[Désert d'Anauroch] Quête : Racines

[Voyageuse]

Ce fut la voix qui répondit.
- J'ai les capacités de rendre un serment inviolable. Pour être plus précis, une rune lumineuse va apparaître sur votre bras, brièvement, avant de devenir invisible. Si vous aviez un jour la tentation de rompre votre serment, vous sentiriez immédiatement une brûlure à cet endroit qui vous le rappellerait. Si, en dépit de cet avertissement, vous persistiez à ne pas tenir votre parole, alors la rune magique se déclencherait, attirant sur vous une malédiction aussi mortelle que celle qui frappe votre père, mais qui aurait raison de vous en quelques veilles seulement...

[Kasumi]

Une marque qui le suivrait toute son existence telle une épée de Damoclès ? L'idée était dérangeante et il prit le temps de se remémorer les termes exacts du serment. Serait-il tellement contraignant ? Non, probablement que non et il devait envisager de céder sur certains points au risque de faire capoter la négociation. Il déglutit mais finit par déclarer solennellement :

- Très bien, j'accepte ce point : je ne risque pas de trahir le serment en me retrouvant confronté à un membre de votre clan sans le savoir. Et j'accepterai aussi de faire des excuses mais à qui devrais-je les adresser ? Et sous quelle forme ?

[Voyageuse]

- Aux âmes perdues qui errent dans ce ce monde...
- Et de mon côté, je les transmettrai aux familles des défunts avec l'or que vous leur donnerez.
- C'est quelque chose qui peut se faire tout de suite, si vous y êtes prêt. Mais peut-être souhaitez-vous y réfléchir, prier vos dieux humains peut-être, avant que Huasasth n'appelle en ce lieu les esprits errants...

[Kasumi]

Le rôdeur décida de faire preuve de bonne volonté : des excuses, il en devait et pensait pouvoir s'acquitter de cette partie du marché sincèrement alors il ne servait à rien de repousser cet aspect. Il répondit donc d'un ton conciliant :

- Mes excuses ne concernent que moi et non les dieux dont je suis les préceptes. D'autre part, je tiens à m'acquitter librement de cette partie même si nous ne parvenions à un accord sur les autres points. Je ne souhaite pas que leur situation de fantôme tourmenté perdure. Allons-y dans ce cas !

[Voyageuse]

Le shaman hocha la tête, et Kasumi l'entendit marmonner des paroles inconnues dans sa langue. Il eût la vague sensation que tout tournait autour d'eux, même si ses pieds nus restaient plantés dans le sable et qu'il n'y avait rien autour, qu'une lumière blanche, éblouissante.
La voix du shaman enfla, sifflante, et le blanc qui l'entourait se morcela, comme si des grumeaux se formaient en son sein, grumeaux qui donnèrent naissance à des ombres, à des formes. A des asabis. Simple esprits qui n'avaient pas vraiment la consistance de la matière, mais qui étaient pourtant bien réels, et qui se rassemblèrent en cercle autour de lui et Huasasth.

[Kasumi]

Le demi-elfe observa les formes indistinctes se préciser en tentant de repousser sa nervosité : il allait devoir s'excuser auprès de ces fantômes ses errements passés mais qu'adviendrait-il s'ils refusaient de lui pardonner ? Kasumi n'avait pas non plus préparé les mots qu'il prononcerait, se fiant à la sincérité du moment pour les trouver. Alors, humblement, il posa un genou sur ce qui tenait lieu de sable et parla à voix haute sans en cherchant à la balayer du regard les formes qui lui faisaient face :

- Esprits tourmentés, je suis ici pour reconnaître mes fautes à votre encontre. Je suis votre assassin et je me présente aujourd'hui parmi vous pour tenter d'apaiser la haine qui vous anime justement. Autrefois, nous nous sommes battu et j'ai eu raison de vos corps mais c'est aujourd'hui à vos âmes que je m'adresse. Puissiez-vous trouver en vous la force de dépasser les sentiments qui vous animent et vous retiennent prisonniers et de me pardonner comme j'ai trouvé celle de dépasser mes préjugés.

[Voyageuse]

Au début, rien ne se passa. Puis une voix murmura, si faiblement qu'il l'entendit à peine.
- Excuses acceptées.
- Moi aussi, j'accepte.
Une forme disparut, puis une autre, et une autre encore, en silence.
- Des excuses ne suffisent pas, il doit être puni pour ses crimes !
- Il le sera.
Cette assurance parut suffire à certaines ombres qui disparurent. Il en resta cependant trois.
- Nous voulons savoir quelle sera sa punition...
- Vous le saurez dans quelques minutes... S'il y est prêt.

[Kasumi]

Kasumi ressentit une étrange sensation libératrice en constatant que ses mots avaient apporté l'apaisement à la plupart des fantômes. Il avait juré de combattre les non morts et savoir qu'il était responsable des tourments de ces fantômes, même s'ils étaient asabis, avait été une prise de conscience cruelle. Restait cependant trois de ses victimes et il se tourna vers elles, cherchant à se souvenir des circonstances dans lesquelles il avait pu les tuer. Peine perdue. Il avait la sensation qu'il obtiendrait des réponses s'il les interrogeait mais à quoi bon retourner le couteau dans la plaie ? Elles voulaient qu'il soit puni pour être en paix et il allait l'être. Il se concentra à nouveau sur Huasasth et reprit la parole sans s'adresser à lui toutefois :

- Maître des esprits, vous avez dit que le prix à payer ne regardait pas Huasasth mais je vous pose la question moi-même. Quel est le sacrifice que je dois consentir pour m'amender et sauver mon père ?

[Voyageuse]

La lumière blanche s'intensifia et tout disparut autour de lui. Il se retrouva à flotter quelque part au milieu du néant. nu à nouveau.
- Tu dois accepter de perdre une part de ton être, répondit la voix. Ce peut être une part de ton corps, une main ou un oeil par exemple. Ce peut être une part de tes sens, perdre une partie de ta vision, de ton ouïe, de ton odorat. Ce peut être une part de tes capacités. Sacrifier une partie de ta force, de ta dextérité, de ton intelligence, ou perdre ta bonne constitution et ta résistance naturelle, ou même dégrader ton physique pour perdre ta beauté. Ce peut aussi être ta jeunesse, en acceptant de donner un certain nombre d'années... vingt-sept en l'occurrence.
L'être invisible se tut un instant le laissant assimiler ce qu'il venait de dire.
- Mais tu as ton mot à dire sur la question... Et il y a deux façons de négocier cela. Soit je te donne cinq choix possibles, et tu choisis celui que tu acceptes. Soit, toi, tu me donnes, parmi toutes les propositions que j'ai faites, celles qui sont les plus acceptables pour toi, au moins cinq, et je choisis. Quelle solution préfères-tu ?

[Kasumi]

Il avait son mot à dire sur la question ? La belle affaire ! On voulait faire de lui un infirme, un être diminué, le marquer à tout jamais encore plus cruellement qu'avec ce glyphe restreignant sa liberté... C'était inconcevable, inacceptable ! Comment pouvait-on renoncer volontairement à une partie de soi ? A une partie de ce qui le rendait vivant et le définissait ?

Le rôdeur n'avait rien ni personne vers qui diriger sa colère en cet instant mais il n'en fulminait pas moins, pinçant les lèvres, répondant avec une certaine morgue :

- Je dois accepter vous dîtes ? Mais quelle justice y a-t-il dans ce que vous m'imposez ? En quoi renoncer à une partie de ce qui me définit rendra-t-il justice à mes victimes ? En quoi me détruire leur rendra-t-il service sinon assouvir votre vengeance ? Ne comptez pas sur moi pour brader des parties de moi comme on négocie des objets.. Rien de cela ne m'est acceptable. Faites-donc vos propositions s'il le faut mais ne comptez pas que je collabore à ceci...

[Voyageuse]

HRP : oups, j'ai oublié de signaler... suite à ses excuses qui ont donné la paix à la majorité des âmes perdues, Kasumi reçoit un point de sagesse.

- Il y a quelque chose que tu n'as pas compris, qui échappe peut-être à ton entendement humain, reprit la voix, toujours aussi détachée. Les âmes errantes doivent, pour trouver la paix, recevoir une part de l'âme qui les a tuées. Mais ça n'est pas tout. La malédiction dont souffre ton père est extrêmement puissante. La lever, guérir ton père, nécessite également qu'un être vivant donne une part de lui-même. Les deux se cumulent, ce qui signifient que la part que tu devras donner est relativement importante... et ce don doit te coûter, sinon ça n'aurait rien d'un sacrifice. Tu peux aussi décider de perdre deux choses, mais de façon plus modérée. Mais sois rassuré sur un point : je ne vais pas prendre la totalité d'un sens, d'une capacité, de tes années de vie. Tes sens et tes capacités sont, chez toi, davantage développées que chez la majeure partie de tes congénères. En perdre une partie ne te rendra pas lourdement handicapé.

[Kasumi]

Pas lourdement handicapé ? Le rôdeur en aurait ri si on n'était pas en train de parler de le découper en morceau au sens littéral. et les propos de l'esprit concernant son manque d'entendement n'allaient certainement pas améliorer sa disposition d'esprit :

- Si j'ai une dette envers mes victimes et qu'elles doivent absorber une partie de moi comme le ferait - pardonnez-moi de la comparaison mais elle me parait justifiée - un cannibale, la malédiction qui touche mon père n'est pas de mon fait. Pourquoi serait-ce uniquement à moi de la racheter et non pas à celui qui s'en est rendu coupable ? Ou alors faudra-t-il convoquer ce dernier devant la Seldarine ? Non, heureusement pour lui que ses pratiques sont plus civilisées.

[Voyageuse]

- La malédiction dont souffre de ton père n'est pas qu'une vengeance, et n'a de mon point de vue rien de répréhensible. Elle a été lancée dans un souci de rendre justice à ces âmes perdues. A la mort de ton père, toutes les âmes errantes des asabis que tu as tués trouveront le repos. S'il ne meurt pas parce que la malédiction est levée, il faut une autre façon de leur rendre justice, et donc que tu donnes une part de toi.
La voix fit une pause, puis reprit.
- Quant à la part d'âme nécessaire à lever la malédiction, elle peut être donnée par n'importe quel être vivant souhaitant lever cette malédiction. Si tu ne souhaites pas la donner, c'est ton choix. A toi de trouver quelqu'un d'autre qui acceptera de le faire.

[Kasumi]

La dernière remarque de cet esprit reptilien - aussi froid que ceux qu'il représentait - faillit le faire sortir de ses gonds et il se maîtrisa à grand peine pour conserver un discours qui ne soit pas totalement rageur :

- Décidément vous me connaissez bien mal vous qui n'arrêtez pas de m'envoyer au visage que je ne comprend pas les vôtres. Croyez-vous que je vais demander à d'autres de renoncer à ce dont je serais moi-même incapable ? Me pensez-vous si dénué d'empathie et de compassion ? Mais il s'agit de mon père et je suis prisonnier de votre monde donc vous ne me laissez pas le choix. Il n'est pas nécessaire que j'accepte ce qui va m'arriver pour libérer les vôtres, pas vrai ? Alors procédez-donc et faites vos propositions iniques que je choisisse celle qui me rendra le moins lourdement infirme.

[Voyageuse]

La voix ne répondit pas immédiatement. La lumière blanche se fit moins intense, et trois ombres apparurent. Celles des asabis qui n'avaient pas trouvé le repos.
- Quel prix demandent les morts ? dit la voix d'un ton fort et impérieux.
- Sa force... ou l'un de ses bras.
- Ses années de jeunesse... ou sa bonne constitution.
- Sa dextérité.
- Soit. Tu as entendu le choix que te laissent les morts pour prix de leur âme. Pour lever la malédiction, c'est à moi de choisir quel prix je souhaite. Je te laisse le choix entre sacrifier une part de ton intelligence, de ta force, de ta dextérité, de ta beauté physique ou... de ton ouïe. Tu peux ainsi répartir le prix dans deux domaines si tu le souhaites, ou dans un seul.
Il parut hésiter.
- Ou alors... si le prix te semble trop lourd à payer... tu peux décider d'offrir l'un des souvenirs qui t'est cher.

[Kasumi]

La façon crue dont on se disputait des parties de son être l'aurait probablement rendu malade s'il n'avait pas été désincarné en cet instant. Comment était-il supposé faire un choix entre ces horreurs ? Renonçait-on librement à ses capacités, à son influence sur les autres, à ses années de vie ? Et au nom de quoi au final ? Il n'en comprenait toujours pas la nécessité fondamentale et allait pourtant se retrouver infirme quoiqu'il décide. Infirme et probablement à jamais rancunier envers ces asabis que l'accord était censé protéger... Sa sympathie pour la cause qu'il avait manifesté sans arrières pensées pour libérer une partie des âmes plus tôt fondait comme neige en Anauroch face à celles, insatiables, qui souhaitaient se repaître de son être. Ceux-là au moins étaient mauvais de son point de vue. Il répondit finalement d'une voix blanche où sourdait une colère profonde dont il savait que rien ne saurait maintenant l'apaiser :

- Je ne renoncerai ni à une partie de mon corps, ni à mon habileté, ni à mon espérance de vie ou ma santé qui me permettront de faire de nouvelles découvertes et de perpétuer les valeurs de Mielikki dans le monde. C'est ma façon de vivre en symbiose avec la nature qui serait irrémédiablement remise en cause si je le faisais et j'ai motif à en être fier contrairement à ceux qui vivent pour s'attaquer à plus faible et voler ce qui leur appartient de droit. Pour les morts avides et dépourvus de compassion, je renoncerai donc à une partie de ma force.

Il prit longuement le temps d'observer les trois fantômes avant de leur tourner le dos et de reprendre, la mort dans l'âme :

- Pour sauver mon père, je ne souhaite pas renoncer à ce qui me permet d'appréhender le monde et ainsi de le comprendre ni à ce qui me permet d'influencer le choix des autres pour les encourager à me suivre. Ce serait trahir tout ce que lui et ma mère m'ont enseigné. Si je renonce à nouveau à une partie de ma force, aurais-je encore la possibilité de me battre pour défendre ceux qui le méritent ou deviendrais-je un infirme incapable de porter ses épées et suivre la voie d'un rôdeur ? Avant de faire un choix, j'aime autant savoir si je perdrais toutes mes aptitudes de combattant et que je passerai ce qui me restera de vie à dépendre de l'aumône de mes proches.

[Voyageuse]

- Je t'ai déjà répondu. Tu ne seras pas infirme, loin de là. Tu est largement plus fort que la plupart de tes congénères. Même une fois qu'une parcelle de cette capacité t'aura été prise, ta force restera au-dessus de la moyenne des tiens. Sans compter que c'est une capacité que tu peux redévelopper, peu à peu, à force d'entraînement... C'est donc un prix relativement modeste au regard des vies prises, au regard de la puissance de cette malédiction. Mais tu peux également remplacer ce don par un souvenir de ton choix parmi ceux qui te sont le plus chers. Eux aussi font partie de ton âme.
Les ombres autour d'eux s'écartaient, peu à peu, devenant plus floues.
- Choisis, maintenant. Ou renonce.

[Kasumi]

Le demi-elfe répondit sans se départir de son ton de défi, nullement apaisé par les insinuations du démon quant à la modestie de ce sacrifice. Il en paraissait convaincu mais c'était l'esprit de revanche qui parlait et Kasumi ne chercha pas à en appeler à sa sagesse. C'était peine perdue :

- J'ai déjà choisi. Ces souvenirs n'appartiennent qu'à moi et je ne m'en déferai pas : ils sont uniques et irremplaçables eux aussi. Je renonce à une partie de ma force. Finissons-en à présent. Mes bonnes dispositions récentes sont sur le point de s'épuiser et je ne voudrais rien vous devoir de plus...

[Voyageuse]

HRP : Kasumi vient de perdre 3 points en force.

- Comme tu voudras. Sache que le prix le plus élevé était celui que tu as accepté de payer pour sauver l'âme des asabis... et que je te suis reconnaissant de ce sacrifice.
Il y eut une lumière blanche, intense, et tout se mit à tourner, au point que le rôdeur se sentit pris d'un vertige... et se sentit chuter, tomber, indéfiniment, jusqu'au sol inexistant.

Il se réveilla au pied du rocher où il s'était endormi, et vit en face de lui Huasasth qui émergeait, lui aussi, de cet étrange songe. La chaleur, implacable, le fit un instant suffoquer. Il réalisa qu'il se sentait faible, fatigué, mais qu'il pouvait s'asseoir et même se lever sans difficulté.

Le shaman prit brusquement la parole d'une voix alarmée, s'adressant à l'un de ses hommes dans leur langue sifflante. L'asabi qui lui répondit tenait dans ses bras le corps d'un félin inanimé. Blessé, à en juger par le sang qui tâchait son pelage.
- Elle n'est que blessée, traduisit immédiatement Huasasth au rôdeur, avant d'interroger l'asabi, qui lui donna des informations complémentaires que le rôdeur était bien incapable de comprendre, tout en posant l'animal inconscient devant le shaman.

[Kasumi]

HRP : 3 points de façon définitive ? Oo Bon, je vais modifier ma fiche en conséquence

Le demi-elfe se sentait à la fois aussi faible qu'après son combat contre les ombres dans le bosquet maudit et aussi désorienté qu'après en avoir consommé la racine. Sauf que cette fois il avait l'intuition que sa perte était irrémédiable. Ses bras lui semblaient de coton à tel point qu'il ne pouvait que se demander à quel point ce maudit esprit l'avait affaibli... Avait-il menti en affirmant qu'il pourrait malgré tout continuer à mener sa vie et se battre quand c'était nécessaire ? Comment le croire alors qu'il se sentait incroyablement chétif ? Puis son attention fut attirée par ce qui se tramait et il oublia instantanément sa propre détresse pour se lever maladroitement, mal assuré sur ses jambes à cause de la perte de ses repères. Il chercha son arme qui pendait à sa ceinture et posa la main sur sa poignée sans toutefois dégainer. Mais son ton clamait combien il en était proche :

- N'en avez-vous jamais assez ? Que lui avez-vous fait, barbare ? Ecartez-vous d'elle, immédiatement !

Sa colère profonde pouvait enfin trouver un exutoire légitime et il n'attendait manifestement qu'une réaction hostile pour la laisser éclater dans toute sa mesure.

[Voyageuse]

Personne ne parut prêter attention à sa colère. Personne, non plus, n'eût de réaction hostile.
- Elle m'a attaqué pendant que nous étions dans le monde du Rêve, répliqua le shaman sans s'émouvoir outre mesure. Apparemment, parce que vous vous agitiez beaucoup dans votre sommeil. Mes guerriers sont intervenus, bien sûr, pour me protéger... Ils ne l'ont que blessée, mais quand ils ont vu que sa blessure s'aggravait, ils ont préféré me réveiller. C'est pour ça que nous n'avons pas pu terminer ce que nous étions en train de faire... Mais je vais la soigner... Elle n'est pas concernée par notre différent, elle n'avait pas à intervenir.
Et sans se préoccuper de la réaction du rôdeur, il se mit à incanter.

[Kasumi]

La froideur du shaman n'apaisait en rien sa colère. Il avait l'intention de la soigner mais il n'en aurait pas eu besoin si ses brutes n'étaient pas intervenues. Par honnêteté, il devait aussi reconnaître qu'Eärundra avait agi un peu sottement, obligeant les gardes à l'attaquer... Encore un signe de l'incompréhension et de la haine qui rendaient leur coexistence impossible. Il s'approcha de la forme animale adoptée par la druidesse en essayant d'évaluer la gravité de sa blessure, en essayant de se rassurer : si l'elfe mourrait en dépit de ses propres sacrifices, il n'était pas certain de le supporter. Cela ferait bien trop pour une seule journée... Ce qui l'amenait à la dernière remarque de Huasasth. Remarque qui le fit tiquer et répondre brusquement :

- Comment ça, pas fini ? Avez-vous l'intention de réclamer encore davantage de moi ?

Il y avait une lueur de défi certaine dans le regard peu amène qu'il lui adressa.

[Voyageuse]

Le shaman ne lui répondit pas immédiatement, concentré sur son incantation. Le sang cessa immédiatement de couler du flanc de l'animal, qui s'anima peu à peu, ouvrit les yeux, et reprit immédiatement sa forme elfique.
- Tu es vivant ! s'écria-t-elle en sautant au cou de Kasumi, manquant le renverser.
Et sans crier gare, sans paraître réaliser inconvenance de son geste, elle lui déposa un léger bécot sur les lèvres.
- Vivant ! J'ai cru qu'il était en train de te tuer, tu avais l'air de souffrir...
Il devait certainement s'agir du moment où Kasumi n'avait pas dit l'exacte vérité au maître des esprits... ou peut-être de sa souffrance morale qu'il extériorisait involontairement.
La druidesse recula d'un pas.
- Laisse-moi te regarder... Tu es vivant, et en un seul morceau ! Tu ne peux pas savoir comme j'ai eu peur !

Les asabis, cependant, reculaient peu à peu. Huasasth les suivit, non sans se retourner une dernière fois vers le rôdeur.
- Nous nous reverrons cette nuit. Vous avez un serment à prononcer, je vous le rappelle, avant que votre père ne soit définitivement guéri... Et il me faut aussi une certitude concernant la somme promise.

[Kasumi]

La réaction de la druidesse ne manqua pas de le surprendre par sa soudaineté et son ampleur. Il ne sut pas faire autre chose que tousser nerveusement dans son poing pour tenter de dissimuler son trouble avant que les asabis ne se soient éloignés. Et même alors, il ne pouvait pas masquer la rougeur qui n'était pas totalement imputable au soleil et à la chaleur suffocante. Les asabis enfin hors de portée, il retrouva un peu de contenance :

- Hum... Ça fait toujours plaisir de voir qu'on s'inquiète pour moi... Oui, je n'étais pas certain de m'en tirer vivant. Mais merci... Merci d'avoir cherché à me défendre. J'ai eu peur moi aussi quand je me suis réveillé : ces brutes ne t'ont pas ratée.

Il fit un pas vers l'ombre du rocher et se sentit chanceler : encore un effet de l'exposition trop longue de son corps au soleil et des déséquilibres brutaux dont son corps avait du mal à prendre la mesure.

- Bon, je crois qu'il vaut mieux les laisser s'éloigner avant d'appeler les aigles. Puis nous partirons d'ici... Cela nous laissera le temps de souffler un peu.

[Voyageuse]

La druidesse le suivit, s'approchant du rocher de son pas souple.
- Comment ça s'est passé là-bas ? Tu as l'air... secoué. Assieds-toi quelques minutes, va, on a le temps... Prends le temps de te remettre.
Elle-même s'assit en tailleur, face à lui.
- Hum... Et... est-ce que tu rougis comme ça chaque fois qu'une fille te saute au cou de joie ?
Son ton était légèrement taquin, et son regard davantage encore.

[Kasumi]

Kasumi ne put s'empêcher de regarder l'elfe qui lui faisait face en souriant légèrement. Il était en vie malgré ce dont on l'avait privé et c'était une sensation étrangement grisante qui le détournait un moment de sa faiblesse physique. La remarque d'Eärundra ne manqua d'ailleurs pas son but, le faisant rougir davantage et le poussant à la dénégation :

- Tout d'abord, je ne rougis pas mais j'ai une peau qui supporte très mal le soleil du désert ! Et ensuite, ce n'est pas tout à fait tous les jours qu'une fille me saute au cou de joie !

Son sourire s'était élargi l'espace d'un instant - signe qu'il n'avait pas perdu son humour ou son espièglerie - mais son ton se fit plus grave au moment d'aborder le récit de sa rencontre :

- On m'a entraîné à nouveau dans le monde des esprits. J'ai dû faire face aux défunts asabis et leur faire des excuses sincères. Je me suis aussi engagé à verser une somme importante pour dédommager leurs familles. J'espère que ma famille m'aidera à y pourvoir sinon adieux mes rêves de grande vie ! L'esprit a aussi réclamé que je renonce à une partie de moi en signe de contrition et pour accepter de lever la malédiction d'Elryndel. Je crois... Je crois qu'il n'y a pas été de main morte.

Et comme pour prendre la mesure de ses dires, il serra le poing et soupesa son épée qui lui parut soudain bien plus lourde qu'il n'en avait l'habitude.

- J'ai l'impression qu'il me faudra beaucoup réapprendre.

[Voyageuse]

Eärundra l'avait écouté avec attention, retrouvant instantanément tout son sérieux. Elle l'observa d'un oeil critique lorsqu'il mentionna qu'il avait dû abandonner une part de lui-même.
- Il n'y a pas été de main morte, oui... Tu m'as l'air bien affaibli. Attends, donne-moi la main, serre fort. De toutes tes forces.
Il eût la sensation que la poigne de la druidesse était bien plus forte que dans son souvenir.
- Oui, il n'y a pas de doute. Mais peut-être... que c'est un peu comme une forme de malédiction ? Qu'un clerc puissant pourrait y remédier ? J'imagine que Ta'sslan saurait nous dire... Ou si un clerc ne suffit pas, peut-être... que Celd, dans la Haute-Forêt, pourrait nous aider. Il est extrêmement puissant...

[Kasumi]

La sollicitude de la druidesse le toucha plus qu'il ne saurait dire mais la solution qu'elle proposait lui paraissait un peu trop simple. Il n'avait pas envie d'espérer que tout reviendrait à la normale au risque d'être déçu.

- Nous verrons... Pour le moment, je suis vivant et mon père le sera aussi sauf si ces asabis m'ont trahi. Je dois encore prêter serment que je n'attaquerai plus l'un des leurs sans avoir la conviction qu'il est mauvais. Et encore cette question de dette. Penses-tu qu'ils accepteraient une sorte de reconnaissance officielle que je leur dois cette somme ? Ou faudra-t-il leur laisser des garanties ? Vraiment, j'ai plutôt hâte de rentrer et de laisser ce maudit désert derrière moi : il appartient au passé en ce qui me concerne.

Son regard se perdit un instant dans le vague de ses souvenirs avant de revenir au présent :

- Enfin, j'imagine que tu as toujours l'intention d'aider Ta'sslan. Lui poser la question que tu évoquais nous donnera une bonne excuse pour ne pas reconnaître qu'on l'aide par pure bonté d'âme !

[Voyageuse]

- Je l'aurai aidé par solidarité druidique, oui. Mais si on peut lui demander un service en échange, c'est très bien, il se sentira contraint de nous aider. De nous dire le peu qu'il sait, au moins. Par contre, ça va reporter de quelques jours supplémentaires notre retour à Everaska. Trois ou quatre, au moins. Déjà qu'on va dépasser la durée d'une veille qu'ils t'avaient octroyée... La location de l'aigle va finir par te coûter cher. Si toutefois il accepte de rentrer au bercail après avoir goûté à la liberté !
Elle réfléchit.
- Si c'est trop long, je peux aussi aller le voir seule et te laisser rentrer de ton côté... mais les risques sont plus grands quand on voyage en solitaire. Je pense préférable que tu viennes. Peut-être qu'il voudra voir par lui-même les effets de ton passage dans le monde des rêves. Bon... on ferait sûrement mieux d'en discuter après une nuit de sommeil ! Tu sembles en avoir bien besoin...

[Kasumi]

Le rôdeur eut à nouveau un bref sourire qui avait plusieurs raisons : de la sollicitude de la druidesse pour son état de fatigue à la façon dont ils étaient tombés d'accord pour aider son collègue sans se consulter en passant par l'évocation du destin de Rubis.

- Tant pis pour le délai : se séparer est trop risqué et aider Ta'sslan est la chose la plus juste à faire. Cela ne nous ralentira pas tant que ça puisque voler vers le sud nous rapprochera de notre destination. D'ailleurs, nous pouvons partir dans cette direction dès que nous aurons récupéré nos affaires. Enfin, après une petite sieste d'une heure si tu veux bien ! Quant à Rubis, ce sera à lui de décider. Grand-mère ne m'en voudra pas trop s'il décide de ne pas rentrer et met ma famille dans l'embarras. Au pire, on inventera une histoire et je compterais sur mon père et mes propres talents de diplomate pour négocier une petite remise de dettes.