[Lieu] Peyregorde

[Kasumi]

Le demi-elfe prit cette trace de présence avec méfiance : au cœur de ces bois, la probabilité de tomber sur un humain hostile plutôt que neutre ou amical était prégnante. Toutefois, il ne pouvait pas se contenter d’ignorer cette piste. Il examina donc les alentours à la recherche du moindre signe de présence à l’affût avant de se pencher sur les restes du feu de camp, cherchant à en apprendre le plus possible sur celui ou ceux qui l’avait allumé.

[Voyageuse]

Mais le feu était ancien, tout n'était plus que cendre à demi-envolées. S'il y avait eu des restes alimentaires, ils avaient été dévorés par les habitants des bois. Il lui sembla néanmoins reconnaître des débris d'os, brisés en plusieurs endroits, qui indiquaient probablement que l'homme avait consommé de la viande. Il ne pouvait rien en tirer d'autres. Le feu remontait à plus d'une veille, c'était certain. Mais pour que le sol en garde la trace, il avait dû être de taille importante.
Il ne vit pas de traces de pas ou de passage aux alentours. L'inconnu n'était sans doute pas repassé ici depuis son bivouac. A force de chercher, il finit par trouver une pointe de flèche, qui lui parut identique à celles qu'il avait trouvées sur l'ours. Il n'aurait pu en jurer cependant, ce genre d'objet étant trop répandu.

[Kasumi]

La récolte était bien mince mais le rôdeur emporta tout de même la pointe de flèche pour la comparer avec celles qu’il avait pu prélever sur le sanglier une fois qu’il serait rentré. Il lui paraissait également d’annoter son embryon de carte avec ce nouveau signe de présence au cas où il puisse en dégager un schéma et, à terme, remonter la piste de ses ennemis de l’ombre. N’ayant plus rien à faire sur place, il avait l’intention de porter ses pas vers la cabane pour prendre des nouvelles de Première Neige et déterminer avec elle si elle pouvait servir d’intermédiaire avec la meute sur le message qu’il voulait lui faire passer.

[Voyageuse]

Première Neige allait mieux, tellement qu'il devina qu'elle venait à sa rencontre alors qu'il s'approchait de la lisière de la forêt. Elle était affaiblie par ses blessures, et ne serait certainement pas capable de se défendre si elle était attaquée, ni de chasser. Mais elle pouvait marcher sur des distances raisonnables.
Cependant, lorsque Kasumi essaya de lui transmettre mentalement sa requête, l'image des loups de la meute éveilla un fort sentiment de méfiance et de peur. Après tout, ils l'avaient attaquée plusieurs jours auparavant.

[Kasumi]

Il tenta immédiatement de l’apaiser en songeant à la meute sous un autre angle : évoquant la tanière et les petits que le groupe défendait, se remémorant l’accueil que le chef lui avait accordé suite à l’utilisation de son sortilège, assurant qu’il serait présent pour la protéger si elle acceptait de l’accompagner jusqu’au territoire de ses congénères le lendemain. Mais il ne voulait pas non plus la brusquer ou lui imposer de le faire si elle ne le sentait pas : elle avait le choix et il ne lui en voudrait aucunement si elle préférait éviter d’avoir à nouveau affaire à eux.

[Voyageuse]

Le moins qu'on puisse dire était que l'idée ne l'emballait pas. Kasumi eût même la sensation qu'elle le mettait en garde contre la meute. Mais la présence du rôdeur lui donnait suffisamment d'assurance, de sentiment de sécurité, pour qu'elle accepte de dépasser ses réticences : elle voulait bien l'accompagner, s'il la protégeait contre le courroux du chef de meute.
Au-dehors, le soleil était couché et l'obscurité serait bientôt totale. des nuages voilaient le ciel, masquant la lueur de la lune, et l'air était lourd, orageux.

[Kasumi]

Kasumi flatta la nuque de sa compagne pour la remercier de son aide et la récompenser de son courage. Il avait toutefois l’intention de consulter Sylvia et ses bons conseils sur la marche à suivre avec les loups : peut-être qu’elle aussi l’inciterait à se méfier de la meute qui avait eu un comportement nettement agressif. En tous cas et avec l’orage qui menaçait, le rôdeur ne s’attarda pas à la cabane et prit donc congé de la louve avant de marcher d’un bon pas en direction du village et de la promesse d’un foyer chaleureux, de sourires et d’un bon repas : son rapport auprès de Bertrand pouvait bien attendre le lendemain qu’il ait défini une stratégie si toutefois aucun événement ne s’était produit durant la journée.

[Voyageuse]

Sylvia et Martha l'attendaient au coin du feu, armées d'aiguilles de tricot et d quelques hectomètres de laine, tout en devisant paisiblement. Sylvia se leva à son arrivée.
" Enfin ! Je commençais à m'impatienter, tu sais ! Les journées sont longues sans toi..."
Ces récriminations ne l'empêchèrent toutefois pas de déposer un léger baiser sur ses lèvres.
" Ça s'est bien passé ? Tu as trouvé quelque chose ?"

[Kasumi]

Il lui rendit son baiser et caressa tendrement le dos de sa main avant de sourire, un peu fatigué mais pas mécontent de rentrer pour se mettre au chaud. Son regard se porta sur leur ouvrage et une lueur amusée illumina son regard avant qu’il ne réponde d’un ton paisible :

- J’ai trouvé les loups et ils m’ont mené près de leur tanière mais je ne sais pas pourquoi ils chassent si près du village : je pensais y retourner demain pour essayer de les convaincre de rester plus près du fleuve…

[Voyageuse]

Sylvia, tout en l'écoutant, s'était blottie contre lui, la tête au creux de son épaule. Elle l'attira tendrement contre elle, se rasseyant sur le divan.
" Mais comment tu vas faire pour leur expliquer qu'ils doivent chasser ailleurs ? Ce n'est pas simple à faire passer, comme message, d'autant qu'ils ne te connaissent pas...
- Est-ce que les chasseurs n'auraient pas raison ? Est-ce qu'il ne faudrait pas les attaquer pour les obliger à s'enfuir ?", intervint Martha.

[Kasumi]

Kasumi ne se fit pas prier pour s’installer confortablement tout en gardant la main de Sylvia dans la sienne. Son regard ne parvenait pas à se détacher du sien alors qu’il mesurait ce pourquoi il se battait dans les bois : restaurer la vie naturelle, garantir la protection de la communauté et la leur. A eux trois.

- Non, cela ne conduirait qu’à un massacre que je veux éviter : la meute a des louveteaux de l’année alors elle n’acceptera jamais de fuir quelles que soient les pertes. Il faut que parvienne à convaincre les villageois et donc de raisonner les loups. Ce ne sera pas simple mais je trouve que ça vaut la peine d’essayer : une forêt sans prédateurs est une forêt où se répandent les maladies et les charognes.

[Voyageuse]

" Sans doute, si vous le dites...
- Kasumi a raison, renchérit Sylvia avec un sourire complce. Les loups ont un rôle à jouer..."
Martha soupira.
" Par ici, ils sont surtout synonymes de morts, vous savez. Même Hortense vous le dirait. Ils lui ont ravi son petit-fils... Alors, depuis, on ne les porte pas dans notre coeur, vous comprenez. vous aurez du mal à convaincre les chasseurs..."

[Kasumi]

Non, ça n’allait pas être simple… Mais le regard complice de Sylvia lui fit du bien et raffermit sa résolution : amener la meute près du fleuve serait un premier pas. Et si ce n’était pas suffisant, laisser certains des villageois faire peur aux loups ne serait peut-être pas une si mauvaise idée. A condition qu’aucun ne soit abattu sans sommation et que les actions se limitent aux terres environnant le village. Non, ça n’allait pas être simple… Mais il le fallait au moins essayer : c’était la seule voie à suivre car rien ne pouvait être bâti sur le sang et la violence.

- Je pense retourner auprès des loups demain en espérant avoir davantage d’arguments pour convaincre les plus réticents des chasseurs.

[Voyageuse]

" Tu dois essayer, en tout cas.
- Mais je serais vous, je ferais vite. J'ai entendu des rumeurs dans le village. Les esprits sont tendus, agressifs. Les chasseurs ont hâte d'en découdre. Bertrand espérait que vous donneriez des nouvelles dès ce soir..."

[Kasumi]

Oui, c’était bien compréhensible quand on songeait qu’il avait mis un frein à leur expédition prévue le matin même et que leurs velléités de chasser les loups remontaient déjà à des jours sinon des veilles…

- Je devrais peut-être aller parler à Bertrand ce soir pour donner de premiers éléments qui pourraient les faire patienter… Après tout, j’ai localisé la meute et aussi le terrain de chasse auquel elle pourrait se limiter. Mais j’ai peur que ne pas donner d’éléments plus concrets ne fasse qu’attiser les attentes…

[Voyageuse]

" Peut-être qu'il ne faut pas laisser savoir à n'importe qui que tu as repéré la meute, fit remarquer Sylvia. Il y en a certainement qui ne penseraient qu'à les exterminer...
- C'est probable, acquiesça Martha. Et on peut les comprendre, vu les circonstances.
- Oui mais ce n'est pas une solution, répliqua la rôdeuse. Si on peut l'éviter, et trouver une solution viable aussi bien pour eux que pour nous, c'est mieux !
- Vous me pardonnerez de penser davantage à la sécurité de mes concitoyens qu'à celle des loups... Pour moi, c'est quand même la vie humaine qui prime !"

[Kasumi]

Le demi-elfe esquissa un sourire aimable avant de répondre d’un ton conciliant :

- La sécurité des villageois est aussi ma priorité mais exterminer le peu d’espèces sauvages ayant survécu aux dangers de la Forêt Maudite ne peut qu’aggraver la situation à long terme. Non, je dois réussir à convaincre les loups de s’éloigner mais le plus difficile sera sans doute de convaincre les villageois que les laisser en paix sur leur territoire est dans leur intérêt.

[Voyageuse]

Martha acquiesça.
" Effectivement, c'est loin d'être une évidence. Pour eux comme pour moi d'ailleurs. Pourquoi serait-ce dans notre intérêt de laisser croître à quelques heures de chez nous une race potentiellement dangereuse et agressive ? Le risque est énorme ! Vous aurez du mal à nous convaincre qu'on a plus à y gagner qu'à y perdre... même si je suis toute disposée à entendre vos arguments !
- Mais... hum... peut-être demain ? suggéra Sylvia. Je veux dire, les arguments... Il se fait tard...
- Ah, c'est l'estomac qui a parlé, se moqua gentiment Martha. Mais si vous voulez poursuivre la discussion à la veillée, je suis toute ouïe, ajouta-t-elle en se tournant vers Kasumi.

[Kasumi]

D’autant plus sensible aux besoins de sa compagne qu’il se sentait lui-même affamé, le demi-elfe l’aida à se relever lentement pour l’accompagner jusqu’à la table. Il n’en ignora pour autant pas l’invitation de Martha à argumenter. Après tout, il valait mieux s’entraîner à convaincre un bon public comme leur logeuse avant d’affronter le reste du village qui n’aurait pas forcément la même bienveillance :

- En temps ordinaire, les loups craignent de ne serait-ce qu’approcher les abords des communautés humaines. Je me suis d’abord dit qu’ils évitaient un danger encore plus grand ou que la nécessité les avait poussé à prendre des risques mais ça ne semble pas être le cas. Ou alors c’est une perturbation plus profonde de la nature et c’est peut-être une excellente piste dans ma quête du bosquet… Si on se contente de les chasser au loin, j'ai peur de passer à côté d'un indice important ou de briser définitivement un équilibre déjà fragile

[Voyageuse]

" Hum... L'idée que vous passiez peut-être à côté d'une piste intéressante en les chassant risque fort de laisser de marbre mes concitoyens, fit remarquer Martha avec un sourire amusé. Le fait qu'ils semblent fuir un danger pourrait être une meilleure option...
- Mais il a dit que ça n'était pas ça..., répliqua Sylvia en tendant la soupière à Kasumi.
- Vous avez vraiment eu le temps de tout explorer et d'éliminer cette hypothèse, Kasumi ? Ce peut aussi être un danger passé, éteint !"

[Kasumi]

Kasumi ne se fit pas prier pour faire le service, remplissant généreusement les assiettes en commençant par celle de Sylvia. La question de Martha fit renaître un sourire sur son visage alors qu’il envisageait la situation sous un nouvel angle :

[color=#99000]- Vous avez raison : les loups ont une bonne mémoire de groupe. J’ai trouvé des zones giboyeuses qu’ils semblent éviter alors qu’il se risque à la lisière des zones de coupe où il y a beaucoup moins de proies. Peut-être les loups se souviennent-ils d’une ancienne menace et il m’appartient de leur montrer qu’il n’y a plus de danger : ça pourrait être la solution.[/color]

[Voyageuse]

" Ce serait l'idéal, confirma Martha.
- Ou peut-être qu'il y a vraiment un danger que tu n'as pas croisé sur ta route, proposa Sylvia. La forêt est vaste...
- Tout ça ne sont que des hypothèses, il faudra sans doute du temps pour trancher. Et ce ne sera pas facile de convaincre les chasseurs de vous en laisser. Éliminer la menace est tellement plus simple, plus radical... Je ne vois pas pourquoi ils s'en priveraient ! Mais mangez donc avant que ça ne refroidisse !, conclut leur hôtesse.

[Kasumi]

Il était certain que ces tous premiers repérages n’aient en effet pas suffi à mettre au jour toutes les menaces qui pesaient sur la région. Et pour s’en convaincre, Kasumi n’avait qu’à se remémorer tous les indices qu’il n’avait pas encore su exploiter : du cercle de pierre aux feux de camp en passant par les attaques d’animaux et le tas d’ossements dans le ruisseau.

Et ce n’étaient là que les manifestations les plus visibles : peut-être les loups étaient-ils tombés sur des carcasses malades ou d’autres fléaux qui les poussaient à éviter leurs zones de chasse naturelle.

L’ennui était en tous cas que toutes ces suppositions n’étaient que des hypothèses – peut-être toutes erronées – et que les villageois réclamaient déjà des résultats… De quoi lui donner bien des maux de tête et de lui couper l’appétit s’il n’était pas aussi nécessaire qu’il garde ses forces pour les jours éprouvants à venir : il allait devoir chercher... Encore. et surtout trouver rapidement.

[Voyageuse]

Le dîner ne s'éternisa pas, et Martha ne proposa pas de liqueur digestive. Sylvia paraissait fatiguée, et se leva sitôt le dîner terminé pour aider à desservir, malgré les protestations de leur hôtesse.
Celle-ci, les bras chargés d'une pile d'assiette, se tourna vers Kasumi.
" Comptez-vous vous lever tôt demain ou attendre un peu pour voir Bertrand ? Je peux aussi me charger de lui transmettre un message, si vous préférez partir plus tôt...

[Kasumi]

Kasumi refusa le digestif, arguant qu’il était lui aussi un peu fatigué. Il ne manqua cependant pas de remercier Martha pour sa proposition :

- Je crois que je vais partir tôt : il me reste énormément à faire et j’ai l’impression que le temps m’est compté avant que les villageois ne se décident à agir malgré tout. Si vous pouviez dire à Bertrand que je vais m’efforcer d’inciter les loups à rester à leur place en cherchant ce qui les fait éviter les abords du fleuve, ça me rendrait bien service !

[Voyageuse]

" Je lui dirai. Mais je ne sais pas comment ils réagiront... "
Elle soupira.
" Enfin, j'imagine que pour un jour ou deux, ça doit pouvoir aller. Essayez de faire vite tout de même. Mais donc, je vous prépare un casse-croûte aux aurores.
- Espérons que tu trouves vite une solution, murmura Sylvia en étouffant un bâillement. Mais viens vite dormir si tu veux te lever à l'aube. Les nuits sont courtes en cette saison..."

[Kasumi]

Même si le demi-elfe ne s’était pas senti aussi fatigué, il n’aurait tout de même pas tardé à suivre la recommandation de Sylvia. En effet, il était à nouveau en proie au doute sur la conduite à tenir et même sur les objectifs qu’il se devait de suivre : il n’avait plus l’impression de progresser dans sa recherche du bosquet et avait la désagréable impression de ne faire que gérer les urgences plus ou moins comme il pouvait… En somme, il avait grand besoin de certitudes et d’un peu de réconfort et de soutien qu’il pourrait trouver dans les bras de sa compagne.

[Voyageuse]

Sylvia le connaissait suffisamment bien pour deviner son état d'esprit. Sitôt couchés, elle se blottit contre lui, le serrant fort dans ses bras, se contentant de caresser ses cheveux sans dire un mot.
" Tu es soucieux, finit-elle par murmurer. Ça s'est mal passé, avec les loups ? Ou bien tu t'inquiètes des chasseurs peut-être ?"

[Kasumi]

Kasumi se laissa faire en fermant les yeux, éprouvant un réconfort intense dans l'étreinte, les marques d'affection et la voix de Sylvia. Il finit cependant par la regarder après avoir poussé un bref soupir :

- Non, ça ne s'est pas mal passé. Mais j'ai l'impression de courir trop de lièvres à la fois : les loups, les chasseurs, la recherche du bosquet. J'ai l'impression de ne pas faire de progrès alors que le temps m'est compté.

[Voyageuse]

" Je comprends bien... Quelque part, tout est peut-être lié. Si les loups se sont rapprochés, c'est peut-être lié à une menace que l'absence de bosquet a laissé croitre ; et inversement, si tu fais renaître le bosquet, les loups pourront alors retourner dans leurs territoires de chasse antérieur. Mais peut-être aussi qu'on se trompe et que ça n'a absolument rien à voir, en réalité. C'est difficile à savoir. "
Elle soupira.
" Et il me semble que que la volonté des chasseurs d'en finir au plus vite, d'éradiquer la menace, est liée à leur méfiance viscérale vis-à-vis du monde naturel. Et ça aussi, c'est un peu lié à l'absence du bosquet et au départ d'Hortense. Les mentalités ont évolué dans le mauvais sens."
Secouant la tête, elle conclut.
" Mais tout ça ne t'aide par vraiment à savoir par quoi commencer, c'est sûr... Les loups et les chasseurs semblent le plus urgent, le bosquet est peut-être le plus important à long terme..."