[Commerce] Au Loyal Paladin

[Chandara]

Chandara retrouva un semblant d'aplomb en écoutant le jeune homme qui résumait si bien les expériences troublantes qu'elle avait elle-même vécues pendant ces mois de guerre intense. Elle esquissa un sourire, chercha son regard avant de répliquer en faisant preuve d'une sagesse qui ne lui était pas coutumière :

- Oui, enrichissante. D'un point de vue de l'expérience et du regard que l'on peut porter à tout cela. Je sens que vous avez un peu changé vous aussi depuis notre première rencontre : vous avez décidément les ferments d'un paladin lumineux en vous. La guerre nous a certainement tous un peu fait évoluer. En tous cas pour ceux qui ont eu cette chance je suppose. Moi aussi sans doute. Je sens combien la vie et tout ce qui est bon et beau peuvent être fragiles. Combien il est d'autant plus important de tout faire pour les défendre.

[Althéa]

Titoeil, comme il l'avait annoncé revint des cuisines avec son plat unique et peu original : le ragoût de lapin aux carottes. Pour faire passer le tout, il apporta une bouteille du fameux crû que la jeune paladine avait fait expédier.

"Bien sûr, je ne vous demanderai pas de payer ce que vous nous avez si gracieusement offert.", dit-il avec un petit sourire.

Avant de repartir dans ses cuisines, il ajouta.

"Il n'y a qu'une seule autre auberge en ville et je ne la conseillerais même pas à mon pire ennemi. Mais il y a en ville un logement ... alternatif. Du moins, je pense qu'il est toujours valable. Revenez donc me voir à la fin de votre repas. Et je vous communiquerai l'adresse."

[Arthur de Faisanlys]

" Une seule autre auberge ?" s'étonna Arthur à voix haute.
Bigre, les Manostiens ne devaient pas avoir l'habitude de voir débarquer grand monde. Mais il se tourna vers Chandara et se fit plus grave à nouveau.
" J'espère que vos compatriotes se relèveront de cette épreuve, Chandara, vraiment. Je réalise que la manière dont la guerre s'est terminée doit être bien douloureuse pour les Manostiens, et que la période à venir sera sans doute troublée... Mais c'est aussi dans ces moments de crise, aussi cruels soient-ils, que se trouve le ferment d'autre chose... Votre cité est peut-être appelée à se métamorphoser... à renaître... mais elle n'en sera que plus forte..."
Il secoua la tête.
" Pardonnez-moi. Je prêche inutilement. Je sais que vous avez de l'espoir, vous l'avez toujours eu en vous. Vous feriez une bonne Lathandrite, à n'en pas douter."

[Chandara]

Chandara l'écoutait à nouveau comme si chacune des paroles du paladin étaient empreintes de sagesse et pouvait l'aider à surmonter les épreuves qui l'attendait, ne serait-ce qu'en lui permettant de garder à l'esprit qu'elle avait trouvé en lui un ami valeureux. Sa remarque sur le fait qu'elle puisse être une lathandrite crédible l'a fit sourire à nouveau et elle détourna à nouveau la conversation sur lui comme pour masquer sa gêne :

- Vous êtes bien plus optimiste que moi : vous savez voir en toute chose le bon côté et c'est sans doute la meilleure façon de l'améliorer. En cela, vous faites assurément un excellent, non que dis-je, un formidable Lathandrite !

Elle prit le temps d'adresser un sourire à Titœil qui leur avait amené leur repas et examina un instant la bouteille qu'il avait posée entre eux deux avant de reprendre sur un ton plus léger :

- J'espère que vous aimez le vin. Je sais que vous en avez de très bons à Luménis et je ne voudrais pas vous influencer mais celui-ci est en quelque sorte un petit bout de chez moi.

Sur l'étiquette, on pouvait en effet y lire sa provenance : un grand cru Cojumite du domaine des Claire-Combe.

[Arthur de Faisanlys]

De manière générale, Arthur buvait peu. Il se trouvait déjà bien assez prompt à la maladresse sans ajouter ce genre de handicap. Mais il savait apprécier un bon vin, vestiges de sa jeunesse dans la haute société luménienne, aussi sourit-il à Chandara en prenant un instant la bouteille.
" Vos parents sont vignerons ? Vous me l'avez peut-être déjà dit mais... je dois avouer qu'avec tout ce qui s'est produit depuis, mes souvenirs sont un peu chamboulés..."
Il reposa le breuvage sur la table.
" Je suis certain que c'est un nectar."
A moins qu'elle ne lui serve du vinaigre pour tester sa bonne éducation. C'était le genre de la demoiselle, Arthur en avait l'impression. Mais elle n'avait pu préparer un tel stratagème tout en ignorant qu'il lui filait le train.

[Chandara]

La réaction d'Arthur et son compliment lui gagna un nouveau beau sourire et la jeune femme s'empara à nouveau de la bouteille pour les servir tous les deux avec application :

- Non, non je ne crois pas vous l'avoir déjà dit et j'espère vous réserver encore d'autres surprises !

Elle lui tendit son verre et reprit d'un ton plus formel :

- Je vous propose de trinquer à l'avenir que le courage de tant des nôtres a rendu possible et à tout ce qui mérite d'être défendu.

[Arthur de Faisanlys]

Arthur sourit.
" Buvons à ça, vous avez raison. Au futur, à la lumière, au renouveau."
Après avoir entrechoqué leurs verres, le jeune paladin but. Le vin était aussi délicieux qu'il l'avait anticipé.
" Très bon. Je devrais en ramener à Luménis... Si vos parents cherchent un nouveau marché, pourquoi pas ?"

[Chandara]

Le sourire du paladin était décidément très agréable à regarder et l'ancienne helmite se sentit un peu distraite tout en redécouvrant le goût fruité du domaine de ses parents. Elle reposa son verre après une gorgée du nectar et répondit au jeune homme avec légèreté :

- Oh, c'est certainement une bonne idée même si vous avez peu de chance d'en trouver en ville. Auriez-vous une adresse à me conseiller ou devrais-je vous en faire livrer directement à la commanderie ?

La jeune femme rit doucement avant de remarquer, de bonne humeur :

- Et me voilà reconvertie en négociante en vin ! Peut-être devrais-je effectuer la livraison moi-même du coup !

Elle plaisantait bien entendu, comme son regard rieur le laissait à penser.

[Arthur de Faisanlys]

" Je serais ravi de vous faire visiter Luménis si vous décidiez jamais de vous y rendre, dit Arthur, plus sérieux que son interlocutrice. C'est une cité qui a beaucoup d'attraits et je suis certain qu'une..."
Demoiselle aussi belle que vous ne dépareillerait pas parmi ses splendeurs.
" ... jeune femme telle que vous la découvrirait avec bonheur."
Misère, ça ne voulait rien dire, et il se sentit rougir.
" Mais donc... heu... vous avez grandi parmi les vignes, alors ?"

[Chandara]

Ravie de la conversation avec Arthur, Chandara se fit un plaisir de répondre d'un ton un peu rêveur :

- C'est une jolie façon de le dire ! Parmi les vignes et aussi les tournesols : je passais la plupart de mes étés d'enfance chez mes grands-parents, un peu plus près des montagnes. J'en garde d'excellents souvenirs : nous allions souvent nous promener dans la nature. Il était facile d'imaginer que nous partions à l'aventure, à la recherche d'un trésor ou pour débusquer un monstre.

Elle marqua une pause le temps d'une nouvelle gorgée de vin, comme si ça pouvait lui donner le courage de poursuivre :

- Et si la chance me mène un jour en votre cité, je ne vois pas d'autre guide avec qui je préfèrerais en découvrir tous les trésors. Et si vous avez un ou deux monstres, je vous aiderai aussi bien volontiers !

[Arthur de Faisanlys]

Arthur ne put s'empêcher de lever les yeux au ciel.
" Est-ce que vous êtes parfois en vacances, Chandara ? Si vous venez à Luménis, jamais... J'espère qu'il n'y aura pas le moindre monstre et que vous pourrez remiser votre marteau terrible pendant quelques veilles, pour profiter du soleil, de la douceur de vivre, je ne sais pas moi... du théâtre ou du parc... Des monstres ! Misère !"
Il avait dit tout cela avec humour, bien sûr, même si l'impatience de la jeune femme lui paraissait un peu étrange.

[Chandara]

Franchement amusée cette fois, la jeune femme lui adressa un sourire en coin, peut-être légèrement aidée en cela par le nectar enivrant de son domaine natal :

- Des vacances, Arthur ? Voilà encore un concept étrange : les paladins ont-ils le droit d'en prendre ? Vraiment ? Cela vous arrive-t-il ? Ce qui m'amène donc à vous poser une question d'une importance cruciale. Et je vous dénie le droit de vous défiler : j'aimerais savoir ce que vous aimez faire de votre temps libre.

[Arthur de Faisanlys]

Arthur ouvrit des yeux surpris.
" Mon... temps libre ? Cela fait des années que je n'ai plus vraiment eu de temps libre, à vrai dire, comme vous le supposez bien..."
Il eut un sourire embarrassé.
" Mon temps libre, à la commanderie, je l'ai généralement passé à me rendre utile... à la forge... ou dans les écuries... avec les novices, parfois, mais je ne suis pas très doué pour ça... Sinon..."
Il s'empourpra.
" J'aime nager. Ça doit vous paraître un peu ridicule, mais voilà... Il y a quelques jolies criques autour de Luménis. J'ai toujours aimé, et bien... affronter les vagues... regarder les poissons... ramasser des coquillages..."
Il sentit qu'il était pivoine et il se morigéna mentalement. Il aurait dû répondre quelque chose comme jouer du luth ou écrire de la poésie, lire les vieux dramaturges cormyriens, jouer aux Hermines, une activité qui fasse plus... distingué ! Mais voilà... il n'aurait pas pu faire illusion longtemps, s'il avait menti. Et de toute façon, les paladins ne mentent jamais.
" Et... et vous ?"

[Chandara]

Elle aurait du s'attendre à ce que le paladin lui retourne la question évidemment, mais elle avait été bien trop absorbée à l'écouter pour en préparer une à son tour. Désarçonnée - ce qui était déjà un bel exploit à mettre à l'actif du luménien - Chandara peina à rassembler ses souvenirs pour répondre à son tour le plus sincèrement possible :

- Eh bien, à Cojum, pendant mes études, j'aimais beaucoup lire. Mais je dois aussi vous avouer que j'ai toujours eu un faible pour l'escalade : des grands arbres pendant mon enfance puis les contreforts de la Cordillère quand j'ai eu l'âge. Oh, et j'aime moi aussi nager : ça n'a vraiment rien de ridicule, c'est une sensation si agréable de se sentir portée par l'eau, d'avoir l'impression de ne pas peser plus lourd qu'une plume, n'est-ce pas ? Mais je crois ne jamais avoir nagé dans la mer alors il faudra aussi que vous me montriez ces charmantes criques où vous aimez tant vous rendre !

[Arthur de Faisanlys]

Sans qu'il l'ait le moins du monde anticipé, les paroles de la jeune femme, la mention de la crique, de la mer, de sa présence à lui, lui évoquèrent brutalement une vision formidable et atrocement embarrassante. La honte d'avoir de telles pensées, d'imaginer... l'eau... cette femme... son corps ruisselant... lui embrasa les joues. Il se baissa sur son assiette. Il fallait qu'il mange. Le vin était fort, il était en train de perdre la tête.
Mais il ne pouvait pas ne rien répondre, aussi, lorsqu'il eut avalé deux bouchées de lapin, il releva les yeux.
" L'escalade... vos parents devaient avoir rudement confiance en vous..." souffla-t-il.

[Chandara]

Quand il releva la tête, il constata que le regard de Chandara était posé sur lui et elle l'en détourna vivement comme si elle avait été surprise et prise en faute pour s'intéresser à son tour à son assiette. Mâcher sa première bouchée lui fournit une excellente excuse pour réunir ses propres pensées :

- Oh, ma mère était folle d'inquiétude, vous pensez bien : d'autant que dans son esprit, une dame ne grimpe pas aux arbres ! Enfin, je dois vous avouer que je m'entrainais tout de même en douce, quand je partais en expédition avec mes frères, autour de notre domaine. J'aimerais croire que c'était pour ne pas qu'ils s'inquiètent mais je dois bien reconnaître que j'étais une enfant assez impulsive voire casse-cou...

[Arthur de Faisanlys]

Vous n'avez pas tellement changé, songea Arthur, à nouveau plus détendu.
Mais il décida de ne pas rebondir sur cet aspect de sa réponse.
" Vous avez donc des frères ?" dit-il simplement, pour entraîner la conversation vers des zones moins dangereuses.

[Chandara]

Chandara se souvenait qu'ils avaient déjà évoqué cette question mais elle ne pouvait décemment pas lui en vouloir de ne pas s'en souvenir avec tout ce qui s'était passé ces derniers mois. Elle répondit avec naturel, tout de même ravie que le paladin de s'épuise pas de sa conversation :

- Oui, j'en ai deux : l'aîné est forgeron alors ça vous fait déjà une chose en commun. Et j'ai aussi un frère jumeau. Mais rassurez-vous : il n'y a pas un second paladin aussi téméraire que moi sur Dorrandin : lui est beaucoup plus réfléchi. Il est devenu mage. Malheureusement, comme ils vivent tous les deux à Cojum, je ne les vois pas aussi souvent que je le voudrais.

[Arthur de Faisanlys]

" Vous me l'aviez déjà dit." réalisa Arthur, confus.
Il ne manquait plus que ça, qu'il ne se souvienne pas de ce qu'elle racontait. Mais elle était tellement saisissante que parfois, ses mots peinaient à parvenir jusqu'à sa conscience, tant il était fasciné par d'autres... signaux...
Il frissonna, dégoûté de sa médiocrité. Un chevalier était capable d'écouter la parole d'une dame sans se laisser détourner du fond... La forme était accessoire.
Accessoire, mais tellement charmante... Cette fille était un piège, un test de sa résolution, de sa qualité, de sa dignité, aussi.
" Je suis désolé... les jours où nous nous sommes côtoyés... trop d'émotions en trop peu de temps... Je ne vous ai sans doute pas prêté toute l'attention que vous méritiez. A vos propos, en tout cas."
Il soupira.
" Mais je suis certain que vos frères sont des hommes de bien, à votre image. Ils doivent être terriblement fiers de vous."

[Chandara]

Cette fois-ci, le jeune-homme eut la satisfaction de voir que ses mots avaient profondément touché Chandara et qu'il n'était pas le seul, à cette table, à prendre un teint écarlate quand on le complimentait. Confuse, la paladine répondit avec un sourire radieux aux lèvres :

- Ne vous en faites pas, Arthur ! Comment pourriez-vous vous souvenir de tout ce que nous sommes dit.
- Ou de tout ce que nous avons fait - eut-elle envie d'ajouter sans pour autant l'oser.
Je ne peux pas vous en vouloir pour si peu comme je ne vous en veux pas non plus pour chercher si habilement à me faire rougir ! Je crois que mes frères sont fiers de leur petite sœur mais je le suis au moins autant d'eux.

Oui, les jours qui avait suivi leur rencontre avaient été intenses en émotions contradictoires et la jeune-femme n'était pas sûre, même aujourd'hui, de parvenir à en démêler l'écheveau. La seule chose dont elle était certaine c'est qu'elle se sentait bien à cet instant, en la compagnie de l'homme qui avait tant accaparé son attention alors.

[Arthur de Faisanlys]

Arthur était embarrassé de l'avoir embarrassée, ce n'était pas son intention, mais parfois, les mots sortaient avant qu'il ait eu le temps de les penser réellement.
" Vos frères ont-ils pris part à la guerre, eux aussi ? Je ne sais pas bien où se trouve Cojum..."
Pas du tout, même, mais il ne voulait pas l'insulter.
" J'espère que votre famille n'a pas trop souffert des combats."

[Chandara]

C'était là un sujet qui inquiétait la jeune-femme et il put immédiatement s'en rendre compte en la voyant blêmir et se tordre nerveusement les mains avant de faire une tentative pour que son inquiétude ne transparaisse pas trop :

- A dire vrai, je n'ai pas eu de nouvelles depuis le début de la campagne. Mais Cojum était loin de la ligne de front, près des montagnes au nord de la péninsule qui abrite Manost. Et il parait que la ville elle-même n'a pas souffert. Alors je ne m'inquiète pas. Enfin, pas trop... Je crois que je le sentirais si quelque chose était arrivé.

Les paladins ne mentaient pas... Mais cela ne voulait pas dire qu'ils ne minimisaient pas parfois la vérité.

[Arthur de Faisanlys]

Arthur s'en voulut d'avoir abordé le sujet mais dans le même temps, cela lui avait paru une question naturelle, vu la teneur de leur conversation. Quant à savoir si elle pouvait sentir quoi que ce soit... Le monde était empli de magie, c'était certain.
" Vous devriez leur écrire. Ils doivent se languir d'avoir de vos nouvelles. Vous étiez au front, vous... Ils ont mille raisons de s'inquiéter."
Il rougit.
" Pardonnez-moi, je me mêle de ce qui ne me regarde pas. Vous devez, bien sûr, agir comme vous le pensez juste."

[Chandara]

Mais cette fois la paladine lui sourit à nouveau, signe que sa proposition lui apportait un peu de réconfort. Elle répliqua d'ailleurs avec un certain enthousiasme :

- Oui, vous avez raison ! Vous êtes toujours de bon conseil, Arthur. J'avais d'ailleurs prévu de le faire en arrivant ici. Je dois avouer que je comptais aussi prendre de vos nouvelles de la même façon mais vous m'avez devancé en me retrouvant par vous-même. Je trouvais triste la façon dont nous nous sommes quitté à Graëlon. C'était indigne de la bienveillance que vous aviez manifesté à mon égard.

C'était un aveu. Innocent et sans conséquence certes, mais la jeune-femme se serait senti mal de ne pas l'avoir fait. Mais, soudain, le lapin dans son assiette lui parut plus intéressant que jamais.

[Arthur de Faisanlys]

" Vous ne devez pas vous excuser. J'étais fautif, beaucoup plus que vous. Mais... j'étais à cran, je suppose, après tout ce qu'il s'était produit... Vous vouliez servir votre officier, moi je n'éprouvais... aucune compassion pour lui. Malgré ses pertes..."
Il sentit toute la colère qui l'avait envahi alors affleurer à nouveau à la surface de son être, et en fut momentanément déstabilisé. Il n'aurait jamais imaginé que cette émotion vile existait encore quelque part en lui. Il la réprima, stupéfait, avant de reprendre d'une voix incertaine.
" N'en parlons plus. C'était hier, et hier est révolu. Nous sommes aujourd'hui, et nous avons demain. Je suis heureux de vous avoir retrouvée, moi aussi. Vous êtes... la seule bonne chose qui me soit arrivé ici..."

[Chandara]

La jeune-femme sentit son cœur s'emballer follement tant elle avait espéré entendre de telles propos. Loin de se moquer d'elle, Arthur était la première personne qui semblait la comprendre aussi profondément et sa gentillesse et sa bienveillance étaient sans égal. Elle leva ses yeux vers lui, son regard exprimant sans doute des émotions que sa bouche refusait encore de verbaliser quand elle répondit :

- Oui, vous êtes dans le vrai : aujourd'hui est une belle journée, vous ne trouvez pas ? Demain, je préfère ne pas trop y penser encore : je serai sans doute triste de vous voir retourner chez vous mais cela ne changera rien au fait que vous avez été un des très rares moments de soleil dans ma vie depuis le début de cette guerre.

[Arthur de Faisanlys]

Arthur se sentit rougir, bien évidemment. Cette fille était d'une franchise incroyable et lui-même d'une maladresse sans limites. Mais qu'est-ce qu'elle pouvait bien lui trouver ? Il n'avait même pas d'armure ! Il devait se méprendre.
" Hum. Le soleil, c'est sûr, c'est un peu mon créneau."
Mortifié par son sens déplorable de la répartie, il se réfugia dans son lapin. Elle avait dit "un des" moments de soleil. Il y en avait eu d'autres. Il se faisait des idées. Il fallait qu'il reste calme. Se souvenir de Soupir. Il connaissait les femmes, il avait appris. Etre Lathandrite ne signifie pas avoir une tête de linotte.
" C'est une spécialité du coin, le lapin aux carottes ? J'imaginais davantage de poisson, dans la cuisine manostienne."

[Chandara]

Chandara savait reconnaître un brusque changement de sujet quand on lui en mettait un sous le nez et elle se sentit soudain parfaitement stupide : il était évident que sa franchise et surtout son audace avait mis mal à l'aise le jeune homme et elle espérait pouvoir encore rattraper la situation avant qu'il ne la fuie comme la peste :

- Oh, vous devez préférer le poisson, j'imagine... Non, ce n'est pas vraiment une spécialité mais je crains que Titœil n'ait été contraint à réduire sa carte. J'espère vraiment que son auberge retrouvera toute sa splendeur d'antan dans les semaines à venir. En venant manger ici, j'ai un peu l'impression d'y participer même si ça ne change sans doute pas grand chose.

[Arthur de Faisanlys]

" Oh si, je suis sûr que c'est utile. Et puis ça n'est pas mauvais du tout, non... au contraire. Ça me change de la tambouille qu'on sert en campagne, je dois dire, même si le lapin... Ah... Nous en avons mangé, des lapins. Mais aucun accommodé de la sorte, non."
Il sourit, essayant de retrouver un semblant de naturel.
" C'est vrai que j'aime le poisson, cependant, et la mer n'a pas dû souffrir de la guerre, elle, bien au contraire. Les poissons se fichent des tracas des hommes."
Il jeta un oeil autour de lui.
" Vous êtes une habituée de cette auberge ? Elle est célèbre jusqu'à Luménis, je dois dire... Je pensais y trouver davantage de... paladins. Enfin... J'en ai trouvé une, déjà, ce n'est pas si mal."
Il lui sourit timidement.

[Chandara]

- Et avec vous cela fait deux : ce n'est pas si mal, répondit la jeune-femme sans hésiter avant d'ajouter d'un ton un peu plus serein :
- En fait, les autres paladins la fréquentent aussi régulièrement mais ils doivent être tous au Coeur Radieux ou dans leurs temples respectifs à l'heure actuelle. Et pour répondre à votre question, c'est le premier endroit que j'ai visité quand je suis arrivée en ville il y a quelques années et j'y retourne depuis aussi souvent que possible. Titœil m'a toujours accueilli avec bienveillance comme si je faisais partie de sa famille. Et seule comme j'étais alors, je crois que c'était ce dont j'avais le plus besoin. Le Loyal Paladin est un peu comme un second chez moi en quelque sorte.