[Lieu] Une cité perdue

[Taliesin]

Il n'obtint aucune réponse. Pas même lointaine.
-Bon, je vais voir ce que je peux faire... dit Erwan après avoir examiné le battant le plus proche - lequel ne différait en rien des autres. Et je vais essayer de limiter les dégâts : les décorations dont est doté ce battant pourraient mériter une étude, car il me semble y déceler une symbolique ésotérique...
Le mage incanta. Un rayon enflammé jaillit de ses doigts, alla frapper la porte...
Il y eut un flash aveuglant.
Quand l'éblouissement d'Hubert se fut atténué, il constata que l'huis était intact.
Par contre, Erwan était étendu de tout son long sur le dallage.

[Hubert de Maleval]

" Oh bouse !" s'exclama Hubert, tétanisé.
Il s'agenouilla aussitôt à côté du magicien, espérant qu'il n'était que sonné...

[Taliesin]

Erwan n'était pas mort.
Il n'était pas même blessé.
Il était simplement endormi. Profondément endormi. Sa respiration était calme et profonde, ses traits sereins, et on avait l'impression qu'un léger sourire étirait les commissures de ses lèvres.
L'incident n'ayant causé aucun vacarme, il y avait peu de chance qu'il attire l'un des compagnons d'Hubert. Quant à Ruth, elle était toujours aux abonnés absents.

[Galathée]

Décontenancé, Hubert essaya de réveiller le magicien en le secouant doucement et en l'appelant par son nom. Il ne lui semblait pas impossible que les Anciens, dotés d'un sens du bien aussi développé que leur technologie, aient décidé de bannir les pièges mortels au bénéfice de méthodes plus douces de contrecarrer les voleurs. A moins que ce ne soit pas une généralité et que simplement les professeurs de l'université aient l'habitude que leurs élèves tentent d'ouvrir leurs portes en leur absence...
Pour faire bonne mesure, tout en secouant Erwan, Hubert appela à nouveau Ruth, plus fort, cette fois.

[Taliesin]

Le malheureux paladin échoua sur les deux tableaux. D'une part, il eut beau multiplier les efforts, Erwan resta obstinément à dormir comme un bienheureux. Ensuite, malgré ses appels répétés, Ruth ne daigna pas se manifester.
Toutefois, quelqu'un finit par l'entendre.
-Mince, qu'est-ce qui s'est passé ? fit Ézéchiel, mine inquiète, en le rejoignant.

[Hubert de Maleval]

" Nous avons voulu forcer la porte avec un sortilège de feu et... ça s'est retourné contre Erwan... dit le paladin, déjà rongé par la culpabilité. Il est... endormi. Et il n'a pas l'air de vouloir se réveiller... J'espère que c'est temporaire... et Ruth a disparu. Il faut que je la cherche. Est-ce que... je peux te confier Erwan ? Ou alors... tu seras peut-être plus efficace pour pister Ruth..."

[Taliesin]

Le rôdeur plissa le front.
-Déjà, sois rassuré : je n'ai entendu aucun bruit inquiétant. Quelque chose, une intuition peut-être, a donc pu simplement l'attirer à l'autre bout de l'étage...
Il reporta son attention sur Erwan.
-Je pense qu'on sera plus efficaces si on la recherche à deux. Alors si tu en es d'accord, descendons-le au premier, où les autres pourrons veiller sur lui.

[Hubert de Maleval]

" Je peux le porter seul. Il n'est pas très lourd." dit Hubert en soulevant le mage endormi comme une jeune mariée.
Il se dirigea vers l'escalier.
" Commence déjà à chercher, peut-être ?"

[Taliesin]

-Pas de souci.
Lorsqu'ils découvrirent le sort de leur collègue, les mages s'attroupèrent autour de lui... et ne tardèrent pas à dresser un diagnostic rassurant : selon eux, il était simplement victime d'un puissant sort de sommeil qui finirait cependant par s'interrompre de lui-même - à moins qu'on ne décide de l'interrompe sciemment, avant terme, avec un sortilège adéquat. Bref, pas vraiment d'inquiétude de ce côté-là.
Toutefois, avant qu'Hubert n'ait pu regagner l'escalier, quelque chose se produisit.
Venant du rez-de-chaussée, une violente détonnation retentit, se répercutant en échos tonitruants dans tout le bâtiment.

[Hubert de Maleval]

" Est-ce qu'il reste quelqu'un en bas ?" demanda le paladin, la main déjà posée sur le manche de son épée.
Les Ithiliens avaient pu pénétrer dans le bâtiment... ou tenter de le faire. S'ils investissaient le rez de chaussée, sortir deviendrait impossible sans confrontation. Mais il n'en ressentit que davantage de détermination.

[Taliesin]

Ses compagnons secouèrent la tête : pour autant qu'ils sachent, tout le monde était dans les étages.
Il y eut une deuxième détonation. Une troisième.
Enfin, un grincement métallique prolongé.
Les portes qui s'ouvraient ?
Il semblait bien car, quelques instants plus tard, Hubert crut percevoir l'écho lointain de voix donnant des ordres.

[Hubert de Maleval]

Et ils avaient dissipé les protections qui menaient aux étages. Les Ithiliens commenceraient par fouiller le bas mais ils ne tarderaient pas à monter. Le paladin essaya de se représenter les lieux, le nombre de cages d'escaliers, leurs chances de pouvoir éviter les Ithiliens et regagner le sous-sol sans être repérés. Pendant une seconde, il songea à bouter le feu aux lieux, pour que rien ne tombe entre de mauvaises mains.
Il regarda le mage endormi.
" Réveillez-le. Toi..."
Il désigna un homme au hasard.
" Va prévenir Ezéchiel au-dessus."
Il se tourna vers Giovanni.
" Peux-tu devenir invisible et aller voir combien ils sont ? Sans prendre le moindre risque ?"
Il fallait se replier. Ou les affronter. Comment décider ?

[Taliesin]

Ce fut Thibault qui incanta. Quelques secondes plus tard, Erwan se redressait, l'air un peu perdu.
Peu après, Ezéchiel fit son apparition.
-Je n'ai pas encore réussi à localiser Ruth : il y a trop de traces et trop peu d'empreintes pour que la chose soit aisée...
Il ne posa pas de questions : le soldat avait dû le mettre au courant.
Enfin, Giovanni revint.
-Je crois bien que toute l'équipe d'exploration est là. Avec en plus des mages en renfort : j'en ai repéré trois dont un qui a l'air de haut rang, vu sa mise...

[Hubert de Maleval]

Hubert jura à mi-voix et se tourna vers Ezéchiel.
" Nous pouvons essayer de les affronter, mais nous risquons d'avoir le dessous..."
Il songea à toutes ces vitrines closes, à la puissance magique qui se trouvait dans les pièces de l'étage et que les Ithiliens s'approprieraient sans craindre les bris de verre.
" Sinon, il ne nous reste plus qu'à tenter de fuir sans qu'ils prennent conscience de notre présence."

[Taliesin]

Ézéchiel resta silencieux quelques instants.
-Les affronter me paraît également trop risqué : nous ne devons nous y résoudre que si nous n'avons pas le choix. En revanche, fuir est tout à fait faisable. Ils n'ont pour l'heure aucun moyen de savoir que nous sommes là et comme le bâtiment est relativement propre, ils ne s'en rendront pas compte à moins de chercher spécifiquement des traces : par conséquent, ils n'ont aucune raison de surveiller tous les escaliers, que ce soit ceux menant au premier ou ceux conduisant aux caves. Cependant... Nous ne pouvons pas partir sans Ruth. Et leur abandonner tout ce qu'il y a ici...
-Pourquoi ne pas casser les vitrines ? intervint Giovanni. Non seulement tu mourrais d'envie de massacrer ces œuvres de verrerie antique, Hubert, mais en plus, si ça déclenche bien quelque chose... les Ithiliens pourraient en pâtir. Sans compter qu'on mettrait la main sur tous ces objets, évidemment.

[Hubert de Maleval]

" Je ne comptais pas partir sans Ruth, dit le paladin en croisant le regard de l'éclaireur. Mais si nous ne la trouvons pas, il faudra que tu mènes le groupe jusqu'au palais."
Il se tourna vers Giovanni.
" Briser les vitrines va sûrement faire beaucoup de bruit... mais sans doute pouvons-nous tenter la chose..."
Si quelqu'un pouvait générer une zone de silence, il le mentionnerait, mais sans doute personne n'avait-il estimé la chose nécessaire.
Il poussa un bref soupir.
" Je retourne en haut chercher Ruth. Ezéchiel, tu supervises l'évacuation de ce niveau. Voyez ce que vous pouvez faire pour ces vitrines. Giovanni, tu viens avec moi."

[Taliesin]

-Un instant...
Le rôdeur semblait perplexe.
-Qu'entends-tu par "l'évacuation de ce niveau" ? Je conduis tout le monde dans les souterrains ? Et qui s'occupe de ceux qui sont encore là-haut ?
Giovanni, lui, avait rejoint le paladin.

[Hubert de Maleval]

" Non. Nous allons quitter ce niveau tous ensemble, mais il faut que nous nous retrouvions tous au même endroit, prêts à partir, dit-il. Je vais renvoyer les gens qui sont occupés à l'étage vers vous. Giovanni et moi allons chercher Ruth. Mais il faut que vous soyez prêts à filer dès que nous vous aurons rejoints... et si nous ne vous rejoignons pas assez vite... je te laisse faire ce qu'il faut. Nous connaissons le chemin jusqu'au palais, nous avons le Passemuraille... Nous vous rejoindrons plus loin."
Il jeta un coup d'oeil vers le barde, pour s'assurer qu'il était stoïque. Mais de toute façon, en réalité, il entendait le renvoyer vers Ezéchiel avant qu'il ne soit trop tard.

[Taliesin]

Giovanni était stoïque. Mais il se doutait de ce que le paladin avait à l'esprit. Ou, du moins... de quelque chose d'approchant.
-Autant te prévenir tout de suite, lui souffla-t-il tandis qu'ils gravissaient l'escalier. Si tu entends me confier Ruth sitôt qu'on l'aura retrouvée et me demander de partir avec elle tandis que toi, tu resteras à affronter les Ithiliens... C'est niet. Je préfère le préciser tout de suite parce que j'ai l'impression que tous les Lathandrites sont un peu suicidaires. Je parle d'expérience.

[Hubert de Maleval]

" Non. Si on trouve Ruth, nous partons tous les trois. Si on ne la trouve pas... C'est là que tu vas prévenir Ezéchiel de partir et que tu restes avec lui."
Il leva une main pour l'empêcher de protester.
" C'est non-négociable. Je ne pars pas sans elle. Mais toi, tu détestes les mômes. Et on a besoin de toi pour aller espionner la forteresse, à nouveau."
Dès qu'ils seraient à l'étage, Hubert inviterait tous ceux qu'il croisait à rejoindre Ezéchiel plus bas.

[Taliesin]

Essayer de faire comprendre à un barde que quelque chose était non négociable... Voilà qui s'avérait difficile.
-Il y a un élément dont tu ne tiens pas compte dans ton équation. Au palais, une foule d'odieux marmots m'attendent : ton écuyer pour nos recherches secrètes, les Psycopathes pour me torturer et tous les autres qui veulent des histoires... A franchement parler, comparé à ça, être tué par les Ithiliens est une perspective très, très tentante.
Arrivés au deuxième étage, ils se séparèrent pour prévenir plus rapidement ceux qui s'y activaient encore. Quand ce fut chose faite, ils se rejoignirent à l'endroit où Ruth avait été vue pour la dernière fois.
-Bon, comment s'y prend-t-on ? En plus, on peut même plus crier pour l'appeler...

[Hubert de Maleval]

" Ezéchiel a dit que les traces étaient trop nombreuses... On ne peut que chercher... Pousser toutes les portes, ouvrir toutes les armoires, inspecter tous les recoins... Maudite gosse, je lui avais demandé de ne pas bouger..."
Il percevait l'angoisse qui avait tambouriné aux portes de sa conscience jusqu'alors et menaçait de s'y déverser.
" Je ne sais pas si tu as un sortilège qui peut nous y aider... Je n'ai rien du tout, je n'ai qu'une fichue épée."
Il musela une brusque bouffée de rage. Cela ne servait à rien, il fallait chercher.
" Restons ensemble, c'est plus prudent."

[Taliesin]

-Attends...
Le barde posa une main apaisante sur son épaule.
-On doit réfléchir. On a pas lassez de temps pour tout fouiller.
Il se concentra.
-Même si ce n'était pas forcément le cas avant... Ruth respecte les consignes, à présent : je suis bien placé pour le savoir. Donc soit quelque chose d'irrépressible là poussée à s'éloigner, à s'éloigner suffisamment pour qu'elle ne puisse plus entendre tes appels... Soit elle n'a pas bougé. Ou pas beaucoup. On doit essayer de se mettre à sa place... Qu'aurait-on fait ?

[Hubert de Maleval]

Giovanni était doté d'un grand sang-froid, et c'était une chance.
" Hum. Elle était devant cette porte... Là... Celle que j'ai voulu forcer avec Erwan... J'imagine qu'elle a dû vouloir l'ouvrir encore une fois... en la touchant... ou alors elle a flanqué un coup de pied dedans."
Il s'en approcha, posa les mains dessus, regarda autour d'eux.

[Taliesin]

Rien ne se produisit lorsqu'il toucha la porte. Et, sur celle-ci, il ne remarqua aucune trace particulière.
-Bon bon bon... On pourrait essayer de donner des coups de pied un peu partout mais mes orteils protestent à cette idée. On va donc essayer quelque chose...
Il sortit alors un monocle de sa poche et se mit à examiner le sol, les murs...

[Hubert de Maleval]

Hubert le laissa faire tout en demeurant vigilant, scrutant les alentours et écoutant les bruits qui lui provenaient de l'étage inférieur. Il avait confiance en Ezéchiel et en son pragmatisme : il entraînerait le groupe vers la sortie au moment opportun. Quant à eux, ils trouveraient un moyen de s'en sortir : les Ithiliens ignoraient leur présence et ils n'étaient qu'une trentaine. Ils parviendraient à leur échapper... mais il fallait d'abord retrouver cette maudite gamine.

[Taliesin]

-Oh mais... Ne serit-ce pas un minuscule bout de tissu ? s'exclama tout à coup Giovanni. Et n'y aurait-il pas un infime interstice...
Il était en train d'examiner un mur, à quelques pas seulement de la porte devant laquelle se tenait Hubert.
-Oui... A peine visible... Qui va du sol jusqu...
Sa phrase s'acheva par un cri de surprise.
Se redressant, il avait prit appui sur la paroi qui... s'était escamotée, l'engloutissant pour reprendre aussitôt sa place.
L'instant suivant retentit un son étrange qui vrilla les tympans du paladin.
Un son cuivré.
On aurait dit celui d'une cloche.

[Hubert de Maleval]

Hubert se pressa la main sur l'oreille puis, sans hésiter, essaya de rouvrir le passage qu'avait emprunté le barde. Il n'appuya cependant pas de toutes ses forces, espérant pouvoir le coincer du pied pour permettre à Ruth et Giovanni de ressortir de l'intérieur du mur... pour autant qu'ils y soient encore. Il ne savait pas ce qui faisait ce son de cloche, si c'était le résultat d'une vitrine brisée ou d'une profanation oghmane, mais ce n'était pas son souci le plus urgent.

[Taliesin]

Il lui fallut faire plusieurs tentatives mais, bientôt, il réussit à provoquer l'ouverture de la porte et par entrevoir, au-delà, un pallier - sur lequel Giovanni s’époussetait - et, guère plus loin, les marches d'un escalier en colimaçon qui s'élevait dans les hauteurs et descendait vers les étages inférieurs.
Toutefois, lorsqu'il voulut empêcher la fermeture, il en fut pour ses frais : la poussée était bien trop forte et s'il glissait un pied par l'embrasure qui se rétrécissait à vitesse grand V, celui-ci serait réduit en boullie.
Déjà, l'ouverture avait disparu, cédant la place à un mur nu.
Et la cloche teinta encore.

[Hubert de Maleval]

Vu leur absence, vu le vacarme, Ezéchiel ferait son devoir, aussi Hubert tenta-t-il d'ouvrir le mur à nouveau, cette fois avec l'intention de le franchir. Il y avait des escaliers derrière cette paroi, et ils avaient le Passemuraille. C'était leur meilleure chance de retrouver Ruth et peut-être aussi leur meilleure chance de s'en sortir.
C'était aussi de la folie, sans doute, mais il ne pouvait pas quitter l'université sans la petite fille, et elle ne paraissait pas attendre de l'autre côté dans l'espoir qu'il la délivre. La connaissant, le contraire eut sans doute été surprenant... pour ne pas dire impossible.