Ce que Chandara ne veut vraiment pas savoir et ne saura jamais (a)

[Althéa]

Amélie écouta Marvin avec une attention certaine avant d'avouer.

"Je ne connais pas grand chose en formations de paladin. Mais je suis sure qu'elle va réussir."

Elle sourit en s'asseyant de Marvin. C'était un vrai rendez vous, le tout premier de sa vie. Et elle comptait bien profiter de sa première soirée en ville. Elle commanda un peu de vin pour accompagner le repas. Et quand la dame revint de la cuisine avec deux énormes assiettes de délicieux cassoulet, elle sut qu'elle avait choisi le bon endroit.

"Hé bien bon appétit."

[Kasumi]

Le repas était en tous points délicieux comme la conversation de Marvin qui s’enquit des prochains projets de l’apprentie barde. Alors qu’ils finissaient leurs assiettes dans la bonne humeur, le jeune-homme réclama l’attention de la jeune-femme :

- Je voudrais te montrer quelque-chose. Tu te souviens que je t’ai parlé d’une expérience que je devais mener aujourd’hui ? Elle a donné un résultat plutôt inattendu…

[Althéa]

Le repas était délicieux. Et si les papilles d'Amélie s'intéressaient au repas, ses yeux, eux n'avaient pas quitté Marvin. Elle avait eu de la chance que sa timidité l'empêche de la regarder frontalement sinon, il se serait rendu compte de son manège. Elle lui parla de ses projets, des villes dans lesquelles elle envisageait d'aller, des chansons et histoires à inventer, des lettres qu'elle promettait encore de lui écrire. Quand il réclama son attention, elle l'écouta avec intérêt et bienveillance.

"Alors, qu'est-ce que tu as obtenu ? Raconte parce que là, tu en as trop dit ou pas assez."

[Kasumi]

Le sourire ravi de Marvin suffisait à démontrer à quel point il avait espéré qu'Amélie lui pose la question. Et, tout en répondant joyeusement à sa question, il se mit à fouiller dans l'une de ses poches :

- Tu te souviens que l'expérience consistait à faire traverser une pierre à un portail transdimensionnel, n'est-ce pas ? Eh bien, ça n'a pas tout a fait fonctionné mais j'ai découvert une propriété très intéressante aux cristaux de quartz quand on les soumet à un vortex électrique de grande intensité !

La regardant dans les yeux, il déposa sur la table l'objet qu'il tenait dans la main : il s'agissait d'un cristal transparent parfaitement formé qui dégageait une lumière bleutée. En regardant attentivement sous sa surface, on y découvrait un réseau de filaments luminescents animées de pulsations électriques.

- Avoue que tu n'as jamais rien vu de tel !

[Althéa]

Elle n'entendait rien au vortex ni aux portails. Mais elle était assez éveillée pour voir que ce que produisait la pierre sortait de l'ordinaire. Elle la regarda intriguée avant de se tourner vers Marvin totalement admirative.

"C'est magnifique. Et j'imagine que ça n'a pas été très facile à obtenir. C'est une bonne chose pour tes recherches, non ?"

Elle était sincèrement heureuse pour lui, de le voir si fier et de lui parler sans bafouiller ni rougir. Elle nota mentalement que pour leur prochain rendez-vous, s'il y en avait un autre, elle lui ferait parler de tout ce qu'il aimait.

[Kasumi]

Marvin semblait tout à fait ravi de l'intérêt qu'Amélie semblait porter à ses travaux mais était sans doute bien loin de se douter de ce qui traversait l'esprit de la jeune femme.

- Ce n'est pas exactement ce que j'avais en tête mais cela ouvre de nouvelles perspectives de recherche passionnantes ! Et comme je sais maintenant que tu aimes les jeux de lumière sur le verre ou les cristaux, je comptais t'offrir ce petit cadeau. Enfin, si tu en veux bien sûr !

[Althéa]

Amélie eut un bref éclat de rire.

"Tu m'as bien eue."

Elle regarda plus avant Marvin.

"Mais en fait, tu ne plaisantais pas."

Elle se sentit soudain vaguement idiote. Et sans faire attention, tapota affectueusement sur la main qui tenait la pierre. Elle le regarda visiblement émue par le geste.

"C'est vraiment magnifique. Mais tu es sûr qu'elle ne te manquera pas ? Elle me plaît énormément mais je n'aimerais pas t'en priver pour tes recherches."

[Kasumi]

Marvin s'était un peu crispé au contact de la main d'Amélie et ses joues s'étaient quelque peu colorées mais il ne fit aucun mouvement pour la retirer et la jeune femme nota même que son sourire s'était élargi. Il baissa néanmoins les yeux pour lui répondre un peu timidement :

- Oh, ce n'est pas grand chose, vraiment et ça ne me manquera pas, non ! Et puis je suis content de pouvoir te faire plaisir alors... Il faut vraiment que tu le gardes !

[Althéa]

Sans vraiment réfléchir, elle lui planta un baiser sur la joue. La vitesse d'exécution ou plutôt l'émotion du moment fit qu'elle atteignit plus le coin des lèvres que la proximité de l'oreille. Elle regarda le jeune homme totalement confuse. Cette fois, c'était sûr, il allait s'évanouïr ou pire, s'enfuir en courant.

"Je suis vraiment désolée Marvin. Je ne sais vraiment pas ce qui m'a pris."

Pourtant, une part d'elle-même jubilait honteusement.

[Kasumi]

Le jeune homme ne s’était certainement pas attendu à cette réaction. Son air ébahi et ses yeux légèrement écarquillés en témoignaient largement. Sans parler du teint écarlate de ses joues qui le trahissait une fois de plus. Mais plutôt que de s’enfuir à toutes jambes, il tenta de plaisanter, sans doute pour dédramatiser la situation :

- Eh bien, si je m’attendais à ce qu’offrir une jolie pierre provoque cet effet, j’aurais probablement tenté l’expérience bien avant !

[Althéa]

Amélie sourit.

"Alors, tu peux m'offrir des pierres quand tu veux. Par contre, je n'ai pas envie de rendre une bonne amie jalouse."

Parce qu'un garçon que la timidité rendait charmant comme lui en avait bien une, non ? Pour elle, cela devenait tout bêtement logique. L'espace d'un instant, cette idée lui fit mal. Elle sourit cependant.

"Par contre, il commence à se faire tard. Je ne veux pas te monopoliser toute ta soirée. En tout cas, c'est moi qui t'invite."

Et elle se leva pour aller payer.

[Kasumi]

Marvin s’était apprêté à répondre qu’il n’y avait personne à rendre jaloux mais il avait hésité et Amélie avait de toute façon précipitamment changé de sujet. Et sa proposition de payer le jetait à nouveau dans l’embarras sans qu’il sache quoi répondre. Etait-il poli de refuser l’invitation ? Devait-il le faire ? Il se maudit silencieusement de n’avoir aucune expérience de ce genre de rendez-vous.

Et quand Amélie revint vers leur table, il se sentait plus penaud que jamais :

- Est-ce que je peux te raccompagner chez toi ? Comme tu le disais, il est déjà tard…

Bon, étant donné que la nouvelle barde avait passé des mois sur les routes, il était plus que probable qu’elle puisse gérer bien mieux que lui les éventuels ennuis mais ça le rassurait. Et il ne voulait pas que leur rendez-vous prenne fin sur ces incompréhensions dues à sa propre maladresse.

[Althéa]

Amélie hocha la tête avec sourire. L'espace d'un instant, elle avait perçu son malaise qu'elle ne savait pas vraiment à quoi attribuer. Il n'avait pas opposé de dénégation quand elle avait supposé qu'il n'était pas seul. C'était donc qu'il avait quelqu'un et elle ne voulait pas s'immiscer dans sa vie. A part comme une amie. C'est ce qu'elle avait été pendant des années et cela ne changerait pas.

"D'accord, et même avec plaisir."

Elle espéra cependant que son désarroi passager ne serait pas trop visible.

[Kasumi]

Le jeune homme lui avait galamment tenu la porte pour sortir de la taverne mais il était aussi resté silencieux. Sur le chemin, Marvin trouva enfin son courage et osa lui demander d'un ton timide :

- Tu comptes rester un peu en ville cette fois ou tu projettes un nouveau voyage ? Je demande ça parce que cette soirée m'a beaucoup plu... Enfin, j'aimerais bien qu'on remette ça, voilà. Je ne sors pas beaucoup et c'était plaisant de te revoir...

Amélie pouvait constater que la timidité avait repris le dessus et qu'il évitait de la regarder.

[Althéa]

Amélie hocha la tête avec un petit sourire. Même s'il ne le remarquait pas. Elle le sentait gêné, timide. Le temps de la soirée, elle l'avait senti beaucoup plus à l'aise. Avait-elle dit ou fait quelque chose qui n'allait pas. Peut-être le fait qu'il avait une compagne. Mais elle ne lui en voulait pas de ne pas l'avoir attendue.

"Cela m'a fait plaisir de te faire plaisir. Et non, je ne projette pas de repartir pour le moment. Mon père risque d'avoir besoin de moi pour quelques commandes. Après, je ne sais pas du tout. Mais d'ici là, on aura sûrement le temps de dîner de nouveau ensemble."

En amis ... Parce que c'est ce qu'ils étaient. Elle espéra juste qu'il n'ait jamais l'idée de lui présenter sa compagne. Et malgré tous ses efforts, elle resta presque muette durant le trajet jusqu'à chez elle. Elle se détourna quelques secondes, le temps de tourner les clés dans la serrure. Elle parvint tant bien que mal à sourire à Marvin.

"J'ai passé une très agréable soirée dans tous les cas."

[Kasumi]

Marvin lui retourna son sourire même s'il semblait quelque peu gêné et maladroit à nouveau. C'était la première fois qu'il raccompagnait chez elle une belle jeune-femme et le fait que ce soit Amélie ne simplifiait pas les choses. Il avait néanmoins conscience de devoir dire quelque-chose, d'intelligent et intelligible si possible :

- J'ai beaucoup aimé passer un peu de temps avec toi, Amélie. Et je suis content que tu sois de retour en ville. Je suis impatient de remettre ça. Euh...

Puis, pris d'une impulsion aussi subite qu'imprévue, il s'approcha pour déposer un baiser maladroit sur sa joue avant de battre tout aussi vite en retraite.

- Eh bien... Bonne nuit Amélie !

[Althéa]

Amélie et ses pensées en restèrent bouche-bées. Le temps de comprendre ce qu'il venait d'arriver, Marvin avait filé. Ne restait que la douce empreinte du baiser qu'elle avait laissé sur sa joue. Elle s'entendit répondre au vent froid de la nuit car le jeune homme auquel elle destinait ces mots était déjà loin.

"A bientôt Marvin et bonne nuit à toi aussi."

Elle soupira, les yeux levés vers le ciel comme si elle avait voulu faire un vœu. Elle ne connaissait rien des codes et des parades amoureuses. Peut-être Léonard en tant qu'homme pourrait lui apporter des réponses. Encore fallait-il qu'elle le retrouve.

[Kasumi]

*18 mois plus tard*

Marvin était extrêmement nerveux. Bien entendu, c'était loin d'être leur premier rendez-vous mais celui-ci serait spécial. En tous cas, c'est ce qu'espérait le jeune-homme dans les dizaines de scénarios qu'il s'était imaginé depuis quelque temps. Amélie revenait d'une petite tournée dans les villages environnants et il avait décidé que ce serait enfin le bon moment pour aborder la question qui le tourmentait depuis quelques mois maintenant. Plus d'une fois, il avait failli prendre son courage à deux mains, s'était efforcé d'oublier sa jalousie envers Léonard avec qui Amélie passait beaucoup de temps. A chaque fois il avait renoncé, submergé par sa timidité maladive. Mais aujourd'hui il ne reculerait pas : il avait même fait des folies auprès du bijoutier pour offrir un cadeau à la jeune-femme. C'était sans doute prématuré voire inconvenant mais il n'en avait pas démordu. Et maintenant il attendait avec une certaine angoisse sous le chêne, assis en tailleur sur la toile qu'il avait étendue au sol pour leur pique-nique. Amélie avait accepté ce rendez-vous entre amis, comme il y en avait eu tant d'autres au cours des dix huit derniers mois mais il espérait qu'elle accepte aussi de l'accompagner le soir même à la fête des moissons et d'y être sa cavalière.

[Althéa]

Pendant dix-huit mois, elle avait parlé à Léonard. Marvin par ici, Marvin par là. Chaque fois, son ami l'avait écouté patiemment, son habituel petit sourire moqueur aux lèvres. Ce jour-là, avant qu'elle ne parle, il l'avait serrée amicalement dans ses bras avant de la prévenir qu'il n'avait plus envie de l'entendre mais de la voir agir. Comme elle l'avait regardé interloquée, il lui expliqua qu'il en avait assez de la voir s'abîmer dans un rêve qu'elle risquait de ne jamais réaliser si elle n'avouait pas ses sentiments. Quand elle lui dit qu'elle ne ressentait que l'amitié pour Marvin, il éclata de rire. Elle tenta de le chatouiller pour qu'il arrête mais rien n'y fit. "Tu es amoureuse.", lui dit-il sans s'en formaliser plus que cela. Et elle dut bien admettre qu'il disait vrai.

Ce n'était pas vraiment une nouveauté en soi. Mais elle avait cru qu'avec le temps et un mouchoir par dessus, elle aurait bien fini par le dissimuler voire même l'oublier. Mais il était très difficile de se mentir à soi-même. Léonard lui rappela que le soir-même avait lieu la fête des moissons et qu'elle n'avait qu'à proposer à Marvin d'être son cavalier. Et une fois qu'ils danseraient ... Paniquée, elle avait dit à son amie qu'elle n'avait jamais embrassé personne. Il avait répondu que ce n'était pas un problème avec un sourire tranquille. Elle l'avait détrompé. Elle voulait que ce moment là soit parfait. Alors, elle lui avait demandé si elle pouvait s'entraîner.

Il mit plusieurs secondes à comprendre ce qu'elle voulait. Et puis ses yeux s'étaient ouverts en grand et il avait éclaté de rire. Mais son hilarité cessa très vite quand il vit qu'elle ne plaisantait pas. Son premier réflexe avait été de refuser. Il avait alors vu ses grands yeux s'emplir de larmes et ses lèvres trembler. De tout temps, il l'avait très rarement vue pleurer. Elle lui avait dit qu'il était la seule personne de confiance qu'elle connaissait et qui ne se méprendrait pas sur ses intentions. Il avait hoché la tête avec un soupir.

Elle avait fermé les yeux et avait attendu vaguement anxieuse. Alors, il l'avait embrassée sur le bout du nez et lui avait souhaité de recevoir le baiser le plus doux au monde. Avant de lui dire que si elle ne se pressait pas, elle allait être en retard au rendez-vous.

Lorsqu'elle arriva au pied du grand chêne, elle était vaguement essoufflée mais totalement prête à affronter le reste de la journée.

[Kasumi]

Pour s'occuper l'esprit et les mains, Marvin avait étendu les victuailles du pique-nique sur la toile, les disposant et les redisposant sans jamais être tout à fait satisfait de l'effet produit. Il ne parvenait pas à se leurrer lui-même : il faisait cela pour s'empêcher de regarder nerveusement en direction de la ville pour guetter l'arrivée d'Amélie.

Il s'était installé à l'ombre du chêne mais c'était épouvantable ce qu'il avait chaud malgré la légère bise. Peut-être aurait-il du opter pour une tunique d'été plus légère mais il avait tenu à se mettre sur son trente et un. Ridicule ! Ce n'était qu'un pique-nique !

Marvin sursauta et faillit en renverser la moitié des plats et la bouteille de vin : il n'avait pas entendu Amélie approcher et la voilà maintenant toute proche et aussi radieuse qu'à son habitude. Il tenta de trouver une façon originale et accueillante de la saluer mais aucun autre mot qu'Amélie ! ne franchit ses lèvres.

[Althéa]

"Marvin !"

C'est tout ce qu'Amélie avait trouvé à dire. En approchant, elle s'était aperçue qu'il s'était fait beau et qu'elle faisait bien pâle figure dans sa tenue de tous les jours. Et qu'il devait mourir de chaud. Il avait l'air encore plus nerveux que d'habitude. Peut-être que lui parler de la fête des moissons n'était pas une bonne idée après tout. Elle nota qu'il avait emmené une bouteille de vin. Voila qui allait aider à le détendre un peu. Ensuite, elle aviserait.

Elle s'assit calmement en face de lui avec un petit sourire. Fallait-elle qu'elle lui parle de la tenue dans laquelle il avait l'air de cuire ? Oui, c'était peut-être une idée.

"Tu es vraiment très beau habillé comme ça."

Houps, peut-être était-elle allée un peu fort.

[Kasumi]

La chaleur n'était certainement pas la seule raison du teint écarlate que prit la peau du jeune-homme. Il bafouilla et dut consentir un gros effort pour relever les yeux mais il parvint finalement à répondre intelligiblement :

- Oh, tu peux dire que c'était stupide de ma part de mettre ça en journée ! C'est la tenue que j'avais prévue de porter ce soir alors j'aurais certainement du m'abstenir de la mettre pour le pique-nique.

Rasséréné d'avoir recouvré une part de ses capacités mentales et sociales, le jeune-homme tenta de reprendre tout à fait le contrôle de lui-même en tendant un verre à la jeune femme :

- J'espère que tu as faim !

[Althéa]

Amélie sourit amusée avant de s'asseoir en face de lui. Elle accepta le verre de vin qu'il lui tendait.

"Et comment que j'ai faim. Permets moi de me répéter : tu es très beau comme ça. D'ailleurs, cette fête des moissons, j'aimerais bien qu'on y aille tous les deux. Parce que ..."

Elle but deux gorgées de vin pour se donner du courage.

"Parce que je t'aime bien et que cela fait un an et demi que j'essaye de te le dire. Chaque fois, j'hésite parce que j'ai peur que tu aies une compagne ou que je ne t'intéresse pas. Mais là, j'avoue que j'en ai un peu assez. Alors oui, tu as bien entendu : ce soir, j'aimerais bien aller à la fête des moissons avec toi. Et tu as le droit de ne pas être d'accord vu que ma demande n'est pas conventionnelle et que d'habitude, c'est plus aux hommes de demander ça. Mais j'ai peur que timide comme tu es, tu n'oses jamais me le demander."

[Kasumi]

Il sembla tout à coup que le jeune-homme ne s’était pas le moins du monde préparé à ce genre de déclaration. C’est en tous cas de cette façon que l’on pouvait interpréter ce qui suivit les mots d’Amélie. Marvin se figea à l’exception de ses yeux qui s’écarquillèrent puis clignèrent plusieurs fois. La main qui tenait son verre perdit soudain toute sa maîtrise et il renversa une bonne quantité de son contenu sur la nappe. Mais, bien que mortifié de sa maladresse, il n’esquissa aucun geste pour tenter d’éponger la catastrophe. Non, il regardait maintenant fixement la jeune femme assise en face de lui et semblait ne pas croire ce qui venait tout juste de sortir de sa bouche.
Et il avait certainement encore plus de mal à croire ce qui sortit enfin de la sienne :

- Je… Tu… Tu m’aimes bien ?

Dieux que c’était difficile…

- Moi aussi, je t’aime… bien. Amélie. Je voulais t’inviter ce soir. Et je ne savais pas comment m’y prendre. Avec les femmes en général à vrai dire.

Les mots venaient maintenant plus facilement, le débit de sa voix se faisait un tantinet moins hésitant. Et il osa même un trait d’humour, éternel refuge quand il se sentait fortement perturbé :

- Je voulais t’offrir un cadeau aujourd’hui. Pour que tu acceptes de venir avec moi ! C’est un peu ridicule je sais ! Mais comme tu as pris les devants, ce n’est plus nécessaire, pas vrai ?

Et comme pour se démentir, il fouillait dans sa poche à la recherche d’une petite boîte…

[Althéa]

Amélie l'arrêta d'un geste.

"Non, pas la peine. Je ne veux pas de cadeaux. Parce que tu ne te rends pas compte de celui que tu es en train de me faire. Là, j'ai juste besoin de réaliser que tu m'aimes bien aussi. Parce que c'est ça qui est important. Tout à l'heure peut-être mais en attendant ..."

Elle s'approcha de Marvin en prenant tout de même soin de ne pas s'agenouiller sur la tâche de vin. Elle sourit avant de chuchoter.

"Là, c'est peut-être le moment où on peut s'embrasser. En tout cas, moi, j'en ai très envie."

[Kasumi]

Marvin sentit son cœur commencer à battre à tout rompre et ses muscles semblaient s'être liquéfiés alors qu'Amélie s'approchait près de lui. Tout près... Il dut mobiliser toute sa force de volonté pour ne pas s'enfuir au loin comme lui dictait sa timidité exacerbée. Mais il était en même temps fasciné par la scène qui se déroulait sous ses yeux, par ce que la jeune-femme s'apprêtait à faire.

Mais quelque-chose se produisit en lui : il trouva une force cachée, endormie, sentit sa chaleur naître en son sein. Et soudain il sut exactement, instinctivement quoi faire. Il s'approcha d'Amélie, glissa une main derrière son dos puis se pencha lentement vers son visage, savourant cet instant comme il n'en avait jamais savouré d'autre. Son regard s'attarda sur le dessin du nez délicat de la jeune femme, sur le grain délicat de sa peau, sur la courbe de ses lèvres. Elle sentait bon, comme toujours, plus encore que d'habitude. Et soudain leurs lèvres s'effleurèrent avec timidité puis avec un peu plus d'audace. C'était un moment incroyablement doux et fort à la fois. L'apothéose de tant de rêves qui prenaient enfin corps. Amélie venait de lui avouer qu'il lui plaisait, lui qui savait depuis des mois que l'inverse était vrai.

[Althéa]

Amélie non plus n'en menait pas large. Au moment où Marvin avait incliné son visage vers le sien, elle s'était souvenue qu'elle n'avait jamais embrassé personne. Quelques instants, son inexpérience l'emmena au bord de la panique. Elle ferait bien pâle figure si elle ne savait pas embrasser alors qu'elle même l'avait proposé à Marvin. Mais elle sentit la main du jeune homme dans son dos, sa douceur, son hésitation et sa force. Elle se sentit fermer les yeux et sa bouche se poser sur la sienne.

Alors elle comprit pourquoi Léonard n'avait pas voulu qu'elle l'embrasse en premier, même pour s'entraîner. Parce que donner son premier baiser à Marvin était une évidence et qu'importe qu'il fut doux ou malhabile pourvu qu'il fut vrai.

[Kasumi]

Et il fut vrai et entier. Quoique maladroit et un peu hésitant sans doute, la jeune-femme sentit la passion que Marvin mit dans ce geste intime. Leur baiser ne dura probablement que quelques secondes mais le temps semblait s’être figé, faussant les impressions. Et quand Amélie rouvrit enfin les yeux, ce fut pour croiser le regard brillant d’émotion - d’adoration aussi – avec lequel Marvin la contemplait. Il arborait un sourire surpris et il était évident que le jeune-homme n’oserait pas briser le silence le premier. Mais qu’importait, il n’y avait rien de gênant dans ce dernier. L’expression ravie du jeune-homme parlait plus qu’un long discours.

[Althéa]

Amélie avait savouré le moment. Elle non plus n'avait pas spécialement envie de rompre le silence. Pour la première fois depuis une veille catastrophique - durant laquelle sa "vraie" mère était apparue sur le pas de sa porte afin de la rencontrer - elle se sentit bien. Elle sourit au jeune homme et lui demanda avec un petit sourire mutin.

"Maintenant on recommence ?"

[Kasumi]

La façon dont avait Amélie de s’amuser de tout avait le don de dédramatiser la situation ce qui permit au jeune-homme de répliquer à son tour avec une pointe d’humour :

- Rien de ce que j’ai amené à manger ne risque de refroidir alors on aurait vraiment tort de s’en priver !

Et déjà, il s’approchait à nouveau avec davantage d’assurance mais tout autant de douceur. Ce second baiser fut bien plus long et très satisfaisant, la gêne du premier moment d’intimité passée.