[Taverne] L'abri des arts

[Althéa]

On parle peu de cette taverne là et pour cause : peu la connaissent. Elle est située à l'ombre du théâtre de la harpe manostienne, autre bâtiment qui dénote à Manost. Ici se regroupent des bardes de toutes sortes mais aussi ceux qui font le déplacement pour admirer leurs représentations ou même danser si le coeur leur en dit. Le gouvernement manostien ferme les yeux sur leurs activités tant que les artistes ne se produisent pas à l'intérieur de cette cave voûtée reconvertie.

Le plafond bas a l'avantage de conférer une excellente acoustique et les voûtes donnent un certain charme à l'ensemble. Les murs sont ornés de lambris ouvragés. Il fait peut-être un peu sombre mais les nombreuses chandelles donnent au lieu un aspect quelque peu romantique.

[Althéa]

Quand Arthur et Chandara quittèrent la promenade des docks pour rejoindre l'Abri des Arts, le temps s'était mis à l'ouvrage. Une bise furieuse venant de la mer avait apporté d'avantage de nuages et les rues de la ville s'étaient assombries. Autour des deux jeunes gens, on avait couru dépendre le linge et les enfants jouant dans la rue pour profiter du beau temps avaient été sommés de rentrer rapidement à la maison sous peine d'attraper la mort, les vieux qui faisaient prendre l'air à leurs os fourbus remisèrent leurs chaises à l'intérieur avec un soupir et une pensée pour leur arthrite qui reviendrait avec l'humidité.

Puis vinrent les premières goûtes de pluie. D'abord timides en tapinois, elle se déversèrent bientôt en légion et s'abattirent sans scrupule sur les flâneurs qui n'avaient pas eu le temps de s'abriter sous un porche et les trempèrent sans vergogne. Les deux jeunes gens furent assez rapides pour arriver à la taverne sans être trop trempés.

La façade de l'abri était de pierre bleutée pour autant qu'on puisse l'apercevoir sous le rideau de glycine qui la masquait en partie. Le bâtiment quant à lui possédait deux étages à en juger par les fenêtre que l'on apercevait. Chaque ouverture était encadrée de bois foncé, rehaussant la clarté de la pierre.
Un chant limpide s'échappait d'une fenêtre ouverte. Une voix troublante cristalline et puissante à laquelle quelques accords de viole et de flûte répondaient.

Quand Arthur et Chandara poussèrent une lourde porte de bois et de fer ouvragé, il se fit entendre plus fort mais ne cessa pas. Devant eux, un escalier droit conduisait à une sorte de cave. On avait pas lésiné sur les chandelles comme pour indiquer que la descente ne menait pas vers les ténèbres, plutôt vers une douce lumière.

En bas, la taverne avait un aspect douillet. Bois et boiseries claires, nappes blanches délicatement brodées. On avait accroché aux murs une multitude d'instruments de musique. Devant les tables, une estrade avait été dressée. Une femme, vraisemblablement celle qu'ils avaient croisée quelques temps auparavant leur tournait le dos. Perdue dans son chant, elle ne les avait pas entendu venir. En revanche, une adolescente dont les traits encore poupins disparaissaient sous un déluge de boucles blondes courut vers eux, les bras chargés d'un plateau. A part Arthur et Chandara, la taverne semblait vide. La jeune femme les salua avec un grand sourire.

"Que puis-je pour vous ?"

[Arthur de Faisanlys]

Exactement comme Arthur l'avait craint, ce n'était pas du tout l'heure de se trouver dans une taverne. Il aurait aimé disparaître dans le nombre, et voilà qu'ils étaient seuls dans une pièce vide où chantait une étrangère. Mais il était trop tard pour faire volte-face et s'enfuir dans les rues. Ce n'était pas grand chose, sans doute, mais pour lui, ce genre de situations était bien pire qu'une charge au grand galop vers l'ennemi. Pendant un moment, il se revit en selle, parmi les cavaliers légers de la Trouée, et curieusement, cette vision lui donna du courage. Il sourit bravement à la jeune serveuse.
" Est-ce que vous êtes ouverts ?"
Vu le désert ambiant, cela semblait la question obligatoire pour commencer.

[Chandara]

La pluie les avait surpris même si Chandara avait pris l'habitude de ses brusques changements de temps si caractéristiques de Manost. Dès lors, se réfugier dans la taverne avait parue une excellente idée.

Ils avaient donc hâté le pas et, dès qu'ils furent entré dans le bâtiment, la jeune-femme s'était débarrassée de sa cape humide, songeant avec compassion à son compagnon qui n'en avait pas emporté et se trouverait bien démuni si l'averse ne se calmait pas. Cependant, cela n'avait pas l'air de le déranger outre mesure et il avait pris les devants avec assurance, pour sa plus grande joie. Il faut dire que l'endroit intimidait l'ancienne paladine : il était chaleureux et décoré avec goût mais elle s'y sentait aussi étrangère, comme si elle avait pénétré par inadvertance dans un cercle auquel elle n'était pas apparenté. Et cette impression était bien évidemment renforcée par l'absence de clientèle. Il était trop tard pour reculer cependant. A moins que la serveuse ne les invite à faire demi-tour...

[Althéa]

La jeune fille sourit avec bonhomie.

"Oui, nous sommes ouverts et vous êtes nos premiers clients de la journée. Les autres viennent plutôt le soir en général. Nina était justement en train de répéter."

Elle allait ajouter quelque chose quand le dénommé Yvain fit irruption dans la pièce. Visiblement heureux, il lança à la cantonade.

"Ils sont venus, je vous avais dit qu'ils viendraient !"

Puis s'adressant directement à Arthur et Chandara.

"Inutile de vous dire les bienvenus. Avez-vous faim ou soif ou simplement envie de quelques airs de musique et de danser un peu si le cœur vous en dit ? Mais prenez donc la peine de vous asseoir."

Il ajouta d'un air de conspirateur.

"C'est avant tout pour cela que viennent les gens ici. Entendre des chansons qui ne soient ni des prières ni des hymnes ou un éloge de la ville. Certains veulent des chansons, d'autres des histoires ou des musiques sur lesquelles ils dansaient dans leur jeune temps. Ou des jeunes gens voulant danser sur une mélodie entendue en dehors de Manost."

Pendant qu'il parlait, les musiciens se mettaient en place. L'un portant une viole, l'autre un hautbois, un autre une harpe, un autre une vielle à roue. La majorité portait des couleurs vives. Nina se retourna. Arthur et Chandara purent voir qu'elle portait une barbe. Elle les regarda l'air inquiet.

[Chandara]

Chandara adorait écouter de la musique bien entendu mais toute cette situation la mettait soudain extrêmement mal à l'aise. D'une part ils étaient les seuls clients ce qui était déjà intimidant en soi car cela les plaçait au centre de l'attention et d'autre part le dénommé Yvain avait refait son apparition avec son style d'approche toujours aussi direct. Comme au théâtre, la jeune-femme s'en voulait d'avoir attiré Arthur dans une situation aussi embarrassante et elle chercha aussitôt à se faire toute petite, répondant au discours du tenancier d'une petite voix timide :

- Je crois que nous allons simplement nous asseoir et écouter pour le moment. Cela dit, si vous aviez un thé pour nous réchauffer, ce ne serait pas non plus de refus.

Quant à la raison qui avait amené la chanteuse à dissimuler son visage dans la rue, elle ne savait pas exactement quoi en penser. Ce n'était pas vraiment la première femme qui portait une barbe qu'elle rencontrait mais elle attribuait généralement cette caractéristiques aux naines qu'elle avait rencontré ici ou là. Et devant toutes les bizarreries que recelait cette taverne située en plein Manost, ce n'était pas ce détail qui retiendrait vraiment son attention. Elle se contenta donc de sourire avec bienveillance à la dénommée Nina en cherchant déjà un endroit discret où s'installer.

[Arthur de Faisanlys]

Arthur était sans doute encore plus confus que Chandara, mais il était aussi désarçonné par le comportement de la paladine. A quoi s'était-elle attendue ? Il était mal à l'aise mais il n'était pas vraiment surpris. Il fut soulagé qu'elle prenne les devants et chercha une place du regard. Il avait à peine remarqué la barbe de la chanteuse et ne s'en était pas formalisé. Dans un monde où la magie était chose banale et où on croisait des demi-orques dans la rue, ce n'était pas trois poils au menton qui allaient lui paraître surprenants. Les halfelins en avaient bien sur les pieds. Et si cette Nina était tellement incommodée par la chose, il lui suffisait de se raser. C'était contraignant mais on prenait vite l'habitude et le coup de main.

[Althéa]

La jeune serveuse qui n'avait rien remarqué des regards ni du malaise des deux paladins les laissa s'installer à la table qu'ils désiraient.

"Du thé alors, je vais vous chercher tout ça."

Et elle repartit aussi vite qu'elle était venue. Sur la scène, les musiciens attaquèrent une mélodie entraînante et Nina commença à chanter. Il était question de marins arrivant à bon port guidés par une étoile. Elle semblait plus en confiance que l'instant précédent. Yvain expliqua à voix basse.

"Les autorités manostiennes ont préféré qu'elle se voile. Parce qu'une barbe pour une femme, ce n'est pas vraiment ... conventionnel. Nous leur avons expliqué mille fois que Nina est une demi naine mais ils n'ont rien voulu savoir."

Et il les laissa tranquille, allant s'asseoir juste devant la scène. Quelques minutes plus tard, la serveuse revint avec plateau agrémenté d'une bouilloire et de sablés à l'aspect alléchant.

"Les gâteaux sont offerts par la maison.", précisa-t-elle avant de repartir.

Arthur quant à lui recommença à sentir son nez le chatouiller ainsi qu'un très léger mal de tête.

[Arthur de Faisanlys]

Il savait qu'il aurait dû rester dehors. Les espaces confinés, ce n'était décidément pas son truc. Il se massa lentement le front, espérant que cela lui donnait l'air pensif. Si ce mal de tête ne passait pas rapidement, ce serait tant pis pour la pluie : il s'éclipserait un moment pour s'emplir les poumons d'air frais. C'était sûrement tous ces encens et ces parfums qu'affectionnaient les artistes. Ou pire, tout bien réfléchi. Il savait bien que les milieux artistiques usaient souvent de substances illicites pour ouvrir leurs sens et produire de soi-disants merveilles.
Il trouvait aussi fort étrange que le tenancier de l'auberge soit venu les informer des origines de la chanteuse, comme si cela faisait partie du décor. Ils n'avaient rien demandé et s'il avait été à la place de la jeune femme, il aurait trouvé très indiscret qu'on colporte ainsi sa vie privée à des étrangers de passage, même s'ils étaient clients.

[Chandara]

Chandara était embarrassée que les autorités de sa propre ville se montrent aussi sectaires. Quelle image désastreuse cela devait-il renvoyer à Arthur : une ville où la moindre différence était susceptible d'être montrée du doigts et où les femmes n'avaient pas le droits de se vêtir comme elles l'entendaient la gênait au plus haut point. La jeune-femme arbora un air désapprobateur et songeur jusqu'à ce que la jeune serveuse revienne pour leur apporter leur commande. Elle la remercia alors chaleureusement pour le cadeau et sa diligence. Toutefois, elle ne pouvait s'empêcher de se demander quelle était la raison pour laquelle Arthur et elles bénéficiaient d'un tel traitement de faveur. Entre l'épisode où ils avaient été abordés dans la rue et ces gâteaux, il y avait de quoi se poser la question même si elle appréciait le geste.

La jeune femme se tourna vers le paladin pour lui proposer de lui servir du thé et elle remarqua son manège, prenant instantanément une expression soucieuse :

- Votre mal de tête n'est pas passé ? Est-ce que vous voulez un peu de thé, peut-être que ça vous ferait du bien...

[Arthur de Faisanlys]

Arthur était ennuyé que Chandara ait remarqué son malaise. En même temps, rien ne servait de faire semblant.
" Oui. On va voir. Si ça ne passe pas, je retournerai dehors, dit le jeune paladin. Ça doit être l'odeur... Je n'en sais rien. Je suis un homme d'extérieur, voilà tout."
Il n'avait en tout cas pas faim du tout.

[Chandara]

La jeune femme se contenta de hocher la tête puis se mit à lui servir une généreuse tasse de thé sans le jamais le quitter des yeux. Elle était mal à l'aise de ne pouvoir faire plus pour l'aider et se sentait démunie. Elle avait espéré que le jeune-homme passe un excellent moment et ce qu'elle considérait - malgré les circonstances particulières - comme un premier rendez-vous était proche de tourner au fiasco. En grande partie par sa faute, elle en était douloureusement consciente mais le mal dont souffrait Arthur n'arrangeait évidemment rien.

[Althéa]

Peut-être grâce au thé ou simplement à la présence de Chandara, Arthur sentit son mal de tête refluer peu à peu pour devenir supportable. Autour, la musique s'était faite délicate comme pour s'accorder avec le moment du thé. Un deuxième couple de clients fit son entrée quelques minutes plus tard. La serveuse les conduisit à une table à coté de la scène. Quand elle passa près d'eux, les deux paladins l'entendirent éternuer. Ils remarquèrent aussi qu'elle commençait à plisser les yeux, comme pour se protéger de la lumière trop vive. A moins qu'elle ne fut victime d'un mal de tête elle aussi.

Yvain, quant à lui n'avait pas bougé de sa chaise. Ils pouvaient donc être tranquilles.

[Arthur de Faisanlys]

Arthur ne se sentait décidément pas très bien. Le thé n'était pas mauvais, la douleur était devenue acceptable, mais c'était quand même un manque de chance incroyable que d'avoir la migraine en pareille situation...
" Je ne comprends pas... murmura-t-il soudain. Je suis paladin. Je ne peux pas être malade. Je n'ai jamais mal à la tête, en général... Alors là... Je ne sais pas ce qui m'arrive... A mon avis, il doit y avoir quelque chose dans l'air... J'étais déjà incommodé pendant le spectacle... ou alors je suis réfractaire à la musique manostienne."

[Chandara]

La jeune femme esquissa une nouvelle grimace navrée. Et elle l'était sincèrement car, à n'en pas douter, cela gâchait le séjour du luménien encore plus sûrement que ses choix désastreux. Elle commençait également à ressentir un début d'inquiétude même si elle ne savait pas vraiment pour quelle raison exactement. Arthur ne pouvait pas être malade puisque son dieu y veillait mais elle était certaine que cela lui rappelait quelque chose qu'elle avait entendu. Mais pourquoi diable fallait-il qu'elle ait aussi mauvaise mémoire ? Sans doute la présence du jeune homme n'était pas totalement extérieure à sa distraction mais elle s'en voulait tout de même d'autant qu'elle se sentait de plus en plus impuissante à l'aider.

- Est-ce que vous voulez qu'on retourne un peu dehors ? Vous alliez mieux, sur la promenade...

[Arthur de Faisanlys]

" Non, non. Vous vouliez venir ici... Je ne veux pas vous gâcher le récital... Ecoutez... Pourquoi ne restez-vous pas un moment, et moi je vais prendre l'air à l'extérieur ? Juste quelques minutes ? Ensuite, je vous rejoindrai. Je suis certain que ça passera vite. C'est sans doute simplement un effet de la fatigue accumulée... un contrecoup des émotions des dernières veilles..."
Il faisait déjà mine de se lever.

[Chandara]

Chandara ne pouvait qu'être touché par l'attitude prévenante du paladin à son égard et son soucis de ne pas lui gâcher son plaisir mais elle réagit néanmoins avec une grande spontanéité :

- Arthur, je n'accorde pas d'importance à ce récital, pas plus qu'à la pièce de tout à l'heure. Tout ce dont j'ai envie c'est de passer un peu de temps avec vous alors vous ne me gâchez rien du tout !

Elle piqua un fard, comprenant un peu tardivement que ses déclarations dépassaient un peu ce qu'il convenait d'exprimer en pareilles circonstances. Et surtout qu'Arthur recherchait peut-être justement un peu de solitude et qu'elle s'imposait fort peu élégamment à lui. C'est pourquoi elle s'empressa d'ajouter d'un ton penaud :

Enfin, si vous préférez rester quelques minutes seul, je comprends aussi tout à fait ! Je... Je vais rester ici...

[Arthur de Faisanlys]

Décidément, ils étaient mal partis, tous les deux. Il ne comprenait pas pourquoi elle prenait tant à coeur le fait qu'il ait besoin d'un peu d'air. Il voulait juste échapper un moment à l'air confiné de la taverne, et il avait presque l'impression de l'avoir insultée.
" Vous pouvez venir avec moi, si vous voulez. Mais vous n'êtes pas responsable de mon mal de tête."
Est-ce qu'elle pouvait croire une chose pareille ? Ou penser qu'il avait envie de la fuir ? Qu'il en profiterait pour décamper dès qu'elle serait hors de vue ?
" Faites comme vous préférez."

[Chandara]

Mais la jeune-femme ne fit pas de geste pour le suivre et lui adressa un sourire contrit :

- Je vais vous attendre ici : prenez votre temps Arthur. Et si votre mal ne passe pas, nous pourrons aussi rentrer au Clos pour que vous puissiez vous allonger un peu.

Elle ne voulait pas paraître intrusive et c'était le mieux qu'elle pouvait proposer. En tous cas, elle avait tenté de se montrer plus convaincante et décidée cette fois.

[Arthur de Faisanlys]

Arthur la gratifia du sourire le plus apaisant qu'il pouvait conjurer sur son visage, et c'était un sourire sincère, car il espérait réellement qu'il irait rapidement mieux.
" Laissez-moi cinq minutes et je reviens. Profitez de la musique, en attendant. Et laissez-moi du thé."
Il lui fit un clin d'oeil et prit le chemin de la sortie.

[Chandara]

Le sourire tout comme le clin d'œil rassérénèrent Chandara. Quand il se fut éloigné, elle ressentit néanmoins un frisson désagréable, une sensation de manque peut-être. Ou simplement que son aura pure et bienveillante avait brutalement cessé de l'irradier.

Ce n'est que pour cinq minutes, se morigéna-t-elle en silence. Et en l'attendant, elle couvrit la tasse d'Arthur d'une serviette propre afin d'en préserver la chaleur puis elle reporta son attention sur les musiciens et les autres clients fraîchement arrivés.

[Althéa]

Dehors, le jeune paladin trouva sans mal l'abri secourable du porche de la taverne. De gros nuages couraient dans le ciel, dispersant sans vergogne leurs grosses goûtes de pluie. L'air s'était empli d'odeurs de terre humide et de ville transie, un parfum de grisaille manostienne. Il sentit son mal de crâne refluer encore mais quelque chose lui dit que la partie n'était pas gagné et qu'il risquait fort une contre offensive.

A l'intérieur, les deux jeunes gens vêtus de terne dodelinaient de la tête en se tenant la main en véritables amateurs de musique. La serveuse s'attarda quelques secondes auprès d'eux avant de repartir. Elle resta quelques minutes dans ce qui devait être la cuisine avant de revenir. Quand elle revint, Chandara se rendit compte que sa démarche était quelque peu incertaine mais il était peu probable qu'elle soit saoule. En passant à coté de la paladine, elle vacilla d'un coup envoyant valser son plateau au sol.

[Chandara]

Chandara avait bondi sur ses pieds d'instinct et se retrouvait aux côtés de la serveuse avant même de s'en rendre compte. Elle la soutint d'une main ferme pour l'empêcher de s'effondrer avant de demander d'un ton plein de compassion :

- Est-ce que vous allez bien ? Puis-je vous aider ?

Si la serveuse y consentait, elle l'aiderait à s'asseoir sur la chaise la plus proche. Les dégâts occasionnés par la chute du plateau pouvaient bien attendre qu'elle ait repris ses esprits.

[Arthur de Faisanlys]

HRP : au cas où on m'attendrait...

A l'extérieur, Arthur n'avait absolument rien entendu de tout cela et il profitait de l'air et du spectacle qu'offrait le ciel orageux. A tout prendre, il aimait autant que cela tonne quand il était encore sur la terre ferme. Il n'avait pas le mal de mer mais essuyer une tempête dès leur départ n'aurait sûrement pas manqué de démoraliser les troupes déjà bien éprouvées. Il ne put s'empêcher de s'interroger sur ceux et celles qu'il retrouverait à bord des navires luméniens. Le joyeux Zaiu avait-il survécu ? Et qu'en était-il du vampire forgeron qui le mettait immanquablement mal à l'aise ? Il n'avait pas revu Soupir, non plus, depuis leur altercation devant la tente du général. Et dieux, il n'était pas pressé...
Comme son mal de tête était toujours tapi en embuscade, il avait l'intention de prolonger sa sortie aussi longtemps qu'il l'estimerait convenable pour ne pas inquiéter Chandara.

[Althéa]

hrp : non seulement on t'attendait mais en plus, on va te rattraper.

La jeune femme soutenue par Chandara parvint à s'asseoir et répondit, avec une certaine hésitation dans la voix.

"Je ne me sens pas très bien. Peut-être qu'un peu d'air frais me fera du bien. Je ne suis pas sortie depuis ce matin."

Nina et Yvain inquiet vinrent s'enquérir de la santé de leur collègue.

"Qu'est-ce qui se passe, Appoline ?"

[Chandara]

Chandara plissa les yeux d’inquiétude en constatant que le teint de sa patiente était plutôt cireux. Quand Yvain et Nina vinrent aux nouvelles, elle répondit la première, consciente de que la serveuse devait ménager ses efforts :

- Appoline ne se sent pas bien et a failli avoir un malaise. Je vais l’accompagner dehors pendant quelques minutes : un peu d’air frais lui fera du bien. Et peut-être un peu de thé sucré ou de bouillon quand vous irez un peu mieux, qu’en dites-vous ?

Et déjà la jeune femme, prévenante, se relevait pour offrir son épaule à la jeune-fille. Décidément, entre le mal-être d’Arthur et ce malaise, il se tramait quelque chose de sombre ici. Son ancien instinct de paladine le lui faisait sentir.

[Althéa]

La jeune fille gagna la porte, s'appuyant sur l'épaule de la paladine. Chandara se rendit compte qu'elle était faible et fébrile. Toutes les deux, suivies à distance respectueuse par Nina et Yvain retrouvèrent Arthur sous le porche. Appoline tenta tant bien que mal de se redresser mais elle manquait de force. Elle remercia cependant sa sauveuse.

"Je ne sais vraiment pas ce que j'ai. Peut-être un petit coup de froid. Il n'a pas fait très beau ces derniers jours."

Elle aperçut Arthur à coté d'elle et lui demanda, inquiète.

"Est-ce que tout va bien ?"

La pluie indifférente continuait de tomber.

[Chandara]

Chandara esquissa un sourire désolé au paladin, espérant qu'il ne croie pas qu'elle avait perdu patience et s'était empressée de le retrouver. Cette pensée ne fit cependant que lui traverser l'esprit tant la serveuse qu'elle s'efforçait de soutenir semblait souffrante. Son explication concernant le temps n'était guère convaincante et l'ancienne paladine s'efforça une nouvelle fois de mettre le doigt sur un détail qui lui avait échappé, sur un avertissement et une sensation de malaise entourant sa ville d'adoption. Quel était ce lien qui semblait unir Appoline et Arthur ? Pourquoi le fait qu'ils soient apparemment souffrant en même temps l'interpelait tant ? Arthur aussi avait passé des nuits difficiles et son mal de tête ne semblait rien à voir de comparable avec la fébrilité de la jeune fille. Une fois, n'étant pas coutume, Chandara préféra garder le silence...

[Arthur de Faisanlys]

Arthur était un peu surpris de voir débarquer tout ce beau monde sous le porche, mais il s'efforça de sourire doucement. Il se demandait aussi pourquoi la jeune femme, qui paraissait souffrante, s'inquiétait de lui. Avait-il une mine particulièrement étrange ?
" Petit mal de tête. Rien de grave et l'air frais m'a fait du bien. Mais vous m'avez l'air de quelqu'un qui a besoin d'une pause."

[Althéa]

La jeune femme hocha la tête, incertaine.

"Peut-être ... Mais ça ne me fait pas ça d'habitude."

Sans prévenir, elle s'écarta brutalement du bras protecteur de Chandara pour s'éloigner des deux paladins avant de vomir dans le caniveau quelques pas plus loin. Elle resta quelques instants penchée puis se redressa les jambes flageolantes comme sur le point de tomber.