[Lieu] Les hauts plateaux

[Kasumi]

Le rôdeur n'y voyait vraiment pas d'objection même s'il était un peu anxieux de savoir pourquoi le chef des miliciens voudrait lui parler. Toujours est-il que consacrer quelques minutes à l'entretien ne les retarderait pas vraiment davantage.

- Avec joie. Est-ce que vous pourrez me mener à lui ?

Il avait fini de déjeuner alors autant s'y mettre de suite d'autant que les préparatifs de départ étaient bien rodés et que Sylvia pourrait s'en charger seule au besoin.

[Voyageuse]

Le fermier sourit.
" Oh, il n'est pas nécessaire que je vous accompagne : vous le trouverez sans peine. Il est de permanence dans la Maison Commune toute la matinée. C'est la grande bâtisse à l'ouest du pré communal, vous passerez de toute façon devant si vous quittez le village par l'ouest. Mais prenez le temps de préparer vos affaires, il n'y a pas urgence...."
Sylvia, qui avait elle aussi fini de déjeuner, se leva.
" Nous irons dès que nous serons prêts. Et nous vous remercions vivement pour votre hospitalité pour cette nuit...
- Avec le temps qu'il faisait, je n'allais tout de même pas laisser un sympathique couple sous la pluie !"

[Kasumi]

Incroyable comme citer le nom du milicien avait changé l'attitude du fermier quand on y pensait a posteriori. Mais les remerciements des rôdeurs furent néanmoins tout à fait sincères et Kasumi comprenait que vivre dans ces régions n'incitaient pas forcément à faire confiance au moindre couple de vagabonds se présentant à la nuit tombée. Non, cette lande abritait bien des gens moins recommandables que les personnes comme Jonas étaient chargé de tenir à l'écart des paisibles paysans.

Après s'être occupé de leurs affaires et chargé les chevaux, le demi-elfe entraîna sa fiancée vers la maison commune pour rencontrer ce dernier et apprendre ce qu'il attendait d'eux.

[Voyageuse]

Le milicien était en train de rédiger un rapport, d'une écriture un peu laborieuse. C'était un homme d'une quarantaine d'année aux yeux sombres et à la peau mate, qui portait le même uniforme beige que la veille. Il leva la tête à leur entrée et sourit.
" Entrez, entrez... Je vois qu'on vous a transmis mon message. Il n'y a rien d'inquiétant, rassurez-vous. C'est plutôt pour... une requête, en fait. Un peu particulière Mais asseyez-vous, je suis à vous dans un instant..."

[Kasumi]

Kasumi échangea un regard intrigué avec sa compagne avant d'obéir en lui présentant une chaise avant de s'asseoir à son tour face au milicien. Que pouvait être cette requête ? Allaient-ils pouvoir s'en charger, eux dont le chemin semblait pourtant tracé pour les prochains jours sinon davantage. Mais cela ne servait à rien de s'interroger avant d'en avoir entendu davantage aussi le demi-elfe réprima sa curiosité le temps que Jonas en finisse de la rédaction de son rapport.

[Voyageuse]

Le dénommé Jonas finit par les fixer d'un air un peu embarrassé.
" Voilà... C'est au sujet du jeune homme que nous cherchions hier, et que nous avons retrouvé, finalement, dans le bosquet que vous nous aviez indiqué. Nous avons dû lui annoncer une nouvelle difficile. La mort de son père. Et... C'est un peu compliqué en réalité. Il se trouve que ce jeune homme, bien qu'allant sur ses dix-sept ans, n'a pas la maturité qu'il devrait avoir. Il souffre d'une sorte de... léger handicap, je dirais. Or, il est l'aîné de sa famille, et il doit impérativement se rendre à Luménis pour les démarches, pour prendre connaissance des dernières volontés que son père a consignées, notamment, et signer quelques papiers officiels. Il n'est pas vraiment d'ici, voyez-vous : la résidence de la famille est au Pont des Trois Sires, une bourgade à deux jours de Luménis. Il a été hébergé ici chez sa grand-mère maternelle, juste le temps où son père était en mission sur Dorrandin, mais il faut qu'il retourne là-bas, désormais. Et je ne crois pas qu'il soit capable de voyager jusque là-bas seul. Or... j'ai constaté que vos pas se dirigeaient vers l'ouest... Je me demandais si vous pourriez garder un œil sur lui durant son voyage. Mais peut-être n'allez-vous pas aussi loin..."

[Kasumi]

Le Pont des trois Sires... Kasumi n'en gardait pas que des bons souvenirs mais ce n'était pas une raison suffisante pour refuser la requête de Jonas. En revanche, cela risquait de les retarder en les détournant de leur route et en ayant en charge l'escorte du garçon. Le demi-elfe consulta Sylvia du regard pour lui demander son avis alors qu'il demandait des précisions au milicien :

- Est-ce qu'il s'agirait d'aller jusqu'à Luménis ou juste au Pont des Trois Sires ? Je dois dire que je n'ai pas gardé de très bons rapports avec l'officier qui dirige leur milice...

[Voyageuse]

" Et bien... C'est un peu comme cela vous arrange. Idéalement, il faut que ce jeune garçon aille jusqu'à Luménis, bien sûr, mais ce n'est pas forcément votre destination, c'est pour cela que je parlais du pont des trois Sires... Mais je ne pensais pas que vous y aviez des... inimitiés, disons. Bref, je me disais juste que si vous pouviez l'accompagner une partie du chemin, jusqu'à des zones plus fréquentées, puis, je ne sais pas, le mettre dans une diligence... mais ce ne serait pas idéal en fait : je crains qu'il ne tombe sur des escrocs qui pourraient abuser de son innocence. Non, décidément, la situation n'est pas simple."
L'homme poussa un soupir.
" Je ne vous ai pas demandé votre destination, d'ailleurs..."

[Kasumi]

Le sujet méritait réflexion en tous cas. Faire un détour par Luménis leur coûterait plusieurs jours de voyage mais ils pourraient aussi se rendre à la Grande Bibliothèque de la capitale pour affiner leur destination et peut-être ainsi récupérer des jours qu'ils auraient perdu en se fiant aux cartes imprécises de Lunaros. Cependant, avant d'accepter, Kasumi voulait en discuter en privé avec Sylvia : la jeune-femme avait autant son mot à dire que lui sur cette décision.

- Sait-il monter à cheval et en avez-vous un à lui confier si c'est le cas ? Notre direction générale nous pousse encore vers le sud-ouest mais nous n'avions pas eu l'intention de pousser jusqu'à Luménis dans un premier temps.

[Voyageuse]

" Il sait monter à cheval, bien sûr !, s'exclama l'homme comme si poser la question était hautement offensant -et peut-être l'était-ce pour un habitant de la Trouée. Sa grand-mère lui en fournira certainement un, elle possède un hara assez réputé. Et ce jeune homme est, en outre, un bon combattant. Croyez-moi, il peut se révéler un compagnon de voyage utile, pourvu qu'on lui dise quoi faire. Ce n'est pas pour rien que la bande à Bruno voulait l'engager. Ce sont des trafiquants de chevaux... enfin, suspectés.
- Ecoute, moi, ça ne me dérange pas, souffla Sylvia. Mais je ne me rends pas compte si ça nous fait perdre vraiment beaucoup de jours de pousser jusqu'à Luménis...
- C'est à moins d'une veille d'ici, avec les montures que vous avez. Mais je vais vous laisser en discuter entre vous, si vous voulez...

[Kasumi]

Le rôdeur avait déjà pris sa décision ou presque puisque cela ne gênait pas Sylvia. Il tenait néanmoins à régler un dernier détail d'importance avant d'accepter la proposition du milicien :

- Si nous devons passer une veille ensemble, j'aimerais le rencontrer avant d'accepter de le mener jusqu'à Luménis. Comment s'appelle-t-il ?

Si le courant passait bien, alors il consentirait à accepter de rendre ce service à ces inconnus.

[Voyageuse]

" Il s'appelle Jeannot. Bon, ne vous fiez pas à son apparence, c'est un jeune gars grand et costaud, mais dans sa tête il est resté enfant. Ecoutez, si vous voulez faire connaissance de manière plus informelle, avant d'accepter, vous le trouverez sans peine..."
Il sortit sur le seuil, et fouilla du regard le vaste pré communal.
" Il est là-bas, fit-il en indiquant un colosse à l'allure effectivement très juvénile, occupé à brosser un cheval. En train de s'occuper des bêtes de sa grand-mère. Il va lui manquer, pour sûr ! Il mettait de la gaieté dans la maison, et puis deux bras costaud c'est bien utile... D'ailleurs, je pense qu'elle serait rassurée de faire votre connaissance, elle aussi... Vous voulez que je vous accompagne là-bas ou vous préférez engager une discussion tout seuls ?"

[Kasumi]

Il répondit sans une hésitation et d'un ton décidé :

- Nous allons lui parler : autant nous jeter à l'eau tout de suite si nous devons passer plusieurs jours ensemble tous les trois !

Il entraîna ensuite sa compagne vers le pré et se dirigea vers le jeune-homme, le laissant s'occuper des chevaux sans l'interrompre jusqu'à ce qu'il les remarque.

- Ce sont de beaux chevaux, dit-il simplement en guise d'introduction.

[Voyageuse]

L'adolescent, un grand gaillard aux épaules larges et aux cheveux blonds, qui faisait au moins une tête de plus que lui, lui retourna un sourire lumineux, un peu enfantin.
" Oui, c'est les plus beaux chevaux du village ! Ils sont à ma grand-mère ! T'as l'air... heu... vous avez l'air de vous y connaître en chevaux, vous. Mais j'vous connais pas, vous êtes qui ? Est-ce que c'est vous les gens qui logiez chez m'sieur Dutronc cette nuit ?"

[Kasumi]

Kasumi lui retourna un sourire tranquille et répondit d'un ton amical :

- Oui, c'est bien nous qui avons été accueilli cette nuit. Je suis Kasumi et ma compagne s'appelle Sylvia.

Il prit le temps de désigner la rôdeuse avant d'ajouter d'un ton calme :

- Jonas nous a dit que tu devais te rendre à Luménis et nous nous y rendons également. Est-ce que cela te dirait de faire la route avec nous ?

[Voyageuse]

L'expression du jeune homme s'altéra.
" Oui, je dois aller à Luménis, c'est vrai. Jonas a dit que... que mon papa il est mort à la guerre. C'était un soldat, vous savez ? Je le voyais pas souvent, il était toujours en mission... Et Jonas il dit que je dois y aller parce que je suis le plus grand de ma famille. Moi je préférerais rester ici, avec grand-mère et les chevaux. Mais je pourrai peut-être revenir après... Je sais pas vraiment pourquoi c'est important que j'y aille. Et puis, j'ai peur de faire la route tout seul. Il pourrait y avoir des loups...
- Jeannot ? interrogea une vois éraillée sur le pas d'une porte.
- Mémé ? Regarde, c'est Kasumi et Sylvia. Elle est belle hein ? Oh, pardon... hum... Ils vont à Luménis aussi...
- Ah, je vois... Entrez donc prendre un thé, proposa l'aïeule.

[Kasumi]

Le demi-elfe adressa un clin d'œil à la rôdeuse comme pour confirmer qu'il en pensait tout autant. Il accepta ensuite l'invitation de l'aïeule avec plaisir en suivant Jonas à l'intérieur puis en tendant sa main en guise de salut.

- Comme Jeannot l'a dit, nous comptons nous rendre à Luménis et Jonas nous a recommandé de venir vous parler.

[Voyageuse]

hrp : il s'appelle Jeannot, pas Jonas, le grand gosse...

La grand-mère les fit asseoir sur des coussins posés autour d'une table basse, et posa une vieille théière sur le poêle à bois qui chauffait l'intérieur de la maison. Le climat, à cette altitude, demeurait frais même en cette saison.
" Je dois dire que je suis soulagée que Tymora vous ai conduits par ici. En temps ordinaire, l'un de mes petits-fils aurait pu accompagner Jeannot, ils habitent à trois maisons d'ici. Mais nous avons été victime d'une petite épidémie et trois d'entre eux sont alités. Le clerc dit qu'ils en ont encore pour près d'une veille à se remettre. Mon fils a besoin de ceux qui restent pour les plantations, puis pour préparer les estives. Il ne peut pas se passer d'eux pendant près d'un mois... Et donc, c'est sûr que si vous allez dans la même direction et que si vous pouvez veiller sur Jeannot, au moins jusqu'au pont des Trois Sires, ou jusqu'à la capitale... Là-bas, il a de la famille qui pourra l'aider pour les démarches."

[Kasumi]

Kasumi venait de déjeuner mais il ne bouda pour autant pas l'offre d'une boisson chaude avant de se mettre en route. C'était aussi le moment d'obtenir davantage de précisions qui seraient certainement utiles pour la suite :

- Cela change à peine nos plans : nous aurions du passer par Luménis tôt ou tard et nous allons de toute façon dans cette direction. Nous aurons simplement besoin de savoir à qui nous adresser une fois au Pont des trois sires et à Luménis.

[Voyageuse]

" Bien sûr, je comprends bien ! Ses grands-parents paternels habitent à l'entrée du pont des Trois Sires, lorsqu'on vient de la Trouée. Il s'agit de la famille Hippolan, tout le monde les connaît.
- Moi je sais où ils habitent, je connais la région, lança Jeannot.
" Oui, c'est vrai. Vous pouvez le laisser là-bas, ils auront sûrement quelqu'un pour l'accompagner à Luménis. Mais si vous voulez vous rendre directement à Luménis, vous pouvez aussi couper plus à l'ouest par le bac, entre le Pont et la Forêt Maudite... C'est guère plus court, mais moins fréquenté. A Luménis, il doit avoir une tante, la soeur de son père. Elle travaille à l'université de la magie, mais elle n'est pas mage, hein ! Elle travaille aux cuisines, je crois. Elle s'appelle Jocelyne, si je me souviens bien. Jocelyne Hippolan."
Saisissant la théière, elle leur versa à chacun -y compris à Jeannot- une grande tasse
" En tout cas, c'est vraiment gentil à vous..."

[Kasumi]

Le rôdeur huma son thé : il ne doutait pas de pouvoir retenir l'essentiel de ces informations et notamment le nom de famille qui leur serait certainement bien utile.

- C'est normal de s'entraider entre personnes de bonne volonté : on nous a logé et nourri à notre arrivée hier soir après tout. Et en plus, cela ne nous coûte vraiment rien de nous rendre à Luménis. Je crois que nous couperons certainement par la campagne d'ailleurs.

[Voyageuse]

" Faites ce qui vous détourne le moins de vos projets ! L'essentiel est que vous le laissiez aux bons soins des membres de sa famille... Jeannot, tu devrais aller préparer ton sac, d'ailleurs. Je peux t'aider si tu veux. Ensuite on te préparera une monture... Merveille, ça te va ?"
Le jeune homme paraissait un peu abasourdi par la rapidité de la décision.
" Mais... Je... On doit partir aujourd'hui ?
- Oui, répondit Sylvia avec douceur. C'était notre projet...
- Mais je... J'ai pas envie d'y aller, moi, dans la grande ville. j'aime pas ça...
- Il le faut, mon grand. Ta présence là-bas est indispensable, en tant qu'héritier.
- Mais tu as encore besoin de moi ici, mémé ! Et la Tébel qui va avoir son poulain ?
- Je m'en sortirai, ne t'en fais pas. Je demanderai aux voisins.
- Ah... Et... Et je reviendrai quand ? Et... Comment ?
- Tu reviendras quand tu voudras, mon chéri, tu es ici chez toi, tu le sais bien ! Et tu auras tout le temps d'organiser le voyage de retour avec ta famille maternelle. Il y a tes deux jeunes frères, là-bas, ils pourront même t'accompagner...
- Ah...."
Le regard du jeune homme, anxieux et un peu perdu, allait de l'un à l'autre.
" Ne t'en fais pas Jeannot, tout ira bien, intervint à nouveau Sylvia.
- Allez, va faire ton sac. Je te rejoins dans vingt minutes pour vérifier que tu n'as rien oublié...
- J'suis pas un gosse tout de même !", ronchonna l'adolescent en s'éloignant d'un pas traînant.

[Kasumi]

L'attachement de Jeannot à sa grand-mère et son lien avec les chevaux dont ils s'occupaient étaient touchants et le rendaient sympathique à Kasumi.

- Nous prendrons bien soin de lui, ne vous en faites pas. Je ne le connais que depuis quelques minutes mais il semble vraiment avoir bon fond. Nous ne le laisserons que lorsque sa famille luménienne aura pris le relais.

[Voyageuse]

" C'est vraiment très gentil à vous, répondit la grand-mère. Que Tymora vous garde sur le trajet... Et que Chauntea bénisse votre couple, également," ajouta-t-elle avec un sourire presque complice en direction de Sylvia.
Attrapant un manteau, elle ajouta.
" C'est toute une aventure, pour lui, de partir ainsi. Lorsqu'il est venu ici l'été dernier, toute la famille l'avait accompagné. Il n'a jamais voyagé seul... ni avec des inconnu. Mais je suis certaine que vous serez de bons compagnons de route pour lui. Je vais aller préparer une monture, quelques provisions, puis voir où il en est de ses préparatifs. Vous pouvez attendre ici au chaud... Ou dehors si vous préférez," ajouta-t-elle en sortant et en se dirigeant vers l'écurie.

[Kasumi]

Kasumi avait lui aussi l’intention d’inspecter une dernière fois l’état de leurs montures avant le départ, un rituel qu’il s’était imposé à chaque matin et à chaque halte. Il choisit donc de retrouver l’aïeule et son petit-fils sur le pré communal.

Il avait souri et remercié la vieille dame pour sa bénédiction avant de passer sortir en passant un bras autour des épaules de Sylvia : ils ne pourraient plus jouir de la même intimité dans les prochains jours mais ils avaient la vie devant eux pour cela…

[Voyageuse]

Leurs montures étaient aussi fraîches et disposes que possible compte tenu de leur âge. Elles avaient été bien nourries, et l'étalon de kasumi paraissait pressé de reprendre la route. La jument, au contraire, aurait bien profité de quelques jours de repos mais on ne lui laissait pas le choix. Elle se mit néanmoins en marche sans rechigner lorsque Sylvia claqua de la langue.
Merveille, la monture du jeune Jeannot, était une toute jeune jument, fougueuse, à la robe noire et à la crinière crème, qui avait l'air en bien meilleure forme que leur propres montures. La grand-mère était en train de la seller lorsqu'ils la rejoignirent.
" J'ai mis quelques provisions dans les fontes, à partager bien sûr... Ça améliorera votre ordinaire : si vous êtes sur les routes depuis quelques jours, vous ne devez plus guère avoir de pain frais par exemple ! J'ai même mis un litre de lait mais il ne se gardera que jusqu'à demain. Et un peu de beurre et du jambon, aussi. Enfin, vous verrez bien à l'usage... Et n'hésitez pas à la charger un peu avec vos affaires si c'est nécessaire : elle portera plus de poids sans souci, contrairement à vos montures..."
Jeannot, quant à lui, arriva sur ses entrefaites avec un sac trop lourd, trop plein, et sa grand-mère rentra aussitôt avec lui pour l'aider à faire le tri du nécessaire et du superflu.
" Je sens que les jours à venir ne vont pas être tristes", fit remarquer Sylvia en secouant la tête, amusée.

[Kasumi]

Kasumi remercia à nouveau la grand-mère pour ces provisions bienvenues avant de reporter son attention sur Sylvia quand elle rentra dans la maison avec Jeannot :

- Oh, je pense que ce sera joyeux oui mais Jeannot aura sans doute moins de mal à s’adapter à notre petite expédition que mon frère aux bois et à la vie sauvage ! On a l’habitude, on va gérer ça ! Et puis, ça nous fera un peu d'entraînement pour plus tard en quelque sorte : quand nos enfants seront devenu adolescents.

Il avait dit ça avec le plus grand naturel comme si cette perspective était désormais toute tracée dans son esprit.

[Voyageuse]

" En matière d'adolescents, j'ai déjà un peu de pratique avec mes jeunes cousins, répliqua Sylvia, amusée. Et ce Jeannot m'a l'air beaucoup plus coopératif, c'est déjà ça !"
L'adolescent revint peu après, avec un sac d'allure beaucoup plus raisonnable. Il regarda les rôdeurs, son cheval, donnant un instant l'impression qu'il allait pleurer. Mais il se contenta de serrer très fort sa grand-mère contre lui et de lui murmurer quelques mots d'adieux à l'oreille, auxquels elle répondit tout aussi bas.
Puis il se dirigea vers Merveille, qui posa doucement sa grosse tête sur son épaule, sensible à son chagrin. A elle aussi, il parla tout bas à l'oreille, et la jument donna l'impression d'écouter et de comprendre. Puis il se mit en selle.
" Bon... et bien... on y va, alors ?"

[Kasumi]

Kasumi était d’autant plus sensible à son chagrin qu’il avait lui-même mesuré récemment toutes les implications d’un déracinement. Il comprenait l’attachement qu’on pouvait avoir à ce genre de petite communauté paisible et l’arrachement que représenter de se lancer dans le vaste monde loin de ses proches et de ses habitudes. Il porta Eclair aux côté de Merveille tandis que Sylvia faisait de même de l’autre côté et il adressa un sourire au jeune-homme avant de demander gentiment :

- Oui, nous pouvons y aller : est-ce que tu as déjà été à Luménis, Jeannot ?

[Voyageuse]

" Oui, j'y ai déjà été..."
Claquant de la langue, il mit sa jument au pas et adressa un signe de la main à sa grand-mère, ému, avant de préciser.
" On y allait presque tous les ans, pour la fête de la Lune. Mon grand-père, le père de mon père, est luménien de naissance, et papa voulait aller se recueillir sur les tombes de sa famille. Mais ça fait trois ou quatre ans qu'on n'y est pas allés : papa acceptait des missions de plus en plus longues et nous laissait avec maman au pont des Trois Sires, et il était souvent absent à cette période. Mais je me souviens de la ville, quand même. Je n'aimais pas trop. Ma mère n'aimait pas non plus, elle nous disait toujours de faire attention aux inconnus, de nous méfier... Moi, je préfère vivre dans la Trouée. Je suis un cavalier, pas un citadin !"