[Lieu] Lameroy - cité naine ouverte

[Alchem]

Téâya expliqua tout, n’omit rien. Il était important que tout le monde sache, pour que tout le monde puisse réagir correctement. Elle était normalement maintenant en mesure de détecter la pierre corrompue par le Despote. Et celui-ci, pouvait détecter les siennes. Impossible de se cacher. Tant mieux. La Grande Mystificatrice n’était pas du genre à fuir, loin de là ! Pour autant, elle n’avait pas non plus l’intention de foncer tête baisser. Si elle pouvait récupérer un maximum d’âme avant afin de renforcer ses alliés de lumière, ce ne serait pas un mal.

[Kasumi]

Fort du savoir que lui avait octroyé le Gardien, la Grande Mystificatrice pouvait à présent se fier à ce que lui indiquaient les pierres et non plus le flot d'âmes. Bien lui en prit car elle sentit que la pierre corrompue ne se trouvait pas vers le passage qui menait hors du plan. Non, il était à l'opposé même de ce dernier : selon toute vraisemblance, le Despote avait fait jouer une de ses illusions pour les perdre ! Elle découvrit également que les âmes qui semblaient se diriger vers la sortie étaient elles aussi des illusions.

Non, pas des illusions, autre chose... Ces dernières devinrent d'ailleurs immédiatement hostiles, à deux doigts de prendre le groupe totalement au dépourvu tant elles étaient proches !

[Alchem]

S’il y avait bien un Domène où les svirfnebelins excellaient, c’était bien sur la prudence. Téâya n’eut rien à dire, le groupe réagit sur l’instant. Il s’agissait probablement de morts-vivants. Les grands prêtres firent en sorte de les repousser ou de les détruire. Dans le même temps, l’un des guerriers guida la formation serrée là où elle ne serait pas prise en tenaille. L’élémentaire de la terre, s’il fallait se battre, allait être un atout certain. La Grande Mystificatrice n’allait employer sa magie qu’en dernier recours. Ces monstres n’étaient pas leur objectif. Il n’y avait aucun intérêt à tous les éliminer. Il fallait maintenant atteindre la gemme corrompue et en finir avec cette histoire.

[Kasumi]

Les grands-prêtres étaient loin d'être nés de la dernière pluie - même si ce concept était tout relatif en Outreterre - et l'escarmouche ne fut guère plus que cela, en définitive. L'élémentaire et les guerriers eurent à peine à s'employer pour former un mur protecteur que les prêtres avaient déjà fini d'éliminer les fantômes hostiles. S'agissait-il d'éléments incontrôlés par le Despote ou d'une tentative bien plus subtile visant à dévoiler un peu leurs forces voire les user lentement ?

[Alchem]

Quoi qu’il en soit, Téâya ne perdit pas une seconde. Elle donna la direction à suivre pour trouver la gemme corrompue et mit son groupe en marche. Peu importait les couloirs, avec l’élémentaire, ils pouvaient creuser leur propre voie si c’était nécessaire. Pour le coup, la tactique était assez peu svirfnebeline. Mais la magicienne avait bien compris qu’il était désormais vain de chercher à être fin puisqu’elle et son ennemi jouait à jeu découvert. Elle ne laisserait pas la liche les user à petit feu. Ha ça non ! Le monstre ne pourrait que se montrer, défendre sa source de vie, son existence. Et la gnome allait lui faire payer de s’être pris aux Murmure ! Contrairement à son fils, toujours réfugié derrière son masque de calme, elle était un volcan !

[Kasumi]

La direction indiquée par la pierre d'âme était la même qu'empruntaient de petits groupes d'âmes inoffensives qui se dirigèrent pourtant vers Théâya, attirées par la gemme qu'elle portait en main. et à chaque fois, il lui sembla que le signal qu'elle ressentait était plus net, plus puissant...

Ils parcoururent ainsi plusieurs tunnels, se frayèrent parfois un passage à l'aide de l'élémentaire et toujours l'impression qu'ils approchaient du but se faisait plus forte...

***

Ailleurs. Autre part.

Alchem était déshydraté : le peu d'eau qu'on lui apportait dans sa cellule de pierre le maintenait à peine en vie. Et son dernier repas de champignons remontait à plus de trois jours, pour autant qu'il soit parvenu à en tenir le compte de manière exacte. Mais les privations n'était pas ce qu'il avait eu à subir de pire : alors que la liche ne s'était pas présentée lors de ses premiers jours de captivité dans cette cellule sombre et nauséabonde, elle venait tous les jours depuis près d'une veille. Et à chaque fois elle expérimentait de nouvelles tortures mentales sur lui, le laissant épuisé et choqué. et voilà qu'Alchem entendait les pas du Despote qui approchaient...

[Alchem]

Depuis la guerre des Drow, Alchem avait en lui un grain de folie. C’était diffus, quasiment imperceptible et pourtant omniprésent. Cet soif de vouloir servir, son acharnement excessif à détruire le mal où qu’il le trouve, et puis, surtout, cette petite voix dans sa tête promettant mille malheurs, mille tourments. Poussé dans ses derniers retranchements par le Despote, il s’était mis à converser tout haut avec cette voix qu’il était de plus en plus persuadé d’entendre et non pas d’imaginer. Pour se protéger de la liche, il avait mis au point une défense atypique. Il envisageait le pire, le pire du pire. Ses scénarios déments, tout droit sortis d’un cauchemar infernal, dépassaient sans cesse les limites de l’ignoble. Il était persuadé que plus il irait loin dans cette épreuve d’imagination morbide, moins ce que pourrait lui faire le Despote lui semblerait grave. Cela marchait, en partie. Il avait de moins en moins peur du Despote et de plus en plus peur de lui-même. Peur de cette voix qu’il commençait à ne plus contrôler. Était-ce bien sa voix au final ? N’était-ce pas plutôt celle d’Urdlen, le rampant d’en-dessous ? Buté à l’extrême, il préférait se détruire lui-même plutôt que de laisser à un autre le soin de le faire. Espérait-il encore survire à cette épreuve ? Au fond de lui, peut-être. Il ne savait plus vraiment. Ce dont il était sûr, c’était que pour se donner la mort, il n’y avait besoin de rien. Non, il suffisait de se mordre la langue. L’émoragie faisait le reste. Un jour, demain peut-être, ce cerait peut-être le moment. Pas encore...

Alchem, plus semblable à une statue que jamais, était assis dans un coin. Il ne bougea pas, ne regarda pas, ne di pas un mot.

[Kasumi]

La liche s'arrêta devant la porte de sa cellule et un long moment se passa, une de ses nombreuses techniques subtiles pour faire monter l'angoisse de son prisonnier. Puis la porte s'ouvrit en un grincement qu'une petite partie de son esprit - non préservée par sa discipline mentale - avait appris à redouter. Car c'est ainsi que commençaient toutes les séances longues et douloureuses...

Le Despote entra dans la cellule en sifflotant, sans se soucier qu'Alchem puisse l'agresser : il avait déjà essayé - sans succès aucun.

- J'ai une excellente nouvelle qui va certainement vous réjouir ! Vous allez bientôt être libéré ! Votre maman est même venu vous chercher et elle ne devrait plus trop tarder à trouver mon repère.

[Alchem]

Ha, la venue de sa mère ! Il l’avait prévu. Oui, il devait avoir une bonne centaine de scénarios horribles qui débutaient par cette annonce. Le Despote disait-il la vérité ? Alchem ne se le demanda même pas. Tout comme il ne réalisa même pas ce que pouvait impliquer réellement la présence de Téâya. Nourrir un espoir, ce serait offrir une prise supplémentaire à la liche. De surcroit, puisqu’il ne pouvait la combattre et qu’il n’avait plus la force de livrer contre elle une joute verbale, il se rabattait sur le dernier moyen de lutte qui lui restait et, quelque part il se disait que c’était le plus efficace de tous : l’indifférence. Quoi de pire pour un être à l’égo surdimensionné que d’être ignoré ? En cela se traduisait l’acharnement vicieux du svirfnebelin, ce combat de l’immobilité, de la passivité, mais pas du renoncement. Si Alchem avait renoncé à tenir bon, il se serait déjà suicidé, aurait tenté tout du moins.

Mis à part le léger frémissement provoqué par le grincement de la porte, nul doute que dans un certain délai même cela allait s’estomper, le fils de la Grande Mystificatrice demeura sans réaction, aucune. Il ne regardait pas le Despote. Mais il ne faisait rien non plus pour éviter de le regarder si celui-ci entrait dans son champ de vision. Il n’écoutait pas réellement le Despote. Les mots entraient dans une oreille, subissaient une vague analyse, puis ressortait par l’autre oreille. D’ailleurs, comble de cette stratégie, le gnome pensait déjà à autre chose. La liche, sa mère ? Pfff, du vent ! En son esprit, il était seul, seul depuis que Dalius n’était plus là. Et personne dans tout le multivers, pas même le Despote, pas même les dieux, pas même les princes démons ou les archidiables, personne ne pouvait inventer une torture pire que la solitude.

[Kasumi]

Le svirfneblin constata que la liche entrait dans la cellule – elle ne se donnait pas cette peine à chaque fois sans pour autant que ce soit inédit – et qu’elle s’arrêtait devant lui, à quelques pas seulement.

- Oh, j’aurais cru que cette nouvelle vous réjouirait davantage ! Mais ce n’est pas si important… L’essentiel est de ne pas décevoir dame votre mère : je n’ai pas perdu tout sens des convenances sociales malgré des millénaires passés loin des vivants… Mais je digresse, je digresse et vous êtes trop poli pour m’interrompre ! Je disais donc que je ne voulais pas décevoir Dame Théâya aussi vais-je lui permettre de repartir avec son fils si cher à ses yeux. Et comme elle semble encline à la violence et à la vengeance, il se pourrait même que je lui permette de me détruire.

Il marqua une longue pause avant de reprendre d’un ton amusé et quasi jubilatoire :

- Dès que j’aurai transféré mon esprit dans votre corps et vice versa évidemment ! Une simple illusion aurait été une insulte aux talents de votre mère alors je me suis permis d’inventer ce petit stratagème élaboré. Bon, j’aurais préféré un corps un peu plus avantageux mais ce n’est que temporaire et si c’est le prix à payer pour quitter cette dimension et satisfaire tout le monde, ma foi… Enfin, tout le monde sauf vous, j’imagine ?

[Alchem]

La réponse du gnome, vide d’expression, tomba quelques secondes plus tard. Fruits d’une froide réflexion, ce n’était rien de plus.
« Vous êtes une liche, vous êtes attaché à votre phylactère. Peu importe où vous mettez votre esprit, votre source vitale demeure la même. »
Et ce fut tout. Les paroles du Despote avaient laissé de marbre son prisonnier. Il était si amorphe que le plan exposé par la liche risquait fort de ne pas fonctionner une seule seconde. Autant transférer l’esprit d’une moule, ce serait le même résultat. Si le Despote n’était pas dans son propre corps, alors la différence serait visible comme le nez au milieu de la figure. Il lui faudrait recourir à des artifices magiques pour tenter de gommer ses différences flagrantes, ce qui serait autant de faiblesses au stratagème.

[Kasumi]

Mais la liche ne tint aucun compte de sa remarque, habitué à la lutte de volonté que lui avait imposé le svirfneblin depuis le premier instant de sa capture. Elle tendit une main osseuse et la posa sur son crâne chauve. Alchem sentit la froideur et la rugosité cadavérique avant que son esprit ne soir prit dans un maelstrom douloureux. Il sentit son âme meurtrie, fragmentée, chamboulée et une petite part consciente de son esprit lui fit comprendre que les tortures précédentes lui avait permis de développer une résistance sans laquelle son esprit aurait été irrémédiablement détruit en cet instant. Mais était-ce du fait de la volonté de la liche ou une erreur de sa part ?

Il se sentit aspiré, extirpé de son propre corps alors que le Despote prononçait des paroles gutturales. Cela ne dura qu'une brève seconde ou toute une éternité. Et il se sentit attiré vers une gemme noire que le Despote tenait à la main : son âme s'y engouffra et - seulement alors - il retrouva une certaine quiétude. L'absence de douleur en tous cas. Mais au-delà de cela, il n'avait plus conscience de rien de ce qui l'entourait, sinon de la voix du Despote :

- Judicieuse remarque : je vais te garder près de moi tout compte fait. Je pense que ta maman se contentera de détruire le corps pourrissant d'une liche sans âme.

[Alchem]

Alchem, libéré de la prison d’un corps à bout de souffle, récupéra un peu de sa faculté à réfléchir. Assez pour se rendre compte qu’il avait envie de répliquer, mais ne savait quoi dire. Il était probable que le Despote dise la vérité, probable que sa mère soit bientôt là. Or, il ignorait tant de choses sur Téâya. Il savait à quel point elle était une bonne professeur. Il savait que sa volonté était à tout épreuve. Il savait qu’elle avait un sacré caractère et que le grand conseil de Lameroy la redoutait pour son franc parlé dévastateur. Mais jamais il ne l’avait vu en tant qu’avanturière. Elle en avait été une, mais sur son passé était restée très discrète. Tant d’inconnue... Alchem garda donc le silence. Et en son esprit, la voix reprit, promettant une légion de tragédies. Si par le plus grand des hasards le mort-vivant pouvait entendre cette voix, alors peut-être pourrait-il comprendre pourquoi il faisait si peu d’effet au gnome. Le svirfnebelin ne s’était jamais libéré de la guerre contre les Drow. Il vivait avec cela à chaque instant. Il était hanté par des horreurs innommables que son imagination amplifiait. Et les tortures du Despote ne le faisait au final que se rapprocher de ce passé marqué par le sang et les larmes.

[Kasumi]

*** Non loin de là ?***

Depuis qu’elle se guidait grâce aux gemmes trouvées aux quatre coins de cette dimension étrange, la Grande Mystificatrice et son groupe progressaient à bonne allure, chaque pas la rapprochant de la source de pouvoir du Despote et peut-être de son fils.

Tout d’abord réticentes, les âmes en peine qui se dirigeaient dans la même direction que le groupe de gnomes vinrent en nombre renforcer les gemmes de Théâya. Les prêtres repoussèrent également deux nouvelles attaques d’âmes hostiles se cachant parmi les mânes innocentes. Ils suivaient maintenant un couloir rectiligne les forçant à progresser à deux de front et la svirfnebline ressentit que la source était maintenant toute proche, probablement à quelques dizaines de mètres, tout au plus.

[Alchem]

« Allez, allez, en avant ! S’il n’y a pas de piège, il n’y a aucune raison de traîner. Il sait très bien que nous sommes là », dit la Grande Mystificatrice à son groupe.
D’ailleurs, elle parlait fort et marchait d’un pas assuré. Ses compagnons, qui tenaient à la discrétion, n’aimaient pas se savoir attendu. Téâya, elle, était franchement prête à en découdre. Et de face ! Surtout de face d’ailleurs ! Elle voulait voir de ses yeux ce Despote ! Elle voulait le briser ! Elle avait affronté des monstres probablement aussi abjectes et destructeurs que cette liche particulière, mais aucun d’entre eux n’avait autant attisé son courroux. LE DESPOTE ALLAIT PAYER !!!

[Kasumi]

Ils débouchèrent dans une salle assez vaste et haute de plafond. Les murs, le sol et le plafond étaient constitués de cristaux lisses comme s’ils se trouvaient au cœur d’une géode géante. Sur chaque côté de la salle étaient percées trois ouvertures sombres dont la dernière, sur la droite, était barrée par une grille de métal. Enfin, au fond de la salle et face à eux se dressait un trône de cristal d’ooù provenait la puissante magie détectée par les gemmes et sur lequel était assis un grand cadavre décharné. Son regard perçant suivit le déploiement du groupe et, sans se donner la peine de se lever, la liche s’exclama d’un ton courtois mais ironique :

- Ah, madame Murmure ! Nous nous rencontrons enfin en chair et en os si je puis dire ! Vous pardonnerez que je n’aie pas prévu de rafraîchissements pour cette grande occasion mais on a toutes les peines à s’approvisionner dans ces plans isolés !

[Alchem]

Si un regard pouvait tuer, la liche serait déjà morte. Quoi qu’elle l’était déjà, techniquement. Le bourdon de la Grande Mystificatrice heurta avec un bruit sec le sol cristallin. La voix de la magicienne roula juste après, lourd de colère.
« Vous êtes un parjure. Vous avez tourné le dos à votre devoir de jadis, aveuglé comme tant de monde par la soif de puissance. N’importe quel gobelin est capable d’un tel comportement. Mais il faut une noblesse d’âme pour demeurer droit et digne. Vous qui désirez vous élever au-dessus de tout le monde n’avez réussi qu’à prouver votre médiocrité. Les gens comme vous sont légion et je leur crache dessus ! Je vous en donne ma parole, je détruirai jusqu’à la moindre parcelle de votre conscience, même si je dois vous traquer dans tout le multivers ! »
Voilà au moins qui était dit. Pendant ce temps, le groupe se préparait au combat. Téâya n’était clairement pas là pour discuter. Elle avait un petit côté barbare quand on l’a chauffait à blanc.

[Kasumi]

La liche haussa les épaules comme si les menaces et les insultes de la svirfnebline ne pouvaient guère l’atteindre. Elle répliqua sur un ton méprisant et dédaigneux :

- Diantre ! Que d’hostilité, est-ce là une façon de négocier la libération d’un otage, ma petite dame ? Mais j’aurais dû m’y attendre avec la sauvagerie dont vous avez fait preuve depuis votre arrivée dans mes plans. Et dire que d’aucuns considèrent ceux de votre peuple comme des lâches dociles : vous prouvez que vous avez au moins autant de violence en vous que vos ennemis drows !

[Alchem]

La réponse de Téâya claqua comme un coup de fouet.
« Je ne suis pas là pour négocier. Je suis là pour vous empêcher de nuire. Levez-vous et battez-vous ! »
Fin du chapitre diplomatique. Si le Despote s’imaginait un seul instant que la Grande Mystificatrice ferait passer ses affaires personnelles avant l’intérêt de son peuple et de celui de Lameroy, il se plantait. Ce n’était même pas vraiment en contradiction avec son rôle de mère. Elle estimait trop Alchem pour l’insulter en parlementant avec un monstre pour sauver sa vie.

[Kasumi]

La liche se redressa lentement et, toujours aussi méprisante, s’adressa à Théâya sans même regarder ses compagnons :

- Oh, tellement prévisible ! Je serais un mauvais hôte si je ne vous laissais pas porter le premier coup !

A ses côtés, les prêtres et les guerriers de son escorte ne semblaient attendre qu’un signe pour attaquer. Dotha, quant à elle, semblait avoir autant hâte d’en découdre et commença à psalmodier avant de s’interrompre brusquement, horrifiée…

[Alchem]

Téâya était direct, enflammée, mais pas aveuglée par sa colère. En toute situation, elle tâchait d’observer, d’analyser. Attaquer, oui, mais pas n’importe comment. Avant de passer à l’action, elle chercha tout naturellement à savoir ce qui avait provoquée la réaction de Dotha.

[Kasumi]

Cette dernière était visiblement encore très perturbée, le premier instant de surprise passé, et elle ne chercha pas à dissimuler ses propos :

- Je… Je n’ai plus accès à mes sortilèges : c’est comme si j’avais tout oublié.

Les grands-prêtres s’entre-regardèrent et l’un d’entre eux tenta aussitôt l’expérience et l’expression de leur visage fut éloquente : c’était leur cas à eux aussi.

[Alchem]

Zone d’anti-magie ? Peu probable. Une zone d’anti-magie empêchait toutes manifestations magiques, elle ne faisait pas oublier les sortilèges mémorisés. Ou alors, c’était une zone d’anti-magie particulière. Aucun magicien ne pouvait prétendre connaître tous les phénomènes étranges sur tous les plans d’existence. Quoi qu’il en soit, Théâya vérifia ce qu’il en était pour elle. Si elle –aussi n’avait plus accès à ses pouvoirs, alors elle n’hésiterait pas à consulter l’une des gemmes en sa possession. Il fallait certainement combattre le Despote avec ses propres armes.

[Kasumi]

Quel que soit ce phénomène étrange, Théâya n’en était pas affectée ce qui était une bonne nouvelle mais à double tranchant car cela signifiait sans doute que la liche bénéficiait également des siens pour la combattre ainsi que ses gardes du corps. Le Despote ne semblait pas s’inquiéter outre meusre et n’avait encore rien tenté, sans doute curieux de voir les initiatives de la svirfnebline pour mieux l’humilier ensuite.

[Alchem]

Téâya fulminait, mais cela n’empêchait pas son esprit de fonctionner à toute vitesse. Ce serait folie de croire qu’à elle toute seule elle pourrait vaincre le Despote. Elle pouvait compter sur ses objets magiques et de précieux parchemins pour la seconder, mais la liche ne devait pas manquer de ce genre de choses non plus. Non, face à un tel monstre, il fallait être plusieurs. La Grande Mystificatrice, puisque on en lui laissait le temps, attrapa l’une des gemmes et la confia à Dotha. Peut-être que cela lui rendrait l’usage de ses pouvoirs. Si c’était le cas, la magicienne en confirait une à chacun des grands prêtres et garderait la dernière, celle qu’elle avait déjà utilisé pour communiquer avec l’être de lumière. Si, à l’inverse, Dotha ne récupérait pas sa magie, alors Téâya reprendrait la gemme et préfèrerait toutes les garder. Dans un cas comme dans l’autre, il faudrait ensuite agir.

[Kasumi]

La gnome s’empara de la gemme avec circonspection mais l’effet ne tarda pas à se faire sentir : son sourire fut édifiant pour Théâya et, s’il n’avait pas suffi, la réaction de rage et de colère de la liche aurait suffi à avertir la Grande Mystificatrice que son plan avait été couronné de succès.

Elle eut cependant à peine le temps de confier les deux autres gemmes à ses prêtres avant que le Despote ne se décide enfin à agir, se lançant dans une longue incantation que la mère d’Alchem comme un arrêt du temps : si elle voulait agir pour l’interrompre, il n’y avait plus une seconde à perdre…

[Alchem]

L’incantation du Despote donna le signal. Téâya n’eut aucun ordre à donner. D’ailleurs elle n’en avait pas le temps. Sans perdre une seconde, elle se prépara à contrecarrer le sortilège de la liche. Le chef de ses gardes du corps donna l’instruction de se disperser un minimum, une règle élémentaire pour éviter que tout le monde subisse les effets d’un seul sort. Le grand prêtre qui avait convoqué l’élémentaire de la terre demanda à ce dernier d’engager le corps à corps puis, avec son collègue, ils brandirent leur symboles religieux afin de repousser le Despote. Il était peu probable qu’ils y parviennent, mais cela pouvait peut-être le déstabiliser. Dotha ne reçut aucune instruction, elle était libre d’agir à sa guise.

[Kasumi]

Dotha se mit à incanter elle aussi pour protéger ses alliés autant que put en juger la Grande Mystificatrice alors que ses gardes l’entouraient d’un mur protecteur d’acier. La liche acheva sa propre psalmodie et le temps sembla se figer, stoppant la charge de l’élémentaire massif et les sorts qui fusaient. Un battement de cœur plus tard – à ce qu’il semblait en tous cas – les murs de cristaux explosaient tour à tour et une demi-douzaine de créatures vaguement humanoïdes et translucides prenaient forme, trois d’entre elles se plaçant devant la liche pendant que les autres engageaient le colosse de pierre au corps à corps.

[Alchem]

Téâya n’avait probablement pas réussi à stopper l’arrêt du temps. Tant pis, il fallait faire avec. Son incantation suivante consista à invoquer à son tour des créatures afin de reprendre l’avantage numérique. Elle désirait ardemment combattre directement le Despote, mais n’était pas du tout la mieux placée pour cela. Son rôle était de neutraliser les alliés de la liche, d’offrir ainsi le champ libre à son équipe et à l’élémentaire de la terre. Invocations, illusions, elle ne manquait pas d’atous en la matière. Les deux grands prêtres, en revanche, concentrèrent directement leurs efforts sur le Despote. L’énergie positive fusa, tout comme les sortilèges les plus efficaces contre le mort-vivant. Ils s’étaient préparés à ce combat, ils avaient un arsenal magique adaptés.

[Kasumi]

Cette répartition des tâches sembla produire ses effets : les grands prêtres multipliaient les incantations qui poussaient la liche à se défendre, les guerriers étaient assez protégés pour ne pas se prendre de mauvais coups contre les créatures de cristal. D’ailleurs l’une de ces dernières - sous l’action conjuguée de l’élémentaire et des gnomes – ne tarda pas à s’effondrer en une myriade d’éclats de cristaux inertes.

La liche poussa un cri de rage et sembla se concentrer pour préparer un nouveau mauvais coup visant à changer la donne dans ce combat soudain défavorable d'autant que les invocations de la Grande Mystificatrice ne tardèrent pas à faire inonder les créatures rescapées sous leur nombre.