[Lieu] Une cité perdue

[Taliesin]

Elle le fixa encore un moment puis soupira.
-Tu me rassures.
Elle jeta un regard à la ronde.
-Si nous convoquons une assemblée, si nous mettons des décisions au vote, nos compagnons devront pouvoir décider en toute connaissance de cause. C'est le principe de la démocratie. Nous avons le droit, le devoir même, de donner notre avis, de donner des conseils, mais pas de biaiser la réalité afin que le choix final corresponde à nos attentes. Sinon, nous ne serions plus en démocratie. Or, la Communauté, c'est la démocratie.
Elle soupira.
-Et plus simplement... Les gens ont le droit de savoir ce qu'il advient de leurs proches. Toi et moi n'accepterions pas que l'on nous cache la vérité, si nous étions à leur place.

[Galathée]

Albérich ne dit rien, conscient que son pragmatisme n'avait pas sa place en pareil endroit. Il espérait juste que la démocratie ne les pousserait pas à la faute. Il n'avait pas oublié qu'ils n'étaient que les représentants des colons, et pas leurs chefs, qu'ils devraient agir en fonction du désir du plus grand nombre plutôt que de son bien. Le temps passait, il prenait conscience qu'il n'était pas le conseiller qu'il leur fallait. Il avait besoin de pouvoir avancer sans se soucier de plaire ou de convaincre, et d'être jugé sur les résultats. Ce n'était pas possible ici, et il était pourtant membre du conseil. Il s'adapterait. Avec peine, mais sans broncher.
" Effectivement." dit-il.
Toute vérité n'est pas bonne à dire, pourtant.
Il sourit doucement, espérant que Marthe en resterait là. Il n'avait pas besoin qu'elle lui rappelle les principes de la communauté, il les connaissait, il avait travaillé sur la constitution pendant plusieurs jours.

[Taliesin]

Elle lui rendit son sourire, posa une main légère sur son avant bras.
-Aies foi en nos compagnons, Albérich. La peur, la colère, la frustration s'exprimeront peut-être. Mais le bon sens, la bienveillance, le souci que tout le monde s'en sorte l'emporteront. Parce qu'ils nous font confiance. Parce que les principes de la Communauté, pour contraignants qu'ils soient, témoignent aussi d'un état d'esprit et d'aspirations que ses membres partagent au moins en partie. Si l'assemblée se réunit, ce ne sont pas le chacun pour soi et la haine qui guideront ses choix, j'en suis convaincue.

[Galathée]

Albérich sourit. Marthe ne lâcherait pas le morceau.
" C'est la peur que je crains, davantage que la haine. Mais tu as raison. Les principes de la communauté sont nobles et ils doivent prévaloir même dans l'urgence. Même si nous voudrions que les choses soient différents, c'est un bon test de nos résolutions."
Il avait l'impression de sentir le regard de Lathandre sur sa nuque et il frissonna.
" Nous trouverons sûrement une voie qui conviendra à tout le monde."

[Taliesin]

-J'en suis convaincue. D'autant que, comme je te le disais, ils nous font confiance : si nous leurs présentons les faits, si nous leur exposons le plan que nous avons élaboré pour sortir de cette mauvaise passe, ils nous suivront.
Son sourire s'élargit légèrement.
-Sinon... j'ai appris que tu t'étais trouvé un assistant ?

[Galathée]

" Ah... Oui. Anselme. C'est un brave garçon. Doté d'une excellente mémoire et d'un goût pour la médecine... J'avais besoin d'un coup de main pour m'assurer que tout le monde allait bien. Les gens ont fui en pleine nuit, à moitié habillés et c'est l'hiver... Il ne manquerait plus qu'une épidémie de soufflante pour nous décimer plus efficacement que les Ithiliens. Mais ce n'est plus vraiment mon assistant : il gère tout ça tout seul, désormais, et me consulte en cas de pépin. Pour l'heure, pas de signes inquiétants. Les gens sont résilients physiquement comme mentalement, c'est une chance. Mais heureusement que nous avons compris le système des gemmes au moins un minimum. Le feu de la cuisine, l'eau chaude des thermes... Je n'ose imaginer où nous en serions si Ruth ne nous avait pas choisi un tel refuge."

[Taliesin]

-C'est sûr que nous lui devons une fière chandelle.
Son air se fit amusé.
-Sais-tu que, ce matin, elle a découvert un panneau de contrôle aux thermes ? Il est désormais possible de réchauffer l'atmosphère, de contrôler la température de l'eau, de créer un sauna, de provoquer des vagues, une fontaine, une cascade dans les bassins ? Je me suis dit que si nous voulions attribuer des tâches à Gabriel, des tâches autres que surveiller les petits Paludiers, j'entends... Ce serait un endroit où il pourrait les laisser s'amuser sans grand risque.

[Galathée]

" Tu crois qu'ils savent nager ? demanda le Luménien. C'est vrai qu'on pourrait lui proposer... ou au moins se pencher plus sérieusement sur un moyen de l'en libérer de temps en temps."
Il pinça les lèvres.
" Avec ce renversement de situation, leur intégration est encore repoussée."

[Taliesin]

-Vraiment ?
Elle parut surprise.
-Bon, c'est vrai, je ne sais pas où les choses en étaient avant l'assaut des Ithiliens. Mais en arrivant, j'ai été surprise. Ce sont les fils et filles de cannibales dont nous avons dû tuer les parents et pourtant, ils vivent à nos côtés, sans qu'il faille davantage, pour les surveiller, qu'une seule personne... De surcroit, les plus petits ont l'air d'avoir été adoptés... Quand on songe au peu de temps qui s'est écoulé depuis leur... accueil, je trouve déjà cela impressionnant.

[Galathée]

" Je ne sais pas... Gabriel est encore tenu de les surveiller toute la journée... Bien sûr, ils ne causent pas de problèmes, mais ils ne sont pas dans le mouvement du groupe... et vu les circonstances, celui-ci n'existe plus. Il faudra que nous reprenions un mode de vie plus normal avant qu'on puisse à nouveau tenter de les... mélanger aux gens. Ici... Ça reste un groupe à part. Mais je suis d'accord avec toi. Nous avons tué leurs parents il y a moins d'un mois. C'est plutôt un miracle qu'ils ne nous aient pas égorgés dans notre sommeil."
Il soupira.
" Encore un écueil imprévisible, je suppose. En même temps, les tuer... Je sais que c'est ce que les Paludiers auraient fait. Mais voilà... Nous ne sommes pas d'ici."

[Taliesin]

La juge grimaça.
-Les aurions-nous tués que nous nous serions tués nous-mêmes. Du moins, que nous aurions tué l'esprit de la Communauté. Et je ne suis pas certaine que les Paludiers, malgré la rudesse de leur existence, en soient venus à pareille extrémité... Peut-être auraient-ils essayé de les répartir entre plusieurs clans...
Elle se tourna vers le groupe que le jeune Lathandrite chapeautait, comme toujours.
-Mais, même si les avoir recueillis rend notre situation plus compliquée encore... Je pense que c'était une bonne et belle chose. De surcroit, je suis convaincue que même si nous ne le remarquons guère, leur intégration continue à progresser : ils peuvent désormais nous observer en permanence et donc apprendre beaucoup sur nous... Sans compter que certains de nos enfants passent beaucoup de temps en leur compagnie.
Elle refit face à Albérich.
-Je suis plus optimiste que toi, les concernant. Ou... plus naïve, qui sait. Quoi qu'il en soit, le seul point qui me chagrine, c'est qu'ils monopolisent Gabriel. or, nous pourrions avoir grand besoin de lui dans les jours à venir...

[Galathée]

" Nous pouvons en parler en assemblée... ou inviter quelques personnes pour soulever la question, si nous craignons qu'une discussion générale ne les fasse se sentir indésirables. Certaines des personnes qui ont réussi à s'enfuir sont sensibles à leur situation... Je pense à la mère de Ruth, par exemple. Et les gens sont globalement oisifs, pour l'instant, si on excepte l'équipe autour de Clovis et les militaires. Les lessives devraient pouvoir tourner, à présent que nous avons du chauffage aux thermes, mais au-delà de ça... S'occuper des enfants, pour autant qu'on les guide, devrait satisfaire certaines personnes, j'en suis sûr."

[Taliesin]

Elle acquiesça.
-Il faudra juste agir de sorte à ce que Gabriel ne pense pas qu'on essaie de lui retirer sa charge contre son gré. Il donne l'impression de beaucoup tenir à celle-ci et je crains qu'il ne soit contraire si nous prenons des mesures sans l'avoir consulté au préalable.
Du coin de l’œil, Albérich remarqua qu'Hubert venait de faire son entrée.

[Galathée]

Le paladin lui sourit mais ne chercha pas à s'approcher et s'installa à table avec Gaspard et Edgar, dans un autre coin de la pièce. Il avait l'air un peu froissé, sans doute le résultat d'un entraînement sans passage par les thermes. Albérich le devinait mal à l'aise et il se demanda s'il devait s'ouvrir à Marthe du changement dans ses rapports avec Hubert. Mais ils n'avaient jamais parlé de questions aussi intimes, aussi le faire lui semblait-il pour le moins déplacé. Rien ne pressait.
" Je pense qu'il faut réquisitionner Gabriel s'il est utile, et le laisser tranquille s'il ne l'est pas. Il comprendra."
Une autre idée lui traversa la tête.
" Je me demandais... si tu permets... Ignace et Agnès... Tu as appris, bien sûr... Etait-ce... des gens que tu connaissais bien ?"

[Taliesin]

Ses traits se creusèrent, un instant. Un bref instant.
-Je ne m'étais pas autant liée à eux qu'à Robert. Mais des liens existaient : on ne partage pas le même quotidien et on ne tient pas conseil ensemble durant des veilles et des veilles sans qu'il s'en tisse. Je les appréciais donc, en particulier Agnès, et je n'aurais jamais soupçonné que...
Elle grimaça
-Quand je fais le bilan... Sur les six conseillers initiaux, trois ont péri : deux parce qu'ils étaient des traîtres, un parce qu'il a voulu sauver un traître. C'est assez tragique,

[Galathée]

" Oui... Mais si ça peut t'apaiser un rien... Agnès était réellement ce qu'elle paraissait être, au début. Ignace l'a pervertie au fil du temps, sans que personne ne s'en rende compte. Résister à un diable de sa puissance, ça ne doit pas être évident, pour personne. Ce sont des êtres retors, subtils, qui manipulent les âmes sans arrières pensées... Même si au final, elle était acquise à sa cause... Sans doute l'as-tu connue telle qu'elle était, au moins un moment..."
Il songea à la manière dont ils avaient dû contourner les décisions du conseil, alors, et faire fi de la transparence pour aller au fond des inquiétudes d'Hubert. Il espérait que la chose n'aurait pas à se répéter.
" Je me demande ce que cherchait Ignace, cependant... Son intendance a brûlé intégralement, papiers compris, mais je ne pense pas qu'il aurait gardé des notes reprenant ses intentions..."

[Taliesin]

-Je ne pense pas non plus : il était intelligent. Or, nous infiltrer en gardant dans ses affaires des documents compromettants, ça ne l'aurait pas été... Pour le reste, je ne sais pas ce qu'il cherchait. Les gemmes, peut-être ?
A nouveau, elle observa leurs compagnons.
-En tout cas, c'est une chance que ces deux trahisons n'aient pas amené les membres de la Communauté à se soupçonner les uns les autres. Les mesures que vous avez prises ont aidé, évidemment... Il n'empêche : autant je suis pour dire la vérité concernant les prisonniers, autant je pense que nous devons passer le rôle de Louis sous silence. Non seulement le révéler ne ferait pas avancer le débat mais, de surcroit, cela minerait le moral et pourrait avoir des conséquences pires encore.

[Galathée]

" C'est curieux... J'aurais pu tenir un discours tout à fait contraire... Mais je décide de me fier à toi. Tu connais mieux les gens, et ce qui a présidé à leur engagement. Si tu penses qu'il faut tenir cette information sous silence... Très bien."
Il haussa les épaules.
" Nous verrons bien comment gérer la chose ensuite. Etienne aura sûrement un avis."

[Taliesin]

-Je ne comprends pas en quoi tu aurais pu tenir un discours contraire. En quoi savoir ou ignorer ce qu'a fait Louis change la situation actuelle et les décisions que nous devons prendre ? Cela n'a rien à voir avec savoir ou ignorer que nos compagnons subissent une vie d'esclaves, coups de fouet inclus : cela, ça change la donne. Dans les deux cas, ce sont de très mauvaises nouvelles. Mais là où cacher le premier point ne biaise en rien le débat, cacher le second serait de la manipulation.

[Galathée]

" Révéler que Louis nous a trahis pourrait expliquer pourquoi nous avons été à ce point pris au dépourvu et défaits. Les colons avaient confiance en notre capacité à nous protéger. Ils avaient confiance en Hubert, en l'état-major, ils pensaient que nous étions à l'abri. Et nous ne l'étions pas. Certes, ils savent que les mercenaires nous ont trahis, mais cela n'explique pas comment les Ithiliens ont pu pénétrer dans les forts, trouver les passages secrets, remonter jusqu'à la forteresse... Et ça, c'est le fait de Louis. Avertir les gens que la chute est venue de l'intérieur... C'est à double-tranchant, je sais bien. Il y a déjà eu une trahison brutale, et une seconde... Ils pourraient perdre confiance en nous tous. Mais dans le même temps... Ils comprendraient mieux pourquoi leurs leaders, qu'ils imaginaient compétents, leur ont failli."

[Taliesin]

-Déjà, Louis n'ayant jamais mis les pieds à Clairétoile en général et dans la forteresse en particulier, il n'a certainement pas pu transmettre aux Ithiliens des informations pour pénétrer dans celle-ci : cela, c'est l’œuvre des mercenaires et de personne d'autre. Ce qui explique, probablement, que nos compagnons vous fassent toujours entièrement confiance : ils savent que la trahison est venue de l'intérieur, ils connaissent la majorité des traîtres, ils ont donc conscience qu'il n'était pas possible de résister à un tel coup, aussi précautionneux soit-on. Alors, qu'apporterait la révélation du rôle joué par Louis ? Rien, sinon les amener à se soupçonner mutuellement, à nous soupçonner. Après tout, Louis faisait partie du petit noyau initial.

[Galathée]

" Marthe, comme je le dis, je me fie totalement à toi en ce domaine."
La chose risquait de filtrer, cependant, beaucoup de gens étaient au courant. Peut-être certains avaient-ils même vu le chevalier aux côtés des Ithiliens : il avait après tout été présent lors de l'assaut.
" Je me suis quand même permis d'avertir Frida... J'ai eu peur que Louis ne prenne contact avec elle pour essayer de la piéger."

[Taliesin]

Elle opina du chef.
-Tu as bien fait. Très bien fait, même.
Son expression se fit dure.
-Les Ithiliens doivent les attendre avec impatience. Pense donc ! Trois cent esclaves supplémentaires pour arracher du sol les gemmes magiques... Même les directeurs des mines pénitentiaires de Gargouille ne pourraient rêver mieux.

[Galathée]

" Nous ne le permettrons pas, dit Albérich. Frida est désormais au courant de la situation et même s'ils ne peuvent repartir vers Grand Estuaire, ils ne se laisseront pas faire. Notre véritable problème, ce sont les gens déjà piégés. Sans eux, nous aurions beaucoup plus de marge de manoeuvre..."
Il ferma un instant les yeux.
" Nous devrions trouver un moyen d'exploiter ces gemmes... Mais je crains que nous n'ayons pas le temps de le faire efficacement avant des jours et des jours... Les instituteurs y travaillent, nous devrions leur adjoindre les mages... avec un sortilège ou l'autre, la langue antique devient plus compréhensible, et ils devraient parvenir à analyser de nombreux livres... C'est statique, cependant, et sans garantie."

[Taliesin]

-Mais c'est potentiellement très utile. Et cela peut contribuer à l'ambiance d'action dont nous avons besoin pour maintenir le moral des troupes. Je trouve donc que c'est une excellente idée.
Elle fronça les sourcils, pensive.
-Le sieur des Rosières, Gabriel et toi-même pouvez lancer ce sortilège. Si vous en prévoyez deux quotidiennement, six personnes pourraient s'atteler à la tâche en plus des instituteurs... Cela ferait déjà une belle équipe.

[Galathée]

" Je pense que les instituteurs eux-mêmes gagneraient à en être renforcés. C'est quand même très différent de déchiffrer une langue et de la lire comme si c'était notre langue maternelle. C'est un sort très simple, de surcroît. Je pourrais en mémoriser au moins trois, Thibault aussi, sans que ça ne nous fragilise en rien. Il n'est pas impossible que certains des mages le maîtrisent, de plus. C'est utile quand on s'intéresse aux vieux bouquins."
Il croisa les bras.
" Mais la question se pose alors : agir maintenant, attendre de voir si on trouve mieux ? Imaginons qu'Ezéchiel adhère à mon plan... Il ne faudra pas plus de deux ou trois jours pour rassembler les informations nécessaires à sa mise en oeuvre... ou à son abandon, c'est vrai. Mais quelle est l'alternative ? Effrayer les Ithiliens dans les couloirs ? Vraiment ? Ce sont des Oghmans. Ils voudront comprendre et analyser. Aller au bout des choses. Emettre des hypothèses, les tester, résoudre le problème. Ils savent que nous avons un barde parmi nous, plusieurs mages... Je me méfierais de les imaginer si crédules."

[Taliesin]

-Giovanni ne m'a pas exposé son plan, mais j'imagine qu'il voulait davantage viser les simples soldats que les chefs. Ces derniers vont sans doute réagir de la manière que tu décris, mais les premiers... Briser le moral pourrait être une bonne stratégie, dans la mesure où ils seraient plus fragiles quand le moment sera venu de les frapper. Plus méfiants, aussi. Sans compter que les auteurs de cette mise en scène s'exposeront...
Elle secoua la tête.
-Je ne sais pas quoi te dire, Albérich. Peut-être le plus sage serait-il de temporiser, de chercher comment utiliser les gemmes, les artefacts, la magie des anciens, d'attendre Frida et les renforts, aussi... D'un autre côté, chaque jour qui passe amène son lot de souffrance aux prisonniers. Ils vivent un calvaire et si nous tardons trop, dans quel état physique et surtout psychologique les retrouverons-nous ? C'est pour cela que j'aime ton plan : il est risqué mais a l'avantage de pouvoir être rapidement mis en œuvre...

[Galathée]

" Pourtant, on survit à tout, Marthe. Crois-en mon expérience. Crois-en la tienne. Quelques jours, même une veille, dans les mines ne les tueront pas. Ils seront choqués, blessés, traumatisés peut-être, mais nous les soutiendrons et ils retrouveront la lumière. Nous faire massacrer dans cette ville, laisser les Ithiliens prendre possession de tous les trésors qu'elle renferme... Ce serait encore bien plus dramatique. Mon plan... Il ne faut pas le lancer si nous pensons qu'il va échouer."
Il secoua la tête.
" Quant aux Oghmans... Même les simples soldats sont pétris de la culture dominante de leur ville. C'est une théocratie, il ne faut pas le négliger. L'homme de la rue est parfois bien plus fanatique que ses dirigeants : c'est sa seule façon de justifier et donc d'accepter le joug sous lequel il vit."
Il repoussa son assiette vide.
" Pour autant, je ne demande qu'à être convaincu... mais nous risquons d'effrayer les prisonniers en sus, et ils n'ont pas besoin de ça."

[Taliesin]

-Oh que non. Aucun besoin. D'autant que je ne suis pas aussi sûre que toi que tous se remettent de ce qu'ils sont en train de vivre. Nombre d'entre eux ont déjà connu des drames qui les ont profondément ébranlés. Nombre d'entre eux envisageaient notre projet comme la dernière chance de se relancer... C'était un peu mon cas.
Elle soupira.
-Nous leur avions promis un bel avenir, malgré toutes les difficultés contre lesquelles nous les avions prévenus, contre lesquelles nous avions essayé de nous prémunir. Et ce qu'ils connaissent, c'est l'enfer. Il y a de quoi être détruit. Définitivement détruit.

[Galathée]

" Moi j'ai foi dans leur capacité à renaître. Seule la mort est définitive. Et encore... Elle est le début d'autre chose."
Il se carra dans son siège.
" Pour autant, cela ne m'encourage nullement à tergiverser, crois-moi. Mais je veux que ce futur rêvé soit offert à chacun. Clairétoile doit être le début de quelque chose, pas sa conclusion. Nous avons une responsabilité envers la communauté, mais aussi envers Hélonna. Nous devons être prompts mais rigoureux. Et nous le serons."
Il sourit.
" Je suis heureux que tu sois rentrée. Débattre avec toi va me faire du bien. Nous avions besoin de toi."