[Lieu] Une route oubliée

[Galathée]

" Pas de rhinocéros pour l'instant, Ruth, dit Albérich. Il sera toujours temps de l'invoquer si les cannibales pénètrent dans le fort. Mais allez aider les palefreniers, c'est une bonne idée. Ensuite, retrouvez-moi. En l'absence d'Hubert, je suis sûr que je peux trouver des choses à vous faire faire. Restez avec le groupe, cependant. Une fois que tout le monde est à l'étage inférieur, il ne sera plus question de remonter avant que les militaires ne nous en donnent le feu vert."
Il irait ensuite vers le garde-manger et l'intendance. Ignace avait déjà fait transporter de nombreuses choses vers l'étage inférieur, mais il devait s'assurer que les ressources critiques, notamment les sacs de contenance, étaient bien emportés dans leur retraite.

[Taliesin]

Ruth acquiesça, sérieuse, tandis qu'Alban lui adressait un franc sourire.
-Merci beaucoup, messire, de nous permettre de... d'aider, dit-il, rougissant subitement.
Les deux gamins tournèrent alors les talons, se dirigeant ventre à terre vers les écuries.
Le garde-manger jouxtait les cuisines. C'était une petite salle où, découvrit-il, on ne conservait que le strict nécessaire - le déménagement de la majeure partie des vivres devait imposer aux hommes de l'intendance de fréquents allers-retours. Gus était sur place, avec trois aides, chacun s'efforçant de récupérer rapidement ce qu'il pouvait.

[Galathée]

Albérich salua le nouveau chef des cuisines, puis lui demanda s'il avait besoin de davantage de bras pour transporter le nécessaire. Lui-même pouvait bien sûr, mais il pouvait aussi réquisitionner d'autres colons pour vider les lieux. Il songea au fait que ce n'était peut-être qu'une alerte qui ne déboucherait sur rien, que c'était peut-être le jour fatidique de la chute du fort. Que ce soit l'un ou l'autre, il ne voyait pas bien comment agir autrement.
Si Gus était satisfait de son sort, Albérich regagnerait le sommet du passage secret pour s'assurer que l'évacuation se déroulait convenablement. Il trouverait aussi d'anciens aides d'Ignace pour procéder à l'appel en sous-sol : il ne devait manquer personne.

[Taliesin]

En surface, les choses prenaient forme également.
D'abord au niveau des défenseurs. Mercenaires, fantassins, archers, lanceurs de sorts émergeaient des sous-sol, au pas de course, pour prendre position sur les remparts.
Ensuite au niveau des assaillants. Désormais, Hubert aussi croyait discerner les oiseaux constituant les sombres nuées, tandis que la brume se lançait à l'assaut de l'éminence.
-Crois-tu opportun de faire installer les balistes ? s'enquit Ézéchiel, peut convaincu.

[Hubert de Maleval]

" Si elles sont fonctionnelles, oui. En fonction de leur portée de tir, sans doute..."
Il avisa un homme non loin.
" Je veux voir l'état-major. Et Giovanni."
Il leva les yeux.
" Si ces créatures ont été invoquées par des magiciens, il est possible que des sortilèges très basiques puissent les faucher... Sommeil, des choses comme ça..."

[Taliesin]

Les nuées de volatiles continuaient à s'approcher, imposantes. En comparaison, celles mobilisées par le Seigneur des Tombes faisaient pâle figure, il fallait bien l'avouer...
Le messager qu'il avait désigné s'éloigna, de même qu'un autre dépêché par Ézéchiel en quête des armes de siège.
Edgar, Gaspard, Guillermo arrivèrent sans tarder, suivis par Giovanni.
-Alors, c'est aujourd'hui qu'on montre aux sauvages de quel bois on se chauffe ? lança le barde d'un ton léger. Hum, et veux-tu que je fasse chercher Barthélemy ?

[Hubert de Maleval]

" Je ne sais pas. Il ne doit pas s'exposer tant que nous n'avons pas besoin de lui. Mais la menace est encore loin... Oui, qu'il vienne." dit-il.
Il se tourna vers le groupe.
" Les cannibales vont profiter de la brume pour nous attaquer. Je ne crois pas que nous ayons les moyens de dissiper tout cela avant d'être envahis."
Il fit face à Giovanni et Guillermo.
" Il faudrait frapper directement dans leur campement... mais j'imagine que nous n'avons rien qui puisse le faire... La baliste n'aura pas une telle portée. Il y a aussi tous ces oiseaux. Je ne sais pas comment ils font pour conjurer une telle masse de créatures... Mais si elles sont peu puissantes, avons-nous une chance de pouvoir les repousser magiquement ? "

[Taliesin]

Les officiers s'entreregardèrent. Et à nouveau, puisqu'il était question de magie, ce fut Giovanni qui prit la parole, non sans s'être au préalable gratté pensivement la tête - il n'était pas encore totalement réveillé, semblait-il.
-Hum... Peut-être des sortilèges fonctionneraient-ils, oui. Je ne suis pas sûr, il faudrait demander aux mages mais, spontanément, je dirais que oui. Le souci, c'est qu'il y en a vraiment beaucoup, des piafs. Tellement qu'on ne pourrait affecter qu'une partie d'entre eux... Quant à attaquer leur camp... Je crois qu'Ariel et l'homme envoyé par Guillermo sont venus à bout de la catapulte, qui doit être quelque part dans la cour, près des chariots...

[Hubert de Maleval]

" Dommage qu'on ne l'ait pas montée au sommet d'une tour, directement. Mais peu importe. Voyons si elle peut être ajustée pour atteindre leur camp. C'est sans doute la seule manière de déranger leurs shamans. Même s'il est trop tard pour cette salve-là... Edgar, tu t'en charges, Gaspard supervisera nos hommes."
Vingt d'entre eux. Spectaculaire. Il soupira.
" Si certains des lanceurs de sorts peuvent invoquer des créatures aériennes, qu'ils les envoient combattre cette engeance. Ce ne sera jamais assez, mais ce sera quelque chose."
Il ne s'expliquait pas qu'il puisse y avoir autant d'oiseaux, mais il connaissait mal la magie druidique. A moins que chaque cannibale soit un peu shaman, ce qui n'était pas impossible. Il songea au phylactère d'Albérich : il devait exister des créatures volantes qui déchireraient ces oiseaux sans trop de difficultés... Mais le Luménien était leur seul conseiller avec la communauté : il ne pouvait pas le réquisitionner. Son objet magique, par contre...
" Peut-être que Barthélémy peut lever un vent capable de les emporter... Nous aviserons quand il arrive."
Il plissa les yeux.
" Est-ce qu'il est plausible que ce soit simplement une illusion ?"

[Taliesin]

-Dans l'absolu, ça n'est pas impossible, mais dans ce cas, ces shamans sont foutrement puissants... répondit le barde avant de s'esquiver.
Les mages observèrent les nuées avec attention, puis déclarèrent que s'ils étaient bien en mesure de leur procurer quelques forces aériennes, celles-ci risquaient de ne pas faire long feu face à une telle multitude...
Les minutes s'écoulèrent. Les corbeaux volaient vers eux tout en restant à bonne altitude. La brume, elle, était à mi-pente.
Enfin, Barthélemy apparut sur le rempart, appuyé sur sa faux, étrange manière de canne.
-Ils sortent le grand jeu... commenta-t-il.

[Hubert de Maleval]

Hubert se tourna vers le clerc avec une grimace.
" Ces créatures seront impossibles à combattre par des moyens conventionnels. Giovanni, Barthélémy, c'est l'affaire des lanceurs de sorts. Vous connaissez vos possibilités, vous devez me trouver une solution. Tant pis si vous épuisez nos maigres ressources : les hommes peuvent affronter des cannibales, pas mille becs tombant du ciel."

[Taliesin]

Les lanceurs de sorts profanes ou divins se regroupèrent pour débattre. Bientôt, le Chauntéen revint vers Hubert.
-Il existe deux possibilités. La première est que je modifie le climat pour que se lève un violent qui non seulement dispersera les nuées mais dissipera également le brouillard. L'inconvénient, c'est qu'il faudra une vingtaine de minutes avant que la tourmente n'ait atteint son paroxysme, sans compter que nous subirions également ses effets. La deuxième solution est que je crée un mur de vent : il bloquera et éloignera l'une des nuées. Mais il faudra alors à mes compagnons se positionner sur les autres remparts et user de boules de feu contre les oiseaux, ce qui risque de n'en éliminer qu'une petite partie...

[Hubert de Maleval]

Hubert avait espéré quelque chose d'un peu plus efficace mais il savait depuis le début que leur force de frappe magique n'était pas leur principal atout. Cinquante combattants pour des centaines d'oiseaux... Ils allaient se faire massacrer.
" Nous n'avons pas le temps du contrôle du climat. Les oiseaux seront sur nous avant cela. Protégez-vous au mieux, restez à couvert si possible, et descendez m'en un maximum qu'ils ne soient au contact. Nous surveillerons la brume."
Avec un peu de chance, elle gênerait les cannibales autant que les défenseurs. Il se tourna vers Gaspard.
" Faites allumer les braseros. Tant que les cannibales ne sont pas au contact, les soldats restent dans les tours. Il me semble que généralement, les druides ne contrôlent par leurs bestioles, une fois qu'elles sont invoquées. Si elles arrivent avant la brume, nous nous en sortirons peut-être acceptablement."
Lui-même avait l'intention d'invoquer une protection contre le mal quand les oiseaux seraient sur eux : elle empêchait toute créature convoquée de le toucher, à moins qu'elle ne soit alignée avec les forces bienveillantes de ce monde... Il y avait peu de chance que ce soit le cas.
" Guillermo, si vous avez une suggestion, c'est l'instant idéal."

[Taliesin]

Le mercenaire jeta un regard discret autour de lui. Les auditeurs ne manquaient pas.
-Pas de suggestion particulière, vos mesures me paraissent appropriés, répondit-il simplement.
Les soldats commençaient à se replier et les braseros à être allumés lorsque retentit un bruit métallique.
Une grosse pierre passa alors en trombe au dessus du rempart - depuis l'intérieur -, décrivit une élégante parabole et alla s'écraser dans le lointain, près du camp cannibale.

[Hubert de Maleval]

Hubert alla se positionner sur le rempart sud. Il se chercha un arc. Même s'il n'était pas parfaitement prêt dans le registre, il n'avait pas l'intention de rester les bras croisés tandis que l'ennemi avançait. Il félicita les opérateurs de la catapulte. Lorgna le ciel. Songea un instant à ceux qui, dans le ventre du fort, devaient attendre des nouvelles. Espéra que Guillermo avait eu le temps d'installer les palissades dont il avait parlé.
Puis il se mit en mouvement, pour juger de l'humeur des hommes. C'étaient des soldats entraînés, pour la plupart, mais ils devaient réaliser que leur situation était précaire. Le paladin maudit tous les stupides livres qu'il s'était enfilés sur les sièges : aucun ne parlait de nuées d'oiseaux fantastiques.

[Taliesin]

L'état d'esprit régnant parmi leurs forces armées était complexe. Il sentit ses hommes prêts à en découdre mais frustrés qu'on s'en prenne à eux par des moyens détournés face auxquels ils n'avaient pas vraiment eu les moyens de se préparer. Conséquence de cet aspect de la situation : certains semblaient inquiets, même s'ils faisaient des efforts pour n'en rien laisser paraître.
Dans les ciel, les oiseaux semblaient ralentir leur course.

***

La grande majorité des civils étaient désormais rassemblés dans la nef. Les instituteurs avaient maintenu leurs classes formées, n'empêchant toutefois pas les enfants qui le souhaitaient de retrouver leurs parents. Les adultes s'étaient regroupés par famille, par affinités ou par corps de métier, les hommes de l'intendance demeurant près du matériel. Seuls les palefreniers et les écuyers d'Hubert allaient et venaient encore entre la vaste salle aux colonnes et le premier niveau des sous-sol, ramenant les chevaux.
L'atmosphère était tendue, électrique.
De ce qui se passait à l'extérieur, on ne savait rien.

[Galathée]

Albérich était tout entier dans l'instant présent. C'était sans doute un réflexe de survie, mais il ne songeait plus à ce qui se passait dehors, ni aux risques, aux possibles, au futur. Il savait qu'un plan d'évacuation avait été décidé par les militaires, mais personne n'était venu lui en parler, aussi faudrait-il improviser avec les moyens du bord, en attendant d'obtenir des informations. Les gens iraient probablement à pied, mais il faudrait charger le matériel sur les chevaux. Il envoya plusieurs hommes compter les bêtes et estimer ce qu'ils pourraient transporter avec leur aide. Ensuite, il rassembla les petites mains d'Ignace pour discuter avec elles des mesures à prendre dans l'immédiat.

[Taliesin]

La discussion s'avéra fructueuse. Albérich apprit qu'on pourrait charger une bonne partie du matériel sur les animaux de trait, en se servant de sangles prévues à cet effet, lesquelles étaient plus adaptées à des sacs qu'à des caisses mais permettaient malgré tout de maintenir ces dernière en place. Pour le reste, il faudrait plus que probablement ordonner la colonne, peut-être en regroupant les colons par chariots, comme jadis, ou par dortoir, comme à présent. Cela permettrait aux responsables de vérifier que personne ne manquait à l'appel durant le voyage. Quant au train des bagages, il valait mieux qu'il ferme la marche, comme de coutume.

[Galathée]

Albérich entérina leur proposition, et distribua les rôles dans le groupe, mais ne leur donna pas l'ordre de se mettre au travail. Tant qu'aucune information ne filtrait du dehors, il n'y avait pas lieu de commencer l'évacuation. Il finit par réaliser qu'il devait faire une déclaration, même s'il ne savait pas exactement quoi annoncer. Il grimpa sur une des tables qui demeuraient dans la salle et tâcha d'attirer l'attention des gens les plus proches de lui. Ensuite, il se lança. Ceux qui voulaient l'entendre, l'entendraient.
" Comme vous le savez, nous sommes réunis ici car l'alerte a été donnée dans le fort. Les Paludiers sont probablement en mouvement et s'apprêtent à donner l'assaut sur notre position. Ici, en bas, protégés par un passage secret dont nos adversaires ignorent tout, nous sommes bien dissimulés. Nos troupes vont se battre pour repousser l'ennemi et vu leur qualité, il est probable qu'ils y parviennent. Nous remonterons alors tous dans nos pénates habituelles et reprendrons nos activités. Dans le cas contraire... Vous savez qu'Etienne est parti avec un groupe, il y a deux jours, maintenant, pour nous sécuriser une base de repli. Si nos défenseurs nous informaient que la bataille ne peut être gagnée, nous partirons. Si cela devait advenir, je voudrais que vous obéissiez aux consignes qui vous sont données, que vous restiez groupés par chariot, que vous avanciez droit devant jusqu'à ce que vous soyez pris en charge par l'équipe qui nous attend à Clairétoile..."
Pour autant que nous puissions les prévenir de notre situation, songea-t-il.
" Quoi qu'il advienne, il n'y a aucune raison de vous inquiéter. Nous aurions emprunté ce tunnel tôt ou tard. Si nous parvenons à la cité un peu plus tôt que prévu... Cela ne changera pas grand chose, nous y trouverons un asile et nous prévaudrons."

[Taliesin]

On l'avait écouté avec attention et, lorsqu'il en eut terminé, on acquiesça. Bientôt, des hommes et des femmes se mirent à répéter ses consignes à ceux qui avaient été trop éloignés pour bien l'entendre. Il n'y eut pas davantage de mouvement de panique que précédemment et s'il voyait l'inquiétude sur bien des visages, elle était pour l'heure muselée. Rien n'indiquait encore que la bataille serait perdue, il l'avait dit, et tous devaient se raccrocher à cet espoir, même si ne rien savoir de ce qui se déroulait en surface n'était guère confortable...

***

Les oiseaux étaient tout proches, à présent, chacune de leur noires nuées prêtes à survoler l'un des remparts.
Dans la grisaille perça soudain une vive lueur orangée. Jaillie de l'une des tours, elle s'envola, fulgurante, et alla percuter l'une des masses grouillantes en son centre, y semant mort et désorganisation, provoquant une pluie de plumes et de corps enflammés.
Des projectiles similaires fusèrent des autres tours, visèrent les autres nuées, causèrent les mêmes ravages.
Combien de corbeaux périrent ? Des dizaines. Des centaines.
Et au moins autant lorsque fut tirée la deuxième salve.
Certains des volatiles battirent en retraite sans demander leur reste. D'autres demeurèrent à tournoyer, sans doute prêts à piquer...

[Hubert de Maleval]

L'attaque était imminente, aussi Hubert incanta-t-il pour se protéger des oiseaux qui ne tarderaient pas à l'attaquer.

Hubert - > Protection contre le Mal - > lui-même

Il ne pouvait pas être certain qu'il s'agissait de créatures convoquées, mais à tout hasard, il valait mieux s'en prémunir. La tentation était grande, à présent, d'abattre les animaux survivants à la flèche, mais le paladin n'était pas sûr qu'ils disposaient de suffisamment de projectiles pour les gaspiller de la sorte. Des cailloux, par contre, ils en avaient à foison...
" Avons-nous des frondeurs ? Je serais bien curieux de voir l'effet d'une simple pierre sur ces volatiles.."
Il attrapa une pierre sur le chemin de ronde, visa un des corbeaux et la lança de toutes ses forces. Sans doute raterait-il son coup, mais avec un peu d'entraînement, il finirait bien par en toucher un...

[Taliesin]

Il manqua effectivement son coup. Mais il ne faisait pas de doute qu'il avait assez d'adresse pour parvenir à ses fins si tant est que certains des volatiles se rapprochent...
Un soldat qui se tenait près de lui déclara qu'il existait bien des frondeurs au sein de la Communauté, mais qu'ils se trouvaient parmi les civils... et parmi les enfants en particulier.
Une nouvelle série de boules de feu surgit des tours.
Plus de victimes, plus de déserteurs parmi les corbeaux.
Mais l'une des nuées, peut-être plus téméraire que les autres, sembla reformer les rangs et plongea vers le sol...
Jusqu'à ce qu'elle rencontre un mur de vent subitement levé, qui brisa net la charge et repoussa les assaillants plus loin, toujours plus loin...

[Hubert de Maleval]

Hubert décida de ne pas réitérer sa tentative : il finirait par se prendre une pierre sur la tête. Il était de toute façon trop tard pour aller chercher les frondeurs et il ne voulait pas exposer les civils. Voir la puissance de feu des mages partir en fumée — au propre comme au figuré — pour une bande de corneilles lui oppressa curieusement la poitrine mais il n'avait pas le choix des armes en la matière. La communauté s'était engagée dans les Landes avec trop peu de lanceurs de sorts, compte tenu de ce qu'ils avaient en face d'eux, mais il n'avait pas été l'instigateur du projet, ni celui qui avait estimé que leurs rangs étaient désormais prêts à affronter l'inconnu et l'adversité.

[Taliesin]

Une seconde nuée plongea et, cette fois, fut accueillie par une boule de flamme, récompense cuisante pour sa témérité.
Les volatiles survivants se replièrent, demeurant à bonne distance, comme leurs congénères plus prudents.
Puis un cri retentit, depuis le mur ouest.
Deux des éclaireurs qu’Ézéchiel avaient placé là tirèrent leurs épées et se penchèrent par-dessus le rempart pour, apparemment, repousser un assaillant parvenu jusqu'à cette hauteur via la face extérieure.

[Hubert de Maleval]

C'était l'instant fatidique. Hubert sentit l'adrénaline l'embraser.
Il fallait que les hommes sortent pour défendre le fort et il en donna l'ordre aussitôt.
Le rempart ouest. Les portes. C'était le mur de Guillermo, comme le mur nord. Edgar avait l'est, Gaspard le sud. Comme les soldats étaient moins nombreux que les mercenaires, il était logique que le paladin et Ezéchiel soient en soutien de leur côté. Et le capitaine mercenaire pouvait prendre les initiatives adéquates dans sa zone, il était le plus expérimenté d'entre eux.
La catapulte claqua mais le rocher alla se perdre dans la brume. Ils étaient désormais noyés jusqu'aux créneaux.
Hubert résista à l'envie d'aller prêter main forte aux mercenaires, mais il devait éviter de courir en tous sens, à la moindre alerte. L'ennemi pouvait arriver de leur côté aussi, même si l'à-pic rendait l'escalade plus ardue...
" Balancez quelques rochers, conseilla-t-il aux hommes près de lui. Nous verrons s'ils heurtent quelqu'un."
Il prit ensuite son arc. Il n'était pas impossible qu'il puisse viser l'un ou l'autre cannibale au travers de la cour, même s'il ne prendrait évidemment pas le risque de blesser un défenseur. Et il y avait toujours, bien sûr, les corbeaux.

[Taliesin]

Ses voisins obéirent et jetèrent des pierres mais ne purent savoir si elles avaient touché le moindre adversaire. Car la brume, véritable mer blafarde imperméable aux regards, étouffait étrangement les sons.
Un messager dépêché par Guillermo vint l'informer de la manière dont l'ennemi s'y était pris pour se hisser jusqu'au sommet du mur : de solides plantes grimpantes avaient poussé sur les antiques pierres, fournissant une multitudes de prises aisées à qui voulait les saisir.
Dans les deux cas, il s'agissait d'un coup des shamans qui, décidément, avaient tout de druides puissants.
De druides puissants grâce auxquels une véritable marée d'adversaires se ruait désormais à l'assaut du rempart occidental. D'où il était, Hubert voyait parfaitement les mercenaires courir en tous sens, se pencher par dessus les créneaux pour frapper de leurs lames ou lancer jeter des rochers.
Combien de temps faudrait-il avant qu'ils ne soient débordés ?
Déjà, le paladin discernait la silhouette d'un solide guerrier en armure rouillée tentant de prendre pied sur le chemin de ronde.

[Hubert de Maleval]

Hubert donna l'ordre aux hommes d'Edgar de se porter à l'aide des mercenaires tandis que ceux de Gaspard se distribuaient sur les deux remparts dévolus à la communauté, soutenus par les éclaireurs. Il ordonna aussi aux archers de défendre le mur attaqué : même sans pouvoir viser, ils devaient se souvenir de l'endroit où serpentait le chemin et tirer dans cette direction : depuis les tours quand c'était possible, directement sur le mur si ça ne l'était plus. Il y avait certainement des cannibales en train de gravir la pente. Il faudrait aussi défendre la porte à l'aveugle, en balançant des rochers et de l'eau bouillante sur d'éventuels agresseurs, et essayer de détruire ces plantes grimpantes. Hubert avait l'intention de voir si le feu pouvait agir d'une manière ou d'une autre. Il laissa le mur sud sous la supervision d'Ezéchiel et fila également soutenir les hommes de Guillermo.

[Taliesin]

Son concours ne fut pas de trop. Aussi vaillants les mercenaires soient-ils, aussi nombreuses soient les flèches tirées, les pierres lancées, les barbares arrivaient sans cesse plus nombreux au niveau des créneaux, indifférents au sort de leurs compagnons qui, repoussés, disparaissaient dans la brume... Le plus souvent, les défenseurs parvenaient à les défaire avant qu'ils n'arrivent sur le chemin de ronde ; toutefois, celui-ci fut malgré tout le théâtre de quelques duels acharnés au cours desquels le paladin eut largement l'occasion de s'illustrer.
Il venait d'éliminer un adversaire particulièrement coriace lorsqu'un bruit d'explosion retentit dans son dos.
Celui d'une boule de feu.
Se retournant, il vit les dernières lueurs du sortilège nimber la cour.
La cour ou, les dieux seuls savaient comment, les cannibales avaient réussi à pénétrer.

[Hubert de Maleval]

Les choses étaient allées incroyablement vite, beaucoup plus vite qu'Hubert ne l'avait anticipé. Il lui semblait qu'une seconde auparavant, le premier cannibale mettait un pied sur les remparts, et voilà qu'ils étaient déjà à l'intérieur du fort. Pourtant les portes étaient en place. Comment diable avaient-ils fait ?
Il arrêta un soldat de passage.
" Descendez en bas. Dites-leur de préparer l'évacuation mais d'attendre le signal pour se mettre en mouvement."
Il essaya de mesurer rapidement la situation : combien étaient-ils, comment étaient-ils arrivés là ? Il ferait ensuite passer l'ordre aux archers de les abattre depuis les hauteurs. Il se renseignerait aussi sur l'huile... Il n'avait aucune idée de si, en l'absence d'Ignace, l'un de ses officiers l'avait quand même fait monter dans les tours.

[Taliesin]

-Mais, messire, les accès aux caves ont été barrés... répondit le soldat. Ne craignez-vous pas que les sauvages m'y suivent, si l'un des accès est ouvert ?
Sur les autres remparts, les éclaireurs et les sentinelles munies d'armes de jet s'étaient déjà mis en devoir d'abattre les ennemis infiltrés. Dans la cour elle-même, Edgar, jusqu'ici demeuré près de la catapulte, fit de grands gestes, désignant le mur sur lequel se trouvait le paladin et, plus précisément, un point situé près de la tour sud-ouest.
L'instant suivant, il tirait sa lame, imité par Ariel.