[Lieu] Une cité perdue

[Taliesin]

Alban le remercia alors puis s'esquiva, laissant Hubert gagner une salle des cartes qu'il découvrit... complètement déserte. Il lui fallut alors se mettre en quête des autres conseillers et le premier qu'il trouva fut Marthe, en train de lire tranquillement dans leur pièce de vie.
-Comme quelqu'un t'a vu t'éloigner avec ton écuyer, nous nous sommes dits que nous attendrions ton retour avant de nous réunir, expliqua-t-elle. Ce n'était pas pressé, d'autant qu'en dehors des informations concernant l'expédition du jour, il n'y a pas beaucoup de nouveautés...

[Hubert de Maleval]

" Je suis quand même désolé, dit Hubert, empourpré. Ce n'était pas très... responsable de ma part. J'aurais pu a minima vous prévenir mais... j'avais la tête ailleurs, je suppose. La journée a été éprouvante, malgré tout."
Il s'éclaircit la gorge, conscient d'être mal à l'aise... beaucoup trop mal à l'aise vu les circonstances.
" J'imagine que nous devons quand même parler des plans pour demain..."

[Taliesin]

-Oui, il faudra sans doute trancher entre monter une nouvelle grande expédition, peut-être vers la caserne, ou en faire de plus petites aux environs du palais....
Il en fut ainsi. Après avoir retrouvé leurs confrères, ils écoutèrent le rapport d’Ézéchiel et d'Hubert concernant la mission à l'école de magie et convinrent qu'il fallait examiner les découvertes : Giovanni et les magiciens semblaient les plus indiqués pour cette tâche. Enfin se posa la question de ce qu'ils feraient le lendemain.

[Hubert de Maleval]

" Allons à la caserne, proposa Hubert. Si les hommes sont en état, bien sûr... Giovanni peut rester ici. Et comme ce n'est pas un endroit auréolé de mystères... Nous n'avons pas besoin d'emmener Ruth."
Albérich croisa les bras, manifestement mécontent, mais acquiesça.
" Est-ce qu'il est réaliste de faire l'aller-retour sur la même journée, cependant ?" demanda le paladin à l'éclaireur.

[Taliesin]

-Cela me paraît faisable, oui, répondit Ézéchiel. Il vaudra mieux, cependant, partir le plus tôt possible. Quant au retour, ce n'est pas bien grave s'il s'opère de nuit, puisque nous passerons par les souterrains.
Il se frotta le menton.
-Et rien n'empêche, non plus, de pallier à toutes les éventualités en emportant un peu plus de vivres qu'aujourd'hui. Et si nous étions retardés pour une raison ou pour une autre, il suffira que l'un des clercs qui nous accompagneront contacte l'un de ceux qui resteront ici.

[Hubert de Maleval]

" Ça me semble une bonne idée. Nous pouvons reformer le même groupe qu'aujourd'hui, pratiquement... En encourageant Thibault et Gabriel à mémoriser des sortilèges davantage calibrés pour détecter et neutraliser les pièges.
— Ce n'est pas exactement la spécialité des clercs, remarqua poliment Albérich.
— Non... mais ce genre de talents doit se trouver dans la communauté, non ? Il faudrait peut-être embarquer certains des civils..."

[Taliesin]

-Il faudrait aussi quelqu'un pour crocheter les serrures. Ce n'est pas parce que la caserne paraît d'emblée moins mystérieuse que l'école de magie que, pour autant, toutes ses portes seront grandes ouvertes, surtout si elle abrite des armes... dangereuses. Par ailleurs, je crois qu'il ne faudra pas négliger la recherche de passages secrets : les Anciens semblaient en avoir le goût.
Elle sembla fort embarrassée.
-La Communauté compte dans ses rangs un serrurier de profession mais... il est à la forteresse. Il y a aussi quelques personnes au passé... tumultueux, disons, dont deux sont avec nous. Néanmoins, elles entendaient laisser ledit passé derrière elles et même si je ne doute pas qu'elles soient prêtes à utiliser leurs compétences... pour servir la bonne cause, il faudrait trouver un moyen pour qu'elles ne soient aas... mal vues.

[Hubert de Maleval]

" Il n'est nul besoin de l'ébruiter, dit Hubert. Et crocheter une serrure n'est pas l'apanage des vauriens. Outre les serruriers, tous les aventuriers qui visitent des ruines ont besoin de ce type de talents. J'imagine que la difficulté est de le présenter aux autres, si ce sont les seuls civils à être réquisitionnés... Hum. Et je suppose que la difficulté va être d'équilibrer le droit à un nouveau départ avec notre souci de transparence."
Albérich poussa un bref soupir.
" Nous devons user des compétences à notre disposition. Si les gens veulent mentir sur leur passé, je propose que nous fassions une entorse à nos principes."

[Taliesin]

-Ce ne serait pas vraiment une entorse, intervint la magistrate. Il a toujours été clair que personne, parmi nous, n'était obligé de révéler son passé. Du moment qu'on accepte notre charte, qu'on partage nos valeurs, on est le bienvenu : pour ceux qui nous rejoignent, c'est vraiment un nouveau départ, un nouveau départ où ils peuvent faire abstraction, s'ils le désirent, de leur vie d'antan. Par conséquent, c'est plutôt dévoiler brutalement ladite vie qui serait contraire à nos principes.
-Mais il faudra une bonne, une très bonne explication. Sinon, beaucoup d'autres gens voudront nous accompagner et ne comprendront pas pourquoi ils n'en ont pas le droit. Tout le monde ne vit pas bien le fait de devoir rester enfermé ici.

[Hubert de Maleval]

" Pourquoi nous éloigner de la vérité ? Avouons que ces gens ont des compétences en serrurerie et brodons sur les causes." dit Hubert.
Albérich croisa les bras.
" Qui sont ces personnes ? Il y a peut-être moyen de trouver des explications sans trahir leur réelle biographie."

[Taliesin]

-Cela ne va pas être facile... Dans un cas au moins.
Elle était plus gênée que jamais. Parmi eux, elle était la seule a avoir appartenu au Conseil originel, la seule, par conséquent, a être dépositaire des secrets de ceux qui avaient choisi de lui livrer leurs secrets. Les dévoiler, fut-ce à des gens de confiance, ne devait pas être aisé...
-L'une de ces personnes est Philibert, dit-elle enfin.

[Hubert de Maleval]

Vu les réticences de Marthe, Hubert s'était presque attendu à ce qu'elle révèle qu'elle était elle-même une voleuse repentie, aussi le nom de Philibert ne le surprit pas autant.
" Et bien, voilà quelqu'un qui s'est cherché ! Mais ce n'est pas un souci, dit Albérich avec un calme sourire. Il a été novice au temple de Lathandre à Eredhun. Il a tout à fait pu apprendre ça de Maître Ferran, le Semeur en charge de l'exploration des vestiges de la vallée du Nirvana. Je sais que bon nombre de mes collègues ont suivi son apprentissage. Le crochetage manuel est plus... durable que les sortilèges, quand on doit fouiller toute une ruine."

[Taliesin]

-Sauf qu'il déteste qu'on évoque cette partie de sa vie, Albérich... murmura-t-elle. Elle est extrêmement douloureuse et il préfère autant que possible ne plus jamais y penser. Je pense qu'en dehors de toi, des institutrices et des membres du Conseil, personne n'est au courant.
Elle soupira.
-Mais c'est sûr que si l'on excepte le fait qu'il ne soit pas allé au bout de cette formation, il n'a pas à rougir de ce passé-là : personne ne le jugera mal à cause de lui. Bref, à voir comment il prend la chose.

[Galathée]

Albérich était trop discret pour investiguer la question, mais il ne comprenait pas pourquoi Philibert avait tant de mal à évoquer ses années au temple. Oui, il n'avait pas ressenti l'appel, mais... c'était quand même un endroit empli de lumière et de bienveillance, formidable pour grandir... C'était un mystère total, pour lui, presque aussi incompréhensible que les arcanes les plus complexes de la Toile.
" Je n'avais pas réalisé." dit-il, embarrassé.
Et pas compris, non plus. Mais peu importait.
" Mais une personne suffit. Qui est le deuxième ?"

[Taliesin]

-Ah, dieux, c'est horrible, j'ai l'impression de violer le secret de l'instruction...
Elle secoua la tête, jeta un regard prolongé à Hubert puis se lança.
-Edgar a eu une jeunesse très tumultueuse. Il a fini par être pris et les autorités locales lui ont donné le choix : soit croupir en prison, soit entrer dans le guet et faire profiter ce dernier de ses connaissances approfondies sur la pègre. Il a opté pour la deuxième solution mais... quand l'heure est arrivée de faire des coupes sombres dans les effectifs, il a été parmi les premiers à être renvoyés.

[Galathée]

Hubert parut surpris.
" Avoir ce type de compétences, quand on travaille dans le guet, c'est très naturel. C'est même nécessaire pour une garde, d'avoir suffisamment d'hommes capables de forcer une porte sans la défoncer. Il n'a pas besoin de dire qu'il a appris ça avant de servir la loi." dit le paladin.
Puis son visage se fendit d'une grimace.
" Mais pourquoi est-ce qu'il n'a rien dit aujourd'hui ? Nous aurions pu ouvrir plus de chambres... C'est dommage. Croit-il que je l'aurais mal jugé ?
— C'est un peu dommage aussi que personne ne m'ait révélé ce genre de choses au moment du recensement. J'ai l'impression d'être passé à côté des informations les plus importantes."

[Taliesin]

Marthe grimaça.
-Certes, ça n'est pas très pragmatique. Mais d'un autre côté, il paraît impératif de respecter le choix de ceux qui veulent oublier une partie de leur existence et des compétences qu'ils y ont acquises. Si nous les avions obligés à s'en souvenir, à inscrire ça dans des registres, est-ce qu'un nouveau départ aurait été possible ? Quand on se lance dans pareille aventure, elle n'a plus vraiment de sens si l'on doit trimbaler ses casseroles avec soi.

[Galathée]

" Sauf qu'il s'agit de compétences cruciales pour notre survie. Je n'ai jamais demandé aux gens de me raconter leur vie. Et j'aurais pu garder certaines choses confidentielles, au besoin, fit Albérich dans un soupir. Mais peu importe. Ce qui est fait, est fait. Ce qui compte c'est qu'au moins toi, tu saches ce qu'il en est."
Et que tu sois revenue, sans quoi, nous serions démunis, songea-t-il.
Hubert haussa les épaules.
" En somme, nous nous cassons la tête pour rien. Edgar faisait déjà partie de l'expédition aujourd'hui, tout comme l'éclaireur d'Ezéchiel. Nous n'avons pas besoin de Philibert, et aucun de nos deux serruriers n'aura à trouver d'explication à sa participation à la sortie. Je dirai simplement à Edgar que j'ai besoin qu'il utilise tout son potentiel, cette fois. Et s'il a vraiment envie de n'agir que seul et à l'abri des regards, nous nous arrangerons. Mais franchement, j'avais au moins une douzaine de crocheteurs à mon service, quand j'étais chef du Rayon. Personne ne va hausser les sourcils."

[Taliesin]

Marthe parut sur le point de dire quelque chose mais se ravisa et, finalement, demeura muette.
-Bon, puisque le sujet est clos... Voyez-vous d'autres points à aborder où levons-nous la réunion ? s'enquit Ézéchiel. Pour ma part, je n'en vois pas et comme il faudra se lever tôt demain... Autant ne pas veiller trop tard.
Manifestement, le rôdeur prisait toujours aussi peu les longs débats...

[Galathée]

" Je n'ai rien ajouter, en ce qui me concerne." dit Hubert.
Albérich hocha la tête.
" Moi non plus. On peut lever la séance."
Une nouvelle journée à s'occuper des petits Paludiers s'annonçait... En même temps, il était bien forcé d'admettre que Hubert et Ezéchiel étaient nécessaires aux sorties et qu'il fallait laisser deux conseillers au palais. Il fallait faire contre mauvaise fortune, bon coeur. Agir autrement aurait été puéril.

[Taliesin]

Ils se souhaitèrent donc bon eoir et se séparèrent, chacun allant accomplir ce qu'il souhaitait faire avant l'heure du coucher.
Celle-ci approchait, bien sûr, mais il restait encore un peu de temps avant l'extinction générale des feux. D'ailleurs, maints colons n'avaient pas regagné la salle commune et, à la lueur des torches magiques, restaient à se promener à travers les salles et les couloirs ou à deviser tranquillement dans le confort feutré de quelque petit salon.

[Galathée]

Albérich et Hubert en profitèrent pour avoir leur première vraie conversation de la journée. Le clerc hésita à rester pour parler avec Marthe, histoire d’éclaircir les éventuels sujets de friction s’ils perduraient, mais il devina que le paladin l’attendait et le rejoignit dans le couloir. Son ami mit aussitôt le cap vers le fin fond du palais, peut-être leur salle de prière, loin, en tout cas, du gros de la communauté.
Ils marchèrent un moment en silence.
« Je suis désolé pour aujourd’hui, dit Hubert. Notre retour tardif… Je sais que tu redoutais ce genre de complications. »
Le Luménien soupira.
« J’ai eu peur, mais je ne te reproche absolument rien, Hubert. De ce qu’Ezéchiel m’a expliqué, tu n’as pris aucun risque inconsidéré : Ruth avait disparu et jamais je n’aurais voulu que tu l’abandonnes pour me faire plaisir. Ou plutôt en croyant me faire plaisir. Tu avais une responsabilité envers elle et tu l’as assumée. C’est moi qui suis désolé de mal contrôler mes émotions. Mais voilà… On s’attache et ce n’est pas toujours évident de garder son sang froid. »
Hubert ne répondit rien et Albérich réalisa que le paladin ne l’écoutait pas vraiment. Son regard était vide, comme s’il était ailleurs, et son expression reflétait un certain trouble.
« Ça va ?
— Giovanni dit que je suis un demi-céleste. »
Albérich l’arrêta, le dévisagea.
« Quoi ?
— Un demi-céleste. Aujourd’hui j’ai ouvert une porte en lançant un sortilège qui m’était inconnu. Parole Sacrée. Je l’avais déjà fait pendant le combat contre Ignace. Ils ont lu des livres, lui et Alban. Ils disent qu’il n’y a aucun doute. »
Leurs regards se croisèrent. Hubert était anxieux, Albérich incrédule.
« Tu es certain ?
— Moi, de rien. Giovanni, oui. Il dit que ça explique ma vision dans le noir, ma résistance au froid, mon endurance… que ça explique ces sortilèges que je lance sans les connaître. Un demi-céleste. Je ne sais pas quoi en penser. Il dit que c’est une chance ; moi… moi je ne sais plus tellement qui je suis. »
Albérich l’étreignit et le paladin posa le front contre son épaule.
« Mais je n’ai pas changé.
— Non, ne t’en fais pas. Tu es toujours le même. C’est… c’est une autre dimension de toi-même dont tu ignorais l’existence. »
Hubert se détacha de lui.
« Alors tu crois que c’est vrai ? Que je suis le… le fils d’une… entité extérieure ?
— Ce n’est pas impossible…
— Mais je devrais… avoir des signes, non ? Je ne sais pas… des plumes ou des yeux jaunes ou…
— Ce n’est pas toujours apparent… ou pas tout de suite. »
L’expression d’Hubert s’altéra.
« Tu veux dire que ça pourrait venir ?
— Je n’ai jamais rencontré de demi-céleste, Hubert. Je n’en sais que ce que j’en ai appris dans les livres… »
Le paladin s’était détourné et fit quelques pas incertains.
« Tu es indéniablement une force du Bien, Hubert… et tu as des aptitudes impressionnantes dans certains domaines…
— Est-ce que ça veut dire que mon père n’est pas mon père ? »
Evidemment. Albérich était bien placé pour savoir combien ce genre de révélation pouvait être déstabilisante. Lui-même avait accueilli la nouvelle avec choc… et il détestait celui qu’il avait pris pour son géniteur. Hubert, de son côté, parlait toujours de son père avec le plus grand respect.
« L’homme qui t’a élevé reste ton père, même si par le sang, il ne t’est pas apparenté.
— Ma mère ne l’aurait jamais trompé. » répartit brutalement le paladin.
Le clerc soupira et s’approcha de lui, posant une main sur son épaule, avant de le faire pivoter contre lui.
« Hubert. Ce que tu as vécu n’est pas un mensonge. Ta famille, l’amour qu’ils se portaient et à toi… Tu ne dois pas en douter. Et nous irons chercher les réponses, si tu en as besoin. »
Le paladin gémit.
« J’en ai besoin. »
Ils restèrent dans les bras l’un de l’autre, silencieux, pendant de longues secondes.
« Est-ce que… est-ce que tu veux encore de moi ? » souffla finalement le paladin.
Albérich contint un hoquet de stupeur.
« Quoi ? Qu’est-ce que tu racontes ?
— Je ne suis pas ce que tu croyais. Je ne suis pas humain. Je suis un mons…
— Tais-toi. Si quelqu’un devrait s’inquiéter de ne pas être à la hauteur, c’est moi. Mais tu vois, tu m’as dit que tu étais le même, et je l’ai cru. Alors je ne suis pas inquiet, et tu n’as aucune raison d’être inquiet de ton côté. Tu es peut-être le fils d’un céleste, mais tu l’as toujours été. Ce n’est pas une subite malédiction. »
Hubert l’embrassa sur le front, puis sur les lèvres.
« J’ai peur, je crois.
— Les paladins n’ont pas peur. Mais tu as le droit d’être déboussolé. Cependant… Ne t’en fais pas. Tu es à la hauteur de tes origines, tu le seras encore… Tu n’as nul besoin de douter. Tu es un chevalier du Bien. »
Le paladin frissonna.
« Je suis heureux que tu sois là.
— Même si je n’étais pas là, tu survivrais à cette découverte, Hubert. Elle ne peut que te rendre plus fort. Mais je suis heureux d’être là, moi aussi. »
D’un air mutin, il poussa une porte et déboucha dans une salle somptueuse. Il n’y prêta cependant pas grande attention. Sitôt le seuil franchi et l’huis refermé, ils s’étreignirent et laissèrent libre cours à la brusque bouffée de désir qui les avaient envahis.
Ils émergèrent de leur cachette une demi-heure plus tard et filèrent en droite ligne vers les thermes, avant un repos bien mérité.

[Taliesin]

Les thermes étaient déserts.
Mais pas obscurs : on avait laissé quelques torches qui, impuissantes à éclairer totalement les vastes lieux, permettaient néanmoins de s'y déplacer sans gêne.
Ils n'étaient pas silencieux, non plus; Pas totalement, du moins : des vaguelettes animaient la surface de l'un ds bassins et provoquaient un doux clapotis contre ses bords.
Il faisait bon, enfin. Bien meilleur que la dernière fois qu'Hubert était venu.

[Galathée]

Albérich se plongea dans l'eau avec félicité. Il nagea mollement jusqu'à un endroit d'où il pourrait surveiller l'entrée, attendant qu'Hubert le rejoigne.
" Tu es d'humeur friponne." remarqua le paladin en se glissant à ses côtés.
Le clerc sourit.
" C'est nouveau pour moi... C'est de la curiosité, c'est tout."
Hubert rit doucement.
" Ce ne serait quand même pas complètement convenable.
— Oh, je m'en fiche." dit le Luménien en l'embrassant langoureusement.
Hubert lui caressa le dos et les fesses, puis le repoussa.
" Tu es conseiller, tu as... une réputation à préserver.
— Ah. D’accord. »
Il croisa les bras et soupira d’aise.
« Diable.
— Tu peux le dire.
— Je ne pensais pas que ce serait… aussi…
— Hum ?
— Aussi formidablement parfait.
— Moi non plus. Ou plutôt si. J’avais imaginé que ce serait formidablement parfait. Et ça l’est. Il est rare que la réalité soit à la hauteur du fantasme. Mais venant de toi… Je sais que rien n’est impossible. »
Albérich gloussa, laissa sa main se promener sous l’eau, se glissa entre les cuisses du paladin, sourit de le trouver émoustillé malgré l’eau chaude.
« Je n’ai même pas mal, remarqua le Luménien, d’un ton presque stupéfait.
— Ah. C’est parce que je te soigne.
— Tu me soignes ? »
Son sourire devint goguenard.
« Quoi, tu as une sorte de sex…
— Avec ma main, imbécile. Une légère imposition, juste après… C’est une vieille habitude.
— Oh, je vois.
— C’est vraiment infime.
— Je ne m’en plains pas. C’est… un usage très… original de l’énergie de Lathandre.
— Il ne me l’a jamais refusée, même pour ça. »
Albérich leva les yeux vers le plafond.
« Et pourquoi donc l’aurait-il fait ? Ce n’est que lumière. Lumière et félicité. »
Hubert soupira, entrecroisa les doigts dans les siens, sous l’eau, repoussant sa main baladeuse.
« Je devrais aller me coucher. Nous serons partis tôt, demain.
— Après la prière.
— Immanquablement. »
Il leva la main du clerc hors de l’eau, la porta à ses lèvres.
« Qu’est-il arrivé à Ruth, au juste ? » demanda alors Albérich.
Hubert frémit.
« Elle est tombée dans des escaliers obscurs. Sans l’intervention de Tymora, c’est son cadavre que j’aurais rapporté. Je l’avais laissée devant une porte et elle a par inadvertance basculé dans un passage secret… Misère… Si Giovanni ne l’avait pas trouvé à son tour… Elle était dans un état… Je vais en rêver la nuit, je le sais.
— C’était un accident.
— Elle était sous ma responsabilité. Je n’aurais pas dû la lâcher d’une semelle. Ce n’est une petite fille, je ne dois jamais l’oublier. »
Il exhala.
« Mais la magie divine est miraculeuse, évidemment. Hormis ses vêtements déchirés et tout ce sang… Ah… Je devrais aller m’excuser auprès d’Ingrid, avant d’aller dormir… Elle n’a pas pu passer à côté de ce désastre… »
Il se redressa dans l’eau chaude.
« Je vais voir si elle est encore réveillée. Je te retrouve plus tard… Ne m’attends pas pour dormir.
— Oh mais je t’attendrai. » dit le Luménien qui, pour une fois, pu profiter du spectacle de son amant quittant le premier le bassin.

[Taliesin]

Contrairement à bien des colons, Ingrid ne dormait pas. Non, elle était occupée... à ravauder des vêtements. Pour ne pas réveiller ses voisins, elle le suivit à l'écart.
-IL ne faut pas vous excuser, dit-elle simplement après l'avoir entendu. Bien sûr, en la revoyant, en remarquant qu'elle avait multiplié les efforts, un epu en vain, pour cacher les traces de la chute... J'ai eu un choc; Mais ce n'est pas le première fois : vous imaginez bien qu'avec son caractère, il lui est déjà arrivé de se faire mal. Même si je sais que, là... Elle n'y est pour rien. Bref, c'était un accident, vous ne devez pas vous en vouloir.

[Hubert de Maleval]

" Et pourtant je dois vous présenter des excuses, dit le paladin. Je vous avais promis de veiller sur elle et j'ai failli. Elle est tellement... impétueuse... qu'il m'arrive d'oublier que ce n'est encore qu'une petite fille. C'était un accident et j'aurais dû le prévenir. "
Il regarda l'ouvrage qu'elle tenait en main. Il faillit lui parler du sortilège qu'utilisaient les Sunites, mais se ravisa. Elle était couturière, elle pouvait faire mieux que la magie, il n'en doutait pas.
" Nous ne la reprendrons pas à l'extérieur dans l'immédiat. Son don est formidable, mais les temps sont dangereux, et elle pourra en user ici avec des effets positifs et immédiats sur chacun."

[Taliesin]

-Bien sûr, si elle reste, je serais moins inquiète. Mais je crois malgré tout que vous ne devez pas hésiter à la mobiliser si cela peut faire la différence. J'ai tendance à penser que ce n'est pas un hasard si son... don est apparu si récemment. Et puis, notre situation est si précaire que chacun doit aider de son mieux...
Elle eut un sourire triste.
-Je dois aussi vous dire que... L'une des choses les plus douloureuses qu'apprennent les parents, c'est qu'aussi vigilants soient-ils, ils ne peuvent protéger leurs enfants de tout. Si vou saviez le nombre de mômes qui se font mal pile durant les quelques instants où on ne les surveille plus... le nombre de ceux qui se font mal juste en jouant avec leurs amis... Bref, ne culpabilisez pas, d'autant que vous avez pu la remettre sur pied... Tout ce qui compte, c'est que ça se soit bien terminé.

[Hubert de Maleval]

" Oui, vous avez raison."
Ingrid avait eu le temps d'apprendre cette réalité, mais pour Hubert, qui se voyait confier des enfants pour la première fois de sa vie, le chemin promettait d'être encore semé d'embûches. Tout en admettant que la couturière ait raison, il savait qu'il n'accepterait pas de sitôt de renoncer à son rôle de protecteur. C'était son métier, de surcroît, ce qui en faisait un double handicap.
" Je vais vous laisser terminer votre travail. Merci de prendre la chose avec philosophie. J'aurais détesté m'attirer vos foudres."

[Taliesin]

-J'aurais été bien ingrate et bien injuste de me mettre en en colère contre vous pour cela : vous faites énormément pour RUth et ce qui s'est produit n'est en rien de votre faute.
Elle sourit.
Honnêtement, j'aurais eu plus de raisons de m'emporter... à cause de l'état de sa mise. Vous n'imaginez pas à quel point la situation vestimentaire devient catastrophique... Enfin, le côté positif, c'est que les couturières ne manquent pas de travail. Et pouvoir aider le groupe, fut-ce de si modeste manière... Cela fait du bien.

[Hubert de Maleval]

" Oui, c'est vrai que c'est quelque chose que les Anciens n'ont pas préservé..."
Il songea à la colonne de Frida, qui devait les rejoindre bientôt. Ils auraient sans doute tout ce qui leur fallait.
" Avec un peu de chance, la situation évoluera positivement, cependant. Bonne nuit Ingrid."