[Lieu] Temple de Sunie

[Alchem]

Heu, ok. C’était vraiment pas banal. Le pire, c’était qu’il était bien plus facile de savoir réagir à un coup qu’à un baisé, en tout cas selon l’avis d’Alchem. Il fut incapable de cacher sa stupéfaction pendant une bonne seconde. Au terme de celle-ci, il se recomposa une expression polie.
« Joli nez », commenta-t-il.
Après, avait-il quelque chose d’elfique ce nez ? Il n’en savait fichtrement rien. Il réfléchissait à un autre sujet. Sunie... Sunie... Avait-il croisé ce nom quelque part ? Certainement, il avait lu tant de choses. Mais il n’en avait gardé aucun souvenir. Au moins savait-il maintenant ce qu’était cet endroit.
« Non, on n’a pas de déesse de l’amour chez nous. Ni de la beauté d’ailleurs. »
Ce qui l’étonnait désormais, c’était que cette femme n’affiche aucune répugnance envers lui. A peu près tout le monde s’accordaient à dire que les gnomes des profondeurs n’étaient pas très beaux.
« Pouvez-vous m’en apprendre un peu plus sur cette déesse ? Je ne la connaissais pas. »
Puisqu’il était là, autant se renseigner. Cela ne coûtait rien.

[Galathée]

" Je ne crois pas qu'elle soit très attirée par les profondeurs, dit la jeune femme avec une grimace. Vous voyez, elle est généralement très... sensible à l'aspect extérieur des choses et des gens. Si vous êtes un sbirvenilf typique, et bien... Hum."
Elle s'était empourprée, puis son sourire revint.
" Mais certains d'entre nous estiment que c'est avant tout la beauté du coeur, qui compte ! Et je suis sûre que parmi les sfin... Oh, je ferais mieux d'arrêter d'essayer de le dire ! Je suis sûre que parmi les gnomes des profondeurs, vous êtes un tombeur ! Quel est votre nom ?"

[Alchem]

Loin de s’offusquer, Alchem esquissa un sourire. Selon les critères de sa race, il était beau et, effectivement, les svirfnebelines n’étaient pas insensibles à son charme. Ici, il était laid. Rien que cette pensée illustrait la relativité de la notion de beauté. Toutefois, relatif ou pas, l’avis général s’imposait.
« Je m’appelle Alchem. Et c’est vrai que Sunie n’a guère de raison de s’intéresser aux profondeurs. Il y a là-bas tant de laideur. Ho, il y a aussi de belles choses, mais il faut savoir les trouver. Des cascades cristallines, des lacs comme des miroirs, des mousses phosphorescentes et surtout, des pierres précieuses. »
Une idée singulière traversa la tête du gnome. Elle avait peu de chance d’aboutir, mais ne coûtait rien. Il avait l’esprit pratique et savait pertinemment quels difficultés il allait rencontrer dans son intégration. Il demanda :
« Vous devez être une experte de la beauté, n’est-ce pas ? Quel est votre nom ? »

[Galathée]

La jeune femme sourit.
" Experte, je le suis. Je suis prêtresse de Sunie, voyez-vous, donc... Je suis bien obligée. Vous imaginez, si j'étais experte des pommes ou des marteaux, de quoi aurais-je l'air ?"
Elle repoussa sa tresse derrière son dos.
" Et je me nomme Valentine. Enchantée de faire votre connaissance, messire Alchem des Profondeurs. Pourquoi cette question ?"

[Alchem]

« Et bien, Valentine, peut-être pouvez-vous m’aider. N’ayons pas peur des mots : pour ceux de la surface, je suis moche, repoussant, voir effrayant. Or certains font preuve de moins de tolérance que vous. D’autres sont juste impressionnables. Je ne tiens pas à faire peur ou, pire, à être pris pour un monstre. C’est socialement... handicapant. J’ai quelques moyens de remédier à cela grâce aux illusions. Mais c’est temporaire. Peut-être que quelques conseils pourraient améliorer ma situation. Il va de soi que je ne demande pas l’impossible. Je n’espère pas me retrouver avec le charme légendaire des elfes. Néanmoins, si je peux me balader dans la rue sans qu’on me jette des pierres, je m’estimerai comblé. »
Puisque le hasard avait conduit Alchem face à une prêtresse de Sunie, il aurait été idiot de ne pas aborder ce sujet. Certes, le gnome avait assez peu d’espoir de voir sa demande satisfaite. Au moins avait-il demandé.

[Galathée]

La prêtresse avait failli le détromper, mais finalement, elle s'abstint et eut une petite grimace.
" Vous avez raison. Vous n'êtes pas particulièrement... joli à regarder. Mais les Luméniens sont globalement tolérants... Enfin... Certains... Parfois... Je crois que le mieux, c'est de rester dans le quartier du port. Ils sont habitués à voir des tas de choses bizarres. Enfin... des gens étranges, je devrais dire."
Elle rougit.
" Dans les taudis, une tête... comme la vôtre... pourrait vous attirer des ennuis. Les riches de ce coin-ci sont parfois prompts à appeler la garde quand ils repèrent des individus inquiétants. Dans le quartier nord, vous seriez sans doute abordés par la garde une fois ou l'autre, mais sans plus. Mais ce n'est pas ça que vous me demandiez, n'est-ce pas ? Vous voulez qu'on vous déguise ? Avec une bonne couche de maquillage et une perruque, vous pourriez avoir l'air d'un gnome plus... classique. Ou alors c'était des conseils pour votre illusion ?"

[Alchem]

Voilà des informations intéressantes. Ce serait donc dans le quartier portuaire qu’Alchem chercherait une auberge. Et si jamais il devait se rendre dans les taudis, ses illusions seraient très utiles. En matière de déguisement, par contre, il hésita. Perruque, maquillage ? Etait-il judicieux d’aller si loin ? Non, cela revenait à se cacher. Se faire passer pour un autre n’était pas une bonne idée, tout du moins pas dans un cadre quotidien.
« Ho, j’avais en tête moins que cela. Même si moins, je m’en doute, ce ne sera pas assez. Ce sera toujours mieux que rien. Je pensais à de simples conseils vestimentaires, par exemple. »
Gris de peau et d’habits, c’était parfait pour se dissimuler sous terre. Mais ici, en ville, pareille tenue, il en était sûr, le desservait. Il fallait changer.
« Une couleur, un style, qu’est-ce qui irait le moins mal sur moi selon vous ? »
Alors qu’il disait cela, il se mit à douter au sujet de la perruque. Certains humains en portaient une régulièrement. Ce n’était pas un déguisement. C’était leur style. Devait-il adopter la perruque ? Non. Mais un chapeau, pourquoi pas.

[Galathée]

" Oh ! D'accord, dit-elle avec un sourire. Et bien... C'est sûr que tout gris, comme ça, ce n'est pas très riant. On dirait un peu que vous êtes... comme en pierre. En même temps, si vous mettez des couleurs trop voyantes, vous risquez d'attirer les regards. Je ne suis pas sûre que ce soit votre souhait, si ? Moi je vous le déconseille. Ça va mettre les gens mal à l'aise. Alors... On peut faire sobre et élégant, et choisir des tons bleus ou verts, peut-être dans les violets. Si vous prenez du noir ou du brun, vous allez avoir l'air d'un croque-mort. Hum... Il faudrait que je vous embarque chez un tailleur pour gnome. Est-ce que les svir... des profondeurs s'entendent bien avec leurs cousins de la surface, ou bien je vais commettre un impair ?"

[Alchem]

« Normalement, il ne devrait pas y avoir de problème », assura Alchem.
Il ne pensait pas que Valentine lui proposerait de directement le conduire chez un tailleur. Mais il n’avait aucune raison de refuser. La prêtresse semblait en plus de bons conseils. Elle pourrait le guider jusqu’à une boutique certainement très convenable. Les adeptes de Sunie devait apprécier ce qui se faisait de mieux, il pouvait le supposer. Certes, Dotha voulait faire les boutiques avec lui, mais rien ne l’empêchait d’y aller une seconde fois pour lui faire plaisir.
« J’ai de quoi payer le tailleur. Et j’ai du temps libre devant moi. Si vous-même êtes disponible, nous pouvons y aller. Sinon, bien sûr, je peux revenir plus tard. »

[Galathée]

" Non, non, c'est une excellente idée, s'enthousiasma-t-elle. Mon métier est de faire resplendir la beauté ! Vous m'offrez une bonne action sur un plateau ! Je ne peux que m'en réjouir et vous en remercier. Allons-y."
Elle lui prit le bras et l'entraîna d'un bon pas vers la sortie du parc, avant de réaliser qu'elle marchait trop vite.
" Nous allons aller dans le quartier du port. Il y a plein de boutiques ! Des tailleurs pour toutes sortes de gens. Mais nous allons aller chez Maître de l'Effeuille. C'est le meilleur artisan de la ville et il a plus ou moins votre gabarit. Ce n'est pas un svirprofond, cela dit. Il est un peu particulier mais il a l'oeil. J'espère que vous ne vous vexez pas facilement. Je crains qu'il n'adore pas le gris..."
Quelques minutes plus tard, ils marchaient côte à côte dans la rue. Alchem remarqua vite qu'ils attiraient les regards, mais Valentine semblait n'y prêter aucune attention. Quelques badauds échangèrent des paroles à mi-voix, un gosse le désigna du doigt, il y eu un couple pour les éviter ostensiblement. Mais il y avait du monde dans la rue et la plupart des gens étaient juste surpris, ou curieux, voire un peu effrayés, quelques secondes. Le gnome eut cependant l'impression que la présence de la Sunite repoussait les importuns, comme si elle eut été gage de bonne moralité.
" C'est une petite trotte, dit-elle. Si vous me parliez de vous ? Vous avez un petit accent que je ne remets pas du tout."

[Alchem]

Un affreux svirfnebelin avec une splendide prêtresse de Sunie, quel duo particulier, quel contraste ! En tout cas, Alchem était pour l’instant satisfait de la manière dont débutait son retour en Lumenis. Il s’attaquait dès le début au problème de l’apparence et ce d’une manière plutôt prometteuse. Cela devrait faciliter la suite. Par la même occasion, il poursuivait sa visite de la ville et bénéficiait d’une compagnie apte à lui épargner quelques désagréments. Surtout, il se garda bien de réagir aux réactions des passants.
« Je ne suis pas susceptible, ne vous en faite pas, répondit-il à Valentine, tout en s’efforçant de ne pas trop la ralentir. Je n’ai gagné la surface que depuis peu de temps. Lameroy, cela vous dit peut-être quelque chose. C’est par cette ville naine que je suis arrivé. Ma cité natale est quelque part en dessous. »
Normalement, il aurait été plus évasif, minimisant au maximum les information à son sujet. Mais il faisait des efforts. Déjà qu’il n’était pas beau, si en plus il se montrait désagréable ou trop distant, c’était fichu. Emergeant d’une de ses poches, la tête de son rat, gris pour ne pas changer, jeta des regards curieux aux alentours. Le gnome en profita pour le présenter.
« Lui, c’est Dalius, mon familier. Je suis un peu mage. »

[Galathée]

La prêtresse de Sunie poussa un cri perçant, à vous vriller les tympans, et bondit — en une seule fois — à plus d'un mètre du gnome.
" Une sou... une sou... une souriiiiiiiis !" s'époumona-t-elle, terrorisée.
Les passants, pour le coup, s'étaient arrêtés.
" Dis, le gobelin, t'ennuie la demoiselle ?" demanda un gars plutôt baraqué, dont la chemise portait deux belles auréoles de sueur aux aisselles.
Valentine lui jeta un regard peu amène.
" Pas du tout. C'était juste... heu... la répétition d'un spectacle. Quel charmant petit animal... heu.. Alchem..."
Elle s'était rapprochée. Le costaud haussa les épaules et reprit sa route, comme les autres badauds.
" Il peut rester dans votre poche ?"

[Alchem]

« Oui oui, bien sûr », s’empressa de répondre Alchem, assez embarrassé.
Il ne s’était pas attendu à cela. Dalius non plus d’ailleurs. Il s’empressa de disparaitre.
« Je suis pas une souris », protesta-t-il tout de même, d’un ton boudeur, dans le dialecte secret partagé entre maître et familier.
« Je suis désolé », s’excusa le gnome.
En son fort intérieur, il trouvait la réaction un brin excessive. Mais il ne pouvait en vouloir à Valentine qui avait tout de suite dissipé le malentendu.

[Galathée]

Valentine était un peu confuse de l'épisode, elle aussi.
" C'est juste... vous m'avez surprise... et je n'adore pas ce genre de bestioles. Elles se faufilent toujours partout et quand on a une infestation... Brrr... J'ai des souvenirs de chasses épiques dans le garde-manger du temple. Mais j'imagine que le vôtre est apprivoisé. Et propre. Et qu'il ne mange pas le fond des sacs de grain."
Elle sourit et lui prenant la main, elle l'entraîna dans les rues de plus en plus animées du quartier portuaire.

[Voyageuse]

Quête : Equité

Astrée avait coupé par le chemin le plus court depuis leur auberge, à travers les allées les plus fréquentées du parc, loin des coins tranquilles qu'elle appréciait davantage. Elle laissa les deux clercs à proximité du majestueux Temple de Lathandre et poursuivit son chemin vers le sud du quartier, se promettant de ne pas s'attarder trop. D'après ce qu'ils en avaient dit, le temple de Sunie au crépuscule n'était sans doute pas le genre d'endroit où elle aimait à passer ses soirées. Mais n'en ayant jamais fait l'expérience, elle était plutôt curieuse de savoir ce qu'ils pouvaient bien sous-entendre... même si elle en avait quelques petites idées. Au moins, sans la présence de Reynald à ses côtés, éviterait-elle le désagrément de voir une foule de jolies sunites tenter de le séduire.
Elle franchit les grilles du jardin d'un pas un peu hésitant, cherchant du regard quelqu'un qui saurait lui indiquer où trouver Soren et Byron.

[Galathée]

Le jardin du Temple était peuplé, lui aussi. Les bancs accueillaient des couples ou des trios qui devisaient joyeusement. Plusieurs personnes marchaient main dans la main, ou bras dessus bras dessous, suivant les allées de sable fin qui serpentaient autour des fontaines, statues et massifs de fleurs. On entendait des gloussements ça et là, Astrée eut l'impression qu'un buisson, non loin, s'agitait étrangement. A quelques pas, un couple enlacé s'embrassait langoureusement, appuyés contre un arbre. Les vêtements rouges, à peine couvrants, des clercs de Sunie prédominaient, mais ils étaient loin d'être les seuls occupants du jardin. Astrée dénotait sans doute sur la populace et elle fut interceptée par un jeune homme, la chemise rouge ouverte sur un torse musclé. Brun, les yeux noirs, il lui décocha un sourire ravageur.
" On cherche l'amour, belle dame ?"

[Voyageuse]

Décidément, Astrée ne se sentait pas à sa place ici. D'abord, il n'y avait que des couples... voire plus. Et que des jeunes gens divinement beaux et prenant grand soin de leur apparence, ça crevait les yeux. Tout le contraire d'elle-même. Elle détonnait, par ses vêtements discrets, bon marché et certainement trop couvrants selon les critères du lieu -et peut-être mal coupé, à bien y réfléchir... et surtout par le fait qu'elle n'était pas en galante compagnie. Bref, elle ne se fondait pas dans la masse, donc fatalement on allait la remarquer, et elle détestait ça.

Elle réprima un mouvement de recul face au séduisant jeune homme qui l'abordait, un peu mal à l'aise.
" Je... Heu... Non, je..."
Il lui fallut quelques instants pour parvenir à reprendre son sang-froid et à ordonner les mots dans son esprit.
" J'ai déjà tout l'amour qu'il me faut, je n'en cherche pas d'autre !, répliqua-t-elle enfin d'une traite en se composant une expression souriante, presque un sourire d'excuse. Mais je suis à la recherche de Soren, le sculpteur, et surtout du centaure qu'il héberge..."

[Galathée]

Le jeune homme la dévisagea, d'abord sceptique, puis à nouveau tout sourire.
" On n'a jamais assez d'amour, dame, dit-il, amusé. Mais vous n'avez pas l'air du genre folichon. Je parie que vous êtes très plan-plan, un seul partenaire, du sexe opposé, de la même race ou presque, position de l'Helmite, tout ça. Je crois que vous gagneriez à vous attarder. Je suis certain qu'on pourrait faire quelque chose pour ces cheveux... et cette peau... Bon, les nippes, c'est le plus facile."
Il regarda ses fesses, s'attarda sur sa poitrine.
" Et si vous voulez vraiment voir Soren, ça ne va pas rater : il est occupé et quand il est occupé... On ne peut pas presser la muse."

[Voyageuse]

Astrée ne releva pas les supputations concernant sa vie intime. Qu'il imagine ce qu'il voulait, si ça lui faisait plaisir. Elle se moquait tout autant des critiques sur son apparence. En revanche, elle se sentit rougir sous le regard un peu trop insistant du Sunite et réprima un mouvement de recul. Il lui fallut chercher ses mots quelques secondes, bafouillant légèrement, avant de retrouver un peu d'aplomb.
- Oui, je me doute... Mais même s'il est occupé... Je dois voir Byron. Le centaure qui lui sert de modèle. Est-ce que vous savez où je peux le trouver ? Enfin... les trouver. J'imagine qu'il est avec lui...
Et, non, elle n'avait pas l'intention d'attendre des heures et des heures que môssieur l'artiste ait fini son oeuvre.

[Galathée]

" Ils sont ensemble, oui." dit le Sunite avec un sourire malicieux.
Puis il fit un pas en arrière et s'inclina pour lui désigner l'entrée du Temple dans sa révérence.
" Si vous n'avez pas peur, je vous en prie. Le sanctuaire de notre déesse vous est ouvert. Je vous guiderai dans ses méandres et vous éviterai les bonnes rencontres."
Le chemin de sable serpentait jusqu'aux marches du perron. Un couple s'embrassait contre le mur à droite de la porte, mais elle était dégagée, et il devait y avoir moyen de s'y faufiler sans les heurter.

[Voyageuse]

" Merci...", répondit simplement Astrée, en s'avançant vers l'entrée du temple.
Qu'insinuait-il par "si vous n'avez pas peur" ? De quoi aurait-elle peur ? De quelques couples enlacés ? De quelques solitaires prêts à se précipiter sur toute dame esseulée se présentant à leur vue ? Sunie était la déesse de la beauté, de la séduction, de l'amour, donc finalement, la situation ici semblait à peu près conforme à ce qu'elle aurait pu imaginer. Bon... peut-être pas tout à fait.
Bien sûr, il avait fallu qu'elle décide d'aller voir Byron au crépuscule, pile à l'heure où tous les tourtereaux du monde se content fleurette. Reynald avait raison, ça n'était vraiment pas l'heure idéale pour visiter les lieux. Du moins pour les visiter seule... mais d'un autre côté, si elle avait été accompagnée du Sorlyn, elle n'aurait pas osé s'en détacher de plus de quelques centimètres de crainte qu'une jolie sunite l'accapare.
Quoiqu'il en soit, elle ne venait ici ni pour séduire, ni pour se laisser séduire, et même si elle éprouvait une vague curiosité quand aux moeurs des sunites, elle gardait l'esprit concentré sur son objectif. Elle se faufila à côté du couple enlacé sans leur accorder un regard, et entra dans le bâtiment à la suite du jeune homme.

[Galathée]

Ils pénétrèrent dans le temple via un couloir surplombé de vitraux roses et jaunes et de miroirs reflétant la silhouette des visiteurs à l'infini. Des torches magiques, diffusant une lumière rose, étaient fixées ça et là, gardant le corridor dans la pénombre. En pleine journée, l'effet devait être tout à fait différent, quand le soleil traversait tout ce verre coloré. Les murs étaient également décorés de miroirs, mais aussi de tentures de lin clair, et de temps en temps, d'un tableau ou d'une statue à la gloire de Sunie ou de la beauté, représentant un éphèbe ou une nymphe, ou encore les deux, enlacés.
Astrée et son guide atteignirent une vaste salle ovale, comme l'intérieur d'un demi-oeuf, au milieu de laquelle trônait une sculpture peinte et gigantesque de la déesse. Sunie, les observant de son regard séducteur, paraissait presque vivante.
" Bienvenue dans la matrice." dit le jeune clerc.
Il s'immobilisa ensuite un instant devant la représentation de sa maîtresse et murmura quelques paroles à voix basse. Il se redressa tout aussitôt.
" Par ici."
Il se dirigea vers un couloir, dans le fond de la salle, et s'y glissa sans attendre de vérifier qu'elle le suivait. Cette fois, le passage était plus étroit, comme un tunnel accueillant, et d'étranges sphères rosées y diffusaient de la lumière. De nombreuses portes, voilées pour la plupart, s'ouvraient dans le couloir, et de temps en temps, il s'élargissait sur une alcôve meublée de divan et de coussins moelleux. Plusieurs de celles-ci étaient occupées. Des murmures parvenaient de derrière les portes, des rires, des bribes de conversation. Et deux fois, les sons beaucoup plus explicites de personne s'adonnant à des plaisirs charnels. Le Sunite marchait tranquillement, saluant de temps en temps une personne qui croisait leur route. Celles-ci souriaient au clerc puis jetaient un regard plus interrogateur, voire moins amène, sur la jeune femme qui le suivait. Personne ne fit de commentaire, personne ne tenta de la toucher.
Ils bifurquèrent à droite, puis à gauche, dans ce dédale qu'Astrée avait du mal à mémoriser. Sans doute parviendrait-elle à s'en extirper au besoin, mais c'était plus embrouillé qu'une forêt inextricable. Enfin ils s'immobilisèrent devant une porte et le Sunite se tourna vers elle.
" Vous êtes décidée ? Il peut être de très méchante humeur quand on l'interrompt."

[Voyageuse]

Astrée haussa les épaules.
" Ne vous en faites pas pour ça... Je prends le risque !"
Il serait peut-être furieux d'être interrompu, en effet. Mais elle n'allait pas rester indéfiniment à attendre son bon plaisir.
Le labyrinthe de couloirs mettait à rude épreuve son sens de l'orientation. Elle n'était pas sûre de pouvoir retrouver facilement la sortie, et l'idée de se perdre dans ce dédale étrange l'inquiétait quelque peu. Elle songea que Byron devait se sentir encore moins à son aise qu'elle, dans ce Temple. Tybert avait raison, il était important qu'elle vienne le voir.
Elle se surprit à prendre une profonde inspiration, suspendant son souffle en attendant que son guide frappe à la porte et l'annonce.

[Galathée]

Mais il n'en fit rien : il ouvrit la porte sans frapper et entra à l'intérieur.
" Visite !" s'exclama-t-il d'un ton enjoué.
Astrée découvrit l'intérieur d'un atelier encombré de statues, la plupart en terre glaise, disposées ça et là, de tailles diverses, à des stades de finition plus ou moins avancés. La partie centrale de la pièce était coiffée d'un puits de lumière, obscurci désormais, mais des torches, réelles pour une fois, illuminaient le sculpteur et son modèle. Byron était debout, appuyé d'une main sur le tronc d'un arbre, le regard tourné vers la gauche. Le sculpteur était devant lui, travaillant un bloc d'argile à la main.
L'un et l'autre étaient absolument nus.
Le centaure poussa d'ailleurs un glapissement de surprise en apercevant la porte ouverte, tandis que l'artiste se retournait, courroucé.
" Quoi encore ?"

[Voyageuse]

Astrée s'empourpra, toute sa belle assurance subitement envolée.
" Je... heu... je ne voulais pas vous déranger... enfin..."
Enfin si, elle savait qu'elle allait les déranger. Et elle aurait dû s'attendre à la réaction de Byron, si pudique. Elle ne s'attendait pas, en revanche, à trouver le sculpteur entièrement nu. Son regard s'était fixé involontairement sur lui, quelques instants, avant qu'elle rougisse, prenant conscience de l'incongruité de la situation, et ne se décide à diriger ses yeux... ailleurs. N'importe où. Vers ses bottes par exemple.
" Je voulais juste voir Byron", expliqua-t-elle d'une voie mal assurée, restant dans l'encadrement de la porte sans oser avancer davantage.
Mais pourquoi est-ce que le Sunite n'avait pas frappé à la porte, qu'ils aient le temps de... de s'envelopper dans une serviette, par exemple ? Surtout Byron. Le sculpteur, lui, n'avait pas l'air spécialement gêné qu'on voit sa nudité. Elle se dit que les Sunites étaient tout de même des gens bizarres. Enfin, surtout les artistes peut-être.

[Galathée]

" Et vous l'avez vu." grommela le sculpteur.
Il poussa un soupir sonore.
" Bon, dix minutes de pause !" lança-t-il à son modèle.
Soren s'était approché d'Astrée.
" N'essayez pas de me le soutirer. Je sais bien que vous avez mille choses à faire, mais débrouillez-vous pour vous passer de lui au maximum. Il n'a de toute façon pas sa place dans cette ville."

[Voyageuse]

C'était un peu rude, comme jugement. Même si Astrée devait bien reconnaître qu'effectivement, Byron n'était pas à sa place en ville, l'exclure explicitement ainsi n'était pas très diplomate. Et le fait qu'on lui dicte ainsi sa conduite l'agaçait quelque peu. Mais bon, Byron avait accepté de lui servir de modèle et de se tenir à sa disposition, apparemment. Elle n'avait pas son mot à dire.
Elle planta ses yeux dans ceux de Soren -en partie pour ne pas regarder d'autres partie de son anatomie- et esquissa un sourire de politesse.
" Ne vous en faites pas. Je viens surtout prendre des nouvelles, et le tenir informé... Je n'ai pas besoin de lui ce soir !"
Elle haussa les épaules et se tourna vers le centaure, avec un sourire plus chaleureux.
" Comment tu vas, Byron ?"

[Galathée]

Mais Astrée n'aurait sans doute pas pu rester en colère contre le sculpteur très longtemps. Il avait de magnifiques yeux verts, un regard pénétrant, et un charme plus qu'indéniable. Sans doute était-il même encore un peu plus beau que Reynald, même si les sentiments de la jeune femme n'étaient pas à l'avenant. Il se détourna d'elle, cependant, et alla rejoindre son collègue près de la porte.
De son côté, Byron, écarlate, s'était emberlificoté dans une sorte de drap et il la regarda approcher avec une appréhension manifeste, avant de se fendre d'un sourire.
" Je vais bien, annonça-t-il. Les Sunites m'ont très bien reçu.
Il baissa ensuite les yeux.
" Je suis désolé d'avoir causé des ennuis. Mais je suis soulagé que tu n'aies pas dû emprunter d'argent pour me sauver la mise."

[Voyageuse]

Astrée n'avait pas osé croiser longtemps le regard vert du sculpteur. Il avait effectivement de trop beaux yeux et le savait certainement très bien... mais c'était pour Byron qu'elle venait, pas pour lui.
" Hum... moi aussi, je dois dire, avoua-t-elle avec une grimace. Mais je l'aurais fait sans hésiter s'il avait fallu, tu le sais bien !, s'empressa-t-elle d'ajouter en souriant. En fait, on était en train de faire des démarches en tout sens pour rassembler la somme quand on a appris que Soren nous avait précédés. C'est une bonne chose qu'il tienne autant à te sculpter, finalement."
Elle lâcha un soupir.
" En tout cas, on peut dire que tu m'as fait une sacré frousse ce matin. J'ai vraiment cru... J'ai un peu paniqué je crois. Tu avais pris toutes tes affaires, sans prévenir, j'ai eu peur..."
Elle secoua la tête. Elle ne savait pas comment expliquer qu'elle avait -bêtement?- craint qu'il ait réellement envisagé de tout plaquer. Elle craignait de le froisser par une telle insinuation. Et pourtant, elle ne pouvait s'empêcher de scruter sa réaction, pour y guetter une confirmation qu'il n'avait rien eu de tel en tête.
" Mais bon, l'essentiel est que je t'aie retrouvé avant que le bateau parte," conclut-elle avec un sourire.

[Galathée]

Il acquiesça, les lèvres pincées mais le regard candide.
" Oh oui. Heureusement."
Il grimaça.
" J'imagine que les démarches ont pris du retard... Je peux venir avec toi... Je dois juste négocier. Mais ce n'est pas un mauvais bougre, le sculpteur... Je pense qu'il est sensible à ma situation, mais... Hum. Il a tendance à estimer que tu pourrais te charger de tout.
Il était manifestement très embarrassé.