[Lieu] Une cité perdue

[Taliesin]

Le Sunite se leva.
-Je ne te répondrai pas, Albérich. Parce qu'au lieu de te poser ces questions qui, dans l'immédiat, ne nous avancent à rien, à absolument rien, tu devrais plutôt réfléchir... à ce qui est utile. C'est à dire, à comment nous sortir de ce mauvais pas.
Il secoua la tête.
-Et tu devrais aussi réfléchir à ce que tu viens de dire, à cette "belle façade" dont tu parles. Parce que non seulement on ne la voit pas beaucoup, en dehors des quelques heures qui suivent l'aube, mais en plus, tu ne devrais pas avoir besoin de faire semblant d'être lathandrite. Tu devrais être lathandrite. Et tu devrais être plein d'abnégation, aussi. Tu sais, ce truc qu'on attend des clercs.
Il eut un sourire triste.
-En fait, j'ai l'impression que tu es face à une épreuve semblable à celle que je viens de traverser. Une épreuve imposée par ton dieu. Toi le pessimiste, il va te falloir être optimiste. Toi le gris, il va te falloir être solaire. Toi le pragmatique, il va te falloir être rêveur. Toi le froid planificateur, il va te falloir aller de l'avant en songeant plus à la beauté du geste qu'à ses conséquences. Toi le terre à terre, il va te falloir embrasser l'absolu qui a réuni la Communauté et qui fait qu'elle demeure soudée. Je sais, ça va être dur. Je sais, ça va aller à l'encontre de ta nature. Mais tu vois, mon vieux, c'est ça, l'abnégation : nier sa petite personne, ses petites pensées, ses petites hésitations et... se mettre au service des autres, corps et âme.
Il croisa les bras.
-Ce dont la Communauté a besoin pour s'en tirer, c'est d'un Semeur d'Aube. Et ce Semeur d'Aube, ça ne peut être que toi. C'est pas de bol mais... C'est comme ça. Et avant que tu refuses en bloc tout ce qe je viens de dire en pensant que je fais de beaux discours creux, avant que tu n'uses de ce moyen tellement commode pour te défiler... Sache que je suis passé par là. Ma déesse, elle aussi, m'a mis à l'épreuve. Ma déesse m'a imposé de laisser la place à Hubert, alors que je t'aime à en crever,. J'en ai été malade. J'en suis toujours malade. Mais c'était la seule façon d'être digne d'Elle, la seule façon d'accomplir sa volonté. Et à présent, je mesure encore mieux à quel point elle avait raison. Car là où Hubert, par peur de te perdre, n'osera jamais te brusquer quand c'est nécessaire, moi qui t'ai déjà perdu je peux le faire.
Soupir.
-Nous ne sommes pas à notre service, Albérich. Nous sommes au service de nos dieux. Et leurs desseins nous dépassent. Ayons l'humilité de faire taire nos doutes et d'être leurs instruments.

[Galathée]

Le premier sentiment qui traversa le clerc fut celui de la révolte. Comment Thibault osait-il lui parler d'abnégation, à lui, qui s'était donné pour cette communauté sans compter, alors même qu'il ne croyait pas à son projet, et ce depuis le premier jour ? A lui qui avait servi chaque jour depuis le jour de son accession au statut de Semeur d'Aube, qui avait fait passer sa prêtrise avant tout et toute personne ? Qui même après ses déboires, s'était épuisé pour Solarcis sans songer au fait qu'il n'en récolterait que des pots cassés ? Thibault qui avait quitté la tête de son Temple parce que "ça ne lui plaisait pas" ! Comment pouvait-il se poser en donneur de leçons ?
Il faillit se lever et le planter là.
Ce n'était pas la première fois qu'on lui faisait la morale. Il s'y était habitué, au fil du temps. Mais dans l'état de tension et de fatigue qui était le sien, c'était à peine tolérable. Il sentit la colère lui obscurcir le teint et les sens.
Mais Thibault n'en avait pas fini.
Il ne se sentait pourtant pas pessimiste, il se sentait réaliste. Et c'était nécessaire. Pour réaliser un rêve, il fallait du pragmatisme, de l'esprit d'analyse, de la sagesse. Lathandre avait beaucoup rêvé, mais Lathandre s'était trompé, aussi, souvent. L'espoir était un concept multiformes, qui n'était pas toujours synonyme de naïveté et de témérité. Pour réussir, il fallait s'en donner les moyens. Thibault ne comprenait rien à tout ça. Il n'avait jamais géré de cité, jamais dû résoudre des problèmes réels, qui paraissaient parfois triviaux, et qui révolutionnaient la vie des gens. C'était ça, le progrès, le mieux dont rêvait Lathandre : la somme de petites choses, mises les unes derrière les autres, qui ensemble, modestement, coloraient les journées laborieuses des citoyens d'une ville en jaune et en rose. Et ces petites choses étaient aussi importantes que la construction de grands palais lumineux qui eux resteraient pourtant pour la postérité.
Il ne serait jamais en quête de cet absolu que Thibault voulait lui imposer.
Jamais.
Et il avait la conviction que Lathandre savait qui il était, et que le dieu ne lui imposerait pas une métamorphose aussi radicale de sa personne.
Pourtant, autrefois, peut-être aurait-il cru à leur capacité à récupérer la cité. Il n'était pas aussi inerte que le disait Thibault : c'était lui qui avait prévenu les gens de l'attaque des Ithiliens, lui qui avait pris en charge la détermination de leur destination, lui qui avait mené la colonne dans les tunnels, lui qui avait organisé la manière dont ils l'avaient exploré, qui avait cherché à résoudre le problème des gemmes, qui avait contacté Marthe, tenté de contacter Etienne. Comment Thibault osait-il l'accuser de baisser les bras ou de manquer d'abnégation ? Lui qui n'était même pas foutu d'entrer au conseil pour leur donner un coup de main ?
Puis Thibault fit sa déclaration et Albérich sentit l'affliction remplacer la colère. Sunie était une déesse bien cruelle pour imposer pareils tourments à son serviteur. Ou Thibault voyait son empreinte dans quelque chose qui n'était que sa propre décision. Car si Sunie était amour, Sunie ne pouvait pas être souffrance. Thibault n'avait rien fait pour le mériter. Et de toute façon... Albérich était convaincu que Sunie ne savait même pas qu'il existait. Comme Lathandre ignorait probablement tout de leur existence, de cette cité, de leur calvaire.
Mais peu importait, dans le fond.
" Je ferai ce que je peux." dit-il sobrement.

[Taliesin]

Il y eut des bruits de pas dans le couloir.
-Zut, fit Thibault, esquissant une grimace.
Puis il eut un sourire lumineux.
-Ne me déçois pas : j'ai parié avec Elle que tu serais à la hauteur. Oh, et, la cérémonie dans les termes, je trouve ça amusant.
Les bruits de pas s'interrompirent.
-Albérich ? Tu parles à qui ?
La voix de Thibault.
Thibault qui s'était immobilisé derrière lui et qui scrutait la salle. Laquelle était désormais déserte.
-Tout seul ? Bigre, tu dois être vanné, mon vieux.

[Galathée]

Albérich dévisagea le Sunite comme s'il voyait un fantôme, la bouche ronde de stupeur.
" Tu n'étais pas..."
Il refit face au fauteuil désormais vide. Il avait dû s'endormir... ou avoir une hallucination... Imaginer quoi que ce soit d'autre aurait été d'une... arrogance infinie. Il ne put s'empêcher de frissonner, laissa une prière qu'il connaissait par coeur se dérouler comme par réflexe dans son esprit, puis regarda à nouveau le Sunite.
" Je suis... J'étais... Je... Heu. Je crois que je suis assez fatigué, oui... mais... Hum."
Un peu sonné, il chercha le livre des yeux, celui que Thibault lisait quand il était entré dans la pièce.

[Taliesin]

Le livre n'était pas posé sur les piles régulières qu'avaient réalisées les instituteurs, premier résultat de leur minutieux travail de classification.
Non, le livre était posé sur le bras du fauteuil.
A l'endroit exact où Thibault l'avait posé en se levant.
Sauf que Thibault était désormais derrière lui et n'avait pu, assurément, le traverser sans qu'il s'en rende compte...
-Albérich ? reprit celui-ci, l'inquiétude perçant dans sa voix.

[Galathée]

" J'ai eu une vision." dit alors le clerc, d'une voix un peu altérée.
Il se pencha pour attraper le livre, comme pour se donner de la contenance. Il avait pu se trouver là, déjà, avant qu'il n'entre et qu'il ne s'assoupisse dans le fauteuil.
" Je crois... que je..."
Il frissonna à nouveau et pendant une seconde, il eut l'impression qu'il allait s'évanouir. Il se pencha en avant et posa le front dans ses paumes, contre ses genoux.
" Je ne fais pas ce que je dois, n'est-ce pas ?"

[Taliesin]

Il avait eu le temps de lire le titre du livre.
Et de le traduire, car il était écrit dans la langue habituelle des anciens.
L'ouvrage s'intitulait Les promesses de l'aube.
-Mais qu'est-ce qui...
Thibault s'interrompit.
Suivit un court silence.
Puis le Luménien entendit des pas, il sentit un bras léger sur ses épaules.
-Tout va bien, dit simplement le Sunite.

[Galathée]

" Je suis désolé." souffla le Luménien, et il ne savait pas exactement à qui il s'adressait.
Il ne servait à rien d'être désolé, de surcroît, il fallait redresser la barre, c'était la seule chose à faire.
" Je fais ce que je peux, ce n'est pas facile... Je sais... je sais que je dois pouvoir faire mieux mais parfois... je ne sais simplement pas où aller puiser l'énergie..."
Il n'avait pas bougé, percevant la présence bienveillante de Thibault près de lui.
" Mais je la trouverai. Je ne dois pas m'inquiéter."

[Taliesin]

Thibault garda le silence un moment, se contentant de le serrer un peu plus fort contre lui.
Au bout d'un certain temps, il soupira.
Et quand il s'exprima, ce fut d'une voix un peu trop rauque.
-Aies foi, Albérich. En Lui. En toi. La foi est la seule chose qui peut nous permettre de mener la tâche parfois incommensurable qui est la nôtre.

[Galathée]

Il acquiesça, puis frissonna à nouveau.
" Oui."
Il se sentit à nouveau brusquement affligé comme il songeait aux paroles du Thibault qui n'était pas Thibault, à la violence de leurs existences, eux qui s'étaient voués à des dieux exigeants. Abnégation, renoncement, foi. C'était leur loi et il fallait s'y plier, car telle était l'essence d'une vocation de clerc, une vie de service, quoi qu'il advienne.
Il se redressa.
" Il faut... que nous parlions de cette cérémonie..."

[Taliesin]

Thibault finit par le relâcher.
-Toux doux, Albérich, souffla-t-il. Tu as l'air sous le choc. Laisse-toi le temps de te remettre.
Il avait les yeux un peu trop brillants et les traits marqués, comme si le trouble de son ami l'affectait profondément.
-Est-ce que tu veux que j'aille te chercher quelque chose à boire ? s'enquit-il. Quelque chose de chaud ?

[Galathée]

" Je ne sais pas, répondit le Luménien. Je crois que... je préfère que tu restes."
Pendant un moment, il fixa le vide, l'endroit où s'était tenu le Thibault illusoire quelques secondes plus tôt. Ses paroles demeuraient confuses dans son esprit, il se remémorait sa colère, sentit la crainte d'avoir été insultant, se demanda si ses pensées étaient restées secrètes ou s'il avait été un livre ouvert pour son interlocuteur.
Il se refusait à lui donner un nom. C'était une vision. Guillaume, le vieux clerc de Solarcis, l'avait mis en garde contre son arrogance, son sentiment qu'il était digne de l'attention d'un dieu. Mais dans le cas contraire, était-ce sacrilège d'estimer que c'était une vision ?
Il se sentit rougir et vaciller.
Ce qui comptait, fondamentalement, c'était le message.
Il l'avait trouvé scandaleux venant de la bouche de Thibault, et pourtant, il avait eu raison, tellement raison, et en même temps, Thibault n'avait rien dit, puisque ce n'était pas lui.
" Je suis désolé d'avoir été injuste avec toi."

[Taliesin]

-Injuste ? Mais qu'est-ce que tu racontes ?
Le Sunite le dévisagea.
-Est-ce que... Est-ce que tu t'es vu... reprocher quelque chose ?
Il grimaça.
-Je voudrais... t'aider à te sentir mieux. Mais je ne suis pas sûr d'en savoir assez pour réussir... D'un autre côté, je ne veux pas te forcer à parler...
Il marqua une pause.
-Veux-tu... Veux-tu que j'aille chercher Hubert ?

[Galathée]

" Non. Non, ce n'est pas nécessaire."
Il frissonna, passa les doigts sur la couverture du livre qu'il tenait toujours, sans s'en rendre compte.
" Ça va aller... Je vais me remettre. Je crois... Je dois... peut-être aller prier..."
Il avait tant de pensées sombres et d'actes nonchalants à se faire pardonner... Mais c'était une mise à l'épreuve. Lathandre avait confiance. La seule solution était de relever la tête et de se montrer digne.
" Je n'avais jamais... Je ne savais même pas..."
Il haussa les épaules avec un sourire incertain.
" ... pris la mesure..."

[Taliesin]

Thibault parut perplexe.
-Je ne suis pas sûr de comprendre...
Il parut réfléchir.
-Parles-tu de... l'événement en lui-même ou... de son contenu ?

[Galathée]

" Sans doute des deux à la fois." murmura Albérich.
Il regarda Thibault, incertain, prenant conscience pour la première fois de l'expression du Sunite. Il se demanda pourquoi c'était lui qu'il avait vu, plutôt qu'Hubert. Est-ce que cela voulait dire quelque chose ? Etait-ce un hasard ? Il y avait eu un message sur le futur, et sur lui-même, mais pas seulement. Ou alors était-ce avant tout le parallèle ? La métamorphose du Sunite, reflet de celle qui lui était demandée aujourd'hui. La mise au défi par son dieu.
Thibault s'était sacrifié pour sa foi, et c'était incroyablement douloureux, mais il l'avait fait. Il s'était montré digne de Sunie
C'était son tour à lui, à présent.
" Je vais aller prier." dit-il en se levant.

[Taliesin]

Le clerc hocha la tête.
-Très bien.
Il se leva, marqua une nette hésitation.
-Veux-tu que je t'attende ? Si tel est le cas, tu ne dois pas hésiter à le dire : tu me connais, je suis du genre couche-tard. Mais c'est juste une proposition, évidemment.

[Galathée]

" Non. Je pense que je vais prier jusqu'à l'aube."
Il eut un sourire embarrassé.
" Par contre, si tu pouvais prévenir Hubert de ne pas m'attendre, ni me chercher... J'apprécierais. Dis-lui que je vais bien, mais que j'ai besoin d'être seul."

[Taliesin]

Thibault grimaça.
-Tu es conscient qu'il va... soit poser des questions, soit être tenté d'aller te trouver...
Soupir.
-Mais soit, je vais lui dire.
Il fit deux pas dn direction de la porte.
-Essaie quand même... de te ménager.

[Galathée]

" Ce n'est pas le moment de se ménager. Il y a un temps pour tout."
Il sourit doucement.
" Mais Hubert comprendra."
Dès que Thibault serait parti, il quitterait à son tour la pièce pour rejoindre la salle où il avait prié le matin-même.

***

De son côté, Hubert avait refusé de se laisser abattre par l'humeur du Luménien. Il lui parlerait plus tard, quand il aurait pu se remettre un peu de leur discussion. Il n'était pas encore très tard, il était sans doute temps de commencer à suivre les idées qu'ils avaient formulées. Aussi se mit-il en quête de sa paire d'écuyers. Il allait les mettre à contribution.

[Taliesin]

Il dirigea ses pas vers la grande salle.
L'essentiel de la Communauté s'y trouvait évidement réuni. Par familles, par petits groupes, l'on devisait tranquillement ou l'on se préparait à la nuit.
Ses écuyers étaient à l'endroit exact où ils avaient dormi la nuit précédente. En compagnie de leurs amis et de Giovanni. Lequel parlait au quatuor. Racontait-il une histoire ? Expliquait-il quelque chose ? Hubert ne le sut pas car lorsqu'il s'approcha, le barde s'interrompit et lui sourit.
-Viens-tu annoncer l'extinction des feux ? s'enquit-il d'un ton tranquille.

[Hubert de Maleval]

" Non. Au contraire, dit-il. Mais je ne voulais pas non plus interrompre un moment de détente mérité... J'avais un petit travail à confier à mes écuyers... s'ils ont encore de l'énergie."
Il sourit aux enfants.
" J'aurais voulu que vous établissiez la liste des personnes qui, à votre connaissance, sont capables d'ouvrir les coffres en métal magique. Je sais bien que nous n'avons jamais fait de véritable recensement... Nous pourrions d'ailleurs l'imaginer, car c'est une compétence importante... mais si je pouvais avoir une idée... y compris parmi les adultes."

[Taliesin]

Déjà, ses écuyers étaient debout.
-Nous allons demander de quoi écrire cette liste aux instituteurs, fit Alban.
-Si vous voulez, on peut aussi faire le tour de la salle pour demander aux gens, ajouta Ruth.
-Nous pouvons aussi attendre demain et... demander à tout le monde d'essayer d'ouvrir l'un des coffres que nous avons repérés.

[Galathée]

" Je pense que vos deux idées sont bonnes. Un tour ce soir pour que je puisse constituer une première équipe encore aujourd'hui. Et demain, on fera ce que vous dites avec le coffre. Une liste exhaustive est effectivement ce dont j'aimerais disposer à terme."
Il se tourna vers Giovanni.
" Je vais installer un semblant de salle des cartes dans une des pièces voisines. Ne t'endors pas tout de suite : j'aurai peut-être besoin d'un traducteur."

[Taliesin]

-Moi, m'endormir tout de suite ?
Giovanni leva les yeux au ciel.
-De un, je suis un couche-tard. De deux...
Il désigna ses jumeaux.
-Si tu peuses que ces monstres vont me laisser me coucher tant qu'eux-mêmes ne sont pas épuisés, tu te leurres lourdement...
Il sourit.
-Bref, tu n'as rien à craindre.

[Hubert de Maleval]

Le paladin sourit au barde et quitta la place, à la recherche d'une pièce qui pourrait convenir au conseil, aux réunions d'état-major, mais qui surtout pourrait contenir toutes leurs cartes : celle de la ville, celle des souterrains, celle qui reprenait leurs explorations dans la rue, et celle de la forteresse.
Il essaya ensuite de mettre en rapport le plan de la ville que leurs cartographes avaient dessiné depuis la forteresse et celui des souterrains. Il n'était pas expert en ces matières, mais il était concentré et espérait qu'il parviendrait à retrouver un semblant de similitude entre les deux représentations. Malheureusement, hormis ce palais, la bibliothèque, la caserne aux morts-vivants et le musée des curiosités, il n'avait aucune idée de ce que renfermaient tous les autres édifices. Le plus simple serait sans doute de vider d'abord les bâtiments les plus proches. Mais cela pourrait aussi attirer l'attention sur eux... Il fallait réfléchir posément à la situation. En usant des éclaireurs.

[Taliesin]

Même dépourvu de toute annotation, de toute indication, le plan des souterrains en lui-même ne manquait pas de points de repères pour qui connaissait un peu Clairétoile : il y avait le large tunnel circulaire longeant les remparts, ceux partant en étoile depuis la forteresse - qui occupait approximativement le centre de la cité -, ceux contournant le lac, à ses pieds, ceux courrant sous les grandes artères, à commencer par celle qui menait aux portes nord... En procédant à des comparaisons avec les autres documents à sa disposition, Hubert n'eut aucun mal à localiser le palais, à déterminer comment rejoindre aisément les édifices voisins... Il se rendit compte, aussi, que l'ensemble du réseau formait un véritable labyrinthe. Sans doute nombre de ses branches étaient-elles cachées pour qui n'en connaissait pas l'existence.

[Hubert de Maleval]

Hubert ne voulait pas écrire sur la carte antique qu'ils avaient récupérée à la bibliothèque, aussi faudrait-il sans doute en faire une copie assez rapidement, histoire d'y superposer les bâtiments. Il lui faudrait des volontaires pour cette tâche, mais il voulait aussi que les éclaireurs se désignent un porte-parole et peut-être qu'ils forment quelques personnes supplémentaires à leur art. Il était tard, cependant, et il se résigna à organiser sa réunion le lendemain matin. Ils perdraient quelques heures, mais ils n'étaient sans doute plus à ça. Il n'avait aucune idée de ce que les Ithiliens s'étaient placé comme priorités, ni ce qu'ils avaient obtenu comme informations de la part de leurs prisonniers et des mercenaires. La ville était vaste mais les Oghmans étaient nombreux, et ils se rueraient probablement vers le lac dès qu'ils auraient pris la mesure des lieux. Envoyer Giovanni en mission d'espionnage était probablement inévitable... mais Hubert n'était pas enchanté à l'idée d'exposer le barde. S'il était pris, il risquait de passer un très mauvais quart d'heure.

[Taliesin]

Il entendait un bruit ténu provenant du couloir.
Il perçut, du coin de l’œil, l'éclat d'une torche.
Un instant plus tard, on toquait à la porte entrouverte.
-Hubert, puis-je vous dire un mot ?

[Hubert de Maleval]

L'éclat de la torche fit prendre conscience à Hubert qu'il était resté dans le noir.
" Bien sûr. Entrez." dit-il en se redressant.
La présence de Thibault le mettait immanquablement mal à l'aise, il ne pouvait pas s'empêcher de se demander si de nouvelles déclarations enflammées allaient déferler sur lui. Il le trouvait souvent très familier, parfois insultant, avec Albérich, mais c'était un lien ancien dont il ne devait pas se mêler, d'autant que le Luménien paraissait ne pas s'en émouvoir. Le Sunite était de surcroît un membre important de leur groupe et en d'autres temps, d'autres lieux, d'autres circonstances, le paladin ne doutait pas qu'ils auraient pu devenir bons amis.