[Lieu] Une cité perdue

[Taliesin]

S'il aperçut Ruth, en train de manger avec les jumeaux, il ne vit nulle trace d'Alban. Ni de Giovanni, d'ailleurs.
Toutefois, moins de cinq minutes plus tard, ce dernier apparaissait et se dirigeait droit vers lui.
-J'ai parlé avec ton écuyer et nous avons... lu quelques passages de livres choisis.
Il scruta Hubert.
-Tout colle donc... Si tu t'en sens le courage.... Je peux te dire ce qu'il en est.

[Hubert de Maleval]

Songer à Alban l'avait un peu détourné de ses soucis personnels, mais les paroles de Giovanni le ramenèrent instantanément à leur conversation antérieure. Il prit une profonde inspiration.
" Autant en finir, oui. Mais pas ici."
Il se dirigea aussitôt vers la sortie de la pièce, sans vérifier que le barde lui emboîtait le pas.

[Taliesin]

Mais le barde le suivit : il entendit ses pas, derrière lui.
Quand un escalier se profila, il suggéra au paladin de l'emprunter : au premier, il y aurait moins de chance de croiser un colon attardé.
Ils gravirent les marches, longèrent un couloir, finirent par s'arrêter dans un petit salon. Giovanni s'assit dans l'un des fauteuils, prit une profonde inspiration puis... ce jeta à l'eau.
-Autant ne pas tourner autour du pot. D'après ce que nous avons lu, d'après ce que nous avons vu, d'après, aussi, les pouvoirs dont tu disposes... Tout semble indiquer que tu n'es pas un simple Aasimar mais bien ce qu'on nomme... un demi-céleste.

[Hubert de Maleval]

Hubert resta silencieux un instant.
" Un demi-céleste... Qu'est-ce que c'est un demi-céleste ? Est-ce que c'est comme... comme un demi-elfe ?"
Il n'était pas certain de comprendre.

[Taliesin]

-C'est un peu ça, fit Giovanni, hésitant. On pourrait dire, aussi, que c'est un Aasimar... avec beaucoup plus de sang céleste dans les veines.
Il hésita, soupira à nouveau.
-En gros, au lieu d'avoir un céleste parmi tes lointains ancêtres, tu en as un... parmi tes très, très proches ancêtres. Mais ne te mets pas martel en tête tout de suite : il est tout à fait possible que tes parents soient bien tous les deux tes parents. Le céleste pourrait être plutôt... l'un de tes grands parents. Certes, d'ordinaire, les demi-célestes sont des enfants... directs. Mais puisque l'hérédité magique semble n'obéir à aucune logique... A aucune logique que nous ne connaissions, du moins....

[Hubert de Maleval]

Hubert passa les mains sur son visage.
" Personne, dans ma famille, n'a jamais mentionné pareille éventualité... souffla le paladin. Est-ce que... vous êtes certains... que je ne peux pas simplement... être sous l'emprise d'une sorte de... je ne sais pas... bénédiction ? Ou bien j'ai peut-être été mordu par quelque chose.... Non ?"

[Taliesin]

-Non.
Le ton avait été ferme, convaincu. Mais Giovanni l'adoucit d'un sourire.
-Je suis désolé, Hubert. Même si c'est difficile, il va te falloir accepter la vérité : tu es un demi-céleste. Après, que ta famille ne t'ai jamais parlé de cette histoire... Est-ce si étonnant ? Tu l'as quittée à dix ans et ce n'est pas exactement le genre de chose qu'on peut facilement dire à un enfant. Ensuite, et bien... Tu ne l'as pas souvent vue, n'est-ce pas ?

[Hubert de Maleval]

" Non, mais..."
Il secoua la tête.
" Non, tu as raison, je ne leur en ai pas donné l'occasion."
Il se sentait soudain mal dans son corps, comme si c'était celui de quelqu'un d'autre. Quelque chose sifflait dans ses oreilles.
" Giovanni, qu'est-ce que ça veut dire, être un demi-céleste... ? Est-ce que ça veut dire que... je vais vivre plus vieux, ou bien que je sais faire des choses que les autres... bien sûr, je peux ouvrir les portes... et parler une langue que je ne connais pas mais... Ah... J'ai l'impression que tu viens de m'annoncer que j'ai une maladie grave."

[Taliesin]

-Quand je pense qu'une bonne partie de l'humanité rêverait d'être plus que de simples hommes afin d'accomplir des prouesses... Et toi, on t'annonce que tu es un demi-célestes et tu considères que c'est une maladie...
Soupir.
-Allez, va, je peux comprendre, compte tenu du reste... Mais n'en fais quand même pas non plus tout une histoire. Comme je le disais tout à l'heure, ça ne change rien à ta personnalité : tu n'es pas devenu autre juste parce que tu sais, désormais ! Et la seule conséquence notable de... ta nature, c'est que tu as plus de pouvoirs que le commun des mortels; Plus de pouvoirs bénéfiques, évidemment. Donc... Tu seras en mesure de faire davantage de bien qu'un humain... et qu'un paladin... ordinaire. C'est à peu près tout.

[Hubert de Maleval]

" Tant que mes yeux ne deviennent pas dorés ou qu'il ne me pousse pas des ailes, j'imagine qu'effectivement... je devrais me montrer reconnaissant." murmura Hubert.
Il pinça les lèvres et prit une profonde inspiration.
" Vous êtes vraiment sûrs ?"

[Taliesin]

Giovanni le regarda droit dans les yeux.
-Non, car il existe une autre possibilité. Si, par une nuit de pleine lune où toutes les constellations étaient dans la bonne configuration, un conclave de guenaudes vertes a fait la ronde huit heures durant autour d'un cercle de pierres levées enroulées dans du jambon tout en chantant des chansons paillardes écrites par un kobold illétré s'étant saoulé avec de la bière sans alcool brassée par un vampire bon ne craignant pas le soleil, alors il y a à peu près une chance sur dix milliards pour que, ce faisant, lesdites guenaudes t'aient lancé un sortilège simulant à la perfection les pouvoirs d'un demi-céleste.

[Hubert de Maleval]

Hubert le foudroya du regard.
" Très drôle." grommela-t-il.
Il ferma un instant les yeux. Il ne voulait pas penser à l'inévitable : son père n'était pas son père, sa mère l'avait trompé avec... avec quoi au juste ? Il ne pouvait pas y croire. Il devait être le fruit d'un viol, sauf que les célestes ne faisaient pas ce genre de choses, alors comment ? Il aurait voulu être à Maleval et en même temps, il ne voulait absolument, jamais, rien en savoir.
Il rouvrit les yeux.
" Bon... et... de quoi suis-je capable, alors ? Est-ce que tu sais me le dire ? Ou bien je vais devoir découvrir mes capacités au hasard ?"

[Taliesin]

-Je peux déjà te dire qu'aujourd'hui, devant les portes, tu as lancé un puissant sortilège nommé "Parole sacré". D'ordinaire, il s'utilise plutôt contre les suppôts du mal mais... Il faut croire qu'il peut aussi servir à autre chose. Je pense également que, contre Ignace, tu as employé un sortilège... Lequel ? Aucune idée. Mais tu devrais pouvoir t'en servir à nouveau si tu te remémores la scènes... Et, bien sûr, tu as d'autres tours dans ton sacs. Pour te dire lesquels, il faudra que je pousse plus loin mes recherches. Tu pourrais, aussi, en parler avec Albérich : connaître les êtres célestes fait partie du boulot des prêtres, non ? Oh, et outre voir dans le noir, outre ne pas craindre le froid... Tu es normalement plus résistant que la moyenne à l'acide, à l'électricité, à la magie et... aux coups.

[Hubert de Maleval]

" Formidable." dit le paladin, d'un ton désemparé.
Il sourit malgré tout.
" Merci, Giovanni. J'aurais préféré que tu me dises que... Lathandre avait décidé de me donner un coup de pouce mais... c'est mieux que je sache ce qu'il en est et que je puisse... Je ne sais pas... en faire sens et l'exploiter au mieux pour la communauté."
Il grimaça.
" Ça risque de me rendre encore plus téméraire, cela dit."

[Taliesin]

-Ah, j'aurais dû passer ça sous silence... grommela-t-il. Mais je suis trop honnête...
Il soupira. Puis sourit.
-Heureusement, il y a encore quelque chose que je dois préciser. Le plus probable est que ton... ancêtre céleste ait appartenu à la catégorie des anges. Lesquels, à l'âge adulte, se caractérisent par leur témérité. Par conséquent, si tu es trop téméraire, se déclenchera... heu... une forme de puberté qui entraînera probablement l'apparition de plumes sur toute ta personne. Et d'ailles aussi, peut-être.

[Hubert de Maleval]

" Ah misère, fit le paladin. Des plumes. Quelle horreur. Mais... est-ce qu'il y aura des signes avant-coureurs ? Je veux dire... Je ne peux pas me permettre de devenir... couard... par peur des plumes."
Il eut un sursaut et se leva.
" Ah, dis-moi que c'est une blague. Je ne veux rien de ceci. Je ne veux pas qu'on me regarde. Je veux juste faire mon travail."

[Taliesin]

Cette fois, Giovanni se prit la tête entre les mains.
-Ah mais c'est pas vrai d'être aveugle à ce point ! Bon sang, Hubert, TOUT LE MONDE te regarde déjà ! Tu es beau comme un dieu, charismatique à souhait... Mince, quoi ! J'ai connu des hommes et des femmes élus rois et reines de beauté qui n'arrêtaient pas de dire qu'ils n'étaient pas aussi beaux que ça... Et bien, ils étaient moins ridicules que toi quand tu dis ce genre de choses ! Allez, quoi, un peu de décense pour les êtres qui sont... moins magnétiques !
Le tout déclaré sans agressivité aucune mais avec malgré tout une once de dépit.
-Et pour le coup de la pousse de pluems, c'était une blague, voilà. Si tu avais dû avoir des plumes, tu les aurais sans doute déjà. Mais ne va pas saisir pour autant toutes les occasions de te mettre inutilement en danger. Pense à ceux qui t'aiment.

[Hubert de Maleval]

Hubert pensa un instant signaler à Giovanni qu'il n'avait aucun mérite, absolument aucun, pour ce qui lui était donné par le sang, et qu'il ne pouvait donc en retirer aucune fierté, mais le Sunite en lui ne pourrait sans doute pas comprendre. Après tout, les fervents de la Dame aux Cheveux de Feu louaient la beauté, qui était tout aussi innée. Le paladin avait appris à tirer fierté de ce dont il était responsable, et rien, dans son ascendance formidable, ne lui était dû.
" Je ferai attention. Je m'y efforce comme jamais... même si ça ne se voit pas. Mais je n'ai plus été en danger depuis des années... Je ne mesure pas encore bien les risques... et leur caractère potentiellement définitif."

[Taliesin]

-Allons, ne raconte donc pas de salades. Tu as fais plein de choses en sachant pertinemment que tu allais beaucoup t'exposer, que tu allais grandement risquer ta vie. Mais si tu l'as fait malgré tout... Cela tient à ton caractère, certes, mais également à ta profession. Et si on peut essayer d'infléchir légèrement le premier... on doit respecter la seconde.
Il soupira, sourit à nouveau.
-Bon, est-ce que ça va aller ? Tu préfères avoir de la compagnie, rester seul ?

[Hubert de Maleval]

" Non, ça ira. Il faut que j'en parle à Albérich. Ça sonne sûrement un peu... pathétique... mais j'ai besoin... de savoir ce qu'il en pense."
Il frissonna malgré lui.
" Tu remercieras Alban de ma part, d'accord ? Dis-lui que... je suis très touché qu'il ait pris le temps... de se pencher sur ma situation. Merci à toi, aussi."
Il regarda vers le plafond, poings sur les hanches.
" Mais... est-ce que ça a des implications... pour ici ? Est-ce que vous avez découvert... des liens entre les célestes... ou les demi-célestes... et la civilisation de cet endroit ?"

[Taliesin]

-Il y en a, oui. Et tu dois t'en douter, pour avoir vu les fresques du sanctuaire, à l'école de magie... Mais je dois encore un peu fouiller la question pour avoir les idées plus claires à ce sujet. Nous en reparlerons plus tard, si tu veux bien. D'autant que ça t'auras permis de... commencer à digérer la nouvelle.
Il hésita, eut une grimace embarrassée.
-Et... Quand tu te sentiras mieux, essaie quand même d'aller dire au moins un petit mot à Alban. Je veux bien m'occuper de lui autant que tu le souhaites mais... Tu es son maître et son tuteur. C'est de toi qu'il a besoin. Et il n'a plus que toi, là ou Ruth et les Psycopathes, par exemple, ont encore leur mère.

[Hubert de Maleval]

" Tu as raison. Je vais aller lui parler en priorité. Albérich peut attendre."
Il se leva.
" Mais où puis-je le trouver ? Tu sembles être le seul à avoir accès à ses secrets, ces temps-ci..."

[Taliesin]

-A ses secrets ?
Il eut un sourire un peu triste.
-On ne parle que de toi, Hubert. Et un peu de l'implication des anges dans l'histoire de cette cité. Mais il ne dit rien de lui, jamais. J'ai essayé de le faire parler pourtant. Surtout hier, après que tu lui aies annoncé que Ruth allait t'accompagner mais pas lui. Et bien... Peine perdue. A l'entendre, il comprend parfaitement la décision, qu'il trouve on ne peut plus logique. A l'entendre, il se porte on ne peut mieux.
Il secoua la tête.
-Il se porte tellement bien que j'ai une foutue envie de l'ensorceler ou de le faire boire pour qu'il se lâche un peu. Quoi qu'il ait besoin de lâcher. Mais bref.
Il soupira.
-Tu n'es pas obligé de le voir tout de suite. Tu peux d'abord aller trouver Albérich. C'est même plutôt conseillé, si c'est de ça dont tu as besoin en priorité. Tout ce que je voulais dire, c'est que ton écuyer me donne l'impression d'avoir... besoin que son maître lui consacre un peu plus de quelques minutes par jour. Je ne critique rien, loin de moi cette idée ! Notre situation est précaire et vu ta position... Simplement, voilà, c'est mon impression.

[Hubert de Maleval]

" Est-ce que tu sais ce que je suis supposé lui apprendre ? demanda Hubert, penaud. J'ai l'impression que... rien de ce que pourrait lui enseigner n'a d'utilité, en ces lieux. Je n'ai pas l'habitude... et je sais que tu n'es pas chevalier. Je devrais demander à Gaspard. Mais je suis un piètre professeur d'histoire... Je m'y connais un peu en politique hélonnienne... Mais mes spécialités sont l'équitation et l'armurerie... Or nous n'avons ni chevaux, ni forge..."

[Taliesin]

-Spontanément, j'aurais tendance à dire que peu importe ce que tu lui aprends... J'aurais tendance à penser que ce gosse a juste besoin qu'on lui témoigne de l'attention, de l'affection. Tu vois... Bon, ce que je vais te dire est un secret, alors ne le répète pas où ça ira mal pour mon matricule mais... Quand Ruth en a gros sur le cœur, et ça lui arrive, elle va se réfugier auprès de sa maman. Alban ne peut pas faire pareil. Bien sûr, il y a Gabriel, bien sûr, je suis là aussi mais... Ce n'est pas la même chose. Ils nous aime bien mais nous ne sommes pas... ses maîtres ou ses tuteurs.
Il grimaça.
-Après, peut-être que je me trompe. Peut-être qu'il a juste besoin qu'on lui confie en permanence des tâches, quelles qu'elles soient. Comme Robert pouvait le faire. Dans un contexte très différent, cependant.

[Hubert de Maleval]

" Je vais aller le trouver. Ça me fera du bien de ne plus songer à tout ce que tu m'as appris, pendant un moment. Vous m'avez consacré beaucoup de temps, ce n'est que justice que j'en prenne pour vous."
Il sourit.
" Merci encore, Giovanni. N'oublie pas que si je peux... aider... moi aussi... d'une manière ou d'une autre... Il ne faut pas hésiter."

[Taliesin]

-Allons, il ne faut pas me remercier. . Entre amis, il faut se rendre service, sinon ça n'a pas de sens. Sans compter que ça pourrait aussi être utile à la Communauté et que ça ma montré que je n'étais pas aussi allergique à l'étude que je le pensais. Au fond, c'est donc moi qui devrais te remercier.
Son sourire s'élargit subitement.
-Cependant, puisque tu insistes, ça me rendrait grandement service si tu t'occupais en permanence des Psycopathes au cours des jours à venir.

[Hubert de Maleval]

" Ce n'était pas à ce genre d'aide que je pensais, dit le paladin. Et je me dois de refuser, d'ailleurs. Demi-céleste ne veut pas dire que je vais me sacrifier pour tout le monde tout le temps ! Mais tu ne m'as toujours pas dit où se trouvait Alban... Sans doute à table, je suppose, après avoir terminé votre travail...

[Taliesin]

-Je présume, car c'est là que je l'ai envoyé quand nous nous sommes séparés.
Il croisa les bras.
-Mais donc, je note que tu proposes ton aide... et que tu refuses sitôt qu'on te la demande. Cela mérite représailles. Sache donc que, désormais, Gabriel et moi refuserons d'être approchés par tes écuyers. Il te faudra donc les avoir sur les talons en permanence. Ainsi réaliseras-tu quel immense service nous te rendons, quel gigantesque sacrifice nous consentons pour toi depuis des semaines sans que tu en aies conscience.
Il lui sourit de toutes ses dents.
-Va donc, faux frère.

[Hubert de Maleval]

Le paladin grimaça.
" Bon, ça va, je m'occuperai de tes gamins. Mais je ne sais même pas quoi faire des miens, comment veux-tu que j'aie des idées pour les tiens ? Ah, bon sang, jamais jamais jamais je n'aurais dû accepter d'avoir des écuyers. Je ne suis pas fait pour ça. J'ai déjà peine à m'occuper de moi-même."
Il soupira puis sourit au barde.
" Mais blague à part... J'aimerais autant que... ce que tu m'as révélé ne s'ébruite pas. Je me rends bien compte que je serai sans doute contraint de me dévoiler si les circonstances l'exigent mais... Voilà. Si ça pouvait rester entre nous, jusque là, j'apprécierais."