[Lieu] Les hauts plateaux

[Kasumi]

Puisque les mariniers semblaient aptes à s'occuper des autres passagers y compris de leurs montures et que les sangles protégeaient maintenant Sylvia et Jeannot, le rôdeur concentra toute son attention à calmer Bella er Merveille en leur parlant doucement dans la langue de son père, une langue plus proche de la nature que le commun. Pour la première fois depuis longtemps, il regretta un peu qu'Eärundra ne soit pas là : la druidesse aurait efficacement apaisé toutes les montures sans le moindre effort.

[Voyageuse]

Les efforts conjugués des cavaliers de la Trouée et du rôdeur finirent par porter leurs fruits, et les montures se calmèrent peu à peu. Peut-être tout simplement parce que le courant se calmait lui aussi. Sentant l'affolement de sa jument, Jeannot avait fini par oublier sa propre panique pour se consacrer à sa monture, l'apaisant du geste et de la voix, d'une façon incroyablement efficace. L'adolescent avait vraiment un don dans ce domaine.
Sylvia, elle, était toujours verdâtre. Laissant le soin à Kasumi de diriger leurs eux montures, elle fut parmi les premiers à descendre, posant un pied mal assuré sur le quai. Elle dut d'ailleurs se retenir au bras de Kasumi pour ne pas trébucher.
" Promets-moi de ne plus jamais jamais jamais me faire monter sur un bateau !" lança-t-elle d'un ton qui n'était pas tout à fait celui de la plaisanterie.

[Kasumi]

Kasumi était malgré tout rassuré que la traversée se soit déroulée au mieux et le sourire qu'il adressa à Sylvia était en partie dû à son soulagement. En partie seulement : chaque fois que la rôdeuse se reposait ainsi sur lui le comblait de bonheur et il espérait ne jamais s'y habituer au point que cela le rende banal.

- Nous les éviterons autant que faire se peut et il n'y aura aucun bateau à prendre jusqu'à Luménis. Et nous pourrons passer par le Pont des Trois Sires si nous devons revenir ici pour trouver notre bosquet.

Il avait murmuré pour que Jeannot n'entende pas leur conversation privée mais il avait bien l'intention d'aller le féliciter ensuite pour son calme et ses compétences avec les animaux.

[Voyageuse]

Jeannot était tout aussi soulagé que la rôdeuse de retrouver le sol ferme sous ses pieds. Occupé à caresser sa jument, il ne chercha pas à écouter les mots que les rôdeurs s'échangeaient. il préféra se mettre immédiatement en selle, comme si ce contact contribuait à lui redonner confiance.
Ils avaient débarqué dans un hameau semblable à celui qu'ils venaient de quitter, peut-être un peu plus petit. Il n'y avait nulle auberge visible, mais ça et là, des écriteaux, accrochés aux portes, indiquaient qu'il y avait une chambre à louer pour le voyageur de passage. Assurément, le lieu était très fréquenté, et plusieurs des autres passagers du bac se dirigeaient déjà vers l'une ou l'autre de ces maisons. Le soir n'allait pas tarder à tomber. Bien sûr, ils pouvaient également choisir de reprendre la route pour bivouaquer en pleine nature. Ils n'étaient plus dans la Trouée, et les interminables steppes herbeuses avaient laissé place à une campagne plus quelconque, parsemée de bosquets, de prés et de champs cultivés.

[Kasumi]

S'il n'était qu'avec Sylvia, Kasumi aurait très certainement choisi de poursuivre le voyage encore une heure ou deux pour s'installer dans un bosquet. Cependant, avec la présence de Jeannot, il n'était pas tout à fait libre de prendre ce genre de décisions. Il demanda donc à ce dernier s'il souhaitait bivouaquer en rase campagne - ce qui impliquait la présence de Première Neige - ou s'il préférait trouver une chambre pour la nuit et se remettre en route dès l'aube.

[Voyageuse]

Jeannot hésita un instant.
" Dormir chez les gens, c'est bien, mais... faut toujours faire attention à être poli, bien élevé, silencieux, à ne pas trop crier ou ne pas roter à table ni péter... Et puis, si on n'aime pas la nourriture, c'est pas poli de le dire. Alors je crois que j'aime mieux camper dehors, faire du feu, en plus il fait beau, et puis tu fais bien à manger... Je n'ai plus peur de ta louve, tu sais, d'ailleurs je crois que c'est pas vraiment une louve sauvage. Et puis, j'aurais tout le temps de m'enfermer entre quatre murs quand je serai à Luménis. La nature va drôlement me manquer là-bas..."

[Kasumi]

Le rôdeur ne put s'empêcher de sourire, ému par ce que le natif de la Trouée avait dit concernant sa louve plus qu'amusé par son aveu de ses difficultés sur le respect de l'étiquette. En tous cas, la réponse du jeune-homme acheva de le décider et il talonna doucement sa monture pour qu'elle se remette en route vers la sortie du hameau. Il n'avait aucun doute sur le fait que Première Neige contournerait les maisons mais saurait les retrouver sans peine : autant préparer leur campement et garder un peu de gibier de côté pour elle en attendant.

[Voyageuse]

Sylvia paraissait satisfaite de ce choix, et elle lui emboîta le pas avec enthousiasme. Jeannot, conformément à son habitude, partit en avant. Mais un carrefour, une demi-lieue plus loin, l'obligea à les attendre. Une borne indiquait, à droite, Luménis, avec une belle route pavée. En face, Respelm, et plus à gauche, Peyregorde, avec un simple sentier de terre battue. Bien entendu, la plupart des voyageurs, comme eux, optèrent pour la route de droite. En effet, ils n'étaient pas les seuls à préférer bivouaquer à la belle étoile. Il faut dire que le temps, au beau fixe, s'y prêtait. La plupart des bosquets le long de la route étaient donc pris d'assaut. Ils avaient finalement le choix entre s'éloigner de la route, poursuivre jusqu'après la tombée de la nuit, ou se décider à partager la compagnie d'autres personnes.

[Kasumi]

Kasumi décida que la route ne leur ferait pas gagner vraiment de temps étant donné le climat sec qui régnait en cette période de l'année. Après avoir consulté ses compagnons, il décida donc de s'éloigner de la route dans la direction de Luménis avec l'intention de couper à travers la plaine à la recherche d'un bosquet encore inoccupé pour la nuit.

[Voyageuse]

Ils finirent par trouver un petit bouquet d'arbre éloigné de la route. A l'approche de Luménis, la campagne de peuplait peu à peu. Il y avait plusieurs fermes dans les environs, et peut-être que le bosquet en question était rattaché à l'une d'elle et qu'on allait leur reprocher d'être sur une propriété privée. Mais il commençait à faire sombre, et personne n'était visible dans les champs. Il était peu probable qu'on s'inquiète de leur présence. Peu probable également qu'on leur reproche de chasser ou de pêcher. D'ailleurs, à en juger par le couple de lièvres qui déboula sous les pas de leurs montures, ils n'auraient guère de peine à trouver du gibier pour la fin de leur voyage.

[Kasumi]

Kasumi confia la mission à Sylvia et Jeannot de leur procurer un peu de petit gibier en adressant un clin d'œil entendu à cette dernière : d'une part il reconnaissait les talents de chasseresse de la rôdeuse supérieurs aux siens et d'autre part il entendait aussi valoriser et responsabiliser le jeune-homme qui les accompagnait. Pendant ce temps, il s'affaira à dresser le campement et à allumer un petit feu de cuisson qui les réchaufferait à leur retour.

[Voyageuse]

Jeannot revint absolument enchanté de leur partie de chasse. Il se vanta haut et fort d'avoir assommé seul deux des trois lapins dont il exhibait fièrement la dépouille -version que la rôdeuse ne contesta pas, se contentant de lever les yeux au ciel-, et n'eût de cesse que Kasumi lui apprenne à les cuisiner. Cela dit, les faire griller au-dessus d'un feu n'avait rien de bien complexe. Il n'eût donc aucune difficulté à y parvenir, et passa le reste de la soirée à s'auto-congratuler pour son habileté à la chasse et, désormais, à la cuisine. Il n'avait aucun sens de la discrétion, et Kasumi se félicita d'avoir trouvé un bosquet plutôt bien caché et aussi loin que possible des habitations, sans quoi ils auraient eu tôt ou tard la visite d'un fermier inquiet pour ses plantations.

Ils reprirent la route de bonne heure le lendemain. Ils étaient désormais pressés d'arriver. Le paysage avait changé du tout au tout, et désormais c'était une campagne de bocage qui s'étalait devant eux, de plus en plus peuplée au fur et à mesure qu'ils s'enfonçaient dans la campagne luménienne.