[Bâtiment] Le Nouveau théâtre de la Harpe

[Chandara]

Arrivée dans l'escalier permettant de regagner la sortie, la jeune femme marqua une nouvelle pause pour répondre d'un ton contrit :

- Je suis vraiment désolée, Arthur ! Si j'avais su que ce serait aussi mauvais, je ne vous aurais pas infligé une telle torture ! Et maintenant, le moins que je puisse faire est de réparer les dégâts... Mais commençons par sortir prendre l'air et ce sera alors à vous de décider de la suite du programme !

Son propre choix avait été désastreux et elle en était mortifiée. A tel point qu'elle hésitait à prendre d'autres initiatives quitte à commettre de nouveaux impairs.

[Althéa]

"Pardonnez-moi de vous interrompre, beau monsieur et belle dame mais mon intervention est d'importance."

Arthur reconnut le même accent que tout à l'heure, celui de Luménis quelque peu métissé d'accent du cru. L'homme qui parlait ainsi avait une trentaine d'année. Yeux clairs, cheveux bruns, le teint clair, de haute taille. Sa tenue était un mélange savamment orchestré de gris et de couleurs vives. Il était flanquée par une femme dont seul le regard était visible. Le reste était dissimulé par un voile opaque. L'homme eut un petit sourire puis salua bien bas, fit mine de baiser la main de Chandara, se ravisa et demanda au jeune paladin.

"Pardonnez-moi encore. Mais si mes oreilles ne me font pas défaut, vous êtes luménien."

[Arthur de Faisanlys]

Arthur ne put s'empêcher de ressentir une petite pointe d'anxiété. En quoi sa nationalité regardait-elle cet étranger ?
" En effet." dit-il poliment.
Ce n'était pas interdit, jusqu'à nouvel ordre. La femme intégralement voilée le mettait également un peu mal à l'aise. Quelle raison pouvait-on avoir de se dissimuler de la sorte ?

[Chandara]

Chandara avait retiré sa main quand l'inconnu les avait abordés. La jeune femme était loin d'être ravie qu'ils soient ainsi abordés d'autant que leur interlocuteur n'avait pas pris la peine de se présenter. Et pire, qu'il semblait s'intéresser d'un peu trop près à Arthur. Sans compter cette femme qui - quelles que soient ses raisons - la mettait mal à l'aise en ne montrant pas son visage. L'ancienne paladine s'avança d'un pas comme pour se positionner entre les deux hommes et répliqua de manière un peu moins conciliante que le luménien :

- Et il est mon invité ! Mais, permettez-moi de le remarquer : votre nom m'a échappé.

Son regard soudain sévère était un premier signe que cette remarque appelait une réponse.

[Althéa]

L'homme recula de plusieurs pas les mains levées pour montrer qu'il n'était pas armé. Il répondit avec un petit sourire.

"C'est que je suis moi-même luménien de souche, manostien d'adoption. C'est juste que j'avais reconnu votre accent. Ce n'est pas tous les jours que l'on croise un de ses compatriotes, surtout à Manost. Je suis désolé de vous aborder de la sorte et sans me présenter."

Il eut un petit air entendu du coté de Chandara pour lui donner raison.

"Mon nom est Yvain Chancelin et voici Nina, ma compagne. Nous tenons la petite taverne qui flanque le théâtre."

A l'évocation du mot "théâtre", son visage s'éclaira.

"D'ailleurs, j'espère que vous avez apprécié la pièce."

[Arthur de Faisanlys]

N'avait-il pas entendu ces deux-là critiquer la pièce dans la file d'attente ? Le jeune homme ne s'était-il pas endormi ? Arthur demeura sur ses gardes. Il y avait quelque chose d'étrange dans la manière dont ils se faisaient aborder par ces inconnus. Il devait y avoir des dizaines de Luméniens en ville. Pas de quoi s'esbaudir.
Il était paladin, il ne pouvait pas mentir.
" Je dois dire que ce n'était pas mon genre, malheureusement. Je ne suis pas expert en la matière mais... J'ai trouvé ça relativement... long."
C'était un euphémisme.

[Chandara]

Chandara - et Arthur l'avait certainement bien compris désormais - n'était pas dénué de sens de la diplomatie, bien au contraire, mais elle était malgré tout moins adepte de circonvolutions, litotes ou euphémismes... Et elle se méfiait elle aussi de la façon dont le couple venait de les aborder, l'air de rien. Le fait qu'ils tiennent une taverne près du théâtre ne donnait pas vraiment de raison à leur démarche, ni même qu'Arthur puisse être luménien. Et voilà que cet Yvain s'affairait à brouiller encore plus les pistes en leur parlant de la pièce à laquelle ils venaient d'assister... Mais il n'y avait pas de mal à répondre à cette question à son tour.

- Et moi, je suis désolé de vous décevoir mais je ne m'attendais pas à ça d'une pièce qui est censée avoir lieu depuis si longtemps. Je pensais que ce serait plus dynamique, plus rythmé, plus passionnant... J'ai été très déçue, je dois bien l'avouer.

Elle hésita, soudain consciente qu'elle avait livré son opinion abruptement sans se soucier des raisons motivant la question :

- Mais puis-je vous demander à mon tour pourquoi vous avez posé cette question ?

Une tentative un peu tardive et maladroite de réparer les éventuels pots cassés.

[Althéa]

Le dénommé Yvain afficha un air parfaitement sérieux avant de sourire grandement.

"C'est bien ce que je me disais. Cette pièce vous a aussi peu convaincus que nous. Peut-être est-ce le mystère de la culture manostienne. Peut-être n'avons-nous rien compris et cette pièce était un chef d’œuvre. Je ne le crois pas vraiment. Mais je me demandais si vous, qui osez braver les longues représentations théâtrales étiez avides d'un peu de culture et de poésie. C'est que peu de gens à Manost vont encore au théâtre et passent dans ce quartier. Les luméniens comme les autres personnes étrangères à la ville ne savent pas qu'il existe à Manost. Et je me disais que si vous aviez envie de siroter un peu d'hydromel ou d'autres boissons tout en écoutant de la musique ... Notre taverne vous est ouverte."

[Arthur de Faisanlys]

Arthur jeta un coup d'oeil à Chandara et hésita. Il était bien élevé, poli, avait du mal à dire non. Chandara, par contre, était un volcan imprévisible. Il avait peur, il s'en rendait compte, de la manière dont elle pourrait répondre au jeune étranger. Le Luménien était bien trop réservé pour supporter un esclandre ou une interaction difficile de plus. Ou que Chandara se dresse à nouveau entre lui et le dénommé Yvain comme s'il était incapable de se défendre lui-même. Aussi se lança-t-il, espérant la prendre de vitesse.
" Je dois dire, sans vouloir vous vexer, que j'ai surtout envie d'air frais. Il est un peu tôt pour aller boire de l'alcool, même fin, dans une taverne. Il y a une promenade près des quais, non ?"
Il croisa les doigts pour que la paladine le soutienne.

[Chandara]

Ses inquiétudes - pour cette fois en tous cas - n'étaient pas fondées. L'ancienne paladine n'avait été qu'à demi surprise par la proposition du tenancier : cela expliquait au moins pourquoi il les avait ainsi abordé en pleine rue. Et même si Yvain y avait mis les formes, cette forme de contrainte qui s'imposait à eux ne lui plaisait qu'à moitié. La réponse d'Arthur acheva de le convaincre, d'autant qu'elle s'en était remise à lui pour décider de la suite du programme. Alors, soucieuse de ne pas vexer ces inconnus mais aussi de marquer clairement sa position, elle répondit après avoir adressé un sourire à son compagnon :

- C'est une offre alléchante et c'est gentil à vous de nous l'avoir proposée mais nous préférons aller nous balader un peu pour le moment. Peut-être passerons-nous plus tard si le temps se gâte...

Elle inclina légèrement la tête en guise de salut destiné aux tenanciers et, à moins qu'ils n'aient d'autres arguments à faire valoir, elle entraînerait Arthur vers la balade des quais. Une activité agréable et sans risques, hormis si le mauvais temps se mettait de la partie...

[Althéa]

Si Yvain fut déçu, il ne le montra pas. Il haussa simplement les épaules sans se départir de son sourire.

"Tant pis. Au moins j'aurais essayé. Il ne me reste plus qu'à vous souhaiter une bonne promenade. Celle des quais est effectivement la plus agréable. Si toutefois le temps venait à se gâter, sâchez que vous serez les bienvenus."

Il eut un salut théâtral avant d'entrainer son énigmatique compagne en direction de la taverne.

[Arthur de Faisanlys]

Arthur ne put s'empêcher de frissonner. Son mal de tête, plus cette intervention un peu crispée... Il avait vraiment besoin d'air frais. Il lança donc un sourire brave à Chandara puis l'entraîna vers la sortie, prenant — cette fois — la tête. Il savait qu'elle ne pensait pas à mal en s'interposant quand il était en difficulté, qu'elle était comme ça, entière, spontanée, impulsive, incapable de tolérer l'injustice... mais ça avait un petit côté humiliant. Il était capable de se défendre tout seul — au moins d'un importun — mais ils étaient différents et elle n'était pas du genre à battre en retraite, c'était plus que certain.
L'extérieur, à présent, il voulait juste voir le ciel. Même un peu de pluie ne serait pas désagréable.

[Chandara]

Chandara avait confirmé d'un hochement de tête qu'elle avait entendu l'offre d'Yvain et compris que sa proposition était toujours ouverte si Arthur et elle changeaient d'avis. Il n'empêche qu'elle fut soulagée quand le tenancier et sa mystérieuse et muette compagne avaient fini par s'éloigner. Mieux encore, Arthur semblait suffisamment en confiance pour prendre les devants. Elle était donc ravie de se laisser porter par les événements et d'abandonner la pression inhérente à ses choix et ses décisions. Ce cheminement de pensée et cette impulsion se traduisit par un sourire adressé au paladin avant qu'elle ne lui emboîte le pas, calant son rythme sur le sien. Elle espérait qu'il ne pleuvrait pas trop car le luménien semblait tenir à cette promenade et elle aussi par conséquent.

[Althéa]

Chandara et Arthur avaient de la chance : il ne pleuvait pas encore. Le soleil jouait avec les nuages, projetant des ombres fantasmagoriques sur la mer et la ville. Au loin, on entendait le grondement rythmé de l'orage qui préparait ses troupes. Rien d'autre. Les deux jeunes gens avaient donc le temps de se promener où ils le désiraient.

Etait-ce la compagnie de Chandara ou l'effet bénéfique de l'air frais mais Arthur eut l'impression que son mal de tête l'abandonnait un peu.

hrp : je vous laisse poster à la promenade des docks

[Althéa]

Il n'y avait plus d'attroupement devant le théâtre et les lourdes portes qui en délimitaient l'entrée avaient l'air fermées. Pourtant, on distinguait de la lumière à travers un vitrail dépoli. Peut-être y avait-il un gardien. L'ilmate gratta le chaume de son menton, un tantinet nerveux.

"N'allez pas me dire que les comédies vous mettent mal à l'aise.", se moqua Yvain.

Il le gratifia d'un regard noir avant de demander.

"Comment procédons-nous ? Avez-vous une idée de ce que nous devons chercher ?"

[Arthur de Faisanlys]

Arthur soupira et porta une main à son front, le trouvant moite malgré la pluie.
" C'est quand même bizarre que je me sens mal chaque fois que j'approche de cet endroit... C'est sans doute psychologique..."
De toute façon, ce n'était pas ainsi que fonctionnaient les poisons, et les Ilmates paraissaient certains de leur coup.
" On pourrait retourner à l'endroit où on était assis, je suppose. Mais nous partons du principe que j'ai été empoisonné... Or vous n'avez rien. Je dois dire que je ne me l'explique pas. Je pensais que les poisons fonctionnaient de manière plus radicale. Même si je n'y connais rien." dit-il, en jetant un oeil à Chandara.

[Chandara]

Chandara lui retourna une moue expressive mais son haussement d'épaule lui apprit qu'elle n'en savait pas davantage sur les poisons, leurs effets ou la manière d'en remonter la piste. Elle interrogea tout de même le clerc, soucieuse de participer, même modestement :

- Avez-vous une petite idée du temps d'incubation de ce poison ? Pensez-vous que des taloniens pourraient être impliqués ?

[Althéa]

L'ilmate jeta un regard en coin à Yvain avant de répondre.

"La durée d'incubation du poison est variable. J'ai l'impression qu'elle change en fonction de la constitution. Pour les organismes les plus fragiles elle est très faible et les symptômes ensuite s'enchaînent rapidement. Pour les personnes plus résistantes elle peut prendre plusieurs heures je pense. En général, les patients ne viennent nous voir que lorsqu'ils ont conscience qu'ils n'ont pas attrapé qu'un simple coup de froid."

Yvain rentra les épaules avant de se diriger vers les portes.

"Alors, ne tardons pas."

[Arthur de Faisanlys]

Arthur emboîta le pas du jeune homme. Il trouvait sa fébrilité un peu étrange : il était passé de très affable à très nerveux. Peut-être était-ce dû à son attachement à sa serveuse, cependant. Ou alors craignait-il que le théâtre, et par là son commerce, ne souffrent d'une association aussi sinistre. Décochant un sourire brave à l'ancienne paladine, il s'engagea à nouveau dans la salle, un endroit qu'il avait cru — ou espéré, peut-être — ne jamais revoir.

[Chandara]

Chandara, une fois n'étant pas coutume, se tenait un peu en retrait du groupe. Elle avait bien plus l'habitude des situations où la cible était clairement désignée, où le danger qui menaçait était bien plus identifiable. Cette situation de faux semblants et la lâcheté des méthodes employées la rendait nerveuse, en colère et un peu perdue. Et en attendant de savoir se rendre utile, elle se coula dans l'ombre du paladin luménien, guettant inconsciemment l'aggravation de ses symptômes mais se réjouissant en même temps de la force de sa présence et de son aura bénéfique.

[Althéa]

Yvain sans plus attendre tambourina contre l'huis. L'ilmate quant à lui suivit avec plus de pondération, s'attardant du coté d'Arthur.

"Puis-je faire quelque chose pour vous aider ? Je pourrais ralentir l'apparition des effets du poison ... Bien sûr, ce n'est qu'une simple supposition mais pour le cas où ..."

Au vu de son ton, il était sincère quoi qu'un peu hésitant sur la conduite à tenir, pris entre l'envie de ne pas indisposer un jeune homme en pleine santé et de ne pas négliger un patient potentiel. La porte du théâtre s'ouvrit sur un homme de haute stature que les deux paladins identifièrent sur l'homme qui avait contrôlé leurs billets juste avant la pièce. En vêtements civils, il avait l'air toutefois moins impressionnant. Mais le regard noir qu'il leur lança ainsi que sa joue droite rasée de frais contrairement à la gauche montra leur apprit qu'ils l'avaient dérangé.

"Oui, c'est pour quoi ? Nous n'avons plus aucune représentation aujourd'hui."

Ses yeux s'attardèrent sur les deux paladins qu'il jugeait sûrement plus dignes de confiance.

[Arthur de Faisanlys]

Arthur était encore en train de réfléchir à la manière de repousser l'offre de l'Ilmate sans le vexer lorsque le propriétaire du théâtre le fusilla du regard. Ils devaient avoir fière allure, trempés devant sa porte. Finalement, l'aube du clerc et la beauté de Chandara étaient leurs meilleures cartes de visite, aussi resta-t-il silencieux, se contentant de sourire, désolé, à l'homme de théâtre. Mentalement, il se répéta dix fois de ne pas critiquer la pièce devant lui. Tant qu'on ne lui posait pas la question, il devrait s'en sortir.

[Chandara]

Un paladin n'était pas censé pouvoir mentir ce qui limitait les possibilités d'approche. Chandara se voyait en effet mal déclarer au guichetier qu'elle soupçonnait que son théâtre soit un lieu où l'on empoisonne les gens. Sans aucune preuve d'ailleurs ni aucune autorité pour enquêter... La jeune-femme se creusa donc les méninges et décida finalement que - ne bénéficiant plus du statut de paladine et que la cause qu'elle défendait était aussi juste que pressante, un petit mensonge et son charme ouvriraient probablement plus facilement les portes de l'établissement qu'une éblouissante vérité :

- Pardonnez-nous mais nous sommes venu un peu plus tôt assister à une représentation et j'ai bien peur d'avoir égaré quelque chose de précieux et auquel je tiens beaucoup dans la salle de spectacle. Pourriez-vous nous autoriser à vérifier : cela ne sera pas long.

Ce n'était même pas tout à fait un mensonge puisque la santé d'Arthur lui était effectivement très précieuse mais la jeune-femme eut tout de même le bon ton de rougir.

[Althéa]

L'ilmate et le barde à coté d'eux s'étaient presque redressés comme au garde à vous. L'homme du théâtre leur accorda à peine un regard, s'attardant de nouveau sur les deux paladins et plus particulièrement sur Chandara qui venait de prendre la parole. Son air revêche s'effaça quelque peu, laissant la place à une expression un rien circonspecte et toute manostienne.

"D'accord. Mais ne tardez pas. Normalement, je n'ai pas le droit de rouvrir le théâtre entre les représentations."

Au bout d'un petit silence, il demanda.

"Au fait, qu'avez-vous pensé de la pièce ?"

[Arthur de Faisanlys]

Arthur fut soufflé d'entendre Chandara mentir, même si c'était pour la bonne cause. Il fut encore plus soufflé lorsque l'homme leur ouvrit la porte. Laisser quatre personnes pénétrer dans son théâtre pour aller récupérer un objet perdu, c'était complètement... bizarre. Mais il se souvint des paroles de ses maîtres à la commanderie : quand l'allure était frappante, le contenu du discours perdait toute importance. Or, de l'allure, Chandara en avait assurément. Lorsqu'elle aurait récupéré son aura paladine et gagné en sagesse, elle ferait sans nul doute un capitaine que des preux suivraient n'importe où : elle en avait la carrure et l'autorité naturelle, Arthur était prêt à parier sur se faire devin, pour l'occasion.
Mais il aurait aussi beaucoup aimé qu'elle continue sur sa lancée, et mente à nouveau à l'homme qui les accompagnait. De son côté, il avait l'intention de faire celui qui n'a pas entendu.

[Chandara]

Chandara était assurément gênée - que sa rouerie leur ait ouvert la porte mais plus encore sur l'impossibilité de dire la vérité, à nouveau. Et ni Yvain ni Arthur ne semblaient vouloir répondre à cette question des plus embarrassantes. Alors, la mort dans l'âme et parce qu'elle était née pour le rôle de porte-parole, elle entreprit de répondre avec la plus grande prudence :

- En fait, je ne vais pas souvent au théâtre mais cette pièce est unique en son genre, à n'en pas douter. Et il fallait l'espérer !

[Althéa]

Les épaules de l'homme semblèrent se redresser insensiblement et l'espace de quelques instants, il sembla oublier qu'on venait de les déranger et qu'il avait seulement une moitié du visage recouverte de barbe.

"Oui, c'est une pièce innovante. C'est moi qui l'ai écrite. Bien sûr, elle a été agréée dès sa sortie."

A coté de Chandara, Yvain regardait fixement ses chaussures, essayant de s'empêcher de rire. L'ilmate se contentait de sourire.

[Arthur de Faisanlys]

Misère, voilà qu'ils étaient tombés sur l'auteur. Arthur croisa les doigts pour que le dramaturge ne pousse pas l'interrogatoire plus loin. Mais après tout, seule Chandara avait mentionné avoir assisté à la représentation, si on réfléchissait bien. Elle avait utilisé un "nous" relativement neutre. Ou majestatif. Quelque chose comme ça. Elle serait donc seule à devoir improviser une critique plausible de l'atrocité à laquelle ils avaient été soumis plus tôt. Et puisqu'elle avait déjà menti, ma foi... Cela ne la changerait pas fort.
Tout en songeant à cela, Arthur réalisa qu'il avait rougi. Mais c'était la chaleur. Ou la fièvre. Peu importait. Il était surpris, cependant, que le demi-barbu n'ait pas reconnu le tenancier de la taverne voisine. Ils ne devaient pas être très sociables, tous les deux.

[Chandara]

Chandara était bien tentée de reprocher - ne serait-ce que par un regard - à ses acolytes de la laisser seule face au peu inspiré auteur mais elle pouvait aussi les comprendre et mieux valait éluder ce sujet au risque de ne pas pouvoir inspecter la salle de spectacle. Elle répondit donc d'un ton tout à fait charmant :

- Je ne voudrais pas faire perdre son temps à un artiste tel que vous alors je crois que nous allons vérifier la salle dès maintenant. Je m'en voudrais de vous empêcher de peaufiner votre prochaine pièce ! Et personne ne voudrait que vous ayez des ennuis à laisser le théâtre ouvert trop longtemps rien que pour nous.

Et pour appuyer son initiative, elle offrit son plus beau sourire au réceptionniste, espérant que cela suffirait à pousser l'homme à accéder à sa requête.

[Althéa]

L'auteur cilla quelque peu en voyant les joues d'Arthur changer de couleur mais se laissa de nouveau charmer par les paroles de Chandara.

"Vous avez raison ... Mais n'hésitez pas à revenir. Je vous montrerai les autres pièces que j'ai écrites et interprétées. Je suis sûr que vous apprécierez."

Yvain toujours penché vers ses chaussures inspira un grand coup. L'homme de théâtre ne le remarqua pas.

"Je vous laisse donc entrer. Venez me voir quand vous aurez terminé pour que je referme la salle. Pour ma part .. J'ai un rasage à terminer."

Il leur offrit un salut théâtral un rien pincé avant de les laisser entrer. La salle de spectacle était plongée dans une pénombre relative : on avait soufflé les bougies du grand lustre et seules quelques lumignons épars éclairaient encore la salle.