[Lieu] Une route oubliée

[Hubert de Maleval]

Le paladin mesurait le gouffre qu'il avait ouvert entre le clerc et lui et ne pouvait que s'en attrister. En même temps, il avait eu besoin d'être sûr, absolument sûr... Il avait espéré que Gabriel comprendrait mais manifestement, il était trop sanguin pour y parvenir. Tant pis. Il n'avait pas besoin de son amitié, il avait besoin de sa bonté intrinsèque. Peut-être que sa bonne nature finirait par effacer l'insulte.
" Le conseil a convenu de placer des glyphes dans chacun des quatre couloirs qui s'échappent de cette salle. L'idée est d'empêcher quiconque d'entrer. J'aurais voulu que tu voies, avec les bardes ou les mages, si on peut associer vos glyphes à certains de leurs sortilèges. Le franchissement du glyphe devrait paralyser et peut-être sonner l'alerte, quelque chose comme ça. Les colons seront avertis de leur existence et de leur placement, mais on ne sait jamais que quelqu'un s'aventure trop loin par mégarde. Je voudrais que les glyphes fonctionnent sur mot de passe et que toute personne l'ignorant ne puisse passer sans risques. Ce mot de passe ne devra être divulgué qu'aux clercs et aux membres du conseil, dans un premier temps."

[Taliesin]

-J'ai conservé une copie des listes que je t'ai remises : je vais aller vérifier si nous avons en réserve des sorts d'alarme ou équivalent. Ensuite, je rassemblerai tout le monde pour mettre ça en place.
Il jeta un regard vers la rampe.
-Y a-t-il autre chose à faire ? J'imagine que ce dossier-ci sera réglé en très peu de temps.

[Hubert de Maleval]

" Non, ensuite, pour l'heure... J'imagine que tu dois avoir des choses à rattraper, vu la somme de travail que je t'ai donné ces deux derniers jours. Tu peux toujours songer à t'entraîner... Je ne sais pas."
Il haussa les épaules, toujours désolé.
" Merci pour ton aide, Gabriel. N'oublie pas de petit déjeuner."
Il se dirigea ensuite vers la sortie pour en faire de même. Il avait envie de laisser cette malheureuse scène derrière lui.

[Taliesin]

Gabriel ne fit rien pour le retenir, et il gagna les caves où les membres de la Communauté s'éveillaient les uns après les autres, au fur et à mesure qu'Edgar allait de dortoir en dortoir pour claironner l'arrivée du matin. Puis ce fut la cour, encore largement déserte, et la cantine, à moitié remplie : au nombre des lèves-tôt, on comptait Barthélemy et Agnès, Ingrid, les instituteurs et pas mal de mômes dont beaucoup affichaient une mine maussade - l'idée de reprendre l'école ne les réjouissait pas particulièrement, semblait-il...

[Galathée]

De son côté, Albérich avait émergé relativement tôt : en effet, Edgar avait galamment commencé par réveiller son dortoir avant de passer à d'autres victimes. Il avait constaté l'absence d'Hubert — prévisible — ainsi que celle d'Alban, à peine moins surprenante. Il était resté discret mais quiconque avait regardé dans sa direction avait dû réaliser qu'il n'était pas à sa place, et cela le gêna terriblement. Bien sûr, l'opinion des autres n'était pas cruciale, il avait fait ce qui avait été nécessaire pour lui, et il avait bien dormi à partir du moment où Hubert était arrivé.
Il demeura assis contre le mur, la couverture sur les épaules, pendant un long moment, redoutant de s'exposer au froid piquant de ce petit matin, lorsqu'une pensée subite lui traversa l'esprit : il faisait désormais partie du conseil. Il devait se lever. Ils étaient peut-être déjà en réunion pendant qu'il traînassait !
Confus, il quitta précipitamment son refuge, s'habilla à la hâte puis cavala dans les escaliers pour rejoindre la cour.

[Taliesin]

Il ne tarda toutefois pas à être rassuré : quand il déboucha dans la cour, dominée par un ciel gris qui paraissait annoncer de nouvelles et fortes averses de neige, il n'y vit pas grand monde, hormis quelques palefreniers en chemin vers les écuries et des aides d'Ignace faisant la navette entre les cuisines et le lieu du petit-déjeuner. Quant à la cantine, il y demeurait bien des places vides. D'ailleurs, un certain paladin semblait hésiter quant à laquelle il choisirait...

[Galathée]

Albérich hésita une seconde en l'apercevant. Il était allé s'incruster dans la tour, dans l'univers réservé du paladin, et il ne voulait pas s'imposer à lui une fois encore. Mais Hubert l'aperçut, lui décocha un sourire rayonnant et marcha vers lui.
" Bonjour monsieur de la marmotte, lui dit-il en prenant place à une table voisine.
— Bonjour monsieur de l'alouette."
Le paladin passa les deux mains sur son visage et le Luménien devina qu'il était tendu. Il attrapa la corbeille de pain qui se trouvait sur leur droite, emprunta une théière, puis revint à son ami.
" Tu t'es levé du pied gauche ?
— Je suis levé depuis des heures. Non. J'ai sondé l'aura de Gabriel. Il n'a pas apprécié."
Albérich haussa les sourcils.
" Il t'a surpris ?
— Non. Je lui ai demandé. J'ai pensé qu'il comprendrait. Il n'a pas compris."
Il haussa les épaules, contrarié. Albérich chercha une parole réconforte à lui adresser.
" Peu importe, je n'ai pas envie d'en parler. Bien dormi ?
— Bien, oui."
Le Luménien se sentit rougir légèrement mais Hubert ne parut pas relever.
" Tu peux dormir là toutes les nuits, si tu préfères. Tu ne gêneras pas. Ignace n'a même pas grommelé, hier.
— Ce n'est quand même pas très académique... Si tout le monde se met à aller dormir de ci de là... J'imagine qu'un certain ordre est nécessaire."
Le paladin avala sa tasse de thé avec la même désinvolture que d'ordinaire.
" Tu sais, j'avais proposé à Ruth de venir aussi et... oh sainte bouse...
— Oh... quoi ?
— Les gosses. L'école. Misère ! Où sont-ils ?"
Hubert s'était levé et scrutait la tente à la recherche de ses écuyers. Il avait manifestement oublié de leur transmettre un message d'importance...

[Taliesin]

Ils n'étaient pas à la cantine : vu l'heure, sans doute s'affairaient-ils aux écuries... Toutefois, il n'eut pas à interrompre son petit-déjeuner : le duo d'écuyers faisait son apparition moins d'une minute plus tard. Après avoir observé les lieux et repéré Hubert, ils se dirigèrent droit vers lui. Ils étaient visiblement d'assez bonne humeur.
-Bonjour !
-Bonjour messire Hubert, bonjour messire Albérich.
-M'sire, j'ai pansé Grand Vent, et il est en pleine forme.
-Aurez-vous du travail pour nous, ce matin ?

[Galathée]

Albérich jeta un oeil au paladin et celui-ci soupira.
" Vous allez à l'école ce matin. Trois heures. J'ai négocié avec Agathe. Je sais que ce n'est pas la solution que vous espériez mais... Ses arguments m'ont paru valables et... ce n'est que trois heures. Je pourrais vous les consacrer, mais alors nous n'en aurions plus pour croiser le fer. Cela vous permettra de voir des enfants de votre âge, de vous détendre un peu, d'apprendre aussi, évidemment. J'aurais dû vous prévenir hier mais je n'en ai pas eu le temps... et j'ai oublié, quand je t'ai croisé dans les escaliers... J'espère que vous survivrez. Regardez : Albérich et moi sommes devenus adultes malgré tout."

[Taliesin]

Hubert les aurait giflés qu'ils n'en auraient pas été plus stupéfaits. Une seconde, il se demanda s'ils n'allaient pas s'évanouir où éclater en sanglots. Mais, curieusement, Alban se ressaisit très vite.
-C'est normal que vous ayez oublié, messire, avec toutes les choses dont vous devez vous occuper. J'avoue que je ne m'attendais pas à ça mais... Si c'est le plus simple, si ça vous paraît la meilleure solution... Va pour l'école, alors, répondit-il, concluant sa tirade en ébauchant un sourire qui se voulait courageux.
Ruth, elle, paraissait ne pas s'en remettre.
-C'est une punition pour hier ? s'enquit-elle. On pourrait pas, plutôt... je sais pas, moi, aller au coin ou recevoir une fessée ?

[Galathée]

" Ça n'est pas du tout une punition, Ruth. Simplement, l'école va reprendre, vous avez encore mille choses à apprendre et... je sais que les écuyers classiques sont instruits exclusivement par leurs maîtres, mais moi je suis un paladin, j'ai été en classe avec mes condisciples, il n'y a rien de honteux à cela. De surcroît, vos instituteurs sont mille fois plus qualifiés que moi et... pourquoi redoutez-vous à ce point cet arrangement ?"
Hubert avait l'air désemparé.
" Vous aimez bien vos camarades, non ? Vous ne les voyez quasiment plus... "

[Taliesin]

-On est les seuls écuyers de paladin, donc les autres sont pas nos condisciples. Et s'il y en a deux ou trois de sympas, le reste, bof, sans compter que les voir en classe où on fait rien d'amusant, ça a aucun intérêt. Et de toute façon, je m'ennuie à l'école, j'ai l'impression de perdre mon temps à apprendre des trucs qui servent à rien, je suis nulle de partout et ça m'énerve et...
Alban, qui n'en menait pas large lui non plus, se contenta cependant de poser une main sur son épaule.
-Notre travail d'écuyers, c'est aussi d'obéir à messire Hubert. S'il dit qu'on va à l'école, on y va, que ça nous plaise ou non.
-Mais...
Le gamin lui prit la main.
-Viens, on a promis à ta maman qu'on déjeunerait avec elle. Et on doit se dépêcher si on ne veut pas être en retard et donc faire honte à messire Hubert.
La fillette résista une seconde, puis le suivit sur quelques pas avant de s'immobiliser.
-Alban ?
-Oui ?
-Vaudrait mieux qu'on se lâche la main : il y a des tas de gens, dont nos... hum... chers camarades d'école. S'ils nous voient, ils vont se moquer de nous.
-Ah oui, c'est vrai. Mais ça me donne une idée : si t'arrête pas de faire la tête, je te fais une bise devant tout le monde.
-HEIN ?! Alors là, mon vieux, t'as pas intérêt !
-Alors arrête de faire la tête.
-Grrrrr...
Et ils s'éloignèrent en se chamaillant copieusement.

[Galathée]

Hubert se rassit avec une grimace.
" Misère, j'ai l'impression que je les mène de déception en déception, murmura-t-il.
— Allons. Tu n'avais pas le choix. Et c'est important, qu'ils comprennent qu'être tes écuyers n'en fait pas de petits princes.
— Alban est baron, techniquement.
— C'est un titre honorifique, dans la communauté. Un souvenir de Robert. Il ne peut prétendre à rien de plus.
— Je sais. Mais... Bref...
— Je veux toujours bien m'occuper de Ruth, au besoin...
— Ne lui en demande pas trop, veux-tu."
Il soupira dans ses mains.
" Bon, j'imagine que nous aurons un premier conseil juste après le repas... juste histoire que toi et Ezéchiel preniez vos marques... Nous allons devoir discuter de ces tunnels, de pousser ou pas l'exploration jusqu'à Clairétoile, ce genre de choses...
— L'un d'entre eux y mène ?
— Nous n'en savons rien, pour l'heure. Mais c'est possible."

[Taliesin]

Hubert vit apparaître Gabriel, qui ne lui jeta pas un seul regard mais se dirigea tout droit vers les clercs. Ils s'entretinrent un moment à voix basse puis l'Ilmate se leva et rejoignit le Luménien et son ami.
-Je suis désolée de vous interrompre, mais... On aura besoin de moi d'ici peu, pour les glyphes... fit-elle. Par conséquent, seriez-vous d'accord pour que nous réunissions le Conseil dans quelques minutes ?

[Galathée]

" Bien sûr." dit Hubert avec un sourire las en se levant.
Albérich l'imita, en essayant de ne pas songer à ces glyphes qui se traceraient sous ses pieds.
" Si Gabriel est un vrai Lathandrite, il ne t'en voudra pas longtemps, souffla-t-il au paladin, dont le regard s'attardait vers son aide de camp. Les Lathandrites regardent vers le futur, pas vers le passé.
— Tu iras le lui dire, d'accord ?"
Ils s'en furent vers le chariot du conseil, qu'Albérich observa avec une certaine crainte. Il était de retour à la case qu'il s'était promis de ne plus jamais franchir. Un autre conseil, d'autres décisions, d'autres tensions, d'autres fracas. Hubert lui pressa l'épaule et lui sourit.
" En avant, messire régent.
— Ah bravo. Hubert, tu n'as pas intérêt à..."
Mais le paladin était déjà entré.

[Taliesin]

Ils durent attendre un moment, le temps que le message passe auprès de tous leurs collègues. Agnès fut la première à les rejoindre, bientôt suivie par Ignace qui portait un plateau chargé de tasses, d'une théière fumante et de quelques viennoiseries. Puis ce fut le tour d’Ézéchiel et enfin d’Étienne. L'on commença par servir le thé, sur lequel le chevalier se jeta avant de parcourir du regard la petite assemblée.
-Bon, j'ai une motion à vous soumettre, fit-il. A franchement parler, je risque de me mélanger les pinceaux entre ceux que je tutoie déjà, ceux que je vouvoie encore... Je propose donc que nous généralisions le tutoiement. D'ailleurs, ne conviendrait-il pas mieux à l'esprit de la Communauté ?
-Assurément, répondit Agnès tandis que les autres acquiesçaient. Je suis même d'avis que lors de la prochaine consultation, nous propositions de bannir le vouvoiement entre tous nos membres...

[Galathée]

" Est-ce qu'on ne peut pas plutôt décider de subordonner ça à l'âge ? Chacun tutoie les plus jeunes et vouvoie les plus âgés. Ce serait plus respectueux des droits de chacun."
Albérich se tut.
" C'est une blague. Le tu me va très bien."
Hubert l'observait, incrédule.
" Qu'est-ce qu'il y avait dans ton thé ?
— La même chose que dans le tien. Mais tu es sans doute immunisé. C'est dur, dur, d'être paladin. Pardon. Hum. Motion acceptée à l'unanimité, non ?"

[Taliesin]

Ils hochèrent tous la tête.
-Albérich a vu juste, fit Agnès, souriante. En fait, Barthélémy et moi avons entendu dire que du chanvre d'une sorte bien connue circulait au sein de la Communauté. Nous avons enquêté, découvert des stocks impressionnants et décidé de les écouler en en mettant chaque matin dans le thé, pour améliorer le moral de tout le monde.
-Bigre, dire que j'en suis à ma quatrième tasse... Hum, hâtons-nous d'aborder les sujets sérieux avant que les effets ne me rattrapent.
La réunion se voulait surtout une occasion de lier connaissance entre anciens et nouveaux conseillers, une opportunité de commencer à apprendre à travailler ensemble. Néanmoins, il y avait quelques dossiers importants à traiter : le premier concernait les glyphes, et l'Ilmate leur apprit qu'ils seraient en place durant la matinée, de même que les sorts d'alarme - l'un des bardes en disposait.

[Galathée]

Albérich n'intervint pas d'emblée sur ce premier sujet, dont il savait peu de choses. Hubert, par contre, était dans son élément. Le Luménien fut surpris de voir comme il avait pris ses marques en deux petits jours.
" Il faudra avertir les colons de la présence des glyphes, pour éviter les mauvaises surprises. Cela dit, pour l'heure, nous avons surveillé l'entrée... Nous devrions peut-être prendre une décision concernant ce sous-sol. Nous pourrions décider d'en condamner l'accès, sauf pour les équipes de fouille et de reconnaissance... Il reste ces piliers que Giovanni étudie, les coffres qui nous résistent, puis la question du couloir sud... et de la ville, au-delà. D'un autre côté, l'existence de la salle est certainement un sujet de rumeurs parmi les gens... Peut-être faudrait-il la leur laisser visiter, ne fût-ce qu'une fois, pour démythifier..."

[Taliesin]

Le Conseil fut de son avis pour permettre aux colons de voir la nef, pour leur en interdire l'accès en temps ordinaire - par l'entremise de gardes, s'il n'y avait un moyen de le bloquer sans gêner son ouverture rapide en cas de besoin -, pour poursuivre les recherches sur les piliers, les gemmes et les coffres. Quant au couloir menant vers le sud, Ézéchiel fut le premier à intervenir :
-Je suis partisant de l'explorer jusqu'au bout et, s'il mène bien à Clairétoile, de commencer à mener des repérages là-bas. J'aurais même tendance à pousser pour que nous y établissions une tête de pont. Car si le fort venait à tomber, ce serait notre seule voie de repli : sortir dans les Landes, ce serait périr.

[Hubert de Maleval]

Hubert sourit. Frida n'avait pas menti : ce garçon était pragmatique.
" Je pense que c'est une bonne idée, dit-il. Mais nous sommes peu nombreux et nous ne pouvons pas déforcer nos défenses. La cité parait, vu de l'extérieur, se trouver à une journée de route, si le couloir s'y rend en ligne droite. Le premier trajet sera beaucoup moins rapide, cependant, puisqu'il faudra s'assurer que le chemin n'est pas piégé ou occupé par des créatures indésirables."
Il se tourna vers Etienne.
" Qu'en penses-tu ?"
C'était le principal intéressé, son avis pèserait le plus lourd. D'autant qu'Hubert avait l'intention de le pousser à faire partie de cette avant-garde.

[Taliesin]

Le chevalier était concentré, sourcils froncés.
-Je pense aussi que c'est une bonne idée, finit-il par lâcher. D'abord, et même si je n'aime pas y songer, le fait est là : nos ennemis sont nombreux, ils possèdent des shamans dans leurs rangs, nous pouvons donc perdre le fort et ce, avant la venue des renforts qui, au mieux, n'arriveront pas avant deux veilles. Bref, préparer une solution de repli est fondamental. Ensuite, il est possible que l'équipe que nous enverrons découvre dans la cité des gemmes supplémentaires, le moyen d'ouvrir les coffres, voire d'autres merveilles susceptibles de nous permettre de conserver nos positions actuelles ou d'éliminer les cannibales...

[Hubert de Maleval]

Hubert aurait préféré qu'Etienne n'énonce pas les choses aussi froidement mais, là aussi, c'était réaliste à défaut d'être engageant. Le paladin, de son côté, n'avait aucune intention de fuir et de perdre le fort. Même si c'était possible.
" Prenons le temps d'aviser. Nous savons qu'il y avait des morts-vivants dans la cité et nous ne savons pas où débouche le tunnel... Faisons les choses dans l'ordre. On pourrait envoyer une première équipe vers Clairétoile, avec un mandat court et clair. Ensuite, nous pourrons décider de la marche à suivre. S'il faut abandonner le fort et nous réfugier directement là-bas... Ainsi soit-il."
Il se tourna vers Ezéchiel.
" Combien d'hommes faudrait-il engager dans pareille expédition ? Avez-vous des spécialistes des environnements urbains, parmi les éclaireurs ? Il faudra probablement y engager un clerc, quelques soldats..."

[Taliesin]

Le rôdeur se frotta le menton.
-Une quinzaine de personnes devrait suffire : si le tunnel reste unique, s'il n'y a pas de croisement, elles ne courront aucun risque d'être prises à revers, et cela restera gérable même s'il y a quelques carrefours. Un clerc me paraît indispensable au sein de l'équipe : outre son efficacité contre les morts-vivants, il fera moins défaut ici qu'un autre lanceur de sorts, puisque sa magie est moins offensive. Un rôdeur me semble aussi nécessaire, afin de repérer d'éventuelles traces au sol... Pour le reste, des combattants, oui, ainsi que les éclaireurs qui ont déjà visité des ruines : il y en a trois, à ma connaissance. Hum, et si je ne m'abuse, d'autres membres de la Communauté ont un passé d'aventuriers...
Ignace acquiesça.

[Hubert de Maleval]

Le paladin acquiesça.
" Je pense que Gabriel est tout indiqué pour accompagner le groupe. Il a des fourmis dans les jambes mais il est fiable. Si Ignace, tu as des noms à proposer... Je sais que nous ne pouvons rien imposer aux gens, mais je gage qu'il devrait y avoir des personnes intéressées... peut-être même trop, nous devrons trancher."
Il sourit au chevalier.
" Etienne, bien sûr, tu devrais diriger cette équipe."

[Taliesin]

-Pourquoi moi ? fit le jeune homme, décontenancé. D'accord, comme tout le monde, je suis impatient de voir la cité, mais qu'apporterais-je au groupe, concrètement ? Beaucoup de nos compagnons me valent au combat et d'autres sont bien meilleurs... De surcroit, en partant, j'aurais l'impression de déserter, de vous abandonner...
-Si l'on s'en tient au projet de reconnaissance du tunnel, la mission durerait dans les trois jours.
-Il peut se passer beaucoup de choses en trois jours, et je ne me le pardonnerais jamais si... Si je faisais défaut au moment crucial.

[Hubert de Maleval]

Hubert hésita. Etienne lui offrait les arguments : il n'était critique nulle part et il ne serait pas nécessaire à la défense du fort, même s'il devait se passer quelque chose de grave. Sauf en tant que symbole, peut-être, pour rallier la communauté. Mais vu la fragilité du chevalier, le paladin n'était pas certain qu'il tiendrait le coup, et son effondrement n'en serait que plus dommageable pour le moral du groupe. Sa position à l'avant-plan était devenu un risque. Peut-être faudrait-il suggérer au conseil de varier les porte-paroles, désormais, pour que d'autres puissent le remplacer si le pire survenait.
Laisse-lui sa chance.
" C'est sûr que ce n'est pas obligatoire, dit le paladin. Sans doute pouvons-nous mettre un barde dans l'équipe, qui se chargera de relayer ses découvertes aux civils. J'avais pensé que symboliquement... Mais je ne vais certainement pas essayer de te convaincre si tu n'en as pas envie."
Il sourit, apaisant, pour que le chevalier comprenne que l'affaire était close. Il s'était mis Gabriel à dos, c'était bien assez pour une journée. Et avec un peu de chance, le clerc lui serait reconnaissant d'avoir proposé son nom pour l'exploration de la cité.

[Taliesin]

Étienne garda le silence une bonne minute, silence que respectèrent ses confrères. Puis il secoua la tête.
-Je crois que je dois rester, dit-il enfin. Robert est mort, Frida et Marthe sont parties... Cela fait beaucoup de chamboulements, au Conseil. Je me fais sans doute des idées, mais j'ai le sentiment que si je m'éloignais à mon tour, cela laisserait une mauvaise impression à nos compagnons. Comme si... Comme si les rats quittaient le navire, en quelque sorte. L'expression est mal choisie, mais je n'en trouve pas de meilleure.
Il se resservit du thé.
-Bon, Ézéchiel et toi vous chargez de recruter l'équipe ?
Le rôdeur opina du chef.

[Hubert de Maleval]

" D'accord." ajouta le paladin.
Il se tourna vers le rôdeur.
" Le jour et la nuit n'ont pas grande importance, j'imagine qu'on peut encore imaginer un départ aujourd'hui. Mais nous en discuterons après le conseil, inutile de l'allonger par ce genre de discussions techniques."
Albérich se pencha en avant.
" Si cela vous convient, je peux superviser la visite de la salle pour les colons. Je crois que c'est préférable de l'organiser rapidement, de faire descendre les gens par groupes, de les laisser fureter en indiquant clairement que les couloirs sont, pour l'heure, interdits. De cette manière, les lieux seront à nouveau libres quand le groupe d'éclaireurs partira."

[Taliesin]

Étienne fit aussitôt oui de la tête.
-Bonne idée. Et ça rejoint le point que je souhaitais aborder à présent.
Il but une gorgées de thé.
-Chacun d'entre nous à... une sphère d'influence, on va dire, ou un portefeuille ministériel. Bien sûr, les grandes questions sont débattues au Conseil, ce qui permet à chacun de donner son avis dans tous les domaines. Cependant, nos responsabilités s'accompagnent la plupart du temps d'activités quotidiennes, de tâches qui nous occupent... A l'heure actuelle, ça n'est pas vraiment le cas pour moi, mais Hubert m'a confié du travail au sein de nos forces armées, donc je ne reste pas oisif. En ce qui te concerne, par contre... Tu es responsable des aspects juridiques et légaux, et le seul point concret, actuellement, c'est la préparation de notre constitution : or, le contexte ne s'y prête guère, sans compter que cela ne suffit pas à remplir une journée... Marthe était embêtée avec ça, elle se sentait assez inutile, et je me doute que ce sera pareil pour toi... Alors voilà, je voulais te demander s'il y avait quelque chose, un chantier, un dossier, une activité dont tu souhaiterais prendre la responsabilité. Peu importe si cela fait partie d'une sphère d'influence qui n'est pas la tienne : je suis sûr que tout le monde, ici, est prêt à partager.
A nouveau, les membres du Conseil acquiescèrent.