondit confusément à ses questions. Elle donna son nom complet, déclara les armes qu’elle transportait puis déclina la raison de sa présence : rejoindre la Commanderie. L’affirmer à haute voix lui procurait un sentiment étrange entre satisfaction et irréalité. Le garde se contenta de griffonner sur son bréviaire et la saluer avant de passer au requérant suivant.

Les formalités expédiées, elle récupéra ses deux lourds sacs de voyages et se tourna vers la route de gauche, sans demander son chemin. Pourtant rien n’indiquait que c’était bien par là que se trouvait la Commanderie des paladins de l’Ordre de la Rose Rubis. Rien de tangible ou de visible. Mais le cœur voyait des choses que les yeux ne pouvaient révéler.