[Lieu] Une cité perdue

[Taliesin]

Sa manœuvre réussit.
La nouvelle salve de carreaux fut emportée par le vent magique tandis que, bousculant deux des arbalétriers, il se forçait un passage parmi eux.
Quelques pas encore et il atteignait le centre du croisement.
Devant lui, le couloir où gisait le corps de Giovanni.
Sur sa droite, celui où s'étaient retranchés les mages, l'un d'entre eux étant lancé en pleine incantation.
Tout près, la mêlée confuse où au moins six Ithiliens affrontaient encore un trio de civils épuisés et un paladin chancelant.
Thibault, lui, était au sol. Mais il bougeait.
Rempart dérisoire, les écuyers s'étaient placés entre leur maître et les tireurs. Alban pointait sur eux sa baguette tandis que Ruth avait plongé la main dans un petit sac qu'Albérich connaissait bien.

[Galathée]

Il fallait absolument profiter de la désorientation des arbalétriers. Ils finiraient bien par traverser le vent et rechargeraient leurs armes.
" Déchargez vos pouvoirs !" lança Albérich aux enfants.
Puis il courut vers Giovanni. Thibault tiendrait bien encore quelques minutes.

[Taliesin]

Il entendit, derrière lui, retentir un feulement furieux : le tigre était revenu, semblait-il.
Au même instant, facétie du sceptre dont ils se seraient bien passés, une pluie torrentielle commença à s'abattre du plafond.
Giovanni vivait toujours. Mais il était mal en point : un carreau l'avait atteint à l'épaule, un autre en pleine poitrine.
En apercevant Albérich, il esquissa un sourire aux allures de grimace.
-Tu diras à Hubert... que c'est irresponsable de laisser traîner ses écuyers n'importe où... articula-t-il péniblement. Et que son plan... pour les Psychopathes... était vil.
Un filet de sang s'échappa de ses lèvres.
-Je hais les mômes, soupira-t-il avant de fermer les yeux.

[Galathée]

" Giovanni..."
Il posa deux doigts à sa gorge. Il vivait encore, mais plus pour longtemps. Avec les carreaux fichés dans le corps, il ne pouvait pas être véritablement soigné. Mais il n'avait pas la marge de le guérir maintenant, il devait juste le faire survivre jusqu'au moment où il en aurait l'occasion.

Albérich -> Soins importants -> Giovanni

[Taliesin]

Le sang cessa de couler d'entre les lèvres du barde.
Un instant plus tard, il ouvrait les yeux.
-Pourquoi... Pourquoi tu as fait ça ?
Il inspira profondément, ce qui lui arracha un grognement de douleur.
-Tu as... gâché... touse la dimention dramatique de mes ultimes paroles, acheva-t-il.

[Galathée]

" Je ne suis pas barde, je n'ai aucun sens de ce genre de choses." dit Albérich avec un sourire contrit.
Giovanni n'était pas tiré d'affaire : les carreaux étaient toujours fichés dans sa chair.
" Je reviens."
Il se leva et se retourna, pour aviser de la situation derrière lui.

[Taliesin]

Il entendit le barde tenter de s'assoir.
-S'il te plait... Ne me laisse pas retomber entre leurs griffes. Ils sont tout près, ils doivent déjà se dire qu'il faut me traîner à l'abri, ils doivent juste guetter l'instant propice...
Sous la pluie battante, la bataille avait quelque peu changé de visage.
Si les tireurs avaient franchi le mur de vent, ils étaient désormais aux prises avec un tigre de bonne taille qui faisait des ravages dans leurs rangs, obligeant la plupart d'entre eux à lâcher leurs arbalètes pour sortir l'épée du fourreau.
Les mages demeuraient invisibles, à couvert dans leur couloir. Quant à la mêlée, elle faisait toujours rage, quoi qu'il sembla au Luménien compter un Ithilien et un civil de moins.
Lorsqu'il posa les yeux sur lui, Thibault, à genoux, achevait d'incanter. L'instant suivant, Hubert était brièvement enveloppée d'une belle aura lumineuse et cessait de chanceler, ses blessures probablement guéries.
Le Sunite, lui, s'était à nouveau affalé.

[Galathée]

Albérich jeta un regard désolé vers le barde.
" RUTH ! ALBAN ! Aidez Giovanni à rejoindre les mages ! Repliez-vous vers les hauteurs ! Le toit est notre objectif !"
Une idée un peu folle venait de germer dans son esprit. Il fallait que ça marche.
Sans vérifier que les enfants lui obéissaient, il se rua vers Thibault.

[Taliesin]

-Quoi ? Non seulement tu ne me protège pas des Psychopathes mais en plus tu veilles à ce que les écuyers aussi me retombent sur le dos ? Je te hais !
Les récriminations du barde se perdirent dans le fracas du combat.
Le tigre était blessé mais cela ne l'empêchait pas de continuer à réduire des arbalétriers en charpie. L'un d'entre eux, à quelque distance, tentait de recharger son arme mais ses gestes étaient d'une telle lenteur qu'il n'y parviendrait sans doute jamais avant d'être occis.
Les écuyers avaient obéi, filant à toute allure en direction de Giovanni.
Hubert, à nouveau en pleine possession de ses moyens, faisait des ravages dans les rangs ennemis.
Quant à Thibault, il ne bougeait plus et le Luménien ne pourrait l'atteindre sans croiser le fer...

[Galathée]

Flanc droit, songea-t-il en se lançant dans la mêlée.
Il était impossible que le Sunite meure. Cela faisait partie des choses que le Luménien refusait même d'envisager. Il avait perdu Euryale aux Sharites, il ne perdrait pas Thibault aux Oghmans. Hier il avait été mal préparé, surpris dans les rues sombres de la capitale, sans rien pour se défendre face à la haine de l'ombre. Aujourd'hui, il était décidé, entraîné, il avait appris, et il prévaudrait. Même s'il lui fallait fendre quelques crânes au passage.

[Taliesin]

Un Ithilien se dressa sur sa route, lame au poing.
Mais il était fatigué et sans doute les entraînements imposés par Hubert avaient-ils porté leurs fruits, car Albérich parvint à s'en défaire sans grandes difficultés.
Deux pas encore et il rejoignait le Sunite qui, couché sur le flanc, le fixa d'un regard éteint.
-Ne gaspille pas ta magie inutilement, dit-il d'une voix faible mais ferme. Replie-toi avec les autres. Il ne faut pas que les Oghmans vous attrape, ni toi ni Hubert.

[Galathée]

" Si tu crois que je vais te laisser derrière, tu te fourres le doigt dans l'oeil jusqu'au coude, lui rétorqua Albérich. Alors conserve ton énergie en la bouclant, tu veux."
Il jeta un coup d'oeil circulaire autour de lui, pour vérifier qu'Hubert pouvait garder les derniers Ithiliens à distance pendant qu'il incantait.

[Taliesin]

-Et si, moi, j'avais envie que tu me laisse derrière ? murmura le Sunite, à peine audible.
Si Albérich se mettait à incanter, il n'était pas à l'abri de prendre un coup. Néanmoins, Hubert menait la vie dure aux derniers de leurs adversaires, épaulé par les deux colons survivants.
Plus loin, le fauve agonisant arrachait d'une patte fébrile mais toujours efficace la gorge d'un Ithilien, tandis que deux carreaux venus d'on ne savait où frappaient l'un de ses rares comparses encore debout.

[Galathée]

La phrase du Sunite fendit le coeur du Luménien, et il dut lutter contre son subit désarroi pour se mobiliser. Tant pis pour les risques, il était clerc, il devait pouvoir incanter dans la mêlée.

Albérich -> Brume de dissimulation

[Taliesin]

-Bravo : beau gaspillage de magie, lâcha Thibault.
La brume les environnait. Des combattants les plus proches d'eux, ils ne voyaient plus que de vagues silhouettes.
-Tu es quand même conscient que ça aurait pu te servir pour te replier ? Et qu'il est impératif que tu te replies ? continua son ami avec ce qui n'était plus guère qu'un filet de voix.

[Galathée]

Albérich -> Soins intensifs -> Thibault

" Je me replie avec toi, que tu le veuilles ou non." répondit Albérich en glissant un bras sous ses épaules.
Le Luménien ne manquait pas de force mais le Sunite n'était pas léger et la fatigue commençait à se faire ressentir.
" Hubert ! Il faut nous replier vers le toit ! Derrière les mages !" cria-t-il tout en tentant de remettre Thibault sur ses pieds.

[Taliesin]

-C'est bon, je peux me débrouiller tout seul.
Thibault était furieux. Cela se lisait dans son regard, cela s'entendait dans son ton.
Mais au moins avait-il repris des forces, forces qu'il employa d'ailleurs à ramasser son épée.

***

Hubert entendit nettement les paroles d'Albérich, jaillies du cœur de la brume dans laquelle il était lui aussi partiellement pris.
Il entendit également, venant de beaucoup plus loin, les ordres lancés par des officiers ithiliens.
L'ennemi n'allait pas tarder à reparaître. En nombre.
Mais, dans l'immédiat, ils avaient un peu de répit : entre les derniers assauts du tigre désormais disparu, les tirs d'arbalétriers alliés non encore identifiés et, surtout, ses propres coups d'épée, il ne restait à proximité plus d'adversaire en mesure de leur barrer la route.

[Hubert de Maleval]

" On se replie !" ordonna-t-il aux civils survivants.
Dès qu'ils auraient obtempéré, il les suivrait, sur la piste d'Albérich et Thibault, des enfants, des mages, dans une débandade improbable. Le toit ? Pourquoi le toit ? Il n'était plus en état de réfléchir, il devait lui faire confiance. Il connaissait mieux la disposition des lieux que lui. Il y avait encore un étage à gravir, cependant, avant d'atteindre les escaliers qui débouchaient sur la plateforme qui coiffait la forteresse.

[Taliesin]

Ils se replièrent donc aussi vite qu'ils le purent en direction des escaliers les plus proches.
Ils ne croisèrent nul colon, ce qui ne voulait pas dire qu'il n'y en avait aucun derrière les portes closes.
Ils ne croisèrent pas non plus d'Ithiliens, quoique l'écho des ordres lancés par leurs officier fût omniprésent.
Apparut enfin la volée de marches espérée.
Au sommet les attendaient les autres.
Réunis, ils étaient quinze : Thibault et son escouade de lanceurs de sorts, Giovanni et sa fine équipe, les deux civils en armes - un homme et une femme - ainsi que les deux Lathandrites.
Quinze personnes trempées, épuisées, blessées pour certaines, regroupées au dernier étage de la forteresse envahie.
Un étage qui, s'il semblait encore calme, ne le resterait plus très longtemps...
Ils prirent donc la direction de la volée de marches qui les mènerait sur le toit, l'atteignirent sans encombre, refermèrent la porte derrière eux.
Ils étaient dehors, dans la nuit noire et glacée.

[Hubert de Maleval]

Albérich avait toujours la mine concentrée.
" Il te reste de l'énergie divine ? demanda-t-il à Hubert.
— Oui.
— Alors soigne Giovanni. Il faut lui arracher les carreaux. Les enfants peuvent t'aider."
Le paladin faillit rire devant une telle autorité, mais il acquiesça et fila vers le barde. De son côté, le Luménien se tournait vers les mages et le clerc.
" Que vous reste-t-il ?" demanda-t-il.

[Taliesin]

Le bilan n'était pas brillant : seul l'ensorceleur disposait encore de quelques boules de feu qu'il n'avait pas pu utiliser, compte tenu de la configuration du champ de bataille. Quant à Thibault, il conservait essentiellement des sorts de soin, lesquels n'étaient pas inutiles vu son programme habituel auprès des petits Paludiers.
-Monseigneur, maître Giovanni a récupéré de nombreux objets magiques, intervint Alban.
-On se fait appeler monseigneur, maintenant ? commenta Thibault, goguenard.

[Galathée]

Albérich leva les yeux au ciel mais ne releva pas.
" Boule de feu sur l'escalier s'ils débarquent. On va au milieu du toit. Alban, qu'est-ce qu'il a récupéré, au juste ?"

[Taliesin]

-Je ne sais pas exactement, mons... je ne sais pas exactement. Messire Giovanni n'a pris que les objets facilement transportables : il y a donc des anneaux, des broches, des pendentifs... Je crois avoir vu une ceinture, aussi, une cape repliée... Oh, et des baguettes. Nous disposons également du Passepierre qui nous a déjà bien servi.
-Voilà qui achève d'éclaircir le mystère de notre rocambolesque libération...

[Galathée]

" Bon."
Il se tourna vers les mages.
" Voyez si vous pouvez en tirer quelque chose. Maintenant regroupez-vous."
Il eut un léger sourire.
" Désolé pour le spectacle."
Il entreprit rapidement de se déshabiller.
" Si quelqu'un peut se charger de mes vêtements, ça m'arrangerait. Les jumeaux descendent les premiers, avec Giovanni. Ensuite Ruth, Alban et vous deux"
Il désigna les civils.
" Après, je vous laisse vous débrouiller."
Hubert et Thibault se disputeraient probablement le droit de rester les derniers.

Albérich -> Barrière de Lames (autour du groupe)

Maintenant, il fallait faire vite, la barrière ne tiendrait qu'une grosse dizaine de minutes. Il se pencha sur son manteau, fouilla dans la poche et toucha le phylactère de métamorphose tout en songeant très fort à un griffon...

[Taliesin]

Il trouva le phylactère.
Et la métamorphose opéra.
Hubert venait d'achever de retirer les carreaux du corps du barde et de le soigner. Rassurés quant à son état - lequel les avait jusqu'ici beaucoup inquiétés -, les jumeaux s'approchèrent sans crainte aucune du griffon. Giovanni leur emboîté le pas.
-Albérich, si tu pouvais les déposer alors que tu te trouves encore à... disons, vingt mètres du sol, j'écrirai une chanson en ton honneur.
Ils prirent alors conscience des sons qui parvenaient jusqu'à eux.
Des sons de bataille.

[Galathée]

Albérich ne pouvait plus communiquer avec eux, sinon en poussant un cri perçant les enjoignant de l'enfourcher rapidement. Tant que la barrière de lames tenait, les Ithiliens ne pourraient pas grand chose contre eux, mais dès qu'elle céderait, le groupe serait submergé. Il avait cependant bon espoir qu'il ne lui faudrait que quelques minutes pour faire des allers-retours entre le toit de la forteresse et l'extérieur des remparts. Sans doute ne pourrait-il pas les déposer au bas de la colline, s'il voulait pouvoir les évacuer tous... Il n'avait en fait aucune idée de la vitesse en vol d'un griffon. Il n'avait jamais fait ce genre de choses de toute de sa vie...

[Taliesin]

Il ne tarda pa sà savoir d'où leur parvenaient les sons inquiétants.
Ils provenaient des portes.
Renaud et quelques-uns des guetteurs placés sous son commandement, ainsi que des gardes parvenus à quitter la forteresse, s'étaient déployés sous leur arche imposante, formant une ultime poche de résistance entre les Ithiliens et les colons fuyant par le chemin qui menait à la cité.
Mais ils ne tiendraient pas longtemps : ils avaient affaire à trop forte partie...

[Galathée]

En les survolant, Albérich réfléchit à la manière de leur porter secours mais ne vit pas ce qu'il pouvait faire. Il faudrait qu'Hubert donne l'ordre de la retraite. Ensuite... détruire les portes extérieures aurait été une bonne idée, pour bloquer les Ithiliens dans l'enceinte de la forteresse, mais comment faire ? De toute façon, il n'était plus en son pouvoir de communiquer avec quiconque, et il fallait espérer que les autres prennent les initiatives nécessaires.
La sensation de l'air glacé dans ses plumes était formidable, il aurait pu s'y abandonner et planer au loin, toute la nuit, sans plus songer à rien d'autre. Mais il n'était pas un griffon, et il franchit la muraille, puis se posa rapidement sur le chemin qui descendait vers la ville, à une cinquantaine de mètres des portes. Il fallait espérer que cela suffirait pour que Giovanni et ses Némésis puissent se mettre à l'abri. Ensuite, il repartirait chercher les suivants. Le temps pressait.

[Taliesin]

Cependant, et bien que Giovanni ne dit rien, quelque chose dans son expression affirma mieux que ne l'auraient fait des mots qu'il n'avait aucune intention de se replier avant que le groupe ne soit au grand complet.
Impression confirmée lorsqu'Albérich revint déposer ses nouveaux passagers sur la route : le barde, arbalète en main, était resté là où on l'avait laissé.
Les portes tenaient toujours.
Le toit était toujours vide d'ennemis.

[Galathée]

Albérich aurait bien tancé le barde, mais c'était une perte de temps. Il repartit donc vers le sommet, inlassablement. Il commençait à avoir une maîtrise très fine de ce nouveau corps, qu'il sentait puissant et magnifique, maniable et létal. Mais mal protégé. Aussi reprenait-il chaque fois de la hauteur avant de survoler la cour, histoire de ne pas se prendre un trait perdu. Encore trois ou quatre trajets, en fonction du poids des mages. Il allait y arriver.
Surtout ne pas songer à la suite... Il serait probablement épuisé, et les Ithiliens déferleraient sur la ville où se terraient les colons échappés.