[Lieu] Une route oubliée

[Galathée]

Il secoua la tête.
" Je ne pense pas que le système de la communauté vous permette de le faire, Marthe. Là aussi, il y aurait précédent... Je suis d'ailleurs surpris qu'Hubert ait pu y entrer si facilement, sans qu'aucune assemblée ne l'ait confirmé dans cette position. C'est presque..."
Il n'alla pas plus loin. La juge était fatiguée, ce n'était pas le moment d'entrer dans des discussions stériles.
" Pourquoi ne leur demandez-vous pas simplement d'être excusée ? Il ne peut pas s'être passé mille choses depuis hier. Agnès ou Ignace vous fera un compte-rendu ensuite."

[Taliesin]

-Me faire porter pâle sans trouver personne pour me remplacer, pour représenter ma... sphère d'influence, va-t-on dire, ce ne serait pas très professionnel.
Elle eut un sourire plus tranquille;
-Et vous savez, ce qui se passe pour Hubert est tout à fait légal. L'Assemblée s'est prononcée sur loe sujet, elle s'est mise d'accord pour dire que si un conseiller n'est plus en mesure d'exercer ses fonctions sans qu'il soit possible d'organiser immédiatement des élections, un successeur peut être nommé et exercer sa charge jusqu'à ce qu'un vote en bonne et due forme puisse avoir lieu.

[Galathée]

" C'est pragmatique, je suppose, dit simplement Albérich avec un sourire. Mais vous êtes en mesure d'exercer vos fonctions. Et vous ne me connaissez pas assez pour être certaine que je vous représenterais adéquatement. Par contre, vous semblez craindre que les autres conseillers prennent des décisions contraires à votre sphère, comme vous l'appelez, si vous n'assistiez pas à un unique conseil ? Il doit pourtant y avoir des garde-fous, là aussi, j'imagine."

[Taliesin]

-Des gardes fous ? Non, Albérich : les décisions du Conseil peuvent être adoptées à la majorité, il n'est pas nécessaire d'obtenir l'unanimité de ses membres. Trop dr risques de blocages, sinon... J'ai donc terriblement peur qu'Hubert profite de mon absence pour proposer à nouveau de sonder tous les colons à leur insu et qu'il l'emporte. Après tout, il n'est pas le seul pragmatique, dans nos rangs, et je crains qu'ils soient en supériorité numérique si un seul des idéalistes vient à manquer à l'appel...
Elle sourit à nouveau.
-Je plaisante. Pas sur les pragmatiques que compte le Conseil, mais sur le fait qu'Hubert mettrait ma défection à profit.

[Galathée]

Albérich faillit grimacer. Marthe avait décidément une image un peu trop... idéalisée de ce dont Hubert était capable, tout paladin qu'il soit. Mais il sourit doucement.
" Je n'ai manifestement pas suffisamment lu le règlement de la communauté, dit-il. Avec tous les cas de figure que vous mentionnez, il doit être épais comme une douzaine de volumes. Mais c'est le rôle d'une juge de le connaître, évidemment."
Leur arrivée tardive dans le groupe lui paraissait à nouveau catastrophique en termes d'implication. Toutes ces décisions avaient été prises en leur absence, et il n'en connaissait pas les trois-quarts. Bien sûr, s'ils avaient déjà été là, cela n'aurait probablement rien changé : la démocratie, c'était le pouvoir au peuple. Cela ne signifiait ni que les bonnes décisions étaient prises, ni que les bonnes personnes étaient élues. Il lui apparut qu'ils s'étaient engagés trop vite, sans suffisamment réfléchir. Mais ça, il le savait déjà, en réalité.
Pense en Lathandrite. Les regrets ne servent à rien.
Il se leva.
" Bon. Je vais vous laisser... faire ce que vous estimez bon. Nous nous croiserons sûrement plus tard."

[Taliesin]

-Oh, je pense que je vais aller déjeuner, histoire de retrouver un peu d'énergie avant la réunion. Et de contribuer à maintenir en vie l'Académie.
Elle se leva.
-Et de votre côté, quel sera votre programme ? J'imagine que vous en aurez vite terminé avec la composition des groupes de sentinelles...
Elle soupira.
-J'aspire au jour où les problèmes militaires seront moins cruciaux, où les gens comme vous et moi auront un rôle plus important à jouer, pourront vraiment bâtir une nouvelle société... Cela viendra. D'ici là, il faut se rendre utile comme l'on peut, aussi modestement que ce soit. Enfin, modestement... En ce qui vous concerne, vous avez su déjà rendre de grands service malgré cette situation particulière...

[Galathée]

Albérich se contenta de sourire en lui prêtant une main serviable pendant qu'elle descendait du chariot. Il ne voyait pas en quoi les petites choses qu'il avait faites la veille étaient extraordinaires : bien d'autres auraient pu les réaliser avec autant de brio. Et Marthe aussi avait passé sa journée à servir la communauté, quoi qu'elle en dise.
Sans doute était-ce lié à sa réputation, mais c'était quelque chose qui lui était complètement extérieur, sur lequel il n'avait aucune prise. A ce prix-là, il aurait pu rester au milieu de la cour, assis sur une chaise, que cela aurait eu le même effet. Mais il n'en dit rien : Marthe n'aurait pas compris.
" Je vais me rendre utile comme je peux, je suppose. Je ne sais pas encore. Il y a la constitution, toujours, mais je ne le sens pas pour l'instant."
C'était honnête.
" Je vais sans doute aller faire un tour du côté de l'école. Ou voir si Ignace a autre chose à me faire faire. Et puis il y a les entraînements."
Il ne verbalisa pas ce qu'il pensait, que c'était désormais la chose la plus utile : savoir se défendre et défendre les autres. Robert avait eu raison, sur ce point.

[Taliesin]

La juge s'immobilisa.
-Ah oui, les entraînements...
Sourire.
-Bon : petit-déjeuner, conseil, sieste puis petit tour par l'armurerie. J'ai dans l'idée de me dégotter un marteau de guerre, cela collera mieux qu'une épée à mon état d'esprit.
Ils rallièrent la cantine, repérèrent la table des instituteurs où deux places les attendaient. Giovanni était également de la partie, quoiqu'il ne paraisse pas très en forme - doux euphémisme.

[Galathée]

Albérich se glissa à table avec un sourire tranquille à l'intention de tout le monde, y compris le barde. Il ne l'avait pas vu depuis un certain temps, savait qu'il était désormais le chef désigné des archers. Avec en sus son statut de jeteur de sorts et ses velléités artistiques, en voilà un qui ne devait pas chômer, ni en corps, ni en esprit. Il avait d'ailleurs l'air épuisé.
" Comment vous portez-vous, Giovanni ? Vous avez la mine de quelqu'un dont le voisin ronfle avec entrain."

[Taliesin]

-Il a la gueule de bois, fit Agathe avant que l'intéressé n'ait pu répondre.
Celui ci - qui, à bien y regarder, semblait effectivement présenter certains symptômes d'une nuit trop arrosée -, s'anima quelque peu.
-Calomnie ! Albérich, mon ami, ne crois pas cette langue de vipère. Si je suis dans cet état, c'est parce que j'ai passé des heures et des heures à travailler avec les autres praticiens ou amateurs des arcanes, à faire l'inventaire des sortilèges à notre disposition, à établir des listes, à réfléchir à des combinaisons... Nous nous sommes torturés les méninges une bonne demi-journée d'affilée et il nous reste encore à mettre la dernière main à notre œuvre. Voilà la seule et unique raison de mon extrême fatigue !

[Galathée]

Albérich sourit au barde.
" Une tâche cruciale, en effet."
S'ils avaient fêté ça en arrosant la soirée, il serait bien le dernier à le leur reprocher.
" Est-ce que vous avez eu l'occasion de descendre aux Thermes ? Les mosaïques sur les murs sont remarquablement préservées, pour une construction aussi ancienne. J'imagine qu'il y a là de quoi susciter votre enthousiasme, d'autant que ce n'est qu'un avant goût."

[Taliesin]

Giovanni sourit.
-Nous y sommes allés en milieu de nuit : nous avions besoin de nous rafraichir les idées. Sans compter les mesures anti-parasites. Effectivement, c'est un endroit aussi agréable que superbe, et les mosaïques sont proprement magnifiques. Je regrette juste qu'il n'y ait pas le moindre personnage dessus...
Il avala une gorgée de son thé.
-J'aurais aimé m'y rendre souvent, pour me baigner et préparer ma future fresque. Malheureusement, comme j'accumule les casquettes, ces temps-ci, comme en tant que responsable des archers et lanceur de sorts, je dois rester en permanence disponible en cas d'assaut ennemi et loger dans la tour sud-est, ce sera miracle si je puis y aller de temps à autre. Ce n'est pas grave, cependant : j'imagine que les thermes de la cité seront bien plus merveilleux encore.

[Galathée]

" A n'en pas douter. Si les artistes ont déployé un tel savoir-faire pour une caserne... Vous ne pourrez pas être déçu. A moins que Clairétoile ait été une cité vouée à la guerre. On pourrait alors imaginer que les thermes militaires soient les endroits les plus ornés..."
Il eut un sourire.
" Ne me dites pas que les documents indiquent le contraire. Je suppose que c'est le cas. J'imagine mal toute la communauté s'enthousiasmer pour une forteresse."

[Taliesin]

-Oh, les forteresses, ça a parfois du bon.
-Je n'aurais jamais cru dire ça un jour mais... Je les aime plutôt bien, nos murs, nos tours...
-Et ceux de la cité m'ont l'air, ma foi, fort rassurants...
-Oh que oui. Mais effectivement, quand nous nous sommes lancés dans l'aventure, ce sontn plutôt les autres aspects de la cité qui nous ont attirés. J'ai hâte de les découvrir... Cependant, nous avons d'abord une meute de monstres à éradiquer de la surface de Toril.
Tous acquiescèrent, Marthe y compris. Manifestement, la nuit n'avait pas atténué les ardeurs belliqueuses de l'Académie.

[Galathée]

En d'autres temps, le Luménien se serait offusqué de pareils appétits. Lathandre était le dieu de l'harmonie entre les peuples et l'idée de se réjouir du massacre d'autres personnes l'aurait révulsé. Mais il ne pouvait que comprendre cette attitude, même s'il espérait que la violence larvée qui couvait au fond de chacun d'entre eux s'éteindrait avec leur victoire. Toutes ces émotions étaient mauvaises, colère, vengeance, envies d'agression, et il ne fallait pas que la communauté vire dans la barbarie dont elle se défiait. En même temps, il s'inquiétait pour rien : le désir de survie était naturel, nécessaire. Et face aux compromis qu'exigeait le conseil, autant que les gens soient prêts à tout donner, ils allaient peut-être devoir le faire.

***

Hubert était dans un état d'esprit moins belliqueux. Il avait prié face au soleil absent, sans se soucier des odeurs de neige, avait senti l'énergie et la foi lui revenir en dépit des nuages, s'était ensuite mobilisé sans difficultés, reposé, concentré, décidé. Son premier arrêt fut pour Frida. Elle avait comploté avec Albérich pour l'écarter de la veille, mais elle serait sûrement capable de lui faire un rapport pour se faire pardonner.
" Bonjour à vous, gente dame, l'aborda le paladin, sur les remparts. J'espère que vous n'avez pas trop mal... veillé. Comment les choses se sont-elles passées ? Les Paludiers sont-ils tous montés au fort pour la nuit ? Je dois dire que je suis plutôt surpris de ne pas avoir entendu le moindre tambour. Je doute d'avoir un sommeil à ce point profond..."

[Taliesin]

Elle lui sourit.
-Premier point : je ne suis pas une gente dame, mais une rude et sauvage coureuse des bois. Mon prénom suffira donc largement, et le tutoiement serait la cerise sur le gâteau. Deuxième point : la nuit a été calme. Les cannibales ont monté leur camp non loin au sud, sur le plateau, et ils n'ont guère bougé, bien qu'ils aient laissé des guetteurs au fort ouest et que des mouvements d'animaux aient été signalés non loin de nos remparts. Sinon, cinq de nos guetteurs ont connu un assoupissement sans conséquence, mais j'en ai parlé à Albérich. Troisième point...
Elle croisa les bras.
-J'ai bien veillé... et bien dormi. Ayant quelque peu présumé de mes forces, j'ai préféré demander à l'un de mes confrères de prendre la relève vers deux ou trois heures du matin. Je suis finalement revenue à mon poste une heure avant l'aube.

[Galathée]

Hubert opina du chef.
" Merci pour ce résumé succinct, Frida. J'imagine qu'Etienne va prendre votre... ta relève incessamment. Sauf que j'imagine que nous serons tous à la réunion du conseil... Il va y avoir une réunion du conseil, je présume ? J'ai eu l'impression que vous aimiez vous réunir plutôt... régulièrement."
Il sourit.
" Bon. Je vais aller petit-déjeuner, je te retrouverai dans la tente en question. Je ne sais pas ce que tu feras ensuite mais j'aimerais que tu sois à la réunion d'état-major qui suivra. Peut-être avec Varamyr, idéalement. Nous allons devoir commencer à examiner nos options."
Si elle n'avait rien à ajouter, il joindrait le geste à la parole. A présent qu'il était plein d'énergie, il lui tardait de se mettre au travail.

[Taliesin]

Frida n'eut rien à ajouter, mais il eut la nette impression que discuter des "options" qui s'offraient à eux était une perspective qui ne lui déplaisait pas le moins du monde.
Lorsqu'il y entra, la cantine était comble. Il repéra les Académiciens, regroupés comme de coutume ; plus loin, c'était les Instructeurs, réunis comme ils l'avaient jadis été du temps de Grand-Estuaire ; ailleurs, d'autres de ses officiers, ses écuyers étant assis non loin d'Ingrid. Il semblait n'y avoir aucune place disponible mais, sans nul doute, on se pousserait sur les bancs pour lui en ménager une où qu'il se présente.

[Hubert de Maleval]

Mais Hubert n'avait aucune intention de s'installer. Il voulait expédier cette obligatoire réunion du conseil puis se mettre au travail. Et si elle devait commencer dans une heure, il voulait le savoir. Aussi attrapa-t-il une tasse de thé qu'il vida d'un trait, puis un morceau de pain, avant de chercher quelqu'un de susceptible de le renseigner. Quelqu'un comme Ignace. Si l'intendant lui annonçait qu'ils en avaient encore pour une demi-heure, il chercherait Gabriel pour un compte-rendu de son travail, puis irait voir les gosses — il avait une nouvelle mission à leur confier — et s'il lui restait encore du temps (il espérait que non), il irait sur les remparts observer ce campement en devenir.
C'était le contrecoup de l'aube : chaque minute à traîner lui semblait perdue inutilement.

[Taliesin]

Ignace lui apprit que la réunion du conseil aurait lieu dans un quart d'heure environ, et qu'elle promettait d'être brève. Quant à Gabriel, qui semblait un - tout petit - peu moins énergique que d'ordinaire, il le salua chaleureusement.
-C'est presque terminé, monsieur le maréchal, répondit-il à sa question.[color=#FFFFF33] Les listes sont établies, diverses configurations envisagées... Nous devons juste vérifier ce que nous avons écrit, par acquis de conscience. Parce que nous avons travaillé très tard et... bu quelques gorgées tirées de flasques jaillies d'on ne sait où pour nous donner du courage. Bref, quand nous nous sommes résolus à aller nous coucher, nous étions vraiment... fatigués, et je ne suis pas sûr, par exemple, que l"'Époustouflant et radical Algorithme sinusoïdal de Melchior le Flamboyant", que j'ai vu ce matin en jetant un coup d’œil à nos notes, soit réellement un sort à notre disposition... ou que ce soit un sort tout court, d'ailleurs. Mais que monsieur le maréchal se rassure : non seulement ce que nous lui présenterons sera à la hauteur de ses attentes mais, de surcroît, nous le lui présenterons dans une heure ou deux.[/color]

[Hubert de Maleval]

Hubert dévisagea le clerc avec stupéfaction, se demandant si la sagesse était optionnelle, au moment de devenir prêtre. Ce n'était manifestement pas le point fort de Gabriel. Pendant un moment, il songea à le tancer vertement pour son manque de sérieux — et si les cannibales avaient attaqué en pleine nuit, qu'auraient-ils tous fait, ivres au moment de livrer bataille ? — mais il se douta que le Lathandrite aurait réponse à tout, et le duel verbal à venir le démoralisa avant même d'avoir été entamé. Tymora avait veillé à ce que leurs errements ne portent pas à préjudice, il fallait la remercier. Mais ça ne voulait pas dire qu'il pouvait prendre le risque que la chose se reproduise.
" J'apprécierais... que vous démontriez un poil plus de retenue à l'avenir."
Mais Gabriel est un civil, tu n'as rien à lui dire, lui rappela la voix de Robert.
" Enfin soit. Je serai heureux d'avoir le résultat de vos réflexions dès que possible."
En espérant que les trois-quarts de leurs projets ne soient pas des délires avinés, bien sûr. Il regretta son choix d'aide de camp. Il n'était pas certain de pouvoir faire confiance au résultat de son travail.
Voilà ce qui arrive quand on délègue les choses cruciales, songea-t-il.

[Taliesin]

Le Lathandrite se fit penaud.
-Hum, et je dois confesser à monsieur le maréchal que comme nous nous sommes couchés très, très tard, et levés très, très tôt... Aucun des lanceurs de sorts n'a pu... mémoriser quoi que ce soit. Hum, je dis aucun, parce qu'il faut ainsi inclure Barthélemy et Agnès, que nous avions conviés pour envisager des combinaisons potentiellement formidables de magie profane et divine... Mais tout sera rentré dans l'ordre demain, bien sûr...

[Hubert de Maleval]

Hubert prit une profonde inspiration.
" Gabriel. J'espère pour vous que c'est une plaisanterie. Si ça n'en est pas une, je vous promets que je me servirai de votre carcasse comme boule de feu. Je suis sûr que cette aube brûle superbement bien. Imbibée d'alcool, ce sera encore plus efficace. Et ça me permettra de régler deux problèmes en une seule fois."

[Taliesin]

Le clerc se fendit d'un sourire désarmant.
-Être transformé en boule de feu, en une sorte de soleil terrestre, je gage qu'il se peut imaginer fins moins honorables pour un Lathandrite tel que moi. Mais comme je tiens à voir la déroute de nos ennemis et à m'installer avec la Communauté à Clairétoile... Je crois que je vais devoir te rassurer.
Soupir faussement déçu.
-Il y a eu un peu d'alcool et quelques élucubrations farfelues, mais uniquement lorsque nous avons été trop fatigué pour travailler. Nous nous sommes couchés tard, mais pas autant qu'on aurait pu le craindre, tout le monde sera à même de lancer des sorts en cas de besoin, et je dois juste mettre mes notes au propre pour que tu puisses disposer de listes claires, non de brouillons.

[Hubert de Maleval]

Hubert se radoucit, mais tout juste.
" Gabriel, je sais que vous... tu es un civil, et que je n'ai rien à te dire... Mais vous devez être opérationnels. Tout le temps. Vous devez dormir. Vous devez manger. Vous devez mémoriser vos sorts. Et vous ne pouvez pas être ivres au milieu de la nuit. Vous êtes une poignée, bon sang. Nous avons besoin de chacun d'entre vous, au meilleur de vos possibilités, en permanence."
Il secoua la tête et soupira.
" Mais soit. Je sais que tu es moins... insouciant que tu aimes en donner l'impression. Ou du moins je l'espère. C'est déjà quelque chose, je suppose. J'attendrai les listes. Je suis sûr qu'elles ne me décevront pas."
Il esquissa un sourire puis grimaça.
" Bon, je te dis à plus tard. J'ai encore une chose ou l'autre à faire avant le conseil."
Les enfants, puis le conseil, puis la réunion d'état-major.

[Taliesin]

Il entendit le clerc soupirer, mais celui-ci n'ajouta rien et il put donc gagner sans tarder la table qui était sa destination. Là, tous les occupants, au premier chef Ingrid, sa fille et Alban, le saluèrent avec chaleur.
-Grand Vent est en pleine forme et bien nourri, m'sire ! lança fièrement la petite fille. Si vous voulez, on peut vérifier que le harnachement est en bon état... Mais Alban il dit que vous aviez une autre mission pour nous.
Elle semblait aussi curieuse qu'enthousiaste.

[Hubert de Maleval]

Hubert grimaça devant l'enthousiasme de la gamine.
" Ah. Ruth. J'ai bien peur que la tâche que j'ai à vous confier te fasse hérisser les cheveux sur la nuque d'horreur." avoua-t-il.
Il décocha un clin d'oeil à Alban puis revint à la gamine.
" Je voudrais que vous alliez dans la bibliothèque de la communauté. Je ne sais pas si elle a été déchargée ou si elle est encore dans son chariot. Je crois qu'un des instituteurs pourra vous servir de guide. Je veux que vous me rameniez tout ce que vous trouvez sur les sièges. Documents historiques, techniques, même de la fiction. Tout ce qui semble pertinent. Je veux aussi que vous négociez avec Etienne pour avoir accès aux documents qu'il détient sur la cité que nous rallions. J'ai besoin de savoir ce qu'ils utilisaient comme défenses. Il n'est pas interdit de penser qu'il y a des mécanismes incroyables cachés dans ce fort... mais nous ne les trouverons pas si nous ne savons pas où les chercher."
Il leva les yeux.
" S'il s'ennuie, demandez donc à Albérich de vous aider. C'est le genre de choses qu'il doit adorer."
Il regarda à nouveau Ruth.
" En contrepartie, je vous dérouillerai sur le terrain d'entraînement avant votre garde. Ou après. En fonction du moment où elle a lieu."

[Taliesin]

La gamine avait ouvert des yeux ronds comme des soucoupes.
-Vous voulez que je m'approche... d'un maître d'école, puis que j'aille... à la bibliothèque ?
Elle poussa un soupir spectaculaire avant de se fendre d'un sourire bravache.
-Bah, les preux doivent oser affronter leurs pires ennemis, alors d'accord.
-Dis-toi que les maîtres seront aussi horrifiés que toi quand ils comprendront que c'est des livres sur la guerre qu'on doit chercher.
-Ah oui ! Pas bête !
-Et, messire... Si vous n'avez pas le temps de nous entraîner, ne vous inquiétez pas pour ça : je pense qu'il y aura bien un instructeur pour accepter de nous prendre dans son groupe...
-Je suis sûr que Ted serait ravi.

[Hubert de Maleval]

" Je prendrai le temps de vous entraîner. Ça me fera un moment de détente. Enfin... Sauf si vous me ratatinez dans la poussière, bien sûr."
Il leur sourit avec chaleur.
" Ramenez ce que vous avez trouvé dans la salle où l'état-major se réunit. Je devine que d'autres y passent également, mais vous pouvez tout empiler, très soigneusement, dans un coin. Bon. Je vais filer à ma réunion du conseil. Merci d'avance pour vos efforts."
Le quart d'heure devait être passé, désormais, et Hubert se dirigea vers le chariot où ils s'étaient réunis la veille.

[Taliesin]

Le quart d'heure n'était peut-être pas tout à fait terminé, en fin de compte, car il fut le premier à entrer dans l'intendance. Néanmoins, un à un, ses confrères et consœurs firent leur apparition et, une poignée de minutes plus tard, la réunion était lancée. On fit en premier lieu un bilan sur les décisions prises la veille et dont la plupart avaient été menées à bien : les colons avaient tous pu se laver et faire leur lessive, ils avaient tous un endroit où dormir qui leur convenait et, en ce domaine, la seule amélioration envisageable était de masquer avec des pans de toile les portes et les meurtrières des tours, afin d'y limiter les courants d'air. Pour le reste, les groupes de sentinelles formés par Albérich avaient donné satisfaction et les portes commandées par Frida seraient finies en cours de matinée, de même que leurs gonds. La mise en place ne serait probablement pas longue ; elle nécessiterait cependant un dispositif de sécurité particulier, puisque les cannibales risquaient de voir là une opportunité de prendre le fort. D'essayer, du moins.