[Lieu] Une route oubliée

[Hubert de Maleval]

Hubert demeura un moment désoeuvré, debout dans la neige tassée, sans savoir exactement quoi faire de lui-même. La manière dont le petit garçon s'était raccroché à lui l'avait secoué et il avait l'impression qu'un gouffre s'étendait désormais sous ses pieds, qu'il le franchissait sur une corde raide, qu'il n'avait pas droit à l'erreur. La responsabilité qu'il avait endossée lui faisait peur, il ne pouvait pas se leurrer, mais en même temps, il savait qu'il ne reculerait pas. La vie était faite de défis imprévisibles, et il relèverait ceux que le destin plaçait devant lui. Il ne fallait pas penser plus loin.
Frissonnant, il reprit ses esprits. Les institutrices, à présent. Il n'avait jamais imaginé qu'il aurait un jour un enfant à sa charge. Chaque jour lui faisait prendre conscience qu'il vivait désormais pour davantage que lui-même.

[Taliesin]

Il eut du mal à localiser les instituteurs, d'autant qu'ils s'étaient fait discrets quant au lieu de leur retraite et avaient apparemment donné des consignes pour ne pas être dérangés. Il finit cependant par trouver un colon qui savait où les trouver : ils s'étaient repliés dans une petite pièce du sous-sol, éloignée des thermes et des dortoirs. Lorsqu'il y pénétra, il les trouva en plein travail, au milieu de fiches et de parchemins divers. Ils le saluèrent néanmoins amicalement.
-J'espère qu'Albérich ne vous a pas dit que je vous cherchais... fit Agathe, embarrassée. Je lui ai demandé s'il avait pu vous parler de vos écuyers, mais... J'avais l'intention de venir vous voir au moment qui vous dérangerait le moins.

[Hubert de Maleval]

" Non, Albérich ne m'a rien dit. J'avais l'intention de venir vous voir de toute façon... Mais j'en déduis qu'il vous en a parlé. Et vu votre mine, j'en déduis aussi que vous n'êtes pas emballée par mon projet de faire instruire Ruth et Alban par une tierce personne..."
Il grimaça.
" Je ne voulais pas qu'il se sente... moins écuyer qu'avant. Mais j'imagine que de toute façon, c'est peine perdue. Je ne ferai jamais illusion à jouer les grands chevaliers."

[Taliesin]

-Pourquoi parlez-vous de faire illusion ? s'étonna-t-elle. Être paladin, ça n'est pas si différent d'être chevalier, même si ça n'est pas tout à fait la même chose. Et vous avez fait d'Alban votre écuyer, non ? Pourquoi le serait-il moins qu'avec Robert ? Il le sera tout autant, mais d'une autre manière...
Elle jeta un regard à ses collègues.
-Et ce n'est pas que votre idée ne m'emballe pas. Je comprends vos raisons... Simplement, pour être franche, je pense que les privilèges n'ont pas leur place dans notre Communauté. Mais c'est secondaire, au fond. Je crois surtout important que vos écuyers continuent à voir d'autres enfants, à partager un peu de leur quotidien.

[Hubert de Maleval]

" Je n'ai plus eu d'écuyer depuis plus de dix ans... dit Hubert avec une grimace. Et même à l'époque... Je n'étais pas très doué."
Il pinça les lèvres.
" Mais vous avez raison. Voir d'autres enfants leur fera du bien. Je voudrais juste... que vous promettiez d'être vigilante... Il est fragile et Ruth le défendra comme une louve. Je sais qu'il a déjà été en butte aux moqueries de certains... Les gosses sont parfois cruels entre eux. Si les choses devaient mal se passer, je voudrais que nous puissions réévaluer cet arrangement."

[Taliesin]

Elle acquiesça.
-Bien sûr : si la situation est problématique, nous vous en préviendrions aussitôt et réévaluerions les choses. Mais je ne suis pas inquiète. Vos écuyers ont des copains parmi les autres petites sentinelles. Quant au reste des enfants... Alban a été le prisonnier d'une liche, il a été formé par le Loup Blanc tombé au combat... Beaucoup l'admirent, beaucoup sont tristes pour lui. Beaucoup l'aiment bien, simplement. Certains sont sans doute jaloux, mais...
Elle haussa les épaules.
-Nous serons très attentifs, Hubert. Et tout se passera bien.

[Hubert de Maleval]

" Très bien."
Il sourit.
" Je leur annoncerai la nouvelle ce soir. Ma cote de popularité va chuter mais je m'en remettrai. Avez-vous une idée de la manière dont les choses vont s'organiser ? Je pense qu'Alban et Ruth tiennent tous deux beaucoup à conserver leur place sur les remparts... Mais j'imagine que vu le nombre d'enfants, vous ne pourrez pas tous les scolariser en même temps..."

[Taliesin]

-Effectivement. De plus, comme d'autres gosses font le guet, comme les entraînements martiaux ont une certaine priorité vu le contexte, les classes dureront un peu moins longtemps que d'ordinaire et les groupes seront un peu différents... De toute façon, le but n'est pas seulement d'instruire notre jeune génération : il est aussi d'apporter un peu de normalité dans le quotidien.
Elle sourit.
-Si je ne me trompe pas, vos écuyer sont sur les remparts dans l'après-midi... Alors envoyez les nous le matin. Après qu'ils aient déjeuné et qu'ils se soient occupés des chevaux, bien sûr. Nous ne les garderons pas plus de trois heures.

[Hubert de Maleval]

" C'est parfait. Je n'ai de toute façon pas de quoi les occuper toute la journée et j'ai l'impression que dès que je leur laisse dix minutes de répit, ils trépignent... Votre concours va nous sauver tous."
Il embrassa la petite pièce du regard.
" Mais je vais vous laisser à vos préparatifs. Merci de votre aide, Agathe. Je vous souhaite une bonne fin de journée. N'oubliez pas de vous nourrir, accessoirement."
De son côté, il rejoindrait la salle de réunion jusqu'au repas, à moins qu'un conseil ne doive se réunir, à moins qu'on ne le cherche, Frida ou Etienne ou n'importe qui... On pouvait toujours rêver. Les bouquins sur le siège l'attendaient, en réalité.

[Taliesin]

Oh que oui, ils l'attendaient...
Nul ne le cherchait, nul ne vint lui parler. Frida n'était sans doute pas encore rentrée, Étienne passait peut-être du temps avec Louis, Gabriel devait s'échiner sur son enquête auprès des soldats... Quant à Alban et à Ruth, il n'avait aucune idée de ce qu'il pouvaient bien faire ni d'où ils se trouvaient.
Bref : pour Hubert, ce fut la salle de réunion déserte et ses monceaux de passionnants volumes. Seul côté positif : la nuit étant tombé, il ne serait probablement pas contraint de lire trop longtemps, puisque le repas ne tarderait pas à être servi...

[Hubert de Maleval]

Et pourtant il lut. Sur les mâchicoulis, les hourds, les assommoirs et les meurtrières, sur la poix, les flèches, la puissances des arbalètes, des trébuchets, des bombardes. Il leur manquait des douves, mais ils avaient une colline. Et de la caillasse. Tout cela ne l'avançait à rien. Il fallait guetter et réagir, attendre les renforts, prier Lathandre. Il ne trouverait pas de solution miracle entre ces pages : il n'y en avait pas.
Il finit par abandonner le livre sur lequel il était, conscient qu'il avait relu quatre fois le même paragraphe sans l'assimiler, et sortit l'épée qu'il avait prise dans le trésor. Il n'avait pas d'intention particulière, juste celle d'observer les reflets de la lame dans la pénombre, capturant les derniers rais de lumière. Puis il irait manger. Sans doute la consultation aurait-elle alors touché à son terme et le conseil se réunirait-il... Mais que feraient-ils demain, quand les délégations seraient parties ? Il ne voulait même pas l'imaginer. L'oisiveté n'était pas son fort.

[Taliesin]

Des pas dans l'escalier, quelqu'un qui soulève le pan de toile faisant office de porte.
-Tu ferais mieux de venir manger, dit Frida, souriante. Il va nous falloir de l'énergie, ce soir, car nous ne sommes pas prêts d'aller au lit. Le dépouillement de la consultation est en cours : sitôt qu'il sera terminé, le Conseil se réunira et il nous faudra organiser le départ de nos deux missions diplomatiques. Autant qu'elles soient loin d'ici quand le soleil se lèvera.

[Hubert de Maleval]

Hubert la suivit vers la cour.
" Tu es cruelle de me rappeler que tu seras bientôt à l'extérieur, à courir la Lande à la recherche de secours, tandis que je serai coincé par ces murs à guetter l'horizon comme une damoiselle en détresse. Cela dit, j'imagine que les préparatifs seront rapidement réglés : Ignace a dû anticiper, le connaissant, et vos besaces doivent être gonflées de victuailles. Il faudra qu'Etienne rédige quelque chose, mais là aussi, je ne serais pas surpris que cela soit déjà fait. Je pense que ma soirée sera moins encombrée que tu le crains. Je serai vite à contempler la nuit depuis mes remparts."

[Taliesin]

-N'y compte pas : j'ai donné des consignes à Ézéchiel, il va diriger le guet cette nuit... et toutes les nuits suivantes.
Elle sourit à nouveau.
-Je plaisante. Sur ce point, du moins. Car la soirée va tout de même être bien occupée : le dépouillement prendra un peu de temps, le Conseil également, vu nos découvertes du jour. J'avoue d'ailleurs qu'il est un peu frustrant de partir alors que je n'ai pas terminé l'exploration de ces souterrains qui, ma foi, offrent bien des possibilités...

[Hubert de Maleval]

" Mais ne t'inquiète pas... Ils seront toujours là quand tu reviendras, dit Hubert en riant. Si tu veux, je passerai le mot de ne rien te raconter de ce qui s'y trouve, et tu pourras les explorer comme si tu étais la première à y mettre les pieds. J'imagine que tes collègues doivent savoir effacer leurs traces, et avec la poussière qu'il y a, on pourra toujours en étaler une nouvelle couche."
Ils avaient atteint la cour.
" Mais donc, tu m'annonces qu'après avoir passé la moitié de la journée à lire des volumes assommants, je vais à présent devoir dépouiller une consultation ? Misère, je suis au bord de la démission."

[Taliesin]

-Tu t'es mépris : d'autres s'occupent du dépouillement. Je voulais juste dire que le Conseil ne pourrait pas se réunir avant que ce ne soit terminé, dont qu'il faudra attendre avant de pouvoir passer à l'action et que ça finira tard.
Ils se dirigeaient vers la cantine.
-Sinon... Oui, les souterrains seront là à mon tetour. Mais les visiter alors qu'ils ont déjà été explorés, ça n'a pas le même charme. Par ailleurs, rien n'indique que vous serez encore là, vous. Peut-être jugerez-vous plus opportun de vous diriger vers le sud.

[Hubert de Maleval]

" Le sud... Cela signifierait que les choses ont mal tourné. Si nous devions emprunter ce chemin sans les chariots, cela voudrait dire sans le matériel, nous serions alors probablement une bande de réfugiés en fuite... Non. Je veux espérer que si nous allons à Clairétoile, c'est que les Ecorcheurs sont morts. Cela dit, le tunnel est plus abrité que la route. Par temps de neige, il sera peut-être opportun de l'emprunter même si nous sommes libres et sauvés..."
Il souleva le pan de toile de la cantine pour que la jeune femme puisse s'y glisser.
" J'espère que Louis et toi pourrez convaincre Grand Estuaire sans devoir leur subordonner la cité... J'ai peur qu'ils se montrent gourmands et que leurs desiderata ne soient pas compatibles avec nos envies d'indépendance."

[Taliesin]

-J'en ai peur également et, pour être honnête, je crains que cette démarche n'aboutisse à un échec : nous ne pourrons pas conclure d'accord nuisant à notre indépendance, allant à l'encontre de notre charte ou de nos engagements auprès de la banque Lestival... Bon, la diplomatie est un jeu subtil, Louis a l'air doué en ce domaine : il saura faire sentir à Grand Estuaire ce que la cité gagnerait à nous aider, ce qu'elle perdrait en nous laissant à notre triste sort. Néanmoins, j'ai davantage d'espoir concernant les Paludiers.
Ils allèrent de concerts récupérer leurs plateaux.
-Quoiqu'il en soit, n'écartez pas la possibilité de gagner Clairétoile alors même que le siège n'est pas levé. La ville est à une journée de trajet, le tunnel assez vaste pour qu'on y chevauche... En seulement quelques jours, tout le matériel pourrait être transporté là-bas sans que nos ennemis n'en sachent rien.

[Hubert de Maleval]

" Mais Clairétoile est un mystère, Frida. Nous ne savons pas ce qui nous y attend. Nous serons privés de tes compétences, de celles de Varamyr, et de quelques uns de tes hommes... Je ne sais pas si nous pourrons risquer de nous y enfoncer. Les Paludiers réaliseront que nous avons disparu. Même s'ils ne devinent pas que nous sommes à Clairétoile, ils nous chercheront. Tenir les remparts d'une cité entière... C'est impossible. Sans compter qu'il y aura des failles dans les murailles... Mais sans doute y enverrons-nous des éclaireurs... Certainement, même. Je ne devrais pas juger avant de savoir. Nous aviserons."

[Taliesin]

-Il vous restera deux rôdeurs compétents, plus d'une trentaine d'éclaireurs : il serait effectivement dommage de ne pas les envoyer en repérage. Par ailleurs, la plupart des membres de la Communauté sont habitués aux villes : Cléirétoile, même ruinée, serait un terrain propice pour affronter nos ennemis, lesquels ont toujours évolué en pleine nature. Sans parler des souterrains, où l'on ne peut être débordé, encerclé... J'aimerais vraiment que vous gardiez cette possibilité à l'esprit, puisque je ne serai plus là pour la défendre. Ce qui ne veut pas dire que je vous demande de la soutenir. Juste... de l'envisager.
Ils se trouvèrent des places, s'assirent.
-Cependant, il vous reste du travail ici : trouver un moyen d'ouvrir ses coffres qui nous ont résisté, chercher d'autres gemmes pour voir quels effets elles produisent si on les insère dans les réceptacles des autres colonnes de la nef...

[Hubert de Maleval]

Il s'apprêtait à la tranquilliser quant à ses intentions quand ses dernières paroles le prirent au dépourvu, piquant sa curiosité.
" Quelles autres colonnes de la nef ? s'étonna le paladin. Giovanni a trouvé d'autres panneaux ?"
Il essaya de se représenter mentalement les lieux. Combien de colonnes y avait-il ? Etaient-elles disposées à des endroits particuliers ?

[Taliesin]

-Il a trouvé quatre autres panneaux, oui, s'ouvrant dans des piliers situés sous certaines des plus grandes salles des caves. Peut-être commandent-ils un système de chauffage ou d'éclairage ? Impossible de le savoir, malheureusement, sans mettre la main sur d'autres gemmes ou sans déplacer la seule que nous avons pour l'heure. Il faudra poursuivre les recherches... et voir si d'autres niches ne s'ouvrent pas ailleurs.
Elle soupira.
-Tu comprends sans doute mieux pourquoi m'en aller à un petit côté frustrant...

[Hubert de Maleval]

" Honnêtement, entre aller quérir du renfort ou réparer le chauffage... Je te laisse ma place volontiers. Mais ça nous obligerait à organiser une nouvelle consultation et j'ai pitié des malheureux qui trient les petits papiers."
Il s'interrompit pour boire une rasade d'eau glacée.
" J'imagine qu'il est risqué de déplacer la gemme qui fonctionne... Si elle s'éteint, nous aurons l'air stupides et cette eau chaude me semble critique au maintien du moral... Peut-être en dénicherons-nous dans les coffres, si nous trouvons le moyen de les ouvrir. Giovanni et ses collègues ont des ressources, je ne doute pas d'eux."
Il sourit.
" Je rêve d'engins de guerre meurtriers qui surgiront des remparts pour mitrailler ces maudits cannibales jusqu'au dernier. En appuyant sur un bouton. On peut toujours rêver. Enfin. Ce n'est pas très loyal, en matière de combat. Les sièges, c'est toujours limite, quand on est un paladin."

[Taliesin]

-Si de telles armes apparaissent, laissez ceux qui se préoccupent moins de la loyauté du combat les manier, et menez une charge juste après leur salve destructrice : assaillir l'asiégeant n'est pas déshonorant, même si on lui a envoyé je ne sais quoi sur la tête l'instant d'avant.
Elle sourit.
-Mais s'il te plait, veille à ce qu'il m'en reste quelques-uns à mon retour. Manquer l'entièreté des réjouissances me déprimerait terriblement, je me sentirais obligé d'aller m'en prendre à quelque autre tribu de cannibales...

[Hubert de Maleval]

" A mon avis, ils seront à peine moins nombreux lorsque tu reviendras. Je ne peux pas croire qu'ils n'auront rien tenté, mais pas au point de venir s'annihiler contre nos murs."
Il eut un sourire désolé.
" Mais nous te contacterons certainement pour savoir où vous en êtes..."

[Taliesin]

-Pendant plusieurs jours, nous ne pourrons rien répondre d'autre que "Nous sommes dans la boue". Mais je compte sur les nouvelles du fort, sur vos découvertes, pour rompre la monotonie de notre périple...
Elle jeta un regard autour d'elle, baissa d'un ton.
-Tant que j'y pense.. Ézéchiel est comme moi, du genre pragmatique. Et d'après ce que tu m'en as dit, Albérich sera plutôt dans ce camp. Vous serez donc trois et je pense... que vous pourrez facilement avoir la majorité en cas de décision cruciale, soit avec Étienne, soit avec Ignace, selon les sujets abordés... Mais essayez quand même de ménager les idéalistes : ils sont extrêmement attachés à leurs principes...

[Hubert de Maleval]

" J'agirai dans le respect strict des règles de la communauté, dit le paladin. Mais si notre survie devait être menacée..."
Il pinça les lèvres.
" Cela n'arrivera pas. Je n'ai pas l'intention de bousculer quiconque pour le plaisir, sois en certaine. Même si je suis partisan du pragmatisme dans certaines situations, j'ai aussi mon code d'honneur, et je suis conscient que tout acte qui pourrait bouleverser l'harmonie de la communauté serait plus meurtrier qu'une attaque de Paludiers."

[Taliesin]

-Je ne voulais pas sous-entendre que je doutais de la manière dont tu agirais. Pas du tout. Je parlais plutôt en termes de dynamique au sein du Conseil... Jusqu'ici, les pragmatiques étaient minoritaires. A présent, vous ferez jeux égal avec les idéalistes et parfois, quand on est plusieurs à partager un même avis, quand on sent qu'il en faudrait peu pour convaincre au moins l'un de ses interlocuteurs et donc avoir la majorité...
Elle secoua la tête.
-Mais tout se passera bien, oui. Je m'inquiète pour rien. C'est juste que partir, vous laisser... Cela me fait un peu bizarre, je dois bien l'avouer. Je sais cependant que la Communauté est entre de bonnes mains.

[Hubert de Maleval]

Hubert ne comprenait pas bien ce qu'elle voulait dire... Tenter de convaincre les idéalistes, ce serait quand même la chose la plus logique à faire, s'ils devaient être en désaccord, non ? Il avait bien l'intention, au besoin, de pousser Ignace ou Etienne à se ranger de leur côté. Sauf que Frida n'imaginait pas à quel point Albérich risquait d'être imprévisible. Il n'aurait pas osé parier sur son attitude.
" Nous tâcherons d'être à la hauteur. Mais je comprends que ce soit étrange. D'autant que nos espoirs reposent sur vos épaules et dans le galop de vos chevaux. J'espère que Louis tiendra le coup, aussi... Mais tout se passera bien."

[Taliesin]

-Louis n'est pas ravi, ça se sent, mais il fera ce qu'on attend de lui. Pour le reste, comme je le disais tout à l'heure, placez plutôt vos espoirs en Marthe et Varamyr. Nous... Nous risquons de faire chou blanc à Grand Estuaire, et si nous devons aller voir ailleurs, cela prendra du temps.
Elle termina son assiette.
-Bon, je vais préparer mes affaires, histoire d'être prête quand viendra le grand moment. Je te souhaite de trouver de quoi t'occuper d'ici là... avec autre chose que des livres. Leur lecture n'avait pas exactement l'air de te passionner, tout à l'heure.