[Lieu] Une cité perdue

[Taliesin]

Barthélemy secoua la tête.
-Non, et cela ne m'étonne qu'à moitié. Les individus disposant de telles compétences sont utiles et donc particulièrement appréciés, si bien que leurs voisins font en général tout pour les dissuader de partir... Pour autant, cela ne signifie pas qu'il n'y en ait aucun dans nos rangs. Simplement, si c'est le cas, je l'ignore complètement.

[Galathée]

" Bon... Tant pis, nous garderons l'oeil ouvert. Et si j'ai des candidats, je te les enverrai. Au pire, nous pouvons faire un appel officiel."
Il se carra dans son siège.
" Tu n'as jamais songé à faire appel à d'autres Chauntéens, à présent que nous sommes rendus ? Ramener la vie sur ces terres usées, c'est le genre de choses qui pourrait en intéresser... Bon, c'est aussi le créneau des Lathandrites — plante une graine chaque jour, ce genre de choses — mais je me disais... C'est plutôt original qu'un homme de ton âge se lance seul dans une telle aventure..."

[Taliesin]

-Je l'admets. Mais justement, j'avais envie de tenter quelque chose d'original avant de retourner à la terre, d'ajouter une touche sortant de l'ordinaire à une carrière des plus classiques... Et je pense que certains de mes collègues ont été tentés par l'aventure. Simplement, ils ont dû être retenus, tandis que moi, on ne pouvait rien me refuser...
Il paraissait à nouveau pensif.
-Il est certain que d'autres Chauntéens seraient utiles ici. Cependant, utiles, ils le sont également là où ils se trouvent présentement. Nos clercs sont d'une grande importance dans les campagnes, surtout après les déprédations qui s'y sont produites... Alors je ne sais pas si déshabiller Pierre pour habiller Paul serait une bonne idée. A tout prendre, je préférerais former des apprentis ici...

[Galathée]

" C'est louable et je comprends ton point de vue. Espérons que des vocations se dessineront... En attendant, nous chercherons des volontaires pour nous épauler si nous devions rencontrer une crise sanitaire. Mais il n'y a pas de raison qu'elle se produise, car nous veillons."
Il se pencha enfin sur son assiette, qu'il avait oubliée. Le ragoût s'y était figé, mais heureusement, même tiède, la pitance n'était pas mauvaise. Un peu par réflexe, il chercha Thibault des yeux, Hubert aussi, puis tenta de localiser Etienne, auquel il voulait parler du cataclysme. Ensuite, il se morigéna. Il fallait qu'il arrive à ne pas penser sans cesse à son travail. Dans le même temps, il n'y avait jamais rien eu d'autre dans sa vie, et depuis qu'il avait retrouvé un élan... il lui semblait avoir tant de choses à rattraper !

[Taliesin]

Il n'eut aucun mal à localiser Thibault - qui mangeait en compagnie des autres Sunites ainsi que des Paludiers - et le sieur de Fontbrune. Toutefois, lorsqu'il eut terminé son repas et voulut se rapprocher du second, il fut intercepté par Giovanni qui lui tendit une feuille repliée.
-La traduction, comme promis ! annonça-t-il. Quant au coffre, je l'ai déposé dans la salle où sont rangées toutes nos découvertes. Cependant, à mon humble avis, ce serait une bonne idée de garder l'amulette à portée de main. Juste au cas où.

[Galathée]

" Merci, dit Albérich en prenant la traduction. Je vais porter ça à Etienne de ce pas... Quant au médaillon : garde-le sur toi, dans ce cas, comme ça nous saurons où le trouver au besoin."
Il baissa les yeux sur le parchemin.
" Je me demandais... En quelle langue est-ce rédigé ?"

[Taliesin]

-C'est écrit dans la variante hélonnienne du commun archaïque. Tellement archaïque, même, qu'elle est souvent plus proche de sa langue mère que de la forme moderne... Mais ça reste compréhensible.pour qui a l'habitude des vieux papiers.
Il grimaça.
-Hum, en fait, tu aurais sans doute été capable de traduire ça tout seul... Mais bon, on va dire que j'ai évité que ta charge de travail s'accentue encore. Oh, et pour ce qui est de l'amulette, je l'ai laissée dans le coffret : il n'y avait aucune raison pour que je me l'approprie.

[Galathée]

" Je suis sûr que ta plume rend davantage grâce à l'auteur que je n'aurais pu le faire... et tu as raison : j'ai déjà eu une journée bien occupée. Je proposerai peut-être à Etienne de prendre l'amulette. Nous verrons. Je dois avouer que ta lecture, tout à l'heure, m'a ramené aux causes de la destruction de cette civilisation... Le grand cataclysme... Nous ne pouvons plus en rester là le concernant. Je ne peux pas croire qu'il n'existe aucune trace, nulle part, de ce qu'il s'est produit ici."

[Taliesin]

-Oh, mais il y en a, quoiqu'elles soient indirectes : les trésors dissimulés plutôt qu'emportés, certaines de ces gemmes étranges demeurées en place et continuant à faire fonctionner certaines installations alors que d'autres ont été enlevées... Tout cela indique un départ rapide. Mais je vois ce que tu veux dire : il nous faut des témoignages plus... parlants. Même s'il y a des chances que les causes du drame qui s'est produit ici aient disparu depuis des siècles, nous serons plus tranquilles une fois fixés sur sa nature.

[Galathée]

" Nous sommes bien d'accord." dit Albérich avec un sourire apaisant.
Puis il souhaita à Giovanni une bonne soirée, le remercia encore pour son travail, et se mit en quête d'Etienne. A sa connaissance, ils n'avaient pas prévu de conseil formel ce soir-là, mais une petite réunion quotidienne entre responsables était probablement logique et nécessaire. Cependant, si le jeune seigneur était encore en train de manger, il le laisserait tranquille et irait porter main forte, comme de coutume, à l'équipe vaisselle.

[Taliesin]

Il semblait cependant que les autres membres du conseil aient eu la même idée que lui. Étienne était toujours installé au même endroit, Ézéchiel l'avait rejoint et tous deux firent signe au Lathandrire de s'approcher.
-Ne manque plus qu'Hubert, fit le rôdeur.
-Bah, nous ne sommes pas pressés : ce n'est pas comme si nous avions énormément de sujets à débattre...

[Galathée]

Mais Albérich, aussi peu pressé soit-il, n'avait pas l'intention de laisser les choses lanterner. Il héla un adolescent qui passait à proximité et l'envoya chercher le paladin. Quelques minutes plus tard, celui-ci paraissait, manifestement arraché à son repas et d'expression indécise. Il se glissa à table avec eux.
" Au rapport." dit-il, avec une pointe d'ironie.
Albérich expliqua ensuite ce qu'ils avaient trouvé le matin-même et leur fit la lecture de la traduction de Giovanni.

[Taliesin]

Ézéchiel s'était montré attentif mais impassible ; Étienne, lui, avait esquissé une grimace avant de se reprendre.
-C'est un message poignant, fit-il. Mais hormis confirmer qu'il s'est passé quelque chose de terrible ici, il ne nous apporte rien.
-Et c'est dommage.
-Oui. Et j'imagine que tu n'as rien remarqué de particulier dans les ruines ?
-Non, effectivement. Hormis les morts-vivants, il ne semble rien y avoir de... surnaturel.
-C'est plutôt encourageant : ce qui a chassé les habitants il y a des siècles a très bien pu partir, disparaître...
-Où simplement s'endormir. D'où la nécessité de demeurer vigilant.

[Galathée]

HRP : Qui est ce mystérieux... Cliche ?

Hubert était demeuré impassible, lui aussi. Albérich croisa les bras.
" Je pense que nous ne pouvons plus faire l'économie d'une étude approfondie de ce qui s'est passé ici. Mais j'imagine que c'est quelque chose que tu as déjà fait, Etienne. Quels sont les résultats de tes investigations ? Quelles sont les sources que tu as exploitées ? Nous devons mettre tout ce que nous savons ensemble et tâcher d'en obtenir plus, si la cause demeure floue."

[Taliesin]

HRP : la malencontreuse conséquence d'un mauvais clic visant à rajouter un accent. Firefox semble considérer qu'Ézéchiel, ça ressemble à Cliche.

-Le problème, c'est que nous ne savons rien, fit le chevalier, gêné. Hormis d'une part que les landes sont à une certaine époque devenues beaucoup plus marécageuses, ce qui les a rendu inhospitalières et a poussé nombre de ceux qui y vivaient à en partir, d'autre part qu'il s'est produit ici une catastrophe ayant provoqué le brusque exode de la population. Quant à la nature de ladite catastrophe, pas la moindre bribe d'information, ni dans les documents de ma famille, ni dans les divers ouvrages que j'ai pu consulter.

[Galathée]

Albérich pinça les lèvres. Il s'en était douté, en même temps : si Etienne avait su quoi que ce soit, il leur en aurait parlé depuis longtemps.
" Pourtant une partie d'entre eux ont fui. S'ils ont fui, il y a eu des survivants pour raconter leur histoire...
— Pas forcément, intervint Hubert. Ils ont pu fuir et mourir sur la route. Si les Landes étaient déjà dangereuses, s'ils sont partis à la mauvaise saison, sans avoir pu se préparer...
— La famille d'Etienne est originaire de cette ville.
— Mais les Fontbrune dont il est issu ont pu partir avant la catastrophe."
Le Luménien soupira.
" C'est vrai.
— Nous devrions interroger les Paludiers, dit le paladin. Même si j'imagine que là aussi, Varamyr nous aurait prévenu s'il savait quoi que ce soit."

[Taliesin]

-Mais peut-être le clan des Dents Grises, qui vit plus près de la cité, a-t-il conservé dans sa tradition le souvenir de ces événements...
-Peut-être, oui : nous les interrogerons à ce sujet quand leur ambassade nous aura rejoints. Mais pour en revenir à mes ancêtres... Ils ont visiblement fui la cité en même temps que les autres. Du moins, on peut le supposer. Et quelques vieux documents attestent un mouvement de population quittant les Landes à cette époque. Mais les raisons précises de leur départ ne sont mentionnées nulle part.

[Galathée]

" S'il y a des survivants, il doit y avoir des récits, dit Albérich. Les gens partagent leurs expériences, surtout quand elles sont traumatiques. Ils étaient nombreux, il doit y avoir des écrits, des échanges... Peut-être cela s'est-il mué en légendes... Sait-on vers où les gens ont émigré ? Vu la taille de la cité, ils doivent être des milliers à s'être déplacés... Il n'est pas impossible qu'il y ait des informations plus tangibles à Ithilion ou Solarcis, des cités plus proches des Landes... Sauf si tu as déjà cherché dans ces directions, Etienne ?
— Albérich, il se peut que les autorités de la ville aient été les seules à savoir exactement pourquoi il fallait partir...
— Ce n'est pas ce que cette lettre donne à penser.
— Nous ne savons pas de qui elle émane.
— Même s'ils avaient été une poignée à savoir, il y aurait eu des rumeurs, des fuites. Rien ne reste jamais secret."

[Taliesin]

--Sauf si ces gens étaient particulièrement pointilleux sur les questions d'honneur et de loyauté et si on leur a fait jurer de ne rien dire de ce qui s'était passé.
-Et pourquoi aurait-on exigé d'eux pareille chose ?
-On peut facilement imaginer des raisons : par exemple, les habitants de la cité avaient peut-être quelque responsabilité dans ce qui s'est produit, ce qui expliquerait qu'ils n'aient pas tenu à ce que cela se sache. A moins qu'ils aient espéré revenir, restaurer la splendeur de leur ville et, par conséquent, préféré éviter de tenir sa réputation...

[Galathée]

Albérich croisa les bras.
" Je ne crois pas à ce genre de choses. Les gens, même les plus loyaux, même les plus honnêtes, ont toujours besoin de se confier. Il peut y avoir une exception, je suppose, de temps à autre, mais si on parle d'un groupe... Les trois-quarts se seront livrés d'une manière ou d'une autre.
— Est-ce qu'on pourrait avoir scellé leurs lèvres magiquement ? demanda le paladin. Ou affecté leur mémoire ?
— Ce n'est pas impossible, mais ça demanderait une puissance magique telle qu'à ce prix-là... Je ne vois pas ce qui aurait pu les forcer à fuir."
Il haussa les épaules.
" Nous devrions voir s'il existe des tribus qui vivent dans les environs immédiats de la cité. Des petits groupes nomades, par exemple. Et la ville nous livrera peut-être d'autres indices. Mais je vais mettre mes liens à Solarcis à contribution, et voir si je peux trouver une entrée à Ithilion. Les Oghmans sont les chantres du savoir. Ils ont fatalement des informations dont nous ne disposons pas. Sans cela, mon sentiment est qu'ils auraient déjà repris cette cité depuis longtemps."

[Taliesin]

-A moins qu'ils n'aient pas possé les coordonnées précises de Clairétoile : sans les indications contenues dans les papiers de famille d’Étienne, nous ne l'aurions jamais trouvée.
-Pour en avoir la certitude, il faudrait fasse ce qu'il vient de proposer. Cependant, je ne sais pas si c'est une bonne idée : cette démarche risquerait d'attirer sur nous l'attention des autorités d'Ithilion plus tôt que ce ne serait souhaitable...

[Galathée]

" Sauf si nous avons des entrées discrètes à Ithilion...
— Je suis sûr que les autorités luméniennes en ont, mais à vrai dire, je ne sais pas qui... Ça va demander un peu de travail, si nous décidons d'envisager cette solution. Une autre possibilité est d'y envoyer quelqu'un. Ithilion n'est pas une cité fermée : beaucoup de gens y vont, en sortent, et y fréquenter les bibliothèques est on ne peut plus naturel."

[Taliesin]

-Je doute qu'elles regorgent d'informations sur Clairétoile ou les autres cités perdues : bien des aventuriers ont voulu les retrouver, une grande partie d'entre eux ont dû songer à se rendre à Ithilion pour en apprendre davantage et s'ils y étaient parvenus, les Landes n'auraient plus guère de secrets. Toutefois, je peux me tromper et la démarche mérite d'être tentée.
-Mais qui enverrions-nous ? Et puis, en toute franchise... Je me fais peut-être des idées, je suis peut-être paranoïaque à ce niveau, mais j'aimerais vraiment que nous soyons plus solidement installés avant qu'il y ait le moindre contact entre nous et Ithilion, fût-ce la simple visite d'un des nôtres en leurs murs.

[Galathée]

Albérich acquiesça. Il pensait en son for intérieur qu'ils ne pourraient jamais être "solidement installés" s'ils ne savaient pas exactement ce qui avait fait fuir les précédents habitants de la cité. C'était peut-être une inquiétude stérile, mais à présent qu'elle avait pris corps, il savait qu'il ne pourrait plus se l'ôter de la tête. Les Lathandrites sont optimistes, mais un Lathandrite échaudé apprend. Le renouveau ne se fait jamais sur une terre vierge, il se fait sur l'expérience d'hier.
" Bon. Oublions Ithilion. Je peux déjà sonder mes amis à Solarcis, et puis si des rôdeurs de notre équipe peuvent voir s'il y a des tribus alentours qui auraient intégré cette catastrophe dans leurs légendes, ce sera un début. En parallèle, nous pouvons chercher des informations directement dans la cité. Il doit y en avoir."
Et nous devons les trouver, songea-t-il.

[Taliesin]

-Selon Varamyr, il n'y a ordinairement guère de clans dans les environs. Toutefois, puisque deux tribus de cannibales vivant à l'autre bout des Landes se sont finalement retrouvées ici... Cela vaut la peine de mener des recherches, oui.
-Très bien, cela nous fait déjà une piste à suivre. Pour le reste, nous verrons si les découvertes que nous ferons dans les jours à venir nous éclairerons sur cette triste histoire.

[Galathée]

" Très bien."
Une fois de plus, il aurait bien aimé partager l'optimisme d'Etienne. Il avait l'impression que s'il n'avait pas connu la véritable nature de la catastrophe, jamais il n'aurait organisé pareille expédition. Mais tout bien réfléchi, il n'aurait jamais organisé pareille expédition tout court.
" Est-ce qu'il y a d'autres choses ?" demanda Hubert, comme pour relancer la conversation.

[Taliesin]

-Rien de particulier, non. L'exploration des mines se poursuit, les filons d'or sont toujours prometteurs mais pas encore de traces de diamants. Pour le reste, nous avons pris contact avec nos émissaires : pour l'heure, le voyage de retour de Marthe se passe bien, tandis qu'à Grand-Estuaire, Frida et Louis ont commencé à faire un recensement des personnes qui souhaitent nous rejoindre et à leur exposer clairement nos principes. Hum, et je crois que c'est tout en matière de nouvelles.

[Galathée]

" Ce qui me fait penser que j'ai fait un premier jet de liste de matériel, dit le Luménien. Il faudrait que vous y réfléchissiez de votre côté, et puis on regarde ça ensemble demain soir et on transmet. Vu la longueur, il faudra que tous les clercs mémorisent le sort adéquat, et les magiciens qui le connaissent. Sauf si vous pensez qu'ils ont l'intention de repartir dans les quelques jours et qu'il faut déjà leur communiquer nos idées dès à présent."

[Taliesin]

Le chevalier secoua à nouveau la tête.
-Non non, nous ne sommes pas pressés : entre le recensement et les entretiens avec les postulants, ils ont largement de quoi s'occuper, sans compter qu'ils sont conscients des choses dont nous avons le plus besoin et s'arrangeront donc pour se les procurer en priorité... Bref, nous avons du temps avec cette grande journée de palabres.

[Galathée]

" Très bien. Alors je vous ferai des copies de la liste pour demain, ça vous donnera la possibilité de l'amender à votre guise." dit le Luménien, plutôt soulage de ne pas devoir s'y atteler dans l'instant.
Dès que la séance serait levée, il avait l'intention d'aller se concocter une petite infusion, et puis d'aller dormir. La journée avait été longue et, mine de rien, le froid de la matinée l'avait fatigué. Il n'aspirait qu'à une chose : ses couvertures.