[Lieu] La ferme Desmoulins

[Taliesin]

Évidemment, il était hors de question de le laisser y retourner : Taliesin craignait déjà ce qu'il retrouverait à l'étage, vu le temps qu'avait duré son absence...
-Je t'aiderai à la retrouver demain, lui promit-il. Mais là, il faut vraiment que nous rejoignons les autres. Avant de rentrer à l'intérieur, ramène donc ta flotte au port, et déshabille-toi : sinon, tu va mettre de la boue de partout.
Pour celui-là, c'est un bain qu'il faudrait...

[Galathée]

Mais Mathieu secoua la tête et ses yeux se gonflèrent de larmes.
" Je dois d'abord retrouver ma frégate. Sinon, elle va faire naufrage."
Il fit volte-face et retourna dans la mare, manifestement bien décidé à récupérer ce morceau de bois disparu, quoi que puisse en penser le barde.

[Taliesin]

En d'autres circonstances, il l'aurait laissé faire. Mais voilà : il y en avait quatre autres à surveiller et il ne pouvait les laisser seuls plus longtemps, sans quoi la catastrophe redoutée risquait fort de se produire.
-Mathieu, reviens ici, maintenant, lança-t-il avec fermeté, avant d'ajouter, un rien plus doux : Ta frégate ne fera pas naufrage, capitaine et son équipage sont expérimentés. Tu peux donc revenir l'esprit tranquille.

[Galathée]

" Non, dit le petit garçon, je veux ma frégate."
Bien qu'il ait de la vase jusqu'aux genoux, il tapa du pied, soulevant des éclaboussures d'eau sale, et croisa les bras, le teint cramoisi.
" Toi tu les connais pas, tu sais pas ce qui peut arriver."
Si Taliesin voulait le faire sortir, il allait falloir qu'il aille le chercher lui-même, et cela ne se ferait sans doute pas sans mal.

[Taliesin]

Et bien, quel fichu caractère... Bien sûr, céder était hors de question, sous peine de perdre définitivement toute autorité sur celui-là. Mais comme barboter dans le boue ne le tentait guère, il préféra tester une autre solution.
-Oh si, je le sais, lâcha-t-il, croisant les bras et adoptant une expression et un ton sévères. Victor ne t'a-t-il pas dit que j'avais été, un temps, le second du terrible capitaine Squale ? Alors je sais ce que vaut un équipage, comme je sais que la discipline est indispensable à son bon fonctionnement. Or, il s'avère que ce soir, c'est moi le capitaine, et que tu fais partie de mon équipage.
Il le regarda bien en face.
-Je te considère comme un bon élément. Alors ne me déçois pas et reviens ici.

[Galathée]

Mathieu prit une profonde inspiration. Il était rouge comme une tomate.
" JE... VEUX... MA.. FREGATE !"
Puis, sans plus se soucier du barde, il retourna rageusement à la recherche du morceau de bois, mettant le cap sur les touffes de roseaux et de joncs qui bordaient la mare.

[Taliesin]

Cette fois, il sentit la moutarde lui monter au nez.
Et lui aussi prit une profonde inspiration, tout en préparant déjà sa tirade.
-MATHIEU, TU REVIENS ICI TOUT DE SUITE OU TU SERAS PUNI, tonna-t-il.
Il ne cria pas, non. Il haussa simplement le ton, en y mettant toute la sévérité et tout le caractère impérieux que l'on pouvait imaginer sortir de la bouche d'un capitaine furieux.
S, tout barde qu'il soit, sa semonce échouait, s'il n'était pas capable de faire obéir le plus petit de la bande, il était très, très mal parti.

[Galathée]

Sans doute cela tenait-il à une version dévoyée de son charisme, mais le gosse stoppa net sa crise et le dévisagea avec hargne, ainsi qu'une pointe de frayeur. Pestant à mi-voix, l'expression débordant de fureur, il revint vers la berge, dégoulinant, dépassa le barde et retourna vers la ferme, laissant une piste d'eau sale derrière lui. Le risque était à présent qu'il pénètre à l'intérieur tout crotté.

[Taliesin]

Dieux, qu'il détestait avoir à faire ça, qu'il préférait, de loin, de très loin, la négociation...
Mais il savait que cela n'était pas toujours possible, malheureusement, et il avait l'impression d'avoir essayé autant que possible...
Enfin, dans tous les cas, ce n'était pas le moment d'y penser : une catastrophe imminente était à éviter.
Il rattrapa donc Mathieu en quelques enjambées.
-Quitte tes vêtements avant d'entrer, lui dit-il, d'une voix à la fermeté toujours présente mais quelque peu atténuée. Ensuite, nous irons tout droit à la salle d'eau.

[Galathée]

Le petit garçon lui jeta un regard meurtrier mais ne protesta pas. Des larmes coulaient sur ses joues rougies. Ses vêtements imbibés d'eau sale étaient difficiles à retirer et il s'empêtra dans sa chemise, incapable d'en défaire les boutons. Il ne s'en sortit pas davantage avec les bottes. Bref, cela promettait de prendre un certain temps, d'autant que Mathieu n'était pas très persévérant et changeait de vêtements chaque fois qu'il rencontrait un écueil. A l'étage, Taliesin entendit le rire joyeux de Victor, qui s'échappait de la fenêtre de la salle d'eau. Ils n'étaient pas près d'être couchés...

[Taliesin]

Évidemment, il aurait pu le laisser le temps d'aller remettre un peu d'ordre en haut, mais les dégâts devaient être déjà si grands que tarder encore un peu n'y changerait plus rien. Et puis, il n'avait pas le cœur d'abandonner le gosse en pareil état.
-Du calme, Mathieu, dit-il en s'agenouillant près de lui. Je vais t'aider à enlever tout ça.
Et il s'efforça, sans brusquerie, de lui déboutonner sa chemise.

[Galathée]

L'animosité de Mathieu n'en fut pas diminuée, mais il se laissa déshabiller sans opposer de résistance. Une fois dans le plus simple appareil, il attendit, toujours renfrogné, que Taliesin décide de la suite des opérations. Même nu, le gosse était indubitablement sale et visqueux. La vase de la mare s'était infiltrée sous ses vêtements et le maculait de partout. La meilleure solution était sans doute de le nettoyer à même la cour.
" Besoin d'un coup de main ?" demanda alors une voix que Taliesin n'avait pas encore entendue.
C'était le jeune garde et il s'empourpra aussitôt.
" Je veux dire... Tout le monde est occupé et... j'ai pensé... peut-être... mais je vois que vous vous en tirez... C'était juste... pour éventuellement hâter les choses. Si vous voulez. Seulement."

[Taliesin]

En d'autres circonstances, peut-être la rancune aurait-elle pris le dessus, peut-être aurait-il répondu au garde, poliment mais fermement, qu'il n'avait pas besoin de son aide. Mais le désastre était si grand - du moins le pensait-il - qu'il n'éprouva que gratitude à son égard.
-Merci beaucoup, Elliot. En réalité, je ne m'en sors pas du tout.
Il jeta un regard au gamin boueux.
-Si vous vouliez bien vous occuper de celui-là quelques instants... Il est trop sale pour rentrer et je dois aller là-haut pour y remettre un peu d'ordre.

[Galathée]

Le jeune homme sourit, manifestement soulagé de ne pas avoir été rembarré.
" Je vais utiliser l'eau de la citerne. Vous pouvez me jeter une serviette par la fenêtre de la salle d'eau et je vous le monte quand il est propre et sec."
Il tendit la main à Mathieu.
" Allez viens, toi, monsieur le prince des marais.
— Le prince des mers !" rétorqua le gosse, revêche.
Elliot haussa les épaules.
" Tu sais, dans le delta de la Sereine, la mer, les marais, c'est le même endroit."

En haut, Baptiste et Robin n'avaient absolument pas bougé, toujours pris par leur partie (ou la suivante, peut-être). Au moins n'avaient-ils en rien contribué au désordre. Par contre, dans la salle d'eau, Victor et Félix avaient installé deux baquets remplis d'eau le plus loin possible l'un de l'autre et, chacun dans son bain, ils se lançaient des éponges comme d'autres se lancent des boules de neige. Il y avait de l'eau partout, des éponges à droite à gauche, et deux enfants nus et trempés qui, lorsque Taliesin franchit le seuil, le prirent immédiatement comme cible.

[Taliesin]

Et dire qu'il leur avait intimé de ne pas ravager les lieux...
-Bon, ça suffit maintenant, fit-il, sévère, tout en essayant d'éviter les projectiles. Sortes des baquets, séchez-vous et allez mettre vos tuniques de nuit.
Après leur avoir jeté un regard appuyé, pour leur faire sentir que protester ne serait pas une bonne idée, il se mit en quête d'une serviète pour la lancer à Elliot.

[Galathée]

Il en trouva une sans peine et put la lancer en contrebas. Pendant ce temps, Victor et Félix s'étaient extirpés de leurs baquets, non sans s'envoyer quelques éponges supplémentaires. Ils firent cependant les innocents quand Taliesin se retourna vers eux et allèrent chercher leurs serviettes pour se sécher. Ils paraissaient cependant prêts à éclater de rire et le barde devina que s'il détournait la tête, la bataille rangée reprendrait aussitôt.

[Taliesin]

Alors il ne détourna pas la tête et se tint immobile, bras croisés, mine sévère.
-Baptiste, Robin, c'est à votre tour, lança-t-il d'une voix forte. Et dépêchez-vous, s'il vous plait.
Hors de question de perdre davantage de temps, surtout que sitôt la vaisselle terminée, il verrait débarquer Jehan et Benoit. Bref, avant que cela n'advienne, il fallait que l'opération soit terminée pour ces quatre-là.

[Galathée]

Il fallut qu'il appelle quatre fois avant que les deux joueurs de cartes ne l'entendent. Ils apparurent dans l'embrasure de la porte, étonnés, et l'interrogèrent sur la cause de ses cris. Ils parurent alors mortifiés et se glissèrent dans la salle d'eau. Leurs yeux s'écarquillèrent de surprise en découvrant le champ de bataille que les deux autres lascars avaient laissé.
" On peut aller se changer ? demanda Victor. Parce que bon... fait chaud, mais quand même..."

[Taliesin]

Hors de question de laisser ceux-là sans surveillance un seul instant. Hors de question, aussi, de perdre davantage de temps, sous peine de voir les discussions prévues avec Guilhem et les autres repoussées à un autre jour.
-Vous pourrez y aller dès que Baptiste et Robin seront dans leur bain, annonça-t-il. Et je vous accompagnerai : vous avez livré votre dernière bataille de la soirée.
Il se faisait peut-être des idées, mais il craignait que le moindre relâchement de sa vigilance aggrave encore la situation.

[Galathée]

Elliot et Mathieu arrivèrent alors que Baptiste et Robin prenaient place dans leur baquet, la mine un peu interdite. Victor et Félix partirent alors vers les chambres. Ils ne dormaient cependant pas dans la même et se séparèrent sur le palier. Taliesin ne pouvait les suivre tous les deux mais sans doute que séparément, ils étaient moins dangereux. Mathieu s'était glissé à la suite de Félix et Elliot sourit à nouveau, embarrassé, à Taliesin.
" Si je peux faire autre chose..."

[Taliesin]

Au moins l'épisode aurait-il eu l'avantage de commencer à briser la glace entre eux. Plus tôt qu'il ne l'avait imaginé mais... ce n'était pas plus mal.
-C'est très gentil à vous mais je crois que le pire est passé, même s'il ne faut évidemment pas crier victoire trop vite, répondit-il en lui adressant un sourire amical. En tout cas, merci beaucoup de m'avoir proposé votre concours et de vous être occupé de Mathieu : cela m'a bien aidé.
En réalité, cela lui avait sauvé la mise. Mais il n'était pas encore assez à l'aise pour le dire ouvertement.

[Galathée]

" Comme vous voudrez." dit le jeune garde et il ébouriffa les cheveux de Mathieu avant de repartir dans la cage d'escaliers.
Mathieu était en train de revêtir sa tunique de nuit, dans un coin de la chambre qu'occupait Félix et où Robin et Baptiste avaient abandonné leur jeu de cartes. Il y avait là deux véritables lits et deux matelas posés au sol. Dans la pièce d'en face, Victor s'était changé et était désormais assis en tailleur sur l'un des trois matelas calés les uns contre les autres. Il lisait d'un air concentré. Baptiste émergea peu après de la salle d'eau et gagna la même chambre que Félix. Robin arriva le dernier. Ils se changèrent rapidement, repoussant le jeu de cartes en dehors des lits.

[Taliesin]

L'elfe aurait bien intimé à la bande de se mettre immédiatement au lit, mais il savait que la venue prochaine des deux enfants manquants ne manquerait pas d'apporter de l'animation. Aussi se contenta-t-il d'attendre dans le couloir, bras croisés, prêt à tuer dans l’œuf tout début de chambard.
Il était de mauvaise humeur. Et celle-ci était surtout tournée contre lui-même, pour avoir dû crier sur Mathieu, pour avoir dû recourir à la fermeté, pour ne pas avoir su régler tout cela de manière plus diplomate. Pour avoir dû, aussi, recourir au concours du garde luménien, ne pas être parvenu à s'en tirer seul...
Enfin, il savait déjà quels erreurs il avait commises et ne commettrait plus.

[Galathée]

Benoît et Jehan arrivèrent peu après, ignorant ce qui s'était produit.
" Quoi ? On doit prendre un bain ? s'exclama le premier.
— Pourquoi on doit prendre un bain ? On a passé la journée à la rivière ! L'eau vient du même endroit ! C'est quoi cette idée bizarre..."
Benoît passa la tête dans la chambre de Victor.
" T'as pris un bain, toi ?
— Ouaip.
— C'est parce que tu es un elfe, que tu veux qu'on se lave autant ?"

[Taliesin]

Surtout, rester calme. Ces deux-là n'étaient en rien responsable des débordements précédents, ils n'avaient donc pas à en faire les frais.
-C'est juste le programme qu'on m'a demandé de respecter : ablutions, mise en tunique de nuit puis mise au lit, répondit-il, tranquille. Et puis, par ces chaleurs, on dort mieux si on s'est d'abord rafraichi... Alors soyez gentils et allez vite vous laver. On ne va pas tarder à m'attendre, en bas...
Sauf si on l'attendait déjà, ce qui était fort probable.

[Galathée]

" Mais des ablutions, ça veut juste dire se débarbouiller la tête et les mains, quoi, ce qu'on a utilisé à table !
— Oui, c'est bien suffisant."
Ils se rendirent dans la salle d'eau, bien décidés à s'en tenir à leur programme. Dans la chambre occupée par Robin, Félix, Baptiste et Mathieu, les enfants s'étaient déjà couchés. Robin et Baptiste lisaient, tandis que Félix lorgnait le plafond, l'air absent. Mathieu s'était roulé en boule et paraissait déjà endormi. Les volets étaient grands ouverts, par contre, et personne ne semblait songer à les fermer.

[Taliesin]

Il n'alla pas les clore, ne demanda à personne de s'en charger : ainsi la fraicheur rentrerait-elle plus facilement et, de toute façon, ils seraient réveillés avant que les rayons du soleil ne les arrache au sommeil.
Quant à la conduite à tenir envers Jehan et Benoit, il resta quelques secondes à hésiter. Mais il finit par leur emboîter le pas : Victor et Félix avaient d'emblée opté pour un bain, sans qu'il ait rien à leur dire, cela signifiait donc que c'était ce qu'ils prenaient d'ordinaire, journée à la rivière ou pas. D'autre part, s'il en laissait deux n'en faire qu'à leur tête, il n'était pas sorti de l'auberge...
-Désolé, les gars, mais tous les autres s'étant entièrement lavés, vous ferez de même, leur dit-il.[color=#FFF66] Allez, si vous ne trainez pas, c'en sera vite fini.[/color]

[Galathée]

Les deux petits garçons le regardèrent comme s'il venait d'un autre plan puis soupirèrent et s'exécutèrent, mais il était clair qu'ils n'en pensaient pas moins. Plus d'une fois, l'un ou l'autre parut sur le point de se fendre d'une remarque, mais ils s'en gardèrent et, après s'être lavés, ils se changèrent et gagnèrent leur lit.
" C'est un maniaque de la propreté, dis-moi, ton père." remarqua Benoît à voix basse.
Victor haussa les épaules en refermant son livre. Au dehors, le ciel était encore clair.
" Je me souvenais pas qu'il était à cheval là-dessus.
— Ça doit être un contrecoup de Mélandis.
— Ça doit être ça, oui."
Ils se pelotonnèrent dans leurs lits respectifs et attendirent que l'elfe aille tirer les rideaux.

[Taliesin]

Ce qu'il fit, tout en songeant à la chute abyssale de sa cote de popularité parmi la jeune génération. tout en notant, aussi, que Benoit l'avait présenté comme le père de Victor. Cela l'étonna et le toucha, aussi, lui qui, par peur de commettre une bourde, de s'approprier une place qu'on ne lui avait pas encore donnée, avait toujours hésité à présenter le garçon comme son fils.
-Bonne nuit, dit-il sans hausser le ton, une fois de retour dans le couloir. Dormez bien.
Il irait récupérer sa pipe et sa tabatière dans sa chambre, s'assurerait que celles occupées par la marmaille demeuraient relativement silencieuses puis irait fumer dans le jardin. il en avait grand besoin.

[Galathée]

Les enfants reprirent ses souhaits de bonne nuit en écho et il put se mettre en quête de son tabac. Quand il repassa devant les chambres, il constata que ça bavardait de part et d'autre, à mi-voix. Difficile de savoir si cela s'arrêterait là, ou s'il y aurait chambard dans dix minutes. Mais les enfants s'étaient sans doute déjà bien dépensés et les risques étaient peut-être limités... d'autant qu'ils s'étaient déjà vus toute la journée.