[Lieu] Une cité perdue

[Taliesin]

Il vit leurs yeux briller à la seule idée de l'accompagner. Et pourtant...
-Ils sont beaucoup plus grands, fit Ruth.
-Ils ne tarderont pas à être adoubés, renchérit Alban.
-Nous, c'est pas pareil. On aimerait bien vous accompagner, c'est sûr, et on serait hyper sages. Mais...
-Mais vous vous inquiéteriez pour nous, ce qui vous déconcentrerait.
Ils échangèrent un regard. Manifestement, ils avaient déjà débattu du sujet entre eux.
-La cité va pas disparaître demain : on pourra vous accompagner quand elle sera sûre.
-Nous ne voulons pas que vous vous tracassiez à notre sujet : vous nous consacrez le temps que vous pouvez, c'est déjà fort généreux à vous.
-Oubliez juste pas qu'on peut porter des messages ou d'autres p'tites missions du genre.
-Par exemple, contribuer à votre plan concernant Giovanni et nos amis est un réel plaisir.

[Hubert de Maleval]

" Et je suis certain que vous faites de l'excellent boulot."
Il soupira.
" Hum. J'aimerais savoir quoi vous faire faire... mais la situation est tellement particulière, en ce moment... Je pourrais vous emmener à l'extérieur lors de votre jour de congé... Vous n'avez pas école tout le temps, si je ne m'abuse ? Mais c'est vrai que cela m'inquiéterait. En même temps, je ne peux pas vous confier des tâches à longueur de journée, sans vous accompagner dans celles-ci... Je dois avouer que je ne sais pas bien quoi vous enseigner. J'ai l'impression que vous êtes déjà d'excellents armuriers, que vous vous occupez des chevaux sans difficultés... Même ceux qui n'aiment pas ça... Est-ce qu'il y a des domaines où vous vous sentez en reste ?"

[Taliesin]

-Je suis sûr que vous pourriez nous enseigner bien des choses, messire...
-Par exemple, ça serait chouette si vous nous parliez un peu plus de ce que c'est être un paladin !
-Mais pour l'instant, vous ne devez pas nous en faire : Ruth m'aide pour l'équitation, moi je l'aide pour l'armurerie et même si cela nous rassurerait que vous nous supervisiez dans ces domaines, à l'occasion, je crois que nous progressons.
-On va réfléchir à votre question et on vous dira. Mais pour l'instant, c'est vrai que la situation est particulière. Alors...
-Ne vous en faites pas pour nous. Nous savons que vous êtes très occupés.
-Bon, après, si des fois vous avez des idées pour mes après-midi... Je suis preneuse. Maintenant que Giovanni sera en expédition, je pourrai plus être avec lui et... Hum... M'occuper un peu des Paludiers, ça va, mais tous les jours... J'ai pas la patience d'Alban et des jumeaux.

[Hubert de Maleval]

" Giovanni ne sera sorti qu'un jour sur deux, comme la plupart des explorateurs, dit Hubert. Mais de toute façon, je pense que vous avez fait le tour de la forteresse, donc ça ne va pas arranger tes affaires... Comme j'imagine que des tâches studieuses ne t'amuseront qu'à moitié... Hum. L'idéal serait que tu puisses te joindre aux exercices dispensés par Ted. Ça n'occupera pas tout ton après-midi, mais ça te fera déjà progresser..."
Il sourit.
" Vous savez, à la commanderie, les novices occupent la moitié de leur journée à nettoyer les stalles des chevaux, à peler des légumes pour les soupers, et à balayer la cour... Curieusement, j'ai l'impression que les écuyers de chevaliers ne font pas ces choses là... Du coup, j'ai un peu de mal à me projeter..."

[Taliesin]

-Les écuyers ne font pas tout à fait les mêmes choses mais là où les novices travaillent pour la Commanderie dans son enssemble, eux travaillent pour leur maître, ce qui inclut des tâches comme nettoyer ses bottes, lui servir son vin et, globalement, il reste toujours dans son ombre pour lui rendre autant de services que possible. Messire Robert me dispensait de beaucoup de tâches : il ne voulait pas que je sois son serviteur. Il m'en confiait malgré tout quelques-unes car le but de tout cela est, je crois, d'apprendre l'humilité, de ne pas devenir trop prétentieux après l'adoubement.
-Mais m'sire Robert était un chevalier et vous, m'sire, vous êtes un paladin.
-Voilà. Et vous m'avez dit d'emblée que ce ne serait pas la même chose. Alors... Ne vous mettez pas martel en tête.
Ils s'entreregardèrent.
-Pis on peut faire la même chose que les novices, reprit Ruth, très sérieuse. Les légumes, la cour, les écuries...
-Oui, tout à fait.

[Hubert de Maleval]

" Je préfère que vous rendiez service quand vous en avez le temps ou l'envie... ou quand c'est nécessaire." dit le paladin.
Il eut un sourire ennuyé.
" Je n'ai plus vécu dans une commanderie depuis dix ans. Comme vous dites, je suis paladin... mais j'en ai perdu le mode de vie. A Solarcis, j'étais le maître d'armes des enfants du seigneur, mais ils n'ont jamais été mes écuyers... Bref... je vais y réfléchir. Mais je ne crois pas que je vais vous confier ma lessive, non."

[Taliesin]

-Ça vaut mieux pour vous, m'sire : quand je m'occupe de ça, ça vire toujours à la catastrophe.
-Mais l'important, messire, c'est que vous ne vous encombriez pas trop l'esprit avec nous : nous nous débrouillons et nous pourrons rediscuter de tout cela quand la Communauté sera mieux établie.
-Mais comme Alban c'est un baron, pourquoi vous le traiteriez pas comme vous faisiez avec les fils du seigneur dont vous parlez ? Moi j'dis ça, j'dis rien !
Son ami lui jeta un regard assassin.

[Hubert de Maleval]

Hubert sourit, un peu mal à l'aise. Il ne pouvait s'empêcher de songer au novice qui lui avait pourri la vie quinze ans plus tard, lui aussi duc, baron ou comte de quelque chose.
" Je crois que je vais continuer à me comporter avec Alban comme je le fais d'ordinaire. Je ne pense pas que mon attitude soit particulièrement problématique..."
Il se demanda ce que la communauté ferait de la noblesse. Il y avait là quelque chose de peu progressiste qui semblait mal coller avec les idéaux du projet. Dans le même temps, son instigateur était chevalier... et Hubert avait eu l'habitude d'évoluer dans un monde où les bien-nés régnaient sur les autres, en vertu d'un droit flou que personne ne songeait à leur contester.

[Taliesin]

-Si je puis me permettre, messire... Votre attitude est parfaite et il ne faut surtout, surtout rien changer. S'il vous plait.
-S'il vous plait, menacez-le quand même de lui donner son titre s'il continue, lui, à en donner à absolument tout le monde !
Le garçon lui jeta un regard noir puis esquissa un sourire.
-A mon grand regret, je n'agrée point à la proposition de dame Ruth.
L'intéressée grimaça.
-Ah non hein ! Tu vas pas commencer !
-Ma dame, si vous affirmez que je donne des titres à tout le monde, la courtoisie m'oblige à vous donner raison en en donnant à absolument tout le monde.
-Je te hais.
-Et je veillerai à ce que messire Galaad et messire Pelleas soient dûment informés de la manière dont il convient désormais de s'adresser à vous.
-Alban, t'es un homme mort.
-Si tel est votre bon plaisir, ma dame...
Ils se défièrent un instant du regard puis, subitement, parurent se souvenir de la présence de leur maître.
-Hum, désolé... Où en étions-nous ?
-On disait à m'sire Hubert de pas s'en faire.
-Ah oui. Mais merci beaucoup de nous avoir posé la question, messire.

[Hubert de Maleval]

Le paladin sourit.
" Misère, vous êtes impayables."
Il repoussa son assiette vide.
" Je vais devoir aller au conseil, je suis déjà en retard mais... je suis heureux que nous ayons eu cette conversation. Soyez patients. Je sais que ce n'est pas facile, mais tôt ou tard, nous retrouverons un mode de vie un peu plus ordinaire et notre arrangement redeviendra plus... soutenu. D'ici là, venez me parler quand quelque chose ne va pas, et je tâcherai de vous consacrer tout le temps que je peux."

[Taliesin]

Les enfants promirent qu'ils n'y manqueraient pas, l'assurèrent néanmoins à nouveau que, pour l'heure, tout était pour le mieux et ne manquèrent pas de le remercier une ultime fois. Enfin, leur repas terminé, ils s'en furent rapporter leur vaisselle puis, sans doute, rejoindre leurs amis.
C'est ce moment que choisit Étienne pour faire son apparition. Tout sourire, il se dirigea droit vers le paladin.
-J'espère vraiment qu'il y aura un clerc de Tymora parmi les nouveaux arrivants, fit-il joyeusement. Ton écuyère manifeste une chance éclatante avec tant de constance qu'on ne peut qu'en être frappé...

[Hubert de Maleval]

" C'est un paladin de Tymora qu'il lui faudrait, dit Hubert avec le sourire. Malheureusement, je ne crois pas qu'il en existe."
Il lui fit signe de s'asseoir.
" Mais raconte-moi, qu'en est-il ? Des livres ont vraiment survécu ?"

[Taliesin]

-Oui. Des tas, même.
Il prit place à table.
-Bon, le Conseil se tiendra dans un quart d'heure mais autant que je te décrive tout de suite ce que nous avons trouvé, comme ça tu seras à égalité avec nous... C'est donc rien moins qu'une bibliothèque que Ruth nous a trouvé, et il n'a été possible d'y entrer qu'à partir des souterrains, parce que toutes les portes de l'édifice étaient barrées de l'intérieur. Il semblerait que les conservateurs, ne pouvant emporter son contenu, aient pris toutes les précautions pour que celui-ci survive le plus longtemps possible... Outre barrer les portes, ils ont placé leurs textes les plus précieux dans des coffres similaires à ceux que nous avons déjà découverts : les livres qu'ils renferment sont intacts. Et même ceux qui sont demeurés sur les rayonnages, rayonnages faits du même métal brillant que les coffres, ont partiellement subsisté, ce qui est tout bonnement incroyable. Il y a également des tablettes gravées et, entre autres choses, une magnifique maquette de la cité.
Le chevalier jubilait.
-Hubert, je crois que ce qu'abrite ce bâtiment est infiniment plus précieux que tous les trésors sur lesquels nous avons déjà mis la main. Et infiniment plus utile. Pour nous;.. Et pour beaucoup d'autres, peut-être. Dieux, une bibliothèque dont la fondation remonte sans doute à près d'un millénaire !

[Hubert de Maleval]

Le paladin sourit.
" Je peux imaginer... Il doit y avoir là-dedans un savoir incroyable..."
Il se demandait vraiment dans quel état était Albérich. Il avait peut-être fait un malaise. Ou alors il était déjà plongé dans un bouquin.
" Vous avez pu ramener quelque chose, déjà ?"

[Taliesin]

Il secoua la tête.
-Non. Gaspard puis moi-même avons choisi de ne rien toucher, ne rien déplacer. Il semble clair que les coffres préservent leur contenu, de même que les rayonnages, dans une moindre mesure. Mais peut-être l'édifice est-il également doté d'une certaine magie... Bref, il nous a semblé préférable de ne prendre aucun risque, et savoir que faire à présent que la bibliothèque et le trajet qui y mène sont totalement sécurisés est l'un des enjeux de notre réunion de ce soir. Ramène-t-on certains ouvrages ici, au risque qu'ils se dégradent rapidement ? Vaut-il mieux dépêcher là-bas un groupe chargé de les étudier sur place ? Il faudra trancher.

[Hubert de Maleval]

" Effectivement, ce n'est pas une question anodine. Mais si le trajet et la bibliothèque sont sécurisés... Ça aurait du sens d'y dépêcher un groupe qui y passerait la journée. D'autant que les explorations auront lieu dans le même secteur pendant plusieurs jours, ce qui permettrait une intervention rapide en cas de pépin..."
Il secoua la tête.
" Mais j'anticipe sur le conseil. Nous ferions peut-être mieux d'y aller."

[Taliesin]

-Tu as raison.
Ils se levèrent, prirent la direction de la salle de réunion où on devait déjà les attendre.
-Mais je compte sur toi pour faire en sorte qu'Albérich n'aille pas s'installer définitivement là-bas, souffla le chevalier en cours de route. On a aussi besoin de lui ici !

[Hubert de Maleval]

" Je crois que je vais devoir durement négocier, Etienne... et je ne suis pas certain que je suis le mieux placé pour le faire capituler. Il va penser que je me soucie de sa sécurité... et que le reste ne sont que de mauvaises excuses. Il va falloir faire des concessions... Un jour sur deux, ou deux jours sur trois, quelque chose comme ça... et jouer sur son sens du devoir."

[Taliesin]

-Bigre, la lutte promet d'être rude. D'autant qu'il ne faudra pas négocier qu'avec le seul Albérich : si mes informations sont véridiques, nos bardes ont déjà bouclé leurs bagages, bien décidé à camper dans la bibliothèque jusqu'à ce que leur soif de savoir soit étanchée. Et comme elle est inextinguible... Hum...
Ils atteignirent la salle du Conseil. Ézéchiel et Albérich y étaient déjà installés.

[Hubert de Maleval]

Le paladin décocha un large sourire aux deux attablés et s'installa. Albérich avait l'air de bonne humeur mais aussi particulièrement concentré. Sans doute s'attendait-il à devoir en découdre. Il ne leur fit d'ailleurs pas de cadeaux et entra immédiatement dans le vif du sujet.
" Après mûre réflexion, je pense qu'il faut envoyer un groupe quasi-permanent à la bibliothèque. Déplacer les livres est trop risqué à ce stade, nous ne savons pas quelles sont les éventuelles protections en place dans la bibliothèque. L'équipe qui y travaillerait pourrait à la fois examiner les ouvrages, mais aussi étudier le dispositif de conservation... Il y a de fortes chances que des livres nous renseignent d'ailleurs sur les possibilités des Anciens à cet égard. Bref. Une dizaine de personnes. Les bardes, évidemment, mais les clercs qui s'en sentent l'envie, et pourquoi pas certains des instituteurs... ou d'autres lettrés de la communauté. Puisque les expéditions vont se rendre dans ce quartier pendant plusieurs jours, ça ne devrait pas poser de problèmes logistiques."

[Taliesin]

Étienne jeta un regard entendu à Hubert.
Ézéchiel resta de marbre mais n'en intervint pas moins.
-Quelques-uns, si. D'abord pour les expéditions : si les clercs n'y participent plus, il faudra que nos deux paladins sunites soient en permanence sur le pont, ce qui pourrait nuir à leur efficacité. Pour la Communauté, ensuite : la priver de tous ses bardes, de tous ses clercs et de tous ses instituteurs ne serait pas sans avoir... certaines conséquences.

[Hubert de Maleval]

" Je n'ai parlé ni de tous les clercs, ni de tous les instituteurs, dit Albérich, sans se démonter. Quant aux bardes... Je pense honnêtement que c'est leur place. On pourrait éventuellement décider de n'exploiter la bibliothèque qu'une demi-journée par jour, mais ce serait, je pense, une perte de temps. Cela dit, je ne crois pas que l'objectif soit de lire l'intégralité de ce qu'on y trouve : ce n'est pas le moment. Par contre, si on peut analyser la maquette, peut-être trouver immédiatement les bâtiments critiques sans devoir passer par l'exploration systématique de tous les édifices, si on peut, aussi, trouver des indications utiles sur la technologie des anciens, dénicher un plan des souterrains, et, évidemment, comprendre les causes de leur fuite... Ce sera amplement suffisant à ce stade. Nous pouvons étudier les autres livres et le savoir de cette civilisation dans un second temps. De toute façon, explorer cette bibliothèque prendra des années."

[Taliesin]

-Loin de moi l'idée de nier l'importance de cette opération : au contraire, elle est cruciale... comme tant d'autres. Et je souhaite juste qu'elle ne se fasse pas au détriment des autres, justement. Mobiliser ne serait-ce qu'un instituteur, c'est rajouter du travail à ses collègues, alors qu'ils ont déjà des effectifs très chargés. Mobiliser des clercs, c'est les rendre moins disponibles pour les expéditions, pour l'intégration des petits Paludiers et, dans le cas de Barthélemy, pour la permanence à l'infirmerie. Quant aux bardes, ils s'impliquent dans divers domaines, veillent notamment à ce que le moral de la Communauté reste bon malgré l'enfermement d'une majorité de ses membres ; concernant Giovanni, outre la fresque pour laquelle il n'a déjà guère de temps mais qui est sans doute secondaire dans l'immédiat, il est désormais impliqué dans les éxplorations... Bref : je suis totalement favorable à la mise sur pied d'une équipe, mais elle ne doit pas ralentir les autres dossiers.

[Hubert de Maleval]

" Je pense que tu ne mesures pas le caractère urgent d'obtenir des informations précises sur ce qui s'est produit ici, Ezéchiel. Nous ne pouvons plus en faire l'économie. Les clercs ne sont pas indispensables pour les petits Paludiers, ils ne sont pas mieux formés que n'importe qui pour éduquer des enfants. Les bardes peuvent maintenir le moral le soir : la journée, tout le monde vaque à ses occupations de toute façon. Soit, oublions les instituteurs, je veux bien entendre que les enfants doivent être encadrés par d'autres personnes que leurs parents, même si c'est discutable, vu nos priorités. Je ne demande pas deux mois dans cette bibliothèque. Quatre ou cinq jours devraient suffire. Le temps de savoir où nous en sommes. Cela nous fera gagner un temps considérable pour la suite. Mais je ne dis pas qu'il faut absolument que ce groupe soit composé de clercs et de bardes exclusivement. Les mages doivent être aussi enthousiastes que nous. Et sans doute d'autres colons. Mais pour moi, trouver d'autres cuillères, des coffres à cottes de mailles ou les thermes... Diable, c'est tellement trivial au regard de ce que nous avons découvert !"

[Taliesin]

-D'aucuns trouvaient crucial de mettre la main sur toutes les armes et toutes les sources de magie cachées dans la cité avant que d'autres ne s'en emparent et bien que cette opération, pour être menée à bien avant le printemps, aurait dû débuter dès à présent, nous ne l'avons pas entamée, car il y avait, à nos yeux, encore plus crucial. Or, en ce qui me concerne, il y a plus crucial que mobiliser nos forces pour fouiller une bibliothèque où je doute fort que les gens de cette cité, contraints de partir en toute hâte, aient pris le temps de noter noir sur blanc les tenants et les aboutissants de leur malheur. Enfin, si je puis me permettre, ne sois pas trop pront à juger les parents : pour information, certains de mes éclaireurs ont des enfants et ne seraient pas en mesure d'arpenter la cité s'ils devaient les gérer en journée. C'est également le cas pour des hommes et des femmes de la garde et pour tout un tas d'autres personnes sans l'activité desquelles nous serions mal embarqués. Hum, et je crois que c'est aussi le cas pour Hubert : crois-tu qu'il pourrait tant s'impliquer à l'extérieur s'il avait ses écuyers en permanence sur le dos ?

[Hubert de Maleval]

C'était vil et Hubert ne put s'empêcher de s'empourprer.
" Je ne comprends pas, dit Albérich. Nous parlons de dix personnes ! Dix personnes sur cinq cents. Soit, éliminons les clercs et les bardes, s'ils sont si cruciaux ailleurs. Mais honnêtement, je fouille des maisons avec un groupe de civils, et je ne vois pas en quoi le fait que je sois clerc a le moindre impact sur mon travail ! Tous les morts-vivants que nous pourrions éventuellement croiser sont éliminés par tes hommes avant même que nous ne soyons dans le secteur."
ll secoua la tête.
" Pendant des millénaires, personne n'est venu mettre la main sur ces armes et cette magie. Pourquoi pensez-vous que soudain, les gens vont débarquer en masse, dans un but néfaste ? J'ai l'impression que comprendre pourquoi un diable s'est glissé dans la communauté, avec une très forte envie d'atteindre cette cité, est autrement plus... important. C'est une menace tangible, dont nous avons fait l'expérience. Et si le risque de voir des ennemis nous atteindre est si démesuré, nous devrions nous concentrer sur l'intégrité des remparts avant tout."

[Taliesin]

-Et c'est justement pour cela qu'Hubert a passé l'après-midi et passera les jours à venir à examiner lesdits remparts : pour identifier leurs défaillances et, ainsi, nous permettre d'y pallier au plus vite. Car si personne n'est venu voler les trésors de cette cité au cours des siècles écoulés, c'est uniquement parce qu'on en ignorait l'existence. Aujourd'hui qu'elle a été redécouverte, que des rumeurs courent sur les richesses que nous y avons trouvées, elle ne va pas tarder à attirer nombre d'attentions malvenues contre lesquelles il est impératif de nous prémunir. Pour le reste... Jusqu'ici, nous avons été guidés par le pragmatisme et cela ne nous a pas trop ma réussi. C'est ce pragmatisme qui nous a conduit à ne pas fouiller d'emblée les bâtiments si attractifs du quartier sud, où il était pourtant probable qu'une bibliothèque ou d'autres édifices chers à certains membres de la Communauté se trouvent : nous avons privilégié l'accès aux portes nord. C'est ce même pragmatisme qui fait que des clercs sont impliqués dans les expéditions : oui, jusqu'ici, ils ont passé leur temps à fouiller des maisons mais si d'aventure une cohorte de morts-vivants échappait à la vigilance de mes éclaireurs et fondait subitement sur les explorateurs, ces fameux clercs feraient la différence. Bref, je suis d'avis de continuer sur la même voie, de fouiller la bibliothèque si nous en avons les moyens mais de ne pas lui donner une priorité disproportionnée. A ce propos, il n'est effectivement plus question, à présent, que d'une équipe d'une dizaine de personnes : mais au début de cette conversation, tu parlais d'un groupe quasi permanent incluant bardes, instituteurs, clercs et d'autres personnes encore.

[Hubert de Maleval]

Albérich se tourna vers Hubert et Etienne.
" Et quoi ? Vous n'allez rien dire, vous deux ?"
Le paladin grimaça.
" Je dois dire que j'ai une vision tronquée des gens disponibles... commença-t-il.
— Nous ne parlons pas de soldats, nous savons qu'ils sont en effectifs réduits, dit le Luménien. Mais un groupe de dix personnes ! Deux bardes, deux clercs, deux mages, seulement les après-midis, s'il vous semble si critique de ne pas affecter plus de gens à cette mission. Mais je pense que c'est une erreur. Je le dis, je le redis, et je le pense."

[Taliesin]

-Je dois dire que vous avez tous les deux des arguments convaincants mais... je vois mal comment concilier vos points de vue, fit Étienne, embarrassé.
-Oh, moi, je ne suis pas fermé. Alors je propose quelque chose. Albérich, va trouver les personnes que tu souhaites recruter. Si tu arrives à les convaincre de te suivre, si vous parvenez, ensemble, à organiser leur remplacement, si tous ces départs ne nuisent ni à l'efficacité et à la sécurité des expéditions ou des patrouilles, ni au fonctionnement quotidien de la Communauté, alors ma foi, je me laisserai convaincre.

[Hubert de Maleval]

" Sauf que moi, j'estime que le fonctionnement actuel de la communauté et des expéditions nuit à la sécurité du groupe, justement, si on ne peut pas le modifier en fonction des nécessités, dit le Luménien. Et il faudra fatalement le modifier, si on veut créer ce groupe d'étude. Cela dit, je ne suis pas nécessaire pendant l'après-midi, et Giovanni vient seulement d'être associé aux expéditions, il pourra aisément en être relevé. Ni Roxane, ni Ariel n'y participent, pas plus que les mages. Je suis sûr qu'ils s'ennuient. Mais il y a une alternative : nous pouvons aller travailler à la bibliothèque en soirée. Comme ça, nous ne dérangerons en rien l'organisation habituelle. Et si je devais y aller tout seul... Ça ne me gêne pas non plus. Il y a un sortilège très simple qui lève la fatigue après nuit blanche."