[Quête] Guerre des plaines brûlantes : un certain goût pour la mort

[Gaspard Hurlegloire]

En clair, le château était le théâtre d’un conflit Melando-Melandien. Alors certes, l’un des camps paraissait nettement plus abordable que l’autre, certes il y avait des otages Manostiens et le grimoire impie en jeu, alors certes Gaspard avait un compte à régler avec le nécromancien et pouvait éventuellement s’entendre avec son homologue clerc... n’en demeurait pas moins que les explications d’Arthur étaient particulièrement confuses. Une chose était certaine, le lieutenant n’allait pas mettre en péril sa mission première et la vie de ses propres hommes avec si peu d’indication. Bref, avant de prendre une décision, il fallait d’abord y voir plus clair.

« Comme vient de le dire Chandara, je suis là avant tout pour vous, Arthur. Nous pouvons partir d’ici sur le champ, sans effusion de sang. Certainement que nous le devrions. Je ne m’engagerai pas dans une opération hasardeuse. Bref, je veux du concret. Quels sont exactement les forces en présence et où sont-elles postées ? Quel est précisément le déroulement des événements qui vous a conduit ici, dans cette cave ? Peut-on rejoindre ce comte et le clerc de Tempus à partir d’ici ? »

Tout avait été dit dans le pur style militaire. Alors qu’il achevait sa tirade, le prêtre fit glisser son regard sur les deux soldats Melandiens, parce que justement c’était des soldats et que peut-être ils pourraient répondre avec d’avantage de rigueur.

[Arthur de Faisanlys]

« En fait… Hum… Le nécromancien. Destertres. Il… maltraitait les prisonniers. Quand le comte est arrivé, il s’est mis en colère… et il l’a fait arrêter. Destertres n’était pas content. C’est comme ça que ça a commencé. Il s’est évadé. Ou alors c’est le livre qui l’a fait évader… Je ne sais pas. En fait, je ne sais pas grand chose. Il y a le donjon… mais nous on était en bas, et puis il y a eu une explosion. La brume, elle baigne toute la cour… et maintenant elle baigne une partie du donjon, parce qu’il y a eu un trou au premier étage. Nous on était en bas. Destertres a dit qu’il les laisserait sortir s’ils me livraient. Le lieutenant Grimaud… Il est dans ce tonneau-là. Enfin son cadavre. On voulait que peut-être le sire de Roquebrune… C’est le clerc de Tempus. Il puisse le ressusciter parce que… il est mort bêtement à cause de moi. Nous trois, on était dans les caves quand la mutinerie s’est déclenchée. On gardait les portes du donjon. Après… ça fait un petit moment qu’on cavale dans les couloirs sans savoir vraiment où on va. Destertres a mis sa base dans une des tours, ça on sait. Mais bon… il est rudement puissant. »
Il regarda le clerc.
« Je pense que si vous en avez les moyens, ce serait vraiment dommage de partir sans l’arrêter. Je sais que les Mélandiens qui se disputent, ça nous arrange plutôt bien, mais… Il y a ce bouquin, quand même. On ne peut pas le laisser ici ! Avec vous, on pourrait y arriver. Se glisser jusqu’à la tour et choper ce fichu truc. Je suis certain que la brume se dissiperait si on parvenait à détruire le livre ou tuer le nécromancien. Bon… Une fois qu’il n’y aura plus de brume, les Mélandiens qui sont dans la tour pourront descendre… Et moi je ne connais pas bien les préceptes de Tempus, donc je ne sais pas s’ils se rendraient ou s’ils nous combattraient. Je crains qu’ils nous combattraient. Moi je ne sais pas très bien ce que je dois faire, là-dedans. J’ai quand même signé un contrat. Votre arrivée… »
Il regarda Chandara, souriant, puis subitement embarrassé.
« … n’était pas prévue dans le contrat. Je crois que l’honneur exige que… je ne sais plus trop ce que l’honneur exige, en fait. Mais c'est sûr qu'ils auront toujours les otages. Je ne sais pas trop combien ils sont. Une dizaine ? Il faudra sans doute négocier. »

[Chandara]

Chandara ne sut faire autrement que de rendre son sourire au jeune-homme. Ses explications étaient plutôt décousues et confuses ou c'était peut-être la fatigue qui les lui faisait percevoir comme telles mais elle se mettait de toutes façons à la place d'Arthur. Il avait vraisemblablement connu des heures difficiles lui aussi et se faire interroger par le lieutenant tempusien était chose intimidante : elle était bien placée pour le savoir. A sa place, si elle était forcée de déminer une situation potentiellement sanglante, elle ne se serait probablement pas sentie très à son aise non plus... Arthur parlait d'honneur et - de son point de vue - il semblait y avoir une possibilité de récupérer l'ouvrage, de sauver les otages et de lui faire respecter sa parole. Mais la paladine ne pouvait pas se contenter d'écouter son intuition, et ce à quoi elle aspirait : les hommes avec qui elle se trouvait n'étaient pas placés sous son commandement et c'était donc à Gaspard, bien plus expérimenté et pragmatique, de définir à présent leur ligne de conduite. S'il semblait hésiter, elle pourrait toujours tenter de faire pencher la balance mais elle n'avait pas vraiment gagné de crédit auprès du manostien pour se lancer d'emblée dans la bataille d'arguments.

[Gaspard Hurlegloire]

Bon, ok, il n’allait pas s’en sortir avec les explications d’Arthur. Un brin agacé, Gaspard fit franchement face aux Melandiens et s’adressa à eux.

« Jetez vos armes. Vous êtes nos prisonniers. Acceptez de collaborer et vous n’avez pas de souci à vous faire. La situation est particulière. J’ai besoin de vous pour la clarifier. »

[Taliesin]

Les Mélandiens dévisagèrent Gaspard, s'entreregardèrent, jetèrent un coup d’œil à Arthur puis revinrent au clerc. Ils avaient l'air très, très embarrassés.
-Sauf votre respect, messire, je suis pas sûr que, techniquement, vu qu'on a encore nos armes, on soit déjà vos prisonniers.
-Et, hum, moi je suis pas sûr qu'on ait le droit de se rendre sans combattre ou de collaborer avec vous... Je veux dire, ça serait un peu de la trahison, non ?
-Je crains aussi que c'en soit. Et vous savez, à Melandis, la trahison est très sévèrement punie. Et il y a pas que les traîtres eux-mêmes qui en pâtissent.
Ils soupirèrent.
-En plus, nous, on est pas formés à prendre des décisions... On nous apprend à obéir à nos supérieurs.
-Ouais, et c'est quand même beaucoup plus simple que de prendre des décisions.

[Gaspard Hurlegloire]

Gaspard ne fut pas déstabilisé par les réponses obtenues, ni même spécialement énervé. Enfin des soldats qui se comportaient comme des soldats ! Il ne pouvait pas s’en plaindre. Il répondit sur l’instant avec sa rudesse coutumière.
« Voilà qui clarifie la situation. Après tout, je n’ai pas à me mêler d’un conflit entre Melandiens.
Ça aussi, ce serait de la trahison. Mes ordres sont sans équivoques. Ramener Arthur. Je vous tue, je l’emporte et on n’en parle plus. On fait comme ça ? »
La stricte application des instructions menait à cette froide logique. Bien sûr, malgré ce que devaient en penser certains, le prêtre espérait quand même ne pas en arriver là, tout du moins pas sans avoir étudié les autres alternatives. Pour cela, il avait recours à l’intimidation afin de faire comprendre à ce duo qu’il était nécessaire de sortir du schéma habituel.

[Arthur de Faisanlys]

Arthur s'était un instant perdu dans le sourire de Chandara, mais il reprit ses esprits à la tirade de Gaspard.
" Quoi ?! Mais non ! Je vous... je vous interdis de les tuer !"
Il s'était à nouveau mis en garde. Le Tempusien était rudement impressionnant. Mais les paladins n'ont peur de rien et puis il y avait du public, Arthur n'avait pas l'intention de faillir.
" C'est votre maudit général qui nous a mis dans cette mouise ! S'il avait refilé la mission à une équipe moins bancale, les Mélandiens n'auraient pas pris le bouquin ! Donc c'est de votre faute ! Nous sommes sur votre territoire ! Si on n'arrête pas Destertres, il va balancer des morts-vivants sur tout le monde ! Vous ne pouvez pas vous contenter de prendre la tangente, ce serait... ce serait... mal ! Voilà ! Ce serait mal ! Et lâche !"

[Chandara]

Chandara avait - quant à elle - blêmit en entendant les propos froidement homicides du lieutenant. Bien qu'une part d'elle ne croit pas qu'un manostien - fusse-t-il acquis à la cause d'un dieu de violence - soit capable de commettre un tel massacre, à plus de cinq contre un, la paladine avait tout de même de sérieux doutes. Après tout, Gaspard ne s'était-il pas distingué en refusant de porter secours à deux enfants dans le besoin pour ne pas dévier de son objectif. Dans ces conditions, devant quoi reculerait-il pour ramener Arthur ? Etait-elle même certaine qu'il se sente obligé de le ramener en vie si ce dernier s'opposait à cette manœuvre déshonorante ? Le luménien s'était bravement mis en garde, défendant sa parole avec la vie des deux mélandiens. Mais pourquoi fallait-il donc qu'ils se montrent si butés, ces deux là ? La jeune femme jeta un œil implorant en direction du tempusien, chercha ensuite celui du lathandrite : elle se sentait obligée d'intervenir pour éviter une effusion de sang inutile. Si elle n'écoutait que sa timidité et ses doutes et qu'un massacre avait lieu, elle s'en voudrait toute sa vie :

- Foutaises que cela ! Ce nécromancien et ses abominations doivent être stoppés : à quoi servirait que nous ramenions Arthur si toute la région était décimée par ce fléau ? Nous pouvons encore l'empêcher si nous gardons tous la tête froide. Vous autres, aidez-nous et vous avez ma parole de paladine que nous vous laisserons partir avec vos armes. Et si le lieutenant conteste cet accord, je me constituerai moi-même prisonnière.

Sans regarder le dit lieutenant qu'elle était certaine de trouver furieux, elle fit deux pas en avant, se plaçant à son tour entre les arbalétriers et les mélandiens.

[Taliesin]

Pour leur part, les Mélandiens avaient levé les yeux au ciel.
-Plus suicidaire que lui, tu meurs.
-Hé, la fille est pas mal non plus. Je te dis, ça doit être dans leurs vœux.
-Je sais bien. Mais du coup, comment ça se fait que les paladins soient pas une espèce en voie de disparition... ou une espèce disparue ?
-Ben ils sont coriaces...
Ils acquiescèrent, soupirèrent puis se tournèrent vers le Luménien.
-Arthur, sois sympa, range cette épée.
-Comme nos ordres sont de te protéger, si ça dégénère, on devra s'interposer et on se fera tuer.
-En plus, messire n'a pas vraiment l'intention de nous abattre et de repartir du château avec toi tout de suite.
-Non, c'est de la diplomatie militaire, ça : quand un officier menace d'un truc, c'est qu'il a pas envie que le truc arrive, qu'il veut régler le problème fissa pour pouvoir enfin passer aux choses sérieuses.
L'instant suivant, ils faisaient face à Gaspard.
-Sauf votre respect, messire... Faut pas leur en vouloir.
-Oui, ils y sont pour rien : ce sont des paladins.
-Mais je suis sûr qu'on va trouver une solution. J'en suis certain.
-Par exemple, vous pourriez menacer de tuer Arthur si on se rend pas et si on collabore pas.
-Voilà. Du coup, comme on a pour consignes d'assurer sa protection, faudrait qu'on respecte ces consignes en se rendant et en collaborant.
-Et on serait pas des traitres. Donc c'est du gagnant-gagnant, non ?

[Gaspard Hurlegloire]

Ces paladins... étaient... désespérants...
Heureusement que Gaspard portait un casque intégral, sans quoi tous auraient pu voir son expression de furieuse exaspération. Heureusement aussi qu’il avait connu des paladins avec un peu plus de jugeote, sans quoi il aurait considéré la profession comme une véritable nuisance. Au début, il ne dit rien. Il se contenta de fixer tour à tour Arthur et Chandara. Puis il lâcha une simple remarque :

« Ha, pas de doute, vous faites bien la paire. »

Sa voix était particulièrement froide. Il se tourna ensuite vers les deux soldats, tellement plus sensés. Ce devait être Tempus qui, par pitié pour son serviteur, les avait placé là.

« Bonne idée vous deux. On va faire comme ça. Rendez-vous et collaborez, sinon j’exécute Arthur. »

Il ne se força même pas à adopter un ton convainquant. Sait-on jamais, les deux tourtereaux pourraient encore ne rien comprendre. La situation était assez rocambolesque, il fallait l’avouer. Elle pourrait même être reprise pour une scène de théâtre.

[Chandara]

L'intervention pleine de mépris des deux mélandiens, celle qui visait Arthur plutôt que la sienne fit briller une lueur dangereuse dans le regard émeraude de la paladine. Celle de Gaspard en revanche la fit changer de couleur pour adopter une rougeur qu'elle aurait été bien incapable elle-même d'attribuer à la colère ou à l'association que même le tempusien semblait leur prêter. Etait-elle si transparente ? En tous cas, elle ne se retourna pas vers le colosse, ne répondit rien, incertaine de la réaction qu'elle aurait si elle s'y laissait aller. Croiser le regard du luménien était presque aussi difficile : quoiqu'elle en ait envie, leur relation et ce vers quoi elle était susceptible d'évoluer ne regardaient qu'eux et ce n'était certainement ni le lieu ni l'endroit de sonder Arthur sur ce qu'il en pensait. Ou non d'ailleurs.

[Arthur de Faisanlys]

Ces gens avaient de sérieux troubles du raisonnement et une logique complètement absurde. Mais ils avaient l'air de se comprendre : sans doute un effet pervers de la religion tempusienne. Ce n'était pas comme s'il n'avait pas essayé de convaincre les Mélandiens qu'ils avaient d'autres choix que de se plier aux ordres maléfiques de leur hiérarchie pendant genre... quatre ou cinq heures. En fait, il aurait suffi qu'il retourne son épée contre lui-même en menaçant de se suicider pour qu'ils lâchent les leurs ? C'était complètement stupide.
Sans doute qu'ils étaient fatigués. Il pouvait les comprendre : il était fatigué, lui aussi, de toute cette histoire.
Il ne rengaina pas pour autant son épée. Si Hector et Rodolphe avaient envie de faire confiance à la boîte de conserve, grand bien leur fasse.
" Bon, vous êtes content ? On y va ?"

[Taliesin]

Les Mélandiens firent confiance à la boîte de conserve. Non que cela les réjouisse ou les ravisse : ils avaient l'air piteux, démoralisés, décontenancés. Mais avoir trouvé une solution, aussi bancale soit-elle, pour respecter leurs ordres tout en évitant un bain de sang devait les rasséréner. A moins qu'être habitués à obéir à un Tempusien rende moins difficile de céder face à un adepte de la même déité. Quoi qu'il en soit, ils se baisèrent lentement et déposèrent précautionneusement leurs lames et leurs boucliers au sol - un carreau d'arbalète, c'était vite parti, autant ne pas faire de gestes brusques - puis se redressèrent en gardant les mains levées.

[Gaspard Hurlegloire]

Gaspard ignora la remarque d’Arthur. En fait, il n’accorda plus un regard aux paladins. S’il voulait gérer cette histoire aux mieux, il devait se concentrer sur l’essentiel. Il devait toujours obtenir des informations précises sur la situation afin de décider de la marche à suivre. Il donna un ordre et ses hommes investirent pour de bon la pièce. Il en profita pour s’approcher des deux soldats, les observa un instant, puis reprit la parole.

« Bien. Dites-moi tout ce que vous savez sur les forces en présence. De quoi dispose le nécromancien ? Et votre chef ? Est-il possible d’opérer une jonction avec lui à partir d’ici ? Qu’est-ce qu’on risque de rencontrer derrière la porte que vous avez barricadée ? »

[Chandara]

Bien : le lieutenant voulait se concentrer sur les aspects martiaux et tactiques de l'opération en les ignorant superbement, c'était son affaire. Et son rôle en quelque sorte. Mais l'essentiel - pour Chandara - était bien différent. Elle profita donc que les troupes investissaient la salle et que Gaspard faisait la conversation avec ses nouveaux amis pour se rapprocher d'Arthur. Alors, ne sachant pas trop comment l'aborder et sa timidité reprenant le dessus, elle demanda non sans une certaine confusion clairement visible :

- Est-ce que... Est-ce que vous allez bien, Arthur ? Je n'ose imaginer combien ces heures ont dû être difficiles pour vous... Et euh... Je m'inquiétais.

Pourquoi ne parvenait-elle pas à croiser son regard alors qu'elle avait tant espéré pouvoir le faire au cours de ces heures si sombres ?

[Arthur de Faisanlys]

Arthur était désolé pour les Mélandiens mais en même temps, il ne comprenait absolument pas pourquoi ils s'étaient rendus aussi facilement à un homme qui n'avait même pas promis de les épargner. Et ce blabla sur leurs pauvres familles, c'était quoi en fait ? Du pipeau ? Il avait l'impression de s'être fait avoir dans les grandes longueurs, et honnêtement, ça lui donnait envie de planter là tout ce beau monde et de profiter du souterrain ouvert derrière eux pour rentrer chez lui.
Parfaitement.
Mais en fait, il ne pouvait s'en prendre qu'à lui-même. C'étaient des Mélandiens, qu'est-ce qu'il avait imaginé ?
Il leva les yeux sur Chandara, empourprée, mal à l'aise. Il n'était pas certain que les circonstances étaient celles qu'il aurait voulues pour la revoir. Il était même persuadé du contraire. Mais elle n'y pouvait rien.
" Honnêtement, je n'ai pas très envie d'en parler, dit-il, ce qui était la stricte vérité. Mais c'est gentil d'être venu me chercher, cela dit."

[Chandara]

La paladine s'était attendue à une autre réponse - ou peut-être pas - mais elle sentit en tous cas que le luménien n'avait pas envie d'être dérangé. Que s'était-elle donc imaginée sous prétexte de ce qui s'était passé dans les souterrains, dans un moment de stress intense ? Elle s'était certainement fait beaucoup d'illusions, avait espéré un peu trop vite. Sans doute parce que c'était la première fois qu'une telle chose se produisait... Plus gênée que jamais, elle bafouilla des propos incompréhensibles entre excuses, regrets et dénégation quant à son implication dans le "sauvetage" puis recula précipitamment de quelques pas avant de s'intéresser à ses chaussures.

[Taliesin]

Les Mélandiens livrèrent rapidement les informations dont ils disposaient. D'abord, leur chef, son bras droit, clerc de Tempus comme Gaspard, peut-être une vingtaine de soldats et les otages manostiens se trouvaient dans le donjon, mais s'il était possible de gagner le rez-de-chaussée de celui-ci en empruntant le réseau souterrain qui courrait sous le château, ils ne pourraient pas monter plus haut car, comme l'avait dit Arthur, le premier étage était désormais envahi de brume, une brume qui s'était aussi répandue dans la cour et qui transformait en zombies tous ceux qui y pénétraient. Ensuite, il y avait également quelques Méllandiens fréquentables barricadés au sommet de la tour nord-est : malheureusement, comme ils n'avaient pas reçu les mêmes ordres concernant le paladin, il était probable qu'ils refuseraient de collaborer. Enfin, le Nécromancien avait été originellement enfermé dans la tour sud-ouest, qu'il avait selon toute vraisemblance transformé en base après qu'il se soit libéré : sans doute s'y tenait-il encore, en compagnie du grimoire maudit. Ses séides morts-vivants, eux, arpentaient l'entièreté de la forteresse, généralement par petits groupes.

[Gaspard Hurlegloire]

Bon. La brume réduisait drastiquement les possibilités. Impossible de gagner le donjon. Impossible d’organiser une action conjointe contre le nécromancien. Impossible de négocier tout court. La seule chose qui paraissait envisageable était d’affronter Destertres. Avec son satané livre, impossible d’envisager une attaque frontale. Non, il fallait être discret. Discret avec des gens comme Chandara ? Ce n’était pas gagné ! Néanmoins, un magicien, même puissant, était facile à éliminer s’il était pris par surprise, ce qui rendait le plan à peu près envisageable.

Gaspard hésita longuement. Il devait protéger Arthur. Le mieux serait de le laisser en arrière et de placer la paladine à ses côtés. Comme ça, il se débarrassait d’elle par la même occasion. Mais ne serait-ce pas tenter le diable ? Un duo de têtes brulées livrés à eux-mêmes... c’était horrible rien que d’y penser ! Et si, en plus, le prêtre les chargeait de surveiller les enfants ? Cela devrait les modérer tout de même ! Le colosse fit face à Arthur et Chandara. Non, ça n’allait pas marcher. Ils allaient brandir leur saleté de sens du devoir à la noix, prétexte idiot justifiant l’insensé. Mais alors, que faire ? Il ne pouvait pas se lancer dans cette opération, pas avec eux. C’était irresponsable.

« Je présume que vous allez refuser de m’attendre dans le passage secret pendant que je vais régler cette histoire, n’est-ce pas ? » commença-t-il.

[Chandara]

La paladine trouva enfin autre chose à regarder que ses chaussures. C'est donc dans les yeux de Gaspard que son regard se fixa. Pas avant d'avoir jeté un regard un peu désolé en direction du luménien cependant. Elle attendit quelques secondes avant de répondre d'un ton déterminé mais calme - comme lorsqu'il avait fallu convaincre le tempusien de la laisser les accompagner la première fois.

- C'est exact : ne sous-estimez pas l'aide que nous pouvons vous apporter, lieutenant. Et je ne dis pas ça par arrogance ou de peur d'être laissée en arrière : nous vous serons utiles contre les abominations de ce Destertres. Et ne sous-estimez pas non plus ce monstre : vous aurez besoin de toutes les lames à votre disposition contre lui.

[Arthur de Faisanlys]

... pendant que je vais régler cette histoire...
Mais quel prétentieux personnage, songea Arthur par devers lui.
Il avait bien envie de faire exactement ça, le laisser aller régler cette histoire tout seul, tiens, puisqu'il imaginait être de taille à se coltiner Destertres en solitaire. Bon, ensuite ils auraient un colosse zombie sur le paletot, ce qui n'arrangerait pas leurs affaires. Il fallait sans doute l'accompagner pour son propre bien. Trop d'assurance était toujours néfaste, même quand on était taillé dans un tronc d'arbre et recouvert d'une couche de métal.
Mais Chandara semblait vouloir pardonner ses insultes au prêtre, en la jouant conciliante. Il allait avoir besoin d'eux. Et pourquoi pas le contraire, d'abord ?
Venez donc avec nous, mon bon clerc, votre hache nous sera sûrement utile !
Il ne le dit, évidemment, pas à voix haute.
" Vous êtes perspicace, messire. Maintenant que ce point est réglé, on y va ?"

[Gaspard Hurlegloire]

« Je ne sous-estime personne, jeune femme, commença par froidement répliquer Gaspard. Si vous connaissiez un tant soit peu les préceptes de Tempus, vous le seriez. Après, demandez-vous une seconde quelle preuve de fiabilité vous m’avez apporté jusque là. Aucune. C’est pourquoi vous allez cette fois me jurer une chose sur votre honneur de paladin. Vous allez me jurer que vous protégerez Arthur au péril de votre vie si nécessaire et que vous allez attendre les instructions avant de foncer en avant, tête baissée. »

Le prêtre se tourna vers Arthur.

« Et vous, je ne veux pas que vous vous exposiez excessivement. J’ai mission de vous ramener en vie. S’il me faut choisir entre le livre et vous, je ne serai pas long à me décider. »

Le lieutenant poursuivit à l’intention de tous :

« La seule chose envisageable, puisqu’on ne peut gagner le donjon, est d’aller affronter le nécromancien. Il a pour lui la puissance. Nous avons la surprise. Il s’agit donc d’être aussi discret que possible. Si on arrive à lui tomber dessus sans qu’il s’y attende, on aura une chance. »

[Chandara]

"Jeune femme ?" Elle avait un nom, jusqu'à preuve du contraire ! Peut-être n'avait-elle pas donné tous les gages de fiabilité que le militaire bougon aurait désiré mais ce n'était pas une raison pour se montrer aussi froid et surtout aussi malpoli. Elle faillit répondre d'un ton tout aussi polémique mais se contenta d'une voix tout sauf chaleureuse. Son regard en revanche brillait d'une lueur farouche :

- Premièrement, j'estime en savoir bien assez comme ça sur votre dieu, lieutenant. Deuxièmement, il me parait ridicule de vous jurer que je ferai tout pour protéger Arthur y compris donner ma vie mais si vous y tenez, je vous le jure. Troisièmement, je ne fonce jamais tête baissée ! Mais vous êtes à la tête de cette opération alors j'obéirai à vos instructions. Et enfin, je m'appelle Chandara. Chandara de Claire-Combe, Lieutenant Hurlegloire. Et pas "jeune-femme". Je vous prierais de ne pas l'oublier.

[Arthur de Faisanlys]

C'était une chance que le Tempusien ne lui ait pas de demander de jurer, car il n'avait aucune intention de le faire. Il agirait comme l'exigeait son honneur de paladin, et tant pis si ça déplaisait au clerc et à son commanditaire. Il commençait à flairer le piège : quelqu'un avait l'intention de le remettre dans un bateau pour Luménis. Mais il n'en était pas question : il était venu pour se battre contre l'ombre, et c'était bien ce qu'il ferait.
Il écouta Gaspard exposer son "plan", puis Chandara s'offusquer. Il y avait du passif entre ces deux-là, c'était manifeste, et il se garda bien d'y mettre les pieds.

[Gaspard Hurlegloire]

La lueur dans le regard de Chandara ne put échapper à Gaspard. Plusieurs longues secondes, il se contenta de la fixer, de la jauger, sans un mot. Puis, lentement, il fit non de la tête. Non, elle n’était décidément pas fiable. Non, il ne risquerait pas la vie de ses hommes avec cette folle dans ses rangs. Le nécromancien était puissant, l’opération était délicate et surtout, il y avait la vie d’Arthur en jeu. Non, non et non, ce n’était pas possible. A présent, il en avait la conviction. Et puisqu’il ne pouvait pas écarter Chandara, il faisait une croix sur l’opération.

« Non », dit-il enfin.

Un simple mot, si lourd de sens. Lorsque viendrait l’heure de rendre des comptes à sa hiérarchie, il aurait de quoi justifier sa décision. Quel gâchis... Tant pis pour le livre, tant pis pour les otages.

« Arthur Maelwedd, je regrette, mais je ne peux pas me lancer dans cette histoire. Pas avec vous. Pas avec elle. Pas dans ces conditions. Je vais vous demander de nous suivre. Vous aussi, Melandiens. »

Si les choses devaient dégénérer, le colosse était prêt.

[Taliesin]

HRP : Les antagonismes entre les personnages sont désormais tels qu'il devient impossible d'avancer. Or, comme il était important que la mission réussisse, que non seulement Arthur soit sauvé mais également le grimoire récupéré, je n'ai malheureusement d'autre choix que de résumer la fin de l'aventure. C'est à mon sens le seul moyen qu'elle ait une conclusion heureuse qui ne pèsera donc pas sur le parcours futur de vos PJ.

Hector et Rodolphe ne firent aucun geste hostile mais demandèrent à Gaspard la permission de s'entretenir avec lui en privé. A l'issue de cette discussion, le lieutenant revint sur sa décision et, contre toute attente, lança l'opération. Guidés par les Mélandiens dans le dédale des souterrains, précédés par Brus à qui incombait le rôle d'éclaireur, ils parvinrent à gagner les caves de la tour sud-est. Là, ils découvrirent par hasard un passage secret menant vers les auteurs, ce qui s'avéra une chance inespérée, comme le prouva la suite. Grâce à lui, ils purent déboucher par surprise à l'étage où se tenait Destertres et plusieurs de ses lfidèles. S'ensuivit un combat aussi bref que sanglant, qui s'acheva par la mort du nécromant et de ses séides ainsi que par la "capture" du maléfique grimoire.
Un regard par une fenêtre leur révéla bientôt que la brume maléfique s'était totalement dissipée et que les moins mauvais des Mélandiens se déversaient déjà dans la cour pour massacrer les morts-vivants. Hector et Rodolphe proposèrent alors à leurs alliés de circonstance de couvrir leur retraite pendant qu'ils retournaient dans les souterrains et quittaient la forteresse ni vus, ni connus. Avant de s'éloigner, ils firent toutefois leurs adieux à Arthur, déclarant que leur rencontre, pour étrange qu'elle fut, avait été un plaisir et qu'ils gardaient l'espoir qu'un jour viendrait où ils pourraient se revoir dans des circonstances plus favorables.
Ainsi Arthur, Brus, Chandara, Gaspard et les autres manostiens purent-ils quitter les lieux en toutes discrétion et se diriger à cheval vers le sud, vers des terres préservées de l'ennemi. Leur mission était une franche réussite, puisque le paladin avait été sauvé, Destertres éliminé et le grimoire récupéré. Seule ombre au tableau : ils n'avaient rien pu faire pour les otages. Cependant, ils apprirent peu après que ces derniers avaient tous réussi à s'enfuir. Avaient-ils su profiter de la confusion ? C'était peu probable. Il fallait donc croire que le comte, estimant que le Luménien avait rempli sa part du marché, avait tenu parole.

[Chandara]

HRP : Althy, je n'ai pas trop su où poster pour le campement manostien actuel alors dans le doute... N'hésite pas à me déplacer

L'arrivée au campement manostien était un soulagement à plus d'un titre pour Chandara. D'une part cela signifiait se débarrasser enfin du livre maudit qu'on les avait envoyé chercher et pouvait révéler sa nature maléfique à tout instant. D'autre part, c'était aussi quitter l'entourage de l'intimidant Gaspard Hurlegloire. Cela signifiait aussi, et selon toute vraisemblance, prendre congé d'Arthur et c'était là une perspective bien moins réjouissante. Certes, le paladin et elle n'avaient guère eu l'occasion d'échanger plus de quelques mots timides et frustrants durant le trajet de retour mais elle aurait aimé pouvoir profiter de leur relatif isolement - une fois au camp - pour enfin évoquer ce qui s'était passé dans les tunnels. Cela semblait maintenant si lointain, si irréel, comme si elle avait rêvé ces instants. Et à mesure que le temps passait, il semblait plus difficile d'aborder les questions qu'elle se posait sans cesse dans le creuset de son esprit. Le baiser qu'ils avaient échangé signifiait-il quelque-chose pour lui ? Eprouvait-il un temps soit peu de sentiments à son égard ? Ou avait-il déjà oublié cet épisode comme le suggérait le fait qu'il n'aborde pas lui-même la question ou n'ait rien tenté depuis lors. Kelpie - qu'elle avait retrouvé parmi les chevaux récupérés par les troupes du lieutenant - la détourna un moment de ses pensées : la jument s'impatientait déjà, ayant sans doute hâte de retrouver le confort des écuries de campagne, d'une botte de foin et d'un bouchonnage en règle.

[Arthur de Faisanlys]

Arthur avait chevauché dans un état second. Il ne s'était pas attendu à ce que les choses se terminent ainsi, et il s'était séparé des deux Mélandiens avec plus de tristesse qu'il ne l'aurait imaginé. L'idée qu'il puisse les recroiser sur un champ de bataille le rendait nauséeux, il ne parvenait pas à imaginer comment il réagirait. Ce n'était pas assez, cependant, pour le détourner de son objectif : retourner au combat. Il ne savait pas exactement qui était le commanditaire de Gaspard, mais il craignait d'y trouver la patte paternelle. Or, quoi qu'en pense le vieux Maelwedd, il avait bien l'intention de regagner le front au plus vite. Il était venu pour ça. Il se trouverait un nom d'emprunt et ce serait ni vu ni connu : sa tête n'était pas sur les pièces de monnaie, après tout.
Il était aussi malheureux car il avait été contraint d'abandonner son cheval dans les écuries de la forteresse. Il avait pensé, une seconde, signaler à Gaspard qu'il ne voulait pas partir sans son destrier de toujours, mais il n'avait finalement pas osé encourir la colère du clerc tempusien. La sentimentalité était chose dangereuse en temps de guerre, et il fallait bien la museler.
Ce qui le ramenait à Chandara. Il ne savait pas exactement comment se comporter avec elle. Il était touché qu'elle soit venue à son secours, heureux de savoir qu'elle avait survécu, indemne, à l'attaque de Destertres. Mais ce qui s'était déroulé entre eux, dans ce tunnel enfoui, lui paraissait appartenir à un autre récit, mille ans plus tôt. Elle était toujours aussi belle et troublante, et toujours aussi emportée, il avait pu le constater, mais lui-même avait l'impression d'être devenu un autre homme, plus gris, moins clair dans sa tête, peut-être fragile. Il ne savait pas. Il n'était pas sûr. Sans doute serait-il nécessaire de lui parler, mais il ne se sentait pas de faire le premier pas...

[Althéa]

Il planait une certaine agitation sur le camp manostien. Les soldats anxieux vaquaient sous le ciel maussade, s'interpellant à voix basse. En passant près des feux de camp, ils surprirent quelques conversations. Une grande bataille était prévue le lendemain matin. C'était la première fois que les troupes de la cité du vigilant affronteraient véritablement les forces mélandiennes. Toutes les forces étaient à présent en place et un bon nombre de tentes se dressaient à présent dans le champ. Les alliés étaient en place.

Ils repérèrent sans mal plusieurs tentes immenses sûrement installées pour abriter l'état major. Là-bas se décidaient tactiques et plans de batailles. Deux plantons en armes en surveillaient l'entrée, visiblement nerveux. S'ils cherchaient Thoenn Boros, c'était vraisemblablement là-bas qu'il se trouvait.

[Chandara]

Avec la disparition de Luna et de Tempérance, Chandara se sentait investie du devoir de rendre compte au général Boros du résultat en demi-teinte de leur mission. Certes, ils avaient récupéré le livre et finit par contrer les mélandiens qui avaient pu s'en emparer un temps mais elle n'oubliait pas que leur commanditaire avait perdu ses deux enfants. Peut-être même, quoique ce fut tout de même peu probable, n'était-il pas au courant de ces tristes nouvelles. En tout état de cause, en tant que la plus âgée des survivants de la mission, elle pensait devoir accompagner et seconder Arthur. Leur chef de mission, elle ne l'oubliait pas. Peut-elle le sentait-elle trop absent pour assumer seul cette charge, peut-être ne faisait-elle que se mentir et voulait tout bonnement passer un peu plus de temps avec lui. Quelques minutes volées, sans doute aussi frustrantes que les heures qui avaient précédé mais peut-être aussi les dernières avant la bataille qui se préparait. Elle se tourna vers le luménien, osa un regard timide qui effleura un instant ses yeux clairs avant de battre en retraite et de se tourner vers le tentes :

- Je crois que nous ne devrions pas tarder... Quelque chose d'important se prépare. C'est comme si nous avions été absents des veilles entières... J'ai l'impression que le bain dont je rêve tant va encore devoir attendre !

Elle avait essayé d'emprunter un ton plus léger mais il reflétait d'autant mieux sa nervosité et ses hésitations. Comment annonçait-on à un général qu'on avait tué son fils et qu'on était responsable de la mort de sa fille ? Sans parler la catastrophe rattrapée de justesse de l'enlèvement du fils de leur principal allié.