[Lieu] Peyregorde

[Kasumi]

Il lui obéit, ses paroles lui ayant remémoré le sentiment d’urgence que son rêve avait instillé dans son esprit. L’étincelle de vie du Bosquet n’était pas encore éteinte mais le temps lui était terriblement compté. En fouillant dans sa conscience, il se souvint confusément des indications qu’il devait suivre et c’est donc d’un pas rapide qu’il se dirigea vers la forêt puis vers la résurgence souillée. A son approche, il progresserait plus prudemment pour éviter toute embuscade mais, pour le moment, son allure était plus rapide qu’attentive, comme si chaque minute comptait.

[Voyageuse]

Il ne trouva aucun danger sur sa route, et ne découvrit pas non plus de traces de présence humaine. La journée était chaude et ensoleillée, et la forêt fraîche et paisible, comme à l'ordinaire.
Néanmoins, en approchant du bosquet, il ressentit une impression de souillure. Rien ne semblait avoir bougé là-bas, les carcasses n'avaient apparemment pas été touchées. Les traces qu'il avait suivies la veille étaient toujours présentes, bien nettes, mais il n'y avait aucun autre signe de passage. Il avait simplement une conscience accrue de la souillure du lieu, peut-être parce qu'il était moins obnubilé par la recherche des auteurs du forfait.

[Kasumi]

Même si cela allait immanquablement révélé qu'il était passé par là et que c'était aussi un peu vain dans la mesure où les profanateurs pourraient toujours avoir une longueur d'avance pour recommencer leurs méfaits, le rôdeur ne put ignorer les carcasses souillant l'eau qui aurait du être pure et il entreprit donc de consacrer quelques minutes à les retirer de l'eau : il ne pouvait guère faire plus mais il ne pouvait pas se résoudre à simplement passer son chemin en laissant derrière lui cette insulte à sa déesse et à tout ce qu'elle représentait.

[Voyageuse]

Nettoyer la source lui prit plus de quelques minutes. il ne pouvait pas décemment les laisser trop à proximité de l'eau, avec les miasmes qui ne manqueraient pas de se déverser jusqu'à la source. Il lui fallut les emmener un peu plus loin, et certaines étaient lourdes.
Lorsqu'il eût fini son macabre travail, ses vêtements étaient tâchés de sang, et il avait la sensation de puer la charogne à des lieues. Mais la source était à nouveau relativement propre.

[Kasumi]

Il avait consacré beaucoup plus de temps qu'il ne l'aurait voulu mais il prit tout de même quelques instants supplémentaires pour s'immerger tout habillé dans la source puis y tremper sa tunique et la rincer : plus que la désagréable sensation que l'odeur lui donnait, il jugeait trop dangereux de s'engager dans une partie inconnue de la forêt en portant un fumet que ses ennemis comme tous les prédateurs pourraient repérer de loin.

Une fois plus ou moins satisfait, il reprit le cours de sa mission, cherchant à repérer le nord-est puis si quelque-chose lui semblait anormal dans cette direction.

[Voyageuse]

Sur tout le pourtour nord, est et ouest de la source se trouvait du buis, entremêlé par endroits de ronces, en un taillis d’apparence impénétrable. Le buis situé au nord-est semblait en tout point semblable à celui qui se trouvait tout autour : dense, épais, haut et infranchissable. Il poussait à moins d'une dizaine de toises du point d'eau, tout autour de lui, faisant de la source une sorte d'impasse : le seul moyen apparent de s'en éloigner était par le sud.

[Kasumi]

Le rôdeur se souvint des paroles de la prêtresse : le Bosquet - dénaturé et moribond - cherchait à se défendre par tous les moyens. La voie vers lui ne devait en aucun cas être la plus accueillante ou la plus praticable, même pour un défenseur de la nature. Il s'approcha donc de la barrière de buis et adressa une prière fervente à sa déesse dans l'espoir d'obtenir un signe d'elle, sur la conduite à tenir, sur les actions à mener pour aider au mieux le bosquet à recouvrer sa paix et sa prospérité.

[Voyageuse]

Sa prière lui apporta un sentiment qu'il aurait presque pu qualifier de sérénité. Il avait, sans vraiment pouvoir l'expliquer, la sensation qu'elle avait été entendue. Et lorsqu'il reporta son regard sur la barrière végétale juste devant lui, il lui parut subitement moins impénétrable : à bien y regarder, il y avait un passage, en contournant par la gauche un tronc poussé un peu en avant des autres. C'était presque le départ d'une sente, sauf qu'elle était absolument invisible à l'oeil de quiconque qui ne se trouverait pas exactement à l'endroit où il se tenait.
Lorsqu'il s'y avança, il eut le soulagement de voir que la minuscule sente se poursuivait plus loin, slalomant entre les arbres, contournant une haie, un arbre. La voie était suffisamment nette pour qu'il la suive sans hésitation, mais si étroite que malgré son expertise dans le domaine, il était peu probable qu'il s'en sorte sans au moins quelques accrocs à ses vêtements. Il avait la conviction que le moindre écart, même d'un mètre, dans cette végétation touffue, suffirait à ce qu'il en perde le fil.

[Kasumi]

Kasumi adressa une nouvelle prière - de remerciement cette fois - à sa déesse puis reprît sa progression dans le mur quasiment impénétrable de ronces. Il devait y consacrer l'essentiel de sa concentration pour ne pas se blesser mais il songea tout de même avec soulagement que cet obstacle végétal avait peut-être suffi à préserver un petit sanctuaire que les Malarites ne pourrait atteindre.

[Voyageuse]

Il marcha ainsi un temps assez long, une petite demi-heure peut-être, de taillis épais en sous-bois plus ordinaire, avant de se retrouver devant un nouveau "mur" de buis qui, là aussi, laissa deviner l'ébauche d'une sente lorsqu'il s'y engagea. Il perçut presque immédiatement le murmure de l'eau, tout proche. Il l'avait déjà perçu plusieurs fois au cours de son approcha, quelque part sur sa gauche, mais sans parvenir à en apercevoir l'origine -il ne pouvait pas risquer de perdre le sentier. Cette fois-ci, le ruisseau était tout proche, clair et pur. Il le devinait derrière la haie de buis, courant vers le sud : c'était probablement celui qui alimentait la résurgence qu'il avait dégagée un peu plus en aval.
Il parcourut quelques dizaines de mètres encore, toujours au coeur d'un taillis épais, avant de parvenir à une petite clairière.

[Voyageuse]

... et il se retrouva bientôt face à la résurgence qu'il avait purifiée quelques jours plus tôt. En comparaison avec la sérénité de la source, les effluves de charogne lui parurent particulièrement répugnante : les carcasses qu'il avait enlevées étaient encore trop proches du ruisseau. Il faudrait certainement les éloigner encore.
Et pourtant, à la réflexion, n'eût été ces cadavres amoncelés et les ronces qui avaient envahi les lieux, cet endroit aurait pu ressembler beaucoup à la source qu'il venait de laisser.

[Kasumi]

Le rôdeur choisit d'adresser une nouvelle prière pour inviter la Dame des forêts à accueillir en son domaine céleste les mânes des animaux sauvages massacrés. Mais il n'entreprit rien d'autre : il se faisait tard et un orage couvait : il valait donc bien mieux qu'il remette au lendemain la purification de la résurgence. Il lui fallait aussi réfléchir à une méthode pour empêcher qu'elle soit souillée de nouveau. Ce qu'il commença à faire sur le chemin du village...

[Voyageuse]

Il arriva au village sous un ciel orageux. Le soleil, à l'ouest, jetait ses derniers feux, éclairant les nuages dégradés orangés du plus bel effet. Il faisait chaud, lourd, le tonnerre grondait quelque part au sud, et des éclairs zébraient le ciel. Des rafales de vent chaud couchaient les herbes. L'atmosphère était électrique, et on s'affairait à rentrer à l'abri le linge qui séchait au-dehors. Un brusque coup de vent fit voltiger une nappe, et sa propriétaire dut courir la ramasser. Il entendit un paysan grommeler que le ciel était trop jaune et que ça sentait la grêle. Comme en réponse, une rafale lui arracha son chapeau, puis tout parut se calmer. Et quelques grosses gouttes de pluies commencèrent à tomber juste au moment où il rejoignait la demeure de son hôtesse.
" Ah, vous arrivez juste à temps pour m'aider à rentrer la table à l'abri !" s'exclama Martha.
Ainsi mis à contribution, il fit son entrée dans la salle principale où Sylvia tricotait, assise sur son sofa, l'air un peu pâlichonne. Elle sourit, lmumineuse, mais n'osa pas se lever, l'invitant plutôt à la rejoindre.

[Kasumi]

Kasumi avait toujours apprécié ce genre de temps animé mais il était heureux d’avoir pu quitter la forêt et se mettre à l’abri avant le début de l’orage. Cela lui fit également plaisir de pouvoir apporter son aide – aussi modeste soit-elle - à Martha.

Remis de ces petites émotions, il se dirigea vers Sylvia et prit place sur une chaise à côté du sofa après l’avoir embrassée. Il était cependant bien conscient d’avoir besoin de se changer rapidement suite à ses activités salissantes du matin mais il prit tout de même le temps d’échanger un peu avec elle tout en jetant un œil intéressé à son travail :

- Alors, comment s’est passé ta journée, ma douce ?

[Voyageuse]

Sylvia posa aussitôt sur le sofa le petit tricot bleu ciel qu'elle tenait dans les mains -en prenant garde, tout de même, que ses aiguilles restent en place- avant de répondre avec une grimace :
" Bof... calme et ennuyeuse, en tout cas certainement plus que la tienne... Beurk, tu empestes, tu sais ? Hum, laisse-moi deviner... tu as nettoyé la source, c'est ça ?"
Elle déposa un rapide baiser sur ses lèvres mais préféra prendre aussitôt un peu de distance.

[Kasumi]

Il rit de bon cœur de sa réaction faussement dégoutée avant de répondre d'un ton mystérieux qu'il employait souvent quand il escomptait lui faire une surprise :

- Je ne peux rien te cacher mais ça c'était ce matin ! Mes activités de l'après-midi était bien moins salissantes et beaucoup plus agréables ! Mais je ne voudrais pas t'incommoder avec ma puanteur alors je vais de ce pas prendre un bain et démarrer une lessive !

Il sourit et se leva sans hâte, ayant bien l'intention de faire mariner un peu sa compagne.

[Voyageuse]

Celle-ci lui tira joyeusement la langue.
" Je parie qu'en fait tu n'as rien à me raconter ! C'est pour ça que tu fuis ! Mais cela dit, c'est une très bonne idée de te laver ! Histoire qu'on puisse garder un peu d'appétit pour la soupe..."
Un coup de tonnerre un peu plus fort que les autres les interrompit.
" Blague à part, tu as bien fait de rentrer avant l'orage : il s'annonce violent...
- Et mettez donc vos vêtements sales dans le grand bac, on fait une lessive demain, je crois que ça devient urgent en ce qui vous concerne !" ajouta Martha d'un ton légèrement taquin.

[Kasumi]

Cette fois, le demi-elfe répondit avec bonne humeur que salir ses affaires - et soi-même - faisait partie intégrante du métier de rôdeur et qu'il assumait parfaitement. Puis il battit en retraite vers la salle de bains, non sans un clin d'œil et une remarque taquine à l'attention de Sylvia :

- Mais donc tu as parfaitement raison : je n'ai absolument aucune histoire à raconter ! Surtout pas qui impliquent des dryades ou de jolies nymphes des bois !

Et de filer aussitôt se réfugier dans la salle de bain après un détour express par leur chambre pour récupérer des vêtements propres. Les rares qui le soient encore effectivement.

[Voyageuse]

La lessive serait effectivement la bienvenue : il n'avait plus grand-chose de propre à se mettre, il fallait bien l'admettre. Il constata qu'on avait mis de l'eau à chauffer à son intention -peut-être un signe que les deux femmes souhaitaient très fortement le voir enfin propre-, du savon, un gant et une serviette de coton.

Lorsqu'il revint dans la salle commune après un peu de temps passé à s'apprêter, la table était mise et ça sentait bon la soupe -différente de la veille tout de même. Dehors, la pluie tombait à gros fracas, accompagnée de grêlons à en juger par le vacarme. Il faisait aussi sombre qu'au beau milieu de la nuit alors que le soleil venait tout juste de se coucher.
" Ah... Tu sens meilleur ! Et ne va pas me baratiner avec tes dryades : vu ton odeur, tu les aurais fait fuir !"

[Kasumi]

Il ne résista pas à l'envie un peu puérile de répondre d'un ton badin :

- Et ça aurait été une chance ! Pour toi ! Mais j'ai trouvé bien plus intéressant en fait...

Il esquissa un sourire ravi et goutta à sa soupe avant de poursuivre d'un ton passionné :

- J'ai trouvé un chemin quasiment invisible au travers d'une épaisse haie de buis infranchissable. Il m'a permis de retrouver la trace de la source et de la remonter jusqu'à une magnifique clairière préservée. Et je suis quasiment certain qu'elle appartenait au bosquet.

[Voyageuse]

Les yeux de Sylvia se mirent à briller.
" Oh, c'est fantastique ça ! Et c'est là-bas que tu vas planter le gland, alors ?
- Vous êtes sûrs que ça fait partie du Bosquet ? s'enquit Martha avec curiosité avant qu'il n'ait eu le temps de répondre. Comment donc pouvez-vous le savoir ?"

[Kasumi]

Kasumi ferma les yeux un instant et se plongea un instant dans ses souvenirs récents, évoquant la paix et le calme absolus qu'il avait ressentis lors de son cours séjour dans la clairière.

- Je n'ai aucun moyen d'en être certain mais c'est une impression : j'ai ressenti là bas ce que j'ai éprouvé dans un autre bosquet sacré que Sylvia et moi avons récemment visité sur Féérune. Je peux me tromper évidemment, mais l'endroit me semblait vraiment idéal pour y planter le gland.

[Voyageuse]

" Si vous l'dites, répliqua Martha en haussant les épaules. Je n'y connais rien...
- Tu comptes planter le gland dès demain ?, questionna Sylvia. Tu as une idée de la façon dont tu vas procéder ? Peut-être qu'il faut... prier en même temps, non ? Sûrement, même, en y réfléchissant bien. Il y a peut-être un rituel à suivre... La dryade ne t'a rien dit ?"

[Kasumi]

Kasumi avait en effet une première idée de la manière dont il devait s'y prendre grâce à la répétition à laquelle il avait eu droit avec Celd. Cependant, il ne se sentait pas du tout prêt à procéder dès le lendemain et s'en ouvrit sans fard :

- Oui, il me faudra prier et aussi rester sur place pour veiller sur la pousse. Mais je pensais aller demander de derniers conseils à Hortense et en profiter pour renouveler mon stock d'eau bénite auprès d'Aïdan.

Cela signifiait s'absenter deux jours, loin de Sylvia, loin de Première Neige aussi. Mais ce n'était encore qu'un avant-goût par rapport à la période qu'il devrait certainement passer isolé dans la clairière.

[Voyageuse]

Sylvia acquiesça.
" Oui, c'est une bonne idée de voir Hortense. et puis ça n'est pas si loin. Je survivrai à une nuit d'absence, ne t'en fais pas !"
Elle resta silencieuse quelques instant, songeuse.
" Tu crois que tu devras veiller sur la pousse... en restant là-bas ? Ou en confiant la surveillance à ta louve peut-être ?"

[Kasumi]

Il lui prit la main et esquissa un sourire un peu désolé pour lui répondre :

- A mon avis, je devrai passer quelques jours au moins sur place pour tout mettre en ordre. Puis y retourner régulièrement sans attirer l'attention de ceux qui sabotent mes efforts. Mais tu as raison, je pourrai demander à Première Neige de venir me seconder à un moment pour que je puisse repasser par le village.

Il y serait bien forcé, ne serait-ce que pour se ravitailler mais pas seulement : donner de ses nouvelles semblait la moindre des choses alors que Sylvia resterait cloîtrée encore des jours sinon plus.

[Voyageuse]

Elle hocha la tête, hésita un instant, puis reprit la parole :
" Fais ce qui est le mieux pour ce bosquet. C'est très important de le faire renaître, nous le savons tous les deux... Donc il ne faut pas te croire obligé de revenir régulièrement ici pour moi. Si tu penses que ton éloignement met en danger le chêne, tu devras rester là-bas. Il me semble que c'est le plus sage... J'espère juste que ce ne sera pas trop long. Mais même si ça devait durer deux ou trois veilles, je serais bien forcée de faire avec !"

[Kasumi]

Son hésitation en disait long sur le sacrifice qu'elle consentait et sur l'envie criante qu'elle aurait eu de l'accompagner. Sans un mot, il se pencha pour l'embrasser tout en caressant sa main dans la sienne.

- La clairière doit être facilement repérable du ciel quand on sait où la chercher alors Vif-Argent pourra garder un œil sur moi en ton nom si je dois rester quelques jours sur place.

C'était sans doute une maigre consolation mais c'était tout de même un lien qu'il aimerait maintenir. Car même si cette courte séparation était sans commune mesure avec les années et les milliers de lieues de distance qu'ils avaient connues, les choses étaient désormais bien différentes entre eux et il ne souhaitait pas qu'il puisse en être autrement.

[Voyageuse]

Le regard de la rôdeuse s'éclaira immédiatement.
" Je n'y avais pas pensé ! J'avoue que je serai vraiment soulagée de te savoir en sécurité si tu dois rester un long moment sur place. Je t'aurais demandé de m'envoyer des messages via ta louve, mais effectivement, Vif-Argent doit pouvoir repérer la clairière ! Ce sera plus simple ainsi..."
Elle semblait grandement soulagée par cette solution -signe qu'elle devait s'inquiéter, en réalité, chaque jour pour lui, sans vouloir le lui dire.
Martha, tout en les écoutant, leur servait la soupe -qui, vu l'orage qui grondait au-dehors, paraissait ce soir encore plus appétissante.

[Kasumi]

Lire le soulagement dans l’expression de Sylvia le mettait en joie et contribuait évidemment davantage à éveiller son appétit pour le souper. Il y fit donc honneur tout en devisant tranquillement, les soucis qu’il affrontait tous les jours semblaient remisés au moins pour quelques heures, sans doute parce qu’il entrevoyait enfin un début de solution pour le bosquet après la découverte de la clairière.