[Lieu] Une route oubliée

[Galathée]

" Peut-être décideront-ils de manger à l'écart, dans ce cas... Dans le même temps, ils ont intérêt à réintégrer leur groupe au plus vite. Nous verrons dans quel état ils sont quand ils émergent. Je pense qu'Hubert va vouloir s'assurer qu'ils vont bien avant de les laisser filer hors de sa vue."
Il pinça les lèvres.
" Je regrette sincèrement qu'ils se soient retrouvés exposés de la sorte... Si j'avais ne fût-ce qu'imaginé, une seule seconde, à quoi nous étions confrontés... Mais je ne l'ai pas mesuré. J'ai cru que nous irions le trouver, qu'il se rendrait à l'évidence... Je l'ai sous-estimé."
En prononçant ces paroles, il se demanda comment une telle chose était possible. Sous-estimer l'ombre, lui, d'entre tous !

[Taliesin]

-Allons, Alberich... Un diable parmi nous... Qui aurait pu imaginer ça...
Elle lui serra le bras, brièvement.
-Et si on joue au jeu des culpabilités, que devrais-je dire, moi qui les ai laissés partir avec Agnès, alors que ce n'est certainement pas elle qu'Hubert airait envoyé les chercher ? Je n'ai pas réfléchi, et sans la présence d'esprit de Ruth...
Elle grimaça.
-Bref, ne ressassons pas le passé. Les traîtres sont morts, tous les autres sont vivants, la Communauté vient de triompher d'une terrible épreuve et en ressortira sans doute plus forte... C'est la seule chose qui compte.

[Galathée]

Albérich ne verbalisa pas ce qu'il pensait, que même si Ignace avait été un simple clerc de Shar, un simple nécromant, un assassin retors, un chevalier noir, il aurait dû se douter qu'il pourrait s'en prendre aux enfants pour affaiblir Hubert. Ils étaient son point faible, désormais, sa faille, et n'importe qui désirant le faire plier pouvait s'en servir. Et c'est exactement ce qui se serait passé, si Agathe et Barthélémy n'avaient pas surgi au moment opportun : Hubert aurait enfourché son cheval et les aurait guidés dans l'hiver et la lande sauvage. En cela, il n'était nul besoin de diable : une dague contre la gorge suffisait.
" Bien sûr."
Il lui faudrait gérer cette culpabilité, pourtant, il le savait. Mais pas maintenant. Agathe avait raison : ils avaient tout lieu de se réjouir. L'ombre qui les avait menacés, qui avait manqué détruire le conseil, avait perdu.
" Nous nous demandions si vous reprendriez les classes cet après-midi... Il nous semblait utile de tenter de revenir à la normalité... mais si vous estimez que c'est prématuré, je le comprendrais aussi."

[Taliesin]

-Nous nous sommes dits que maintenir le cadre ordinaire était sans doute le meilleur moyen de les ménager, et nous avons donc décidé de prendre en charge les groupes habituels, cet après-midi. Mais nous ne pouvons présumer de leur état d'esprit : il est possible qu'ils soient trop excités ou inquiets pour que nous arrivions à les faire travailler. Si c'est le cas, nous essaierons probablement de leur trouver des activités plus ludiques. Enfin, si tu en es d'accord. Et du renfort ne serait alors pas de refus...

[Galathée]

" Je peux venir vous aider, ce n'est pas un problème. Mais je devrai probablement d'abord passer un certain temps au conseil... Nous avons beaucoup de choses à déterminer et organiser... Ne vous mettez pas la pression, cependant : il n'y a nulle obligation. Si certains des enfants préfèrent aller s'entraîner ou nager aux thermes, ou rester avec leurs parents... Je pense qu'il faut pouvoir rester souples."
Il jeta un oeil à Giovanni, Philibert, Rebecca, puis prit congé d'Agathe pour gagner les cuisines.

[Taliesin]

L'activité y était aussi grande et aussi efficace que de coutume. Jouant son rôle de superviseur des lieux depuis des semaines, ayant été auparavant tenancier d'auberge, Gus n'avait rien changé à ses habitudes, et c'était tant mieux. Les événements du matin ne paraissaient pas l'avoir affecté outre mesure : tout au plus s'était-il adapté, récupérant des listes de provisions et envoyant ses aides les chercher. Ayant accueilli Albérich avec son invariable bonhomie, il l'assura qu'il n'avait pas dépassé les quantités ordinairement utilisées pour un repas. Bref, de ce côté-là, tout se déroulait bien.

***

A quelque distance de là, Hubert commençait à émerger.
Ce fut les sons qu'il perçut en premier. Conversations, bruits de pas... La Communauté semblait vivre sa vie comme si de rien n'était.
Quand il ouvrit les yeux, il constata qu'on avait dû vouloir lui assurer le sommeil le plus tranquille possible, car le dortoir était désert.
Enfin... Pas tout à fait.
Tout près de lui, ses écuyers dormaient. Toutefois, aux légers mouvements qui les agitaient, on sentait qu'ils n'allaient pas tarder à émerger, eux non plus...

[Hubert de Maleval]

Le paladin se redressa lentement contre le mur. Il flottait une odeur de brûlé dans la pièce et Hubert réalisa qu'il en était partiellement responsable. Il fallait qu'il se lave. Mais il avait mal partout, de la nuque aux chevilles, et il s'étira précautionneusement, le plus silencieusement possible. Ensuite, il soupira d'aise et observa les enfants. En redécouvrant les stigmates de leur calvaire sur leurs corps endormis, il se sentit envahi par une bouffée de fureur meurtrière, irrépressible, qu'il laissa s'épanouir puis retomber naturellement. Ceux qui avaient osé s'en prendre à eux étaient morts. L'immonde Loviate, le diable infâme, ils avaient rencontré la lumière et leur destin.
Il se détendit et prit la mesure de ce qui avait manqué se produire. Il posa une main douce sur la tête de Ruth, laissa le soulagement l'envahir, regarda Alban, pensa à Robert. Il n'aurait jamais pu se pardonner s'il leur était arrivé quelque chose. Il avait l'impression que le gouffre que la mort de l'un ou l'autre ouvrirait en lui serait impossible à combler. C'était une situation imprévue et il ne savait pas bien comment il pourrait jamais la gérer. Car ils étaient en dehors de lui. Il ne pourrait pas toujours les protéger. Et ils semblaient si fragiles, si vulnérables, si peu taillés pour les Landes, les cannibales, et les esprits du Mal qui les avaient choisis pour proies... Pourtant, ils étaient vivants, et comme ils étaient vivants, il l'était lui aussi.

[Taliesin]

Ruth marmonna quelque chose d'incompréhensible puis s'agita avec un peu plus de force. Ce faisant, elle bouscula Alban qui émit un grognement ténu.
L'instant suivant, étonnamment synchronisés, l'un et l'autre se redressaient en sursaut, scrutant les environs de leurs yeux hagards et vaguement effrayés.
Puis, apercevant Hubert, ils poussèrent de concert un profond soupir de soulagement. Et s'ils tentèrent de lui adresser un sourire un peu perdu, un peu confus, ils ne trouvèrent rien à dire.

[Hubert de Maleval]

" Venez un peu ici, tous les deux." leur dit simplement Hubert.
Ce n'était peut-être pas complètement protocolaire, pour un chevalier, de serrer ses écuyers dans ses bras, mais c'était la seule chose qu'il avait envie de faire, à l'instant. Sentir leur vie, et leur promettre que tout irait bien, désormais. C'était un leurre, mais c'était un élan, et il ne pouvait pas le réprimer.

[Taliesin]

Les gosses n'échangèrent pas un regard, n'hésitèrent pas un instant : ils esquissèrent un léger mouvement... puis se ruèrent contre lui, l’étreignant aussitôt avec force. Se cramponnant à lui, en réalité. Dans le même temps, ils éclatèrent en sanglots incontrôlables, nichant leurs visages sales contre sa tunique de nuit à travers laquelle le paladin ne tarda pas à sentir filtrer leurs larmes. Chacun à leur tour, ils essayèrent de se ressaisir, de le remercier, de s'excuser pour ne pas avoir été assez efficaces ou pour ne pas avoir su rester tranquilles. Mais ils ne parvinrent jamais au bout de leurs phrases, rattrapés par l'émotion qui les secouait tout entiers.

[Hubert de Maleval]

Hubert leur laissa le temps de pleurer de tout leur saoul et sentit bientôt des larmes couler sur ses propres joues. Il ne chercha pas à les réprimer ni vraiment à les comprendre : elles marquaient une journée riche en émotions de toutes sortes, des plus belles aux plus noires, et c'était une manière pour lui de se purger de tout ce qui devait encore sortir. Cela ne suffirait sans doute pas, mais il savait qu'il trouverait d'autres exutoires. A l'instant, il puisait de l'énergie dans le bonheur simple d'avoir retrouvé les deux enfants vivants.
" Tout va bien, à présent, leur souffla-t-il. Vous avez été formidables. Vous n'avez rien à vous reprocher. Absolument rien. Je suis immensément fier de votre bravoure et de votre intelligence."

[Taliesin]

Ses écuyers finirent par s'apaiser puis par le relâcher. Mais ils ne s'éloignèrent pas de lui pour autant.
-On a eu... très peur pour vous... articula Alban.
-Heureusement... que c'est qu'après... qu'on a su qu'Ignace était... un démon, enchaîna péniblement Ruth.
Ils frissonnèrent.
-Je... Je suis vraiment soulager de vous revoir en un seul morceau, reprit le petit garçon. Même si c'était peut-être idiot de s'inquiéter...
-En un seul morceau, en un seul morceau... M'sire, vous avez quand même perdu quelques cheveux !
Un instant, la fillette retrouva son habituel sourire mutin. Mais, la seconde d'après, elle s'empourprait et comme l'émotion menaçait de revenir, elle se racla la gorge, s'essuya les yeux d'un revers de manche.
-Chuis aussi très soulagée de vous revoir, murmura-t-elle.

[Hubert de Maleval]

Hubert passa une main hésitante dans ses cheveux et les trouva un peu plus courts que de coutume. Il comprit aussi que c'était eux qui dégageaient cette odeur désagréable de poil grillé.
" Je ne crois pas qu'il était complètement ridicule de s'inquiéter, dit-il. Mais devant l'adversité, un chevalier se montre résolu, comme vous l'avez été vous-mêmes. Je vous servirais volontiers un petit couplet sur la victoire obligatoire du bien et de la justice, mais... les choses ne sont pas aussi simples... Nous dirons que je suis un paladin, et les paladins sont taillés pour certains combats. Si Ignace avait été autre chose qu'un diable, comme un dragon ou un... je ne sais pas quoi... sans doute aurais-je été moins bien armé... Mais c'est la noirceur de son âme qui me l'a rendu vulnérable. Ensuite, avec la volonté de Lathandre... Je n'étais pas de très bonne humeur."
Il sourit.
" On ne s'en prend pas impunément à mes formidables écuyers."

[Taliesin]

Le compliment leur mena le rouge au joues.
-Vous êtes gentil... fit Alban, yeux baissés. Mais je crois que j'ai encore de gros progrès à faire pour dégainer mon sceptre...
-Et moi pour lancer la boule qu'il y a dans le sac... Si je l'avais balancée dans son dos, elle aurait p't'être pas pu dégommer le tigre avant qu'il lui arrive dessus...
Elle soupira puis adopta une mine extraordinairement sérieuse.
-M'sire, comment qu'on devient paladin ? Bon, on s'en serait sûrement mieux tirés si on avait eu nos armes, mais n'empêche, j'ai l'impression que vos pouvoirs, ils sont rudement plus efficaces que les objets magiques...

[Hubert de Maleval]

La question de la petite fille ramena le paladin à l’étrange sortilège qui lui avait permis de terrasser le monstre. Il ne l’avait jamais lancé auparavant et n’était pas certain de le pouvoir à l’avenir. Il ne savait pas s’il lui venait de sa nature d’aasimar ou de ses talents de paladin. Après tout, il progressait encore et il n’était pas impossible que l’énergie de Lathandre s’offre de plus en plus aisément à lui.
« On ne peut pas devenir paladin parce qu’on aspire à être plus puissant. C’est une disposition de cœur et d’esprit… Il faut entendre l’appel d’un dieu et avoir la volonté… le désir… d’épouser son idéal et ses préceptes… ça ne peut pas être juste un moyen d’atteindre d’autres buts. Un paladin, quelque part, ne s’arrête jamais. »
Il était mal placé pour leur tenir ce discours, ou peut-être justement, par son passé, était-il le mieux placé d’entre tous…
« Je sais que ce que j’ai pu faire était peut-être un peu… spectaculaire… mais… Un guerrier bien entraîné aurait été capable, lui aussi, d’en venir à bout… Peut-être avec un objet magique ou… avec de l’aide… Un mage, un barde en renfort… Pensez à Messire Robert : il a vaincu une liche qui était sûrement aussi puissante que le diable, si pas plus. »
Hubert ne savait pas très bien pourquoi personne ne s’était porté à son aide, tout bien réfléchi. Enfin, les seaux d’eau avaient déjà eu un effet appréciable.
« Je ne dis pas que vous n’avez pas l’étoffe de paladins. Peut-être que oui. Mais vous devez le sentir dans vos tripes. Ce n’est pas quelque chose qui doit venir d’une décision pragmatique. C’est une voie difficile : il ne faut pas l’emprunter par erreur. »

[Taliesin]

Alban, qui l'avait écouté avec attention, se contenta d'acquiescer. Mais Ruth, qui avait semblait-il littéralement bu ses paroles, n'en resta pas là, bien au contraire.
-C'est comme ça que vous êtes devenu paladin, vous ? Vous l'avez senti dans vos tripes, vous avez entendu une sorte d'appel et vous êtes allé à la Commanderie ? Ou bien vous êtes d'abord allé à la Commanderie et c'est là qu'on vous a... préparé, ou formé pour voir si vous étiez éppelé ?

[Hubert de Maleval]

Hubert sourit. C'étaient de vieux souvenirs.
" J'avais votre âge, quand c'est arrivé... C'était pendant les guerres mélando-luméniennes. On s'en souvient peu, je suppose. Mélandis avait porté la guerre jusqu'à la côte de la Lumière, jusqu'aux remparts de Luménis... Il y a seulement vingt-cinq ans. Les troupes luméniennes campaient dans les villages, un peu partout, pour repousser l'offensive ennemie. Antelucas était aussi l'une des cibles, et pendant cette période, une compagnie de paladins a un moment habité mon hameau, Maleval. A l'époque, j'étais en plein questionnement sur mon futur... Je ne savais pas bien ce que j'allais faire de ma vie : la forge paternelle reviendrait à mes frères aînés, il fallait que je décide si je partirais en apprentissage chez un oncle, plus à l'est. Et quand les paladins sont arrivés... J'ai été fasciné. Bien sûr, tous les enfants sont impressionnés par les chevaliers, et là ils étaient près d'une trentaine, caparaçonnés de fer, sur leurs destriers fantastiques, il y avait de quoi les admirer... ou les craindre, j'imagine, si on était mélandien. Mais j'ai surtout le souvenir de leur lumière... une lumière intérieure... il y avait dans leur groupe quelque chose qui faisait battre une fibre en moi... une fibre dont j'ignorais l'existence jusque là... Ils sont restés à Maleval quelques veilles, pas plus de deux mois. Mais j'ai su qu'au moment où ils partiraient, quelque chose allait s'éteindre ou se déchirer à l'intérieur de moi-même, alors j'en ai parlé à mes parents. Ils en ont parlé au chef de la compagnie et je ne sais pas ce qui s'est dit. Mais j'ai été invité à rejoindre la commanderie quelques mois plus tard, le jour de mes 11 ans. A l'essai. Les novices sont toujours à l'essai, et les pauvres plus que les autres, car nous arrivons en ne sachant rien de la chevalerie et de ses exigences. Mais j'avais l'étoffe, il faut croire."
Il baissa les yeux sur les enfants et rougit. Il s'était fait un peu lyrique, peut-être. Il était décidément sentimental.

[Taliesin]

Ruth lui sourit.
-Ce qui s'est passé quand les paladins sont arrivés chez vous... je crois que ça a fait ça à pas mal d'enfants quand vous êtes apparu dans la Communauté, et j'ai vraiment eu du bol que vous ayez choisi ma lettre... Mais c'est dommage que vous ayez pas des collègues avec vous, parce que vous auriez pu ouvrir une p'tite Commanderie dans la cité... P't'être que vous auriez eu plein de volontaires pour faire novices ! Et avec plein de paladins parmi nous, alors là, on aurait plus rien eu à craindre des cannibales, des morts-vivants...

[Hubert de Maleval]

" Qui sait, Ruth ? Une fois que nous serons établis, je pourrai peut-être partir à la recherche de quelques collègues pour réaliser ce défi. Ou alors notre réussite attirera quelques preux... Et s'il y a des enfants réellement convaincus qu'ils veulent emprunter cette voie... Ils peuvent toujours aller se former à Luménis et nous revenir adoubés. La plupart des novices de la commanderie sont déracinés... Cela fait partie de l'apprentissage."
Il sourit à la gamine.
" Il est sûr que mes frasques d'aujourd'hui vont peut-être avoir un effet sur les rêves de certains... mais ce n'est pas vraiment le quotidien de la profession."

[Taliesin]

Le sourire de la gamine se fit espiègle.
-Ouais ouais, vous cherchez juste déjà des arguments pour éviter d'avoir cent écuyers... Chuis pas sûre que ça va marcher. Remarquez, si vous voulez, on peut essayer de vous aider en racontant que l'entraînement est horrible, qu'on a jamais le droit de s'amuser...
-Un écuyer ne ment jamais même si c'est pour la bonne cause, intervint Alban. Et de toute façon, on a vraiment pas l'air malheureux, donc ce serait pas crédible.

[Hubert de Maleval]

" De toute façon, j'ai mon quota ! s'exclama le paladin joyeusement. Je suis plus que satisfait et j'en resterai là."
Il songea à la proximité de la ville, au fait qu'il n'avait pas juré de s'y établir, puis réalisa qu'après la mort de Robert, les derniers événements le forceraient encore davantage à demeurer auprès de la communauté un certain temps. Avec son conseil décapité, le groupe paraissait plus vulnérable que jamais, et les défis à venir étaient encore nombreux, même si on oubliait les cannibales. Marthe et Frida reviendraient, bien sûr, avec leurs renforts nécessaires... Si elles étaient encore vivantes. Avec tous les événements, il n'y avait plus pensé. Il regarda à nouveau les enfants.
" Est-ce que vous voulez me raconter... ce qui s'est passé ?"

[Taliesin]

Ils grimacèrent, s'entreregardèrent...
-Ben... Agnès est venue nous chercher en classe, elle a raconté que vous vouliez nous voir... Moi j'ai trouvé ça bizarre, d'autant que le lui ai trouvé un d(rôle d'air, et comme je me suis souvenue de ce que vous nous aviez expliqué hier... J'ai essayé de prévenir la maîtresse.
-Agnès nous a dit qu'on devait vous retrouver dans l'ancienne salle de l'état-major. Ça aussi c'était étrange, vu que presque plus personne ne va dans les tours. Mais bon, on l'a suivie et évidemment, vous étiez pas là. Alors on a attendu.
-Je suis pas très patiente, vous savez bien, alors j'ai fini par demander ce qui se passait, et elle m'a répondu de me taire. J'ai dit qu'on allait plutôt aller vous chercher, alors elle s'est mise en colère, elle a lâché que si on se tenait pas tranquilles, elle allait nous punir, et elle a sorti son fouet et...
-Et comme n'y a que quelqu'un de méchant qui peut avoir un truc pareil, comme on était tout seuls, comme on nesavait pas ce qui se passait... On l'a attaquée. Et ça n'a pas été très brillant.

[Hubert de Maleval]

Hubert se demanda ce qui aurait changé s'ils lui avaient obéi plutôt que de la défier. Barthélémy avait dit que les choses tourneraient mal, immanquablement. Ils avaient donc eu raison de se rebiffer... ou peut-être pas. Il ne servait à rien de se torturer à ce sujet : Ignace et Agnès étaient morts l'un et l'autre, et le paladin n'avait pas l'impression d'avoir eu la possibilité de les épargner. Ils ne sauraient peut-être jamais ce qu'ils avaient en tête, jamais ce qu'il serait advenu.
" Vous avez fait ce qu'il fallait, compte tenu des circonstances. Avec vos épées, vous lui auriez résisté plus efficacement mais vous avez usé des armes à votre disposition... Je pense qu'il était utile, cependant, que vous soyez conscients des limites de vos objets. Ils ne remplaceront jamais vos compétences."
Il les serra un peu plus étroitement, puis les relâcha.
" Et cela doit nous encourager à nous perfectionner chaque jour davantage. Cela dit, dans un premier temps... Peut-être devrions-nous envisager d'aller nous laver..."

[Taliesin]

Ruth prit une mine faussement scandalisée.
-Mais... On ne pourrait plus parader devant les autres avec nos blessures de guerre... Un guerrier qui rentre de la bataille couvert de sang, ça impressionne, c'est épique !
-Seulement si c'est le sang de ses ennemis. Là, toi et moi, c'est le nôtre qu'on a sur nous, et je vois pas ce que ça a d'impressionnant...
-Ben si ! On est debout malgré nos horribles blessures ! On ne craint pas la souffrance !
Alban leva les yeux au cile puis se tourna vers Hubert.
-Il ne faut pas lui en vouloir, messire. Je crois qu'elle s'est cognée la tête pendant le combat.

[Hubert de Maleval]

" Les garçons vont aller se laver, Ruth, dit Hubert en s'extirpant de sous ses couvertures. Si tu veux rester... barbouillée... et bien c'est ton droit. Mais promets-moi que tu seras présentable au moment d'aller monter la garde, ce soir."
Il sourit.
" Il est vrai que vous devez encore vous entraîner, aujourd'hui, mais personnellement... Je crois que je vais m'offrir le droit de vous regarder vous affronter en me contentant de vous donner de bons conseils. Si j'ai une minute à moi... j'ai comme l'impression que mon après-midi sera faite de réunions et d'autres réunions et encore de réunions."
Il se remit debout et s'approcha de sa petite pile de vêtements déchirés et carbonisés.
" Enfin... Si je trouve un pantalon, ce qui n'est pas encore gagné, dirait-on. Il doit m'en rester un quelque part... mais c'est sûrement le dernier, cette fois."

[Taliesin]

-Il vous en reste un ? Vous avez de la chance ! Moi, j'en ai plus un seul, vu l'état de celui-là.
-Je te prêterai celui de ma tenue de rechange.
-Et donc c'est toi qui en aura plus.
-Ta maman pourra peut-être faire quelque chose...
-Oui, faudra que je lui demande.
Ils se levèrent à leur tour.
-Bon, je vais venir aussi.
-Tu ne veux plus rester toute sanglante ?
-Si je suis la seule, c'est pas drôle.

[Hubert de Maleval]

Hubert les précéda, un peu inquiet de l'accueil qu'ils allaient rencontrer à errer dans les couloirs, mais il n'y avait absolument personne, aussi purent-ils gagner les thermes sans être dérangés. Sans doute les colons étaient-ils à l'intendance ou à l'étage inférieur. On entendait le murmure rassurant de la vie s'écouler dans le fort, signe que rien d'anormal ne s'était produit pendant qu'ils dormaient. Le paladin regrettait un peu de ne pas encore avoir croisé Albérich, mais il devinait que veiller sur les assoupis avait dû le lasser au bout d'un moment. Il songea à interroger les enfants sur son compte, puis renonça. Ils se croiseraient tôt ou tard.
Quand ils arrivèrent sur les bords du bassin, il se déshabilla rapidement et constata qu'il avait encore des brûlures sur le côté gauche, de la hanche à l'omoplate. Elles étaient sensibles au toucher et l'eau chaude se révéla franchement désagréable, si bien qu'il réduisit ses ablutions au strict minimum, espérant cependant qu'une partie de l'odeur de brûle l'estomperait. Sans doute avait-il besoin d'une coupe de cheveux un peu plus courte, histoire de se débarrasser des résidus de son combat. Il ne s'éternisa pas dans l'eau, donc, il alla près du brasier de séchage, tout en gardant un oeil sur les enfants. Il irait ensuite voir si Barthélémy pouvait le débarrasser des derniers stigmates de son affrontement.

[Taliesin]

Une fois propres et secs, ses écuyers lui dirent de ne pas hésiter à venir les trouver s'il avait besoin de leur concours puis, lui ayant souhaité bon courage pour ses innombrables réunions, ils filèrent en direction de leur dortoir, pour s'y partager les restes de leur garde-robe décimée. Le paladin put alors se mettre en quête du clerc de Chauntéa. Les colons qu'ils croisa lui indiquèrent qu'il se trouvait au dispensaire et en profitèrent pour lui adresser de chaleureuses félicitations pour ses duels victorieux, lesquels avaient fait forte impression sur l'ensemble de la Communauté.
Barthélemy se trouvait effectivement à l'infirmerie. Du combat qui s'était déroulé-là ne subsistaient plus guère de traces : on avait enlevé les corps, nettoyé le sang et le vieil homme s'affairait désormais à mettre de l'ordre dans les divers plantes médicinales tombées au sol durant l'affrontement.
-Ah, Hubert, content de te revoir. Comment te sens-tu ? s'enquit-il, amical.

[Hubert de Maleval]

" Je ne sais pas s'il y a une réponse simple à cette question, dit le paladin avec un sourire, avant de s'asseoir sur une des chaises. Un peu tourneboulé, j'imagine... Je ne crois pas que je prenne encore bien la mesure... Mais ça viendra."
Il relâcha sa respiration.
" Merci pour votre intervention, Barthélémy. Sans vous... sans vous je n'ose imaginer combien de temps encore nous aurions été abusés par ceux-là même que nous pensions irréprochables... Et si vous n'aviez pas défait les tueurs que vous avait envoyés Ignace..."

[Taliesin]

Le prêtre secoua la tête.
-C'est Albérich qu'il faut remercier. C'est lui qui m'a suggéré d'interroger ma déesse et de recourir à une divination, ce que je n'aurais pas songé à faire sans son intervention. Il a fait preuve d'un grand courage et d'une grande intelligence, et j'espère qu'il en a conscience... Quant à moi, ayant vécu à côté du mal au quotidien, des semaines durant, sans rien soupçonner, je crois que c'est plutôt un blâme que je mérite, et j'ai à peine commencé à tenter de me rattraper.