[Lieu] Une cité perdue

[Taliesin]

-Si je puis me permettre, i y a quand même une opération que nous devrions lancer le plus rapidement possible : vider la bibliothèque de ses plus précieux ouvrages et de la carte des souterrains. Les Oghmans vont se ruer vers ce bâtiment sitôt qu'ils en apprendront l'existence et s'ils mettent la main sur cette carte, sur les plus précieux savoirs qui dorment entre ces murs... Ça ne sera pas bon pour nous. Pas du tout.
Une cavalcade.
Ruth et les jumeaux déboulèrent dans la salle comme un trio de tornades.
La première mit un morceau de pain dans la main du Luménien, les seconds firent de même avec le barde, puis tous reprirent l'inventaire là où il avait été abandonné.

[Galathée]

" Il n'y a aucune raison que Lothar sache pour la carte. Je n'en ai parlé qu'à Etienne, Ezéchiel et Hubert. Même si les deux premiers sont aux mains des Ithiliens, ils n'en auront rien dit. Mais tu as raison, la bibliothèque sera sans doute un de leurs premiers objectifs... Ah, peut-être ne pouvons-nous même pas nous permettre d'attendre un jour ! J'imaginais... j'imaginais qu'avec le désordre que nous avons laissé à la forteresse, ils auraient d'autres soucis."
Il lâcha un bref soupir.
" Honnêtement, la survie des gens m'importe davantage que ces bouquins, mais sans doute les deux sont-ils liés, et ne pouvons-nous pas faire l'économie d'une expédition jusque là. Malgré la fatigue et le désarroi."
Il se tourna vers les enfants.
" Ruth, viens ici une seconde, tu veux."

[Taliesin]

-S'il ne faut pas surestimer nos forces, je crois que le désœuvrement ne réussirait à personne, au vu des circonstances. Rester trop longtemps à ne rien faire, c'est le meilleur moyen de réaliser pleinement ce qui s'est produit. Avec tout ce que ça implique. Et semblable prise de conscience risque d'être... rude. Très rude.
Ruth avait rejoint le Luménien et attendait sagement qu'il s'adresse à elle.

[Galathée]

Albérich dévisagea Giovanni avec une légère grimace.
" Prendre la mesure de ce qu'il s'est produit... c'est pourtant nécessaire. Aussi rude cela soit-il. C'est la seule manière d'avoir des bases saines pour avancer."
Il se tourna ensuite vers la petite fille et l'invita à s'asseoir près de lui.
" Ruth, je voudrais que tu ailles dire à Hubert que nous avons besoin de pouvoir descendre à l'étage inférieur puis dans les souterrains sans prendre de risques. Et aussi qu'il doit me constituer une équipe pour aller à la bibliothèque récupérer les livres et la carte avant que les Oghmans ne les trouvent. Mais avant ça, je voudrais que tu me dises où nous allons nous réfugier."
Il lui désigna la carte.
" A ton avis ?"

[Taliesin]

Ruth se pencha sur la carte, enthousiaste.
Mais, tout à coup, elle frissonna et tourna vers le clerc un visage tendu.
-Mais... Et si ça ne marche pas, cette fois ? Et si le bâtiment que je montre il est tout pourri, plein de courants d'air, de morts-vivants et impossible à défendre ? Je ne voudrais pas... Qu'il y ait une catastrophe à cause de moi...

[Galathée]

" C'est ma responsabilité, pas la tienne." dit Albérich, d'une voix douce.
Puis il l'invita à se rassoir un moment.
" Tu sais, Ruth, sans doute que certains imaginent que toutes les découvertes que tu as faites sont le fruit du hasard. Des coïncidences. Des coups du sort. De la chance. Mais pour un clerc, reconnaître la main des dieux dans les petites choses du quotidien est fondamental... et naturel, quelque part. Les dieux sont là, autour de nous, invisibles, nous pouvons les frôler, les entendre, les suivre, les aimer. Ma conviction est que, pour une raison ou une autre, Tymora t'a choisie. Je ne dis pas ça pour te faire rougir ou par provocation. Je le pense sincèrement. Et ça ne signifie pas que tu dois devenir prêtresse ou que tu dois prier chaque soir avant de t'endormir. Ça ne doit rien changer pour toi. Mais pour moi... Vu notre situation... Je me sentirais stupide de ne pas profiter de ce qui nous est offert à travers toi."
Il sourit.
" D'autre part... Les Ithiliens vont nous chercher. Et pour nous trouver, ils vont essayer d'imaginer ce qu'ils auraient fait s'ils avaient été à notre place. Ce sont des adultes sérieux, des Oghmans, des militaires. Ils pourraient parvenir à penser comme moi, Hubert, ou même comme Giovanni, après tout, Oghma est le patron des bardes. Mais jamais ils n'arriveront à penser comme toi. Jamais ils n'imagineront que nous puissions fonctionner de la sorte. Ton choix sera fatalement imprévisible et en cela... Il sera idéal."
Il lui désigna à nouveau la carte.
" Enfin... Si jamais tu choisissais vraiment un bâtiment trop pourri, comme tu dis... Nous changerons de méthode, tout simplement."

[Taliesin]

Le moins que l'on puisse dire de Ruth, c'est qu'elle avait un aplomb à toute épreuve. Les rares fois où celui-ci était pris en défaut, c'était lorsqu'elle commettait quelque énorme bêtise.
Et bien, en l'instant, on avait l'impression qu'elle venait d'en commettre une non pas énorme mais gigantesque.
Aucun doute à avoir : les paroles d'Albérih l'avaient profondément ébranlée.
Sans doute n'avait-elle, jusqu'ici, jamais pris au sérieux ses surnoms d'Aimée, d’Élue de Tymora...
Subitement, elle parut vouloir se mettre debout, probablement pour avoir une vue d'ensemble de la carte, mais elle fit un faux mouvement, dut poser la main sur celle-ci pour retrouver son équilibre.
Elle l'enleva aussitôt, mais Albérich put repérer le bâtiment qu'elle avait touché.
Car elle en avait bel et bien touché un.
Il s'agissait de l'un des édifices les plus vastes, les plus imposants et les plus magnifiques de ceux que l'on pouvait voir depuis la forteresse. Probablement édifié sur une petite butte, un léger vallonnement du terrain, il dominait ceux qui l'entouraient et le lac tout proche. En effet, il se situait près de son bord, mais... du côté opposé à celui où se dressait la bibliothèque.

[Galathée]

Ce qui était en réalité une bénédiction : les Ithiliens continueraient probablement leur exploration à partir de la bibliothèque en question, il était donc mieux de s'établir à bonne distance. Par contre, la vaste superficie des lieux inquiétaient le Luménien. Plus le bâtiment était grand, plus il serait difficile à surveiller et protéger. Sa position était sûrement intéressante d'un point de vue stratégique, dressé sur sa butte, mais il n'aurait pu en jurer, il n'y connaissait rien.
" Merci, Ruth." dit-il à la gamine avec un sourire encourageant.
De son point de vue, qu'elle l'ait désigné dans un déséquilibre n'avait rien d'inquiétant. La chance se manifestait de bien des manières. Lui demander d'en choisir un de manière plus consciente aurait été presque sacrilège.
A présent, ils pouvaient foncer tête baissée jusque là, ou prendre des précautions. Vu qu'il était en train de prendre une décision pour des dizaines de personnes — une décision critique, peut-être mortelle —, il était obligé de se montrer circonspect, quelle que soit sa foi en la gamine et sa déesse.
Il sortit de sa poche le disque de quartz rose qui servait de focaliseur à la puissance de Lathandre et le posa sur la tranche devant lui, avant de lui imprimer un léger mouvement. Ensuite, il se mit à incanter.

Albérich -> Divination -> Le bâtiment désigné par Ruth peut-il constituer un refuge adéquat ?

Le sortilège était long et complexe, mais c'était nécessaire pour s'assurer que Lathandre entende clairement son message et lui réponde.

[Taliesin]

Le silence s'était fait dans la petite pièce.
Tout le monde l'observait, Ruth avec, sur le visage, une inquiétude manifeste, Giovanni et les jumeaux avec, dans le regard, la même curiosité pétillante.
Les minutes s'écoulèrent.
Puis la réponse vint...

Le peut-il ? Ne le peut-il pas ?
Se révélera-t-il un refuge adéquat ?
De vous, entièrement, la réponse dépendra.
De vous, entièrement... et bien sûr de vos choix !
Saurez-vous y entrer ? Saurez-vous le comprendre ?
Saurez-vous employer ce qu'on y peut apprendre ?
Si vous réussissez, et l'espoir est permis,
Vous pourrez empêcher que ne tombe la nuit.

[Galathée]

Albérich rouvrit les yeux.
" C'est bon. Nous avons la bénédiction de Tymora et celle de Lathandre. Dès que les soldats seront prêts et que les gens auront repris quelques forces, nous partirons."
Il ne dit rien des détails de ce qu'il avait entendu. Il y avait une promesse de réussite, et c'était suffisant pour un serviteur de l'aube. Le bâtiment était manifestement bien protégé, c'était un plus : Albérich était persuadé qu'ils avaient les ressources nécessaires pour y pénétrer.

[Taliesin]

Des sourires s'épanouirent sur le visage du barde et de ses tourmenteurs. Des sourires qu'ils ne tardèrent pas à dédier à Ruth, laquelle venait de pousser un profond soupir de soulagement. L'instant suivant, les jumeaux se prosternaient devant elle et lui promettaient de lui édifier une statue, un temple... L'intéressée leur jura ses grands dieux qu'ils allaient le lui payer au centuple puis s'en fut transmettre à Hubert le message dont Albérich l'avait chargé.
-Je dois aovuer que notre nouvelle résidence ne manque pas d'allure, fit Giovanni qui n'avait pas non plus manqué de repérer l'édifice désigné. Spontanément, ce n'est pas dans un tel palais que je serais allé me cacher mais... c'est peut-être justement ce qui en fait une destination idéale : tellement voyant que les Oghmans, qui l'auront en permanence sous le nez, n'iront jamais penser que nous nous y trouvons.

[Galathée]

" C'est vrai que ce n'est pas un lieu discret..." dit Albérich en pinçant les lèvres.
Il poussa un bref soupir.
" Je dois me fier aux signes que nous avons obtenus. Agir autrement serait désormais risqué."
Il eut un petit sourire désolé.
" Je me rends bien compte que ça doit paraître un peu... mystique. Mais voilà... Je fais de mon mieux."

[Taliesin]

Giovanni haussa les sourcils puis éclata de rire.
-Albérich, tu es clerc, c'est normal que tu sois mystique ! Si tu ne l'étais pas au moins un peu, c'est là que ça serait inquiétant !
Sa mine se fit subitement chagrine.
-Nous avons donc les faveurs de Lathandre et de Tymora. Mais de ma déesse, non : l'impossibilité de se laver, de se changer, de prier dans de bonnes conditions, c'est pour moi autant de signes de son mécontentement, du fait qu'elle n'estime pas que Thibault et moi ayons été à la hauteur... Il est urgent que nous nous rattrapions.

[Galathée]

" Je pense que tu en jugeras quand nous serons arrivés dans nos nouvelles pénates, dit le Luménien en se levant. Les dieux savent s'effacer au profit de leurs alliés en fonction des situations. Sans doute Sunie attend-elle son heure pour vous gratifier de ses largesses."
Il replia consciencieusement la carte et la rendit au barde.
" Je vais aller regarder comment les choses se passent. Je ferai une déclaration tôt ou tard, je pense... Il y a une belle trotte jusqu'à ce bâtiment, idéalement nous serons partis dans les deux heures..."
Ensuite, il s'esquiva pour retrouver les colons.

***

Hubert errait entre deux mondes, celui d’hier et celui d’aujourd’hui.
Sur le moment même, il ne lui avait pas semblé faire quelque chose d’absurde ou de suicidaire. Les civils déferlaient sur le sentier, les Ithiliens pressaient une ultime poche de résistance sous les portes, comment aurait-il pu agir autrement ? C’était son rôle de paladin, tourner bride et fuir était tout simplement inimaginable.
En réalité, il n’avait même pas eu besoin de réfléchir. Il y avait quelque chose dans son essence — le fruit d’une formation, en fait, mais qui était devenu indissociable de son être — qui exigeait de lui qu’il se porte au secours des autres.
Et pourtant, il avait manifestement fait une erreur.
Un vieux paladin est un paladin lâche.
Il se souvenait de cet adage officieux, que s’échangeaient les jeunes preux à la commanderie. Le sens du sacrifice n’était pas une pose parmi ses pairs. C’était définitoire. Et comme hier, il était désormais investi de responsabilités qui exigeaient de lui qu’il remise cet élan fondamental. Il n’avait plus droit au sacrifice, plus droit au risque, à l’ultime. Il devait se montrer raisonnable, reculer, laisser d’autres âmes mourir à sa place.
C’était insoutenable.
Il aurait voulu que Robert soit encore vivant. Il ne voulait pas être un symbole qui doit se préserver pour inspirer. Il avait besoin de sueur et de sang, et de se réaliser pleinement sur le champ de bataille, sans devoir se demander si sa chute désorganiserait le reste de l’armée.
Dans le même temps, il ne voulait pas mourir. A nouveau, il était passé à deux doigts du précipice, et Albérich était arrivé in extremis. C’était arrivé trop souvent ces dernières veilles, deux fois face aux cannibales, et encore hier.
Un griffon tombé des cieux.
Il fallait penser au futur. Tant pis si cela exigeait de lui qu’il muselle sa vocation. C’était ce que faisait un paladin par génération, à la commanderie, afin que celle-ci se trouve un chef. Soudain, dans une cohorte, quelqu’un était contraint par le groupe à reculer, à se préserver, à rester au camp quand les autres guerroyaient. Certains disaient que c’était le sacrifice ultime. Hubert avait du mal à le voir sous cet angle.
Mais il s’efforcerait pour la communauté. Il n’était pas certain d’y arriver, ce n’était pas la première fois qu’il réfléchissait en ces termes, et jusque là, chaque fois, l’instinct avait repris le dessus. Mais Albérich veillait, comme il le lui avait promis au lendemain du premier assaut des Ecorcheurs.
Il lui fut reconnaissant de lui confier une mission précise. Rassembler leurs forces et les évaluer, c’était dans ses cordes. Aussi, une fois qu’Agathe l’eut renseigné sur la présence de certains de ses officiers, se mit-il à leur recherche.

[Taliesin]

Pour être prêts à intervenir rapidement en cas de besoin, les derniers membres des forces armées de la Communauté s'étaient pour la plupart regroupés dans l'une des salles jouxtant le hall. Il vit plusieurs soldats, plusieurs guetteurs, Gaspard et son écuyer, Ted et Edgar... Leurs armes à portée de main, leurs armures encore sur le dos, tous dormaient à même le sol. Pas étonnant : aprs avoir combattu un certaint emps, ils avaient aidé les civils à se replier, avaient dû, aussi, monter la garde une partie de la nuit...

[Hubert de Maleval]

Hubert hésita à les réveiller, se faisant l'effet d'un bourreau après la nuit terrible qu'ils venaient de traverser et pendant laquelle ils s'étaient donnés sans compter. Il fit le point sur les hommes manquants : Etienne, Guillermo, Matthias, Ezéchiel, Roland et Renaud, et puis tant de soldats, de gardes, d'éclaireurs qu'il ne connaissait pas toujours de nom, mais dont il connaissait les visages, pour les avoir côtoyés jour après jour pendant toutes ces dernières veilles. Dès que les premiers s'éveilleraient, il faudrait qu'il fasse le point sur les absents, en fonction des informations éparses dont disposeraient les survivants. Puis se nourrir, évaluer l'état de chacun, et se préparer à la suite.

[Taliesin]

-Messire ? souffla une voix timide dans son dos.
Alban s'était discrètement faufilé jusqu'à lui.
-Monsigneur Albérich a pensé que, compte tenu des circonstances et de tout le travail qui allait être le vôtre, je pourrais peut-être vous être utile... reprit l'écuyer, hésitant.
Il lui tendit l'un des deux morceaux de pain qu'il serrait dans ses mains gelées.
-Et j'en ai profité pour apporter le petit déjeuner.

[Hubert de Maleval]

Hubert lui sourit et mu par un élan imprévu, il le serra contre sa hanche pendant une seconde.
" Albérich a bien fait. Je crois que je vais avoir besoin d'un écuyer, aujourd'hui plus que jamais."
Il se tourna vers ses hommes endormis.
" Bon. Restaurons-nous. Ensuite, ce serait bien si tu pouvais aller à l'intendance voir si tu peux rassembler de quoi nourrir toute cette fine équipe. Je vais devoir les réveiller tôt ou tard."
Un instant, il pensa demander à l'enfant s'il avait besoin de parler de ce qui s'était échangé la veille... mais il renonça. Ce n'était pas le moment. Comme l'avait dit Albérich, ils étaient encore en fuite, et ils ne pouvaient pas s'appesantir sur les événements de la nuit, pas encore.

[Taliesin]

-J'y cours, messire, dit l'écuyer d'une voix un peu rauque.
Le temps d'avaler un morceau et il décampait, pour revenir quelques minutes plus tard chargé d'un sac qui, sans être rebondi, semblait loin d'être vide.
C'est à peu près à ce moment qu'Edgar se redressa. Il regarda autour de lui, la mine sombre, sourit cependant en apercevant Hubert et plus encore en découvrant le pain qu'Alban entreprenait de sortir du sac.
-J'étais justement en train de rêver que je prenais un bon petit-déjeuner au lit... chuchota-t-il.

[Hubert de Maleval]

" Tu vas être exaucé, lui répondit Hubert avec un calme sourire, tout en aidant le petit garçon à sortir ce qu'il avait réussi à rassembler. Comment te sens-tu ? Je dois dire que je suis fier d'être levé avant toi, pour une fois. J'aurais dû t'écrire un poème."

[Taliesin]

L'ancien sergent le fixa un instant sans comprendre.
Puis ses traits se crispèrent et le paladin eut la nette impression qu'il allait fondre en larmes.
-Ah oui, souffla-t-il. Le clairon du matin. Je ne l'ai plus fait depuis un moment. J'avais presque oublié.
Il se releva un peu gauchement, s'approcha et ébouriffa les cheveux d'Alban tout en acceptant le pain qu'il lui tendait.
-Je reprends du service quand tu veux, dit-il à Hubert. Pour ça et pour le reste.

[Hubert de Maleval]

Hubert s'en voulut d'avoir maladroitement ému son ami. Il était lui-même passablement déboussolé, mais l'énergie de Lathandre, qui venait de l'envahir, le protégeait du désespoir. Il savait que plus la journée avancerait, plus il serait fragilisé, et à la nuit, l'épouvante le frapperait aussi certainement que les ténèbres fondraient sur la ville. Mais jusque là, il devait exploiter la foi qu'il avait en eux, sans arrière pensée.
" Nous allons être sollicités très bientôt. Cet endroit n'est qu'un point de rassemblement que nous allons quitter dès qu'Albérich aura tranché quant à notre destination future... et nous serons en première ligne pour déblayer le chemin. J'imagine que cela commencera par vérifier que le sous-sol est toujours sûr. C'est l'équipe de Guillermo qui l'avait sécurisé quand nous avons investi cette caserne. Ensuite, nous descendrons dans les souterrains."
Il se tourna vers Alban.
" Je crois que tu vas surtout me servir de messager, aujourd'hui... Peux-tu aller te renseigner auprès d'Agathe sur deux choses ? D'abord, est-ce que nos mages ont tous réussi à s'enfuir ? Ensuite, est-ce que certains des nains y sont également parvenus ? Il me semble qu'ils sont doués pour se repérer sous terre..."

[Taliesin]

-Tout de suite, messire.
Il déposa le sac sur les sol.
-Et... Merci, messire.
Il n'avait pas plus tôt quitté la pièce que c'était au tour de son second écuyer de débarquer. De manière fort peu discrète.
-M'sire !
Il y eut des grommellements parmi les soldats - jusqu'alors - endormis.
-Oups...
Ruth grimaça puis haussa les épaules.
-Bon, en même temps, j'crois que la nuit est terminée pour tout l'monde. Parce que m'sire Albérich a besoin d'une équipe pour vérifier les caves et les souterrains, et d'une autre pour aller faire un raid à la bibliothèque pour récupérer la carte et des bouquins avant que les envahisseurs les piquent.

[Hubert de Maleval]

Au moins, c'était clair. A nouveau, il se sentit reconnaissant envers Albérich, d'avoir pris les choses en main de la sorte. En même temps, il savait depuis longtemps que son ami, sous ses dehors démocratiques, avait des tendances autoritaires.
" D'accord." dit le paladin.
Il se tourna vers le groupe qui commençait à émerger, puis vers la gamine.
" Ruth, est-ce que tu sais aller voir si Ariel et Roxane se sont échappés ?"

[Taliesin]

-C'est comme si c'était fait.
Plus personne ne dormait, dans la salle. Les hommes se redressaient, un peu hagards, un peu perdus. Il y eut des murmures, des saluts adressés aux officiers, à Hubert en particulier, et l'on commença à manger. Si le moral n'était pas au beau fixe, l'on semblait décidé à ne pas rester les bras croisés.
Les écuyers revinrent bientôt. Le visage un peu chiffonné, le regard un peu brillant.
-Aucun membre de la famille des nains n'est avec nous. Pas d'Ariel et pas de Roxanne non plus, dit Ruth.
-Mais messire Ambrosius et les quatre magiciens sont là, ajouta Alban.

[Hubert de Maleval]

Il ne leur restait qu'un barde, c'était une tuile de taille.
" Bon. Alban, tu vas aller prévenir les mages que deux d'entre eux doivent se porter volontaires pour aller à la bibliothèque. Nous allons leur adjoindre une équipe solide : les risques que les Ithiliens se ruent d'emblée dans cette direction sont importants."
Il aurait bien aimé s'en charger, mais il devinait que la chose passerait très mal auprès de certains...
" Gaspard, tu en seras, Edgar aussi. Je vous laisse choisir vos hommes, mais il faut quelqu'un qui soit capable d'ouvrir les coffres parmi vous. Ruth ? Va demander à Albérich s'il nous laisse Giovanni."
Il refit face aux hommes.
" Mais en priorité, dès que tout le monde est prêt, nous allons vérifier le sous-sol et nous gagnons les souterrains."

[Taliesin]

La petite troupe, pas mécontente d'avoir quelque chose à faire, ne fut pas longue à obtempérer. Les sous-sols s'avérèrent déserts, de même que les souterrains environnants.
Ruth fondit sur Albérich alors qu'il guérissait une vilaine entorse. En évoluant parmi les colons, il avait réalisé que la plupart d'entre eux, en état de choc, commençaient malgré tout à mesurere l'ampleur du désastre...
-Et il veut savoir si vous lui laissez Giovanni, conclut la gamine après lui avoir répété les dires du paladin.

[Galathée]

Albérich s'efforçait de demeurer calme et apaisant, usant de peu de mots mais jouant les forces tranquilles en déambulant parmi les colons. Il devait prendre la parole, il en était conscient, et il le ferait dès que la majeure partie des gens seraient réveillés. Tout en cheminant, il prodiguait des soins aux plus touchés, essayant d'éviter le recours à la magie. Il était limité dans ses possibilités et il ne pouvait pas se permettre d'épuiser son énergie alors que la journée ne faisait que commencer et que les véritables défis ne s'étaient pas encore présentés.
Il écouta la requête de Ruth et secoua la tête.
" Non. Je garde Giovanni. Il peut avoir Thibault, par contre."

[Taliesin]

Ruth s'en fut, apparemment ravie de pouvoir cavaler de droite et de gauche en transmettant des messages.
Les vestiges de la Communauté achevaient, lentement, de quitter le monde des rêves pour revenir à celui, sinistre, de la réalité.
Et si certains, dans le hall, dormaient encore, cela ne dura plus très longtemps.
Il y eut du mouvement près des portes.
Une seconde plus tard, trois petits Paludiers, épaules basses, faisaient leur entrée. Un quatrième, visiblement inconscient, les suivait, jeté tel un sac de pommes de terre en travers des épaules de Gabriel.
D'un Gabriel épuisé mais ravi.
-Et voilà qui complète la petite bande ! s'exclama-t-il. Bon, quelqu'un peut-il me dire où vous avez rangé les autres ?

[Galathée]

Albérich sourit. Cet homme était une merveille de la nature, toujours enthousiaste quelle que soit la situation. Et il avait survécu malgré sa folie. Il y avait un dieu pour les téméraires. Pour certains, en tout cas.
" Je crois qu'on les a installés quelque part par là... Mais j'apprécierais que tu prennes le temps de prier. Je peux désigner des volontaires pour surveiller tes ouailles en attendant."