[Commerce] Au Loyal Paladin

[Althéa]

L'homme parut ravi de la réponse.

"Alors, disons vers les vingt heures ce soir. Je suppose que vous n'aurez aucun mal à reconnaître Ulysse."

Le petit garçon délaissa son père quelques secondes pour courir vers Elzen, les bras tendus. Dans ses yeux, Elzen vit toute sa reconnaissance et l'affection qu'il lui témoignait.

[Elzen]

« En effet. »

L'attention du tieffelin quitta alors aussitôt le père de l'enfant pour se tourner vers ce dernier, qu'il accueillit lui aussi à bras ouverts. C'était peut-être l'une des dernières fois qu'il avait l'intention de le câliner ainsi, et il comptait bien en profiter. S'occuper de ce mioche n'avait pas forcément été idéal tous les jours – à plus forte raison lorsqu'il s'était agit de sa passion pour les paladins –, mais l'expérience avait été, après tout, très agréable. Sans doute envisagerait-il de passer plus de temps avec de ceux de Dallae lorsqu'il les aurait retrouvé… même s'ils avaient sans doute dû grandir depuis la dernière fois qu'il les avait vu.

« À tout à l'heure, bonhomme. Prend soin de ton papa. »

[Althéa]

Mais Ulysse au lieu de retourner vers son papa resserra sa prise. Le tieffelin vit les larmes dans ses yeux. Il retardait visiblement le moment du au-revoir. Son père remarqua aussi son manège mais resta muet, laisant Elzen gérer la situation comme il l'entendait.

Après tout, il avait l'après-midi de libre.

[Elzen]

Un certain nombre de propos vinrent à l'esprit d'Elzen. Des encouragements pour rassurer l'enfant, des boutades destinées à lui redonner le sourire… Mais aucun mot ne parvint à franchir ses lèvres. Il se contenta de le serrer contre lui. Au bout d'un long moment, il finit par prononcer, d'une voix douce :

« Ça va aller. »

C'était autant une affirmation qu'une question, à vrai dire.

[Althéa]

Le petit garçon finit par sourire à son tour. Il resserra de nouveau le tieffelin dans ses petits bras avant de lui glisser à l'oreille.

"Tu sais, je suis bien content d'avoir retrouvé mon papa. Mais je suis aussi bien content de continuer à te voir toi. Et puis Chance aussi. Elle est gentille mais elle est fragile. Il faudra que tu prennes bien soin d'elle. Et peut-être un jour, vous pourriez avoir un bébé tout les deux."

[Elzen]

La dernière phrase semblait si surprenante venant de l'enfant qu'elle ne manqua pas de redonner au tieffelin son sourire.

« On va y réfléchir… »

Ce serait assurément une expérience intéressante… même s'il avait un peu de difficultés à imaginer comment sa belle vivrait les quelques mois précédent l'heureux événement. Ce n'était pas exactement le genre de choses qui correspondait le mieux au physique autant qu'au tempérament de Chance. Mais savait-on jamais…

« Et ne t'inquiète pas : je m'occupe d'elle. »

J'essaye, en tout cas. Pas sûr d'y arriver. Non, ce n'était pas le moment de penser à ça.

« On se voit ce soir ? »

Il continuait d'adresser à l'enfant un sourire rassurant.

[Althéa]

Le petit garçon hocha la tête avec un petit sourire avant de courir de nouveau dans les bras de son père. Celui-ci paraissait gêné, presque maladroit dans ses gestes. Mais tout indiquait qu'il aimait son fils et qu'il était heureux de le retrouver.

Il gratifia Elzen d'un sourire et d'un hochement de tête énergique avant d'aller jusqu'à lui et de lui tendre de nouveau la main.

"Alors à ce soir."

[Elzen]

Le tieffelin serra ouvertement ladite main.

« À ce soir. »

Ce qui ne lui disait pas ce qu'il ferait dans l'intervalle. Il faudrait, à un moment ou à un autre, qu'il retrouve Chance, mais elle devait, dans l'immédiat, être assez occupée. Avoir le gamin avec lui avait été d'une certaine assurance pour guider ses pas, tant on pouvait compter sur lui pour toujours avoir envie de voir quelque chose – même si ses choix étaient parfois douteux. Sans lui… eh bien, peut-être marcherait-il au hasard, tout simplement, le temps de se décider.

[Althéa]

Beaucoup d'endroits s'offraient aux tribulations du tieffelin. Il y avait un théâtre, des tavernes, des échoppes fort peu achalandées et d'autres joyeusetés manostiennes. L'après-midi était à peine entamé, Elzen disposait donc de tout le temps qu'il voulait. Il pouvait également aller se promener sur le front de mer pour voir les fantastiques navires luméniens sur le point de reprendre la mer. Il y avait aussi plusieurs temples dont l'un d'entre eux flanquait un bâtiment à moitié brûlé.

Il avait le choix, et le temps.

[Elzen]

Si le tieffelin avait voyagé au travers plusieurs plans et traversé récemment une bonne partie de ce continent à pied, son expérience de la mer et des navires restait assez modeste. Fut-ce une raison, consciente ou non ? Toujours est-il qu'au sortir de l'écurie, ses pas se dirigèrent plus ou moins spontanément dans la direction du port. C'était, au minimum, une direction plus appréciable que les temples pour une créature qui, comme lui, n'avait des prêtres et de leurs pouvoirs qu'une très mauvaise expérience.
Restait à voir si les abords de l'eau et des navires lui étaient davantage favorables.

[Althéa]

Le tieffelin croisa une foultitude de manostiens occupés. Un instant, il crut apercevoir Floréal dans la foule bigarée mais il se trompait peut-être. Il arriva finalement devant le front de mer. Le vent avait emmené avec lui son lot de nuages et il ne tarda pas à pleuvoir de nouveau. La foule stoïque se dissipa avec philosophie, gagnant l'abri des maisons ou des porches comme elle en avait l'habitude.

Ne resta bientôt plus qu'Elzen face aux navires.

Hrp : tu peux poster à la promenade des docks.

[Echo]

L'établissement n'avait pas été très dur à trouver. La taverne était tellement célèbre dans cette ville que n'importe quel manostien était capable de s'y rendre les yeux bandés. Enfin, c'est en tout cas ce qu'on avait tenté de lui faire croire. Si le nom ne laissait rien présager de très sympathique, la taverne en elle-même était drôlement accueillante une fois les portes ouvertes, à la grande surprise de la tieffeline. Elle balaya la salle commune du regard, déçue mais pas étonnée de ne pas y voir de têtes connues, puis se dirigea vers le comptoir.

[Elzen]

Arrivant de la Vierge d'Argent, le tieffelin réalisa qu'il n'avait même pas visité la partie la plus intéressante des lieux, le gamin ayant voulu voir directement l'écurie, et la suite des événements ne l'ayant pas vraiment incité à aller voir le reste.

Il faudrait bien qu'il repère les lieux, ne serait-ce que pour y revenir plus tard avec Chance, si celle-ci acceptait… encore fallait-il la retrouver, car il n'imaginait pas vraiment qu'elle ait pu être déjà sur place.
Il pénétra donc sur les lieux quelque peu suspicieux – le nom de l'établissement ne lui inspirait toujours pas confiance –, mais s'efforçant de n'en rien laisser paraître.

[Echo]

- Alors, tu as survécu à ta première journée à Manost ? l'accueillit une voix familière.

Chance s'éloignait déjà du comptoir pour aller à sa rencontre, visiblement contente de le revoir.

- Je suis encore tentée de prendre le prochain bateau à destination de "Loin d'ici", pour ma part.

Mais son sourire s'évanouit rapidement et son regard se fit inquiet.

- Ulysse n'est pas avec toi ?

[Elzen]

Oh. Eh bien, voilà qui simplifiait la recherche. En revanche, cela faisait arriver en première ligne une question à laquelle il n'avait pas encore pris le temps de réfléchir : comment annoncer la nouvelle situation ? Elzen fut donc contraint d'improviser.

« Ça, tu vois, ça va être le petit souci pour sauter dans un bateau… Figure-toi que ce gosse avait encore un père. Lequel a eu la fameuse idée de tomber nez à nez avec nous. »

Il en aurait bien ajouté davantage, mais il fallait sans doute laisser à Chance le temps de digérer la nouvelle.

[Echo]

"Oh" fut sa seule réponse. C'était un peu maigre et elle avait bien conscience qu'elle allait devoir trouver une réaction un peu plus consistante, mais la nouvelle l'avait complètement éteinte. Et finalement, qu'y avait-il à répondre à cela ? Elle hocha la tête, pensivement. Ulysse était parti.

- Je vois.

Un peu plus consistant, mais pas encore assez. Des questions méritaient d'être posées mais elle n'avait aucune envie d'en connaître les réponses. D'où était-il apparu, ce père mort subitement ressuscité ? Où avait-il emmené Ulysse ? Le reverrait-elle un jour ? Ulysse était parti, il n'y avait pas grand chose d'autre à dire. Deux tieffelins vagabonds ne faisaient pas le poids face à un papa, c'était bien normal, et c'était bien cruel.

- C'est... une bonne nouvelle, j'imagine.

Le ton de sa voix manquait tellement de conviction qu'elle n'espéra berner personne, et surtout pas Elzen. Mais si elle y réfléchissait bien, c'était effectivement une bonne nouvelle. Le déposer devant un orphelinat avait fait parti de ses projets pendant un temps, et elle avait été intimement convaincue qu'elle aurait été incapable de s'occuper de lui correctement. Alors pourquoi elle avait l'impression qu'on lui avait arraché le cœur ?

- Je vais boire quelque chose, annonça t-elle tranquillement, avant de s'éloigner vers le bar.

[Elzen]

La réaction de Chance avait été grosso-modo celle à laquelle il s'était plus ou moins attendu, sans vraiment s'en rendre compte. Et il avait désormais la désagréable impression de ne pas savoir ce qu'il fallait faire pour lui remonter le moral. Il la suivit de près.

« Son père loge ici, si j'ai bien compris. Il nous a invité à manger à sa table ce soir. »

Si la tieffeline voulait organiser un kidnapping, ils avaient encore le temps.

« Ils aimeraient bien qu'on continue à se voir, apparemment. Ç'pour ça que le bateau, ce n'est peut-être pas le bon moment. »

Il ne la prit pas dans ses bras lui-même, mais tout dans son attitude indiquait qu'elle pouvait s'y réfugier si le cœur lui en disait.

[Echo]

- C'est très aimable à lui, répondit-elle avec une certaine raideur dans la voix.

Ce n'était pas une réaction sensée que d'en vouloir à cet homme, elle le savait, et pourtant elle ne pouvait pas s'en empêcher. Au fond, elle aurait préféré qu'il reste mort. Et cette pensée l’écœurait.

- Mais je crois que je vais plutôt mourir de honte quelque part. Quel genre de personne n'est pas capable de se réjouir sincèrement qu'un gamin ait retrouvé son père ? C'est bien le signe que c'est une bonne chose qu'il... ne reste pas avec moi.

Pendant un instant, elle sembla prête à pleurer, mais la seconde d'après, elle secoua la tête et s'efforça de sourire.

- Ça va aller.

Impossible de savoir si elle cherchait à en convaincre Elzen ou elle-même.

[Elzen]

« Une personne qui tient assez au gamin pour ne pas avoir envie de le voir partir. »

Cette fois, Elzen prit doucement Chance contre lui, l'invitant clairement à profiter de ses bras. Il aurait aimé que quelqu'un soit là pour lui faire la même chose un peu plus tôt, quand il avait lui-même expérimenté la nouvelle ; comment ne pas le lui accorder ?
Le reste pouvait attendre, et il n'ajouta pas un mot de plus. L'important était de montrer à son aimée que lui, au moins, était toujours là pour elle et ne partirait pas.

[Echo]

Chance se laissa faire sans broncher. Passant doucement ses bras autour du tieffelin, elle s'agrippa à lui un peu plus que nécessaire, comme si elle n'avait aucune intention de le lâcher un jour. Il était là, mais pour combien de temps ? Le départ d'Ulysse avait ravivé de vieilles peurs qu'elle craignait de ne jamais réussir à éteindre. Elle essaya malgré tout de profiter du moment, avant de se rappeler ce que le juge Doyle lui avait dit à propos des démonstrations d'affection en public. Amusée, elle glissa alors dans l'oreille du tieffelin :

- Tu sais que ce qu'on est en train de faire est probablement interdit par au moins douze textes de loi différents ?

Et son sourire indiquait clairement qu'elle s'en moquait, et que c'était peut-être une raison supplémentaire de continuer.

[Elzen]

« Ils survivront. »

Et le tieffelin garda sa compagne contre lui. Il n'était pas du genre à laisser ce genre de choses perturber l'instant présent, d'autant plus que la tieffeline semblait avoir retrouvé ce sourire qu'elle n'était pas faite pour quitter.

Il lui répondit sur le même ton.

« De toute façon, on avait prévu de faire sauter leur prison, non ? S'ils nous disent quelque chose, ça pourra être l'occasion… »

[Echo]

- Ah bon, on avait prévu ça ?

L'idée n'était pas mauvaise cela dit, c'était une façon radicale de régler tous ses problèmes. D'ailleurs, puisqu'ils en étaient à s'annoncer des nouvelles désagréables, c'était peut-être l'occasion de mettre le procès sur la table.

Doucement, elle quitta les bras du tieffelin.

- Je pensais à une approche un peu plus diplomatique.

Elle lui adressa un sourire penaud.

- Et je vais finalement avoir besoin de ton aide pour ça.

[Elzen]

« Oh. »

Elzen ne doutait pas qu'en tant que barde, il était quelque peu mieux armé qu'une personne comme Chance, qui n'avait pas une expérience particulièrement encourageante de la société, même si elle ne s'en rappelait pas forcément, pour répondre aux questions insidieuses d'un tribunal ; mais elle avait semblé tenir à s'en charger elle-même, et cette demande d'aide avait donc quelque chose d'un peu surprenant.

« Pour quoi, exactement ? »

Il ne se départit pour autant pas d'un sourire rassurant. Si elle avait besoin de lui, il serait là, c'était aussi simple que ça.

[Echo]

En y réfléchissant, elle avait peut-être mal formulé la chose. Ce n'était pas vraiment elle qui avait besoin de son aide.

- Deux témoignages valent mieux qu'un. Ils veulent mettre toutes les chances de leur côté, c'est pour ça qu'ils aimeraient te rencontrer.

Elle haussa les épaules.

- Ne te sens pas obligé d'accepter. J'ai juste dit que je t'en parlerai.

[Elzen]

« Bah, tu me connais : est-ce que je pourrais vraiment résister à une occasion de faire mon intéressant ? »

La chose pouvait être tout à fait amusante, s'il s'y prenait correctement. Bon, bien sûr, elle pouvait également tourner à la catastrophe si l'on apprenait qu'il avait servi dans l'armée mélandienne ; mais, après tout, même soumis à un sortilège de vérité, on restait en mesure de ne mettre en avant que les points les plus intéressants de l'histoire, non ?

« Ça ne coûte rien d'aller voir. Je n'avais rien de plus important à faire, de toute façon, et puis je m'ennuie quand tu n'es pas là. »

Il souriait encore.

[Echo]

La réponse allait de soi. Peut-être que si elle insistait sur les conséquences néfastes que pourrait avoir un tel procès, il changerait d'avis ou ferait au moins semblant d'hésiter ? Hum, non, c'était encore peu probable. Il n'était pas stupide, il connaissait les risques, il avait simplement choisi de les ignorer. Elle en aurait presque soupiré de dépit mais elle ne pouvait pas s'empêcher de sourire elle aussi -quoique son sourire à elle était un brin crispé.

- Ton charme pourrait ne pas opérer cette fois, il paraît qu'ils n'aiment pas beaucoup les bardes par ici. Cela dit, ils n'ont pas l'air d'aimer grand chose.

[Elzen]

« Ça, je ne te le fais pas dire. »

Pas grand chose en dehors de l'ordre, bien sûr. Quel gâchis…

« Ceci dit, j'ai trouvé un endroit où ils ont l'air d'aimer les bardes. Ce qui veut dire qu'on a potentiellement une source de revenu si on reste un moment dans le coin. »

Ils avaient vraisemblablement fait le tour de ce qu'il y avait à dire à propos de cette histoire de procès ; autant passer à la suite des nouvelles.

« Donc si tu veux m'entendre chanter, on pourra voir ça demain soir. »

Par mesure de sécurité, bien sûr, ils parlaient bas. Évoquer l'abris des arts au beau milieu du Loyal Paladin n'était peut-être pas la chose la plus pertinente.

[Echo]

- Avec plaisir.

Elle avait bien remarqué que le tieffelin ne souhaitait pas s'étendre sur le sujet ici et maintenant, aussi ne posa t-elle pas de questions. Sur le même ton, elle ajouta :

- J'ai moi aussi une affaire dont je dois m'occuper ce soir. Cette rencontre avec le père d'Ulysse devra attendre.

Et c'était un soulagement d'y échapper. Elle ne se sentait pas prête à faire semblant d'être ravie que père et fils se soient retrouvés, même le temps d'une soirée. Et à bien y réfléchir, cette rencontre n'aurait probablement jamais lieu : elle avait bien l'intention de couper les ponts le plus vite possible.

[Elzen]

Oh. Il s'agissait probablement d'une chose pour laquelle Chance avait également une information à recevoir. Ça aussi, c'était délicat à annoncer diplomatiquement…

« Hum, est-ce que l'affaire en question concerne un certain Floréal ? »

[Echo]

- Ah, Ulysse t'en a parlé.

Les enfants avaient tellement de mal à tenir leur langue. Heureusement, cette fois il en avait parlé à Elzen et pas au premier paladin croisé sur la route.

- Ne t'inquiète pas, ce sera très vite réglé. Mais si tu tiens vraiment à avoir des détails, on pourra toujours en parler plus tard.