[Lieu] Une cité perdue

[Taliesin]

De prime abord, Giovanni parut mal prendre le reproche. Mais finalement, il ne se braqua pas.
-Mes excuses, Hubert. Chacun lutte à sa manière contre ses somres pensées et, en ce qui me concerne, je crains que cela ne se manifeste par... davantage d'inconséquene encore que de coutume. Et je comprends que cela soit inapproprié. Je veillerai donc à faire plus attention. A nouveau... je suis désolé.

[Hubert de Maleval]

" Non, c'est moi qui le suis. Je ne voulais pas moucher ta bonne humeur. Et je comprends que... chacun gère la situation à sa manière... Je devrais être moins sensible. Mais finalement, c'est un combat presque aussi difficile à mener que celui contre les Ithiliens... Survivre à... à cette incertitude."
Il pressa l'épaule du barde puis se leva.
" Je vais aller retrouver Albérich et Marthe. Je te souhaite un bon début de journée. Pardonne-moi mes humeurs, encore. Je ne veux pas que tu te défies de moi."

[Taliesin]

-Me défier de toi ?
Il secoua la tête.
-Allons, ne dis donc pas de bêtises. Et tes réactions sont très compréhensibles. Enfin, ayant un très, très mauvais caractère, mille fois pire que le tien... je serais mal placé pour m'offusquer vraiment de tes humeurs ou de celles de qui que ce soit d'autre. Bref, ne t'en fais pas.

[Hubert de Maleval]

Hubert sourit au barde, embarrassé de l'avoir un peu secoué, puis s'éloigna à la recherche de la juge et du Luménien. Ils devaient avoir terminé de manger, désormais, et ils allaient pouvoir passer au conseil.
Hormis les informer de sa rencontre avec Guillermo, il ne savait pas très bien de quoi leur parler. Il avait envie de sortir, bien sûr, pour aller observer les retombées de la rupture du sceau. Mais peut-être estimeraient-ils que c'était trop risqué... Ils ne pouvaient pourtant pas rester terrés à l'intérieur.

[Taliesin]

Ses collègues avaient terminé de manger et ils se levèrent sitôt qu'il s'approcha d'eux. Toutefois, conscients qu'il n'avait pour sa part rien avaler, ils prirent soin d'emporter avec eux un bol de thé et quelques provisions.
-On ne va pas te laisser mourir de faim, glissa Marthe tandis qu'ils se dirigeaient vers la salle des cartes.
Elle le détailla ensuite de la têt'e aux pieds.
-Et si je puis me permettre... Tu es fort élégant.

[Hubert de Maleval]

Hubert ne put s'empêcher de rougir.
" Ah... heu... merci. Je n'y suis pour rien, en l'occurrence."
Il se demanda ce que diraient les heureux donateurs quand il passerait un harnois par dessus leur ouvrage, le dissimulant aux regards et... le ruinant probablement à tout jamais.
Il prit un siège puis poussa un bref soupir. Albérich ne les avait pas suivis.

***

Le Luménien était, conformément à ce qu'il avait prévu avec Marthe, parti avertir Etienne de la tenue du conseil... Il avait l'intention de frapper, de transmettre son message et de ne pas insister.

[Taliesin]

Il fut poliment mais fraichement reçu. Et quand le jeune chevalier entendit la proposition, il ne put réprimer un rire amer.
-Vu le peu de cas que vous avez récemment fait de mon avis, je préfère économiser ma salive, lâcha-t-il.
Puis il y eut un profond soupir.
-Rejoins donc les autres. Je ne suis pas vraiment en état de réfléchir posément, de toute façon, ajouta-t-il sur un ton plus doux.

[Galathée]

Albérich n'insista pas. Il ne pouvait que reconnaître qu'Etienne avait raison. Il retourna vers la salle des cartes, songeur. Ce qu'il avait dit à Marthe n'était pas vraiment vrai : ni l'amour, ni le temps, ni l'espoir ne sauveraient le chevalier. La seule chose qui le pouvait, c'était la victoire, et elle paraissait encore bien loin, si elle était seulement possible.
Après... Etienne trouverait peut-être l'énergie de vivre quand même, avec ses rêves brisés. Ou pas. Il lui paraissait beaucoup plus entier qu'il n'avait pu l'être, lui-même, quand tout s'était écroulé. Le convaincre que les secondes chances viennent, inexorablement, ne serait pas une mince affaire.
Il se recomposa une mine moins sombre en franchissant la porte.
" Comme prévu, il ne vient pas." annonça-t-il simplement, en s'asseyant.

[Taliesin]

Soupir résigné.
-C'est dommage mais attendu, effectivement.
Elle demeura pensive un moment puis reprit pied dans l'instant présent et se tourna vers Hubert.
-Tu voulais nous parler de ta rencontre avec Guillermo ?

[Galathée]

Hubert parut s'arracher à un songe.
" Heu oui. Je l'ai croisé par hasard, hier, dans les rues... Il est, comme nous l'avions compris, en compagnie des trois gamins paludiers qu'il avait fallu isoler. Ils ont trouvé refuge dans un temple, si j'ai bien compris. Evidemment... Ils ne désirent pas nous rejoindre. Mais Guillermo dit qu'il a des informations à nous transmettre. Qu'on pourrait convenir d'un rendez-vous aujourd'hui. Ça m'était sorti de la tête. Bon... il a parlé d'un échange. Donc je suppose qu'il attend de nous quelque chose de son côté."
Albérich grimaça. Son opinion des mercenaires avait été mauvaise depuis le premier jour, les événements n'avaient rien fait pour la changer.
" Il n'a pas dit quoi."
Le Luménien pinça les lèvres.
" Et tu avais quelqu'un en tête, pour aller à ce rendez-vous, si nous y consentons ?" demanda-t-il, une légère pointe de tension dans la voix.
Le paladin eut brusquement envie de lui répondre : moi ! moi je vais y aller ! sortir d'ici, encore et encore ! et chaque fois, ce sera la même chose !
Mais il s'abstint.
" Varamyr. Il est discret, pragmatique, il ne se laissera pas impressionner."

[Taliesin]

-Ce serait un bon choix.
Elle les observa tour à tour.
-Je ne suis pas du tout opposée à cette démarche. Guillermo ne nous a pas trahis et même si nos voies se sont séparées... il serait dommage de se priver de l'aide qu'il peut nous apporter.

[Galathée]

Albérich hésita à intervenir pour dire ce qu'il pensait de la situation, que le mercenaire avait tout de même abandonné la communauté qu'il avait promis de protéger en signant son contrat, mais il n'en fit rien. Cela ne servait à rien, Hubert serait mal à l'aise, et Marthe ne pouvait juger sainement de la situation : elle avait été absente pendant des veilles entières.
" Je ne suis pas sûr que Varamyr soit un bon choix, se permit-il néanmoins. Ce n'est pas exactement le chantre de nos valeurs, et deux pragmatiques ensemble... J'aimerais autant qu'un garant l'accompagne."

[Taliesin]

Marthe réfléchit puis, subitement, sourit.
-Très bien : je l'accompagnerai donc. Nous avons déjà fait équipe à travers les Landes, nous devrions donc nous en sortir dans la ville. Et faisant partie des idéalistes, je devrais parvenir à contrebalancer son pragmatisme...
Elle paraissait on ne peut plus décidée.

[Galathée]

Albérich ouvrit une bouche ronde de stupeur.
" Non. C'est moi qui y vais, cette fois." dit-il.
Hubert parut sur le point de dire quelque chose mais il lui retourna un regard noir, avant de revenir à la juge.
" C'est mon tour."

[Taliesin]

Elle leva les yeux au ciel.
-Est-ce très pragmatique d'exposer ainsi notre clerc le plus puissant ?
Elle secoua la tête.
-Décidément, ces Lathandrites... Mais soit, vas-y donc.

[Galathée]

" Non, tu as raison." intervint Hubert.
Albérich le dévisagea, bras croisés.
" Tant que Thibault est... hors jeu... Tu ne peux pas t'exposer, Albérich.
— Il y aura toujours une excellente raison de me garder ici, Hubert. Toujours." répondit le Luménien avec humeur.
Il soupira.
" Mais très bien. Dès que Thibault est sur pied, je sortirai, je te préviens."
Il se tourna vers Marthe.
" Tu peux y aller. Je m'occuperai de l'observatoire tout seul."

[Taliesin]

-Très bien.
Elle jeta unr egard en coin à Hubert.
-Mais tu seras de la prochaine sortie quoi qu'il advienne. Nous avons bien exposé en permanence notre chef militaire qui était jusqu'à il y a peu notre unique paladin et qui demeure notre unique demi-céleste : nous pouvons bien exposer l'un de nos deux puissants clercs. De surcroit, tu as les moyens de te défendre et pouvoir... agir de manière plus active que la simple lecture, c'est bon pour le moral.

[Galathée]

Albérich décocha un sourire mi-reconnaissant, mi-contraint à Marthe, tandis qu'Hubert réprimait un soupir. Le Luménien ferma les yeux une seconde, pour chasser l'instant et reprendre contenance.
Il avait l'impression que quoi qu'en dise Marthe, il y aurait une nouvelle bonne excuse la prochaine fois. Ne fut-ce que l'incapacité de Thibault à s'occuper à l'intérieur. A quoi bon avoir des compétences s'il fallait les préserver sans cesse ? Ils avaient l'air de considérer qu'il était aussi fragile investi du pouvoir de Lathandre que sans. Mais il fallait museler cette frustration. Elle était stérile, inutile, douloureuse, elle ne servait à rien.
Et Thibault était mort la veille. Qui serait le suivant ? Bien sûr Marthe était nettement plus vulnérable... et le sceau était rompu.
Il eut un haut le coeur, se leva et fit quelques pas dans la pièce.
" Bien. J'imagine qu'il faut convenir de ce que nous sommes prêts à dire à Guillermo."

[Taliesin]

Marthe fronça les sourcils.
-J'aurais posé la question autrement... J'aurais plutôt dit que nous devions voir s'il y avait certaines choses que nous tenions absolument à ne pas lui dire.
Elle fixa Albérich.
-Tu te défies à ce pointd de lui ?

[Galathée]

" Moins de lui que de ceux qui l'accompagnent... mais aussi de ce qui se passera s'ils sont pris par les Ithiliens. Je sais que... vous avez tous deux beaucoup de respect pour Guillermo... et j'ai confiance en votre jugement... mais je pense qu'il ne faut pas leur dire où nous nous trouvons.
— C'est peut-être un secret déjà éventé, dit Hubert. Mais je rejoins ton point de vue sur cette question. Et je pense qu'il faut aussi éviter de parler de Frida et de l'endroit où nous l'avons envoyée. En fait... nous ne devons lui révéler que ce que nous ne craignons pas de voir tomber dans des oreilles ithiliennes."
Albérich se sentit soulagé d'avoir le soutien de son ami.

[Taliesin]

Marthe parut sur le point de dire quelque chose. Peut-être de souligner qu’Ézéchiel savait absolument tout ce qu'ils ne voulaient pas que leurs ennemis sachent. Mais elle s'abstint, peut-être pour ne pas blesser davantage Hubert.
-Et bien, dès lors, la question est effectivement : que sommes-nous prêts à lui révéler ? fit-elle néanmoins. J'ai l'impression que cela va se limiter à très peu de choses, voire à rien du tout, ce qui risque de limiter l'intérêt de cette démarche. Et réflexion faite, je préférerais que tu t'en charges, Albérich : je me vois mal aller le trouver pour lui expliquer en face "Je n'ai rien le droit de vous révéler mais par contre, je suis preneuse de toutes les informations dont vous disposez". D'autant que j'ai effectivement du respect pour lui et qu'il s'est révélé d'une loyauté infaillible jusqu'à ce que sa compagnie soit détruite, rompant de fait le contrat qui le liait à nous.

[Galathée]

" Je ne te comprends pas, Marthe, dit Albérich. Vraiment. Pourquoi Guillermo serait-il intéressé par notre localisation ou l'arrivée de Frida ? Je pensais que le vrai problème, c'était de libérer nos gens et de circonscrire la catastrophe. Guillermo... parcourt les souterrains à la recherche de ses anciens acolytes avec des gosses de douze ans qui se repaissent à nouveau de massacre alors que nous essayions de les en libérer. Nos objectifs sont différents, et les siens n'ont rien à voir ni avec Frida, ni avec nous. Comme tu l'as dit, son contrat est rompu. La seule chose qui nous concerne tous, c'est la catastrophe potentielle."
Hubert soupira.
" Mais j'irai avec Varamyr, si les choses en viennent à ça. J'ai l'impression d'avoir une idée assez claire des limites de ce que je peux lui dire."

[Taliesin]

Marthe garda le regard rivé sur Albérich et prit une profonde inspiration.
-En premier lieu, tu ne sais absolument rien de ce qu'il demande à ces gosses, mais comme tu n'aimes pas les mercenaires, tu imagines d'emblée le pire. Peut-être as-tu raison, peut-être est-ce le cas... Cependant, jusqu'à preuve du contraire, je préfère m'en tenir aux faits, à savoir qu'il est allé les sauver là où vous n'en aviez pas les moyens, les arrachant ainsi à une mort certaine et accomplissant un acte de bonté qui doit être porté à son crédit plutôt que de lui valoir des reproches. Ensuite, je ne pense pas que l'on puisse bâtir une collaboration saine et efficace en partant d'emblée avec des aprioris négatifs, avec énormément de méfiance, surtout à l'égard de quelqu'un dont, jusqu'à présent, nous ne pouvions que nous féliciter. Enfin... je crois que dans notre situation, nous ne pouvons pas vraiment faire la fine bouche : nous avons un allié potentiel de poids... autant étudier cette piste. Mais l'étudier vraiment, en lui laissant sa chance.

[Galathée]

Albérich secoua la tête.
" Soit. Vas-y et décide de ce que tu veux lui dire." dit-il finalement.
Hubert soupira.
" Est-ce que nous avons d'autres points à aborder ?" demanda-t-il, conciliant.

[Taliesin]

Elle secoua la tête.
-Aucun, en ce qui me concerne. Mais pour conclure sur le cas Guillermo... Je vous laisse gérer à votre guise. Je suis en minorité et il serait donc contraire aux règles de la démocratie que mon point de vue l'emporte. Je m'en remets donc à vous, d'autant que vous l'avez davantage fréquenté que moi ces derniers temps, en particulier à la forteresse et durant l'assaut. Ils est donc possible que des détails que vous connaissez et que j'ignore rendent mon jugement infondé.

[Galathée]

Albérich croisa les bras.
" Je pense effectivement que tu n'as pas rencontré ces gamins paludiers, que tu n'étais pas là quand nous avons mené l'ultime assaut contre eux, et que tu n'as donc aucune idée de ce dont ils sont capables. Mais dans le même temps, tu as raison : j'ai un apriori négatif sur les mercenaires, apriori qui s'est révélé parfaitement fondé, vu la situation. Et avec tout le respect que je lui dois, Guillermo n'a pas pu empêcher la mutinerie de ses hommes. Il ne s'en est rendu compte que trop tard : nous avons perdu la forteresse. Or il connaissait ces hommes, depuis longtemps, il les avait probablement choisis lui-même. Aussi loyal soit-il, il est faillible. Donc... Oui, j'ai des doutes sur sa capacité à contrôler les enfants paludiers s'ils devaient être... mis sous pression, d'une manière ou d'une autre, par les Ithiliens. Après, mais ça n'a rien à voir, j'aurais préféré que Guillermo dépense son énergie à sauver Barthélémy, Ariel ou Mathias plutôt que ces trois-là, mais ainsi soit-il. C'est son choix, son droit."
Il reporta son attention sur la juge.
" C'est vrai que je ne sais pas ce qu'il fait, ni quels sont ses objectifs. Mais si j'y vais, je me défierai de lui. Ce n'est pas ton cas. Vas-y. Au point où nous en sommes, de toute façon, je doute qu'un seul homme, même doué comme Guillermo, constitue notre salut ou notre condamnation."

[Taliesin]

Elle soupira.
-Tu sais, on pourrait faire le même reproche à Étienne : il n'a pas vu venir la trahison de Louis, alors qu'il le connaît depuis des années et des années. Nous ne l'avons pas davantage vu venir... Et là où Étienne réagit à cette trahison à sa manière... Guillermo réagit à celle dont il a aussi été victime de sa propre façon.
Elle secoua la tête.
-Mais peut-être suis-je à ce point affectée par les trahison que j'ai trop envie de voir de la lumière... et de la loyauté... là où il en manque. Non, je serais trop... clémente et bienveillante envers lui, ce qui n'est pas forcément indiqué. De ton côté, malgré ta défiance et tes aprioris... Tu sauras discerner la vérité et l'accepter même s'il devait s'avérer qu'elle soit contrire à ce que tu pensais de prime abord. Ce qui n'a rien de certain, d'ailleurs.
-

[Galathée]

" Je vais y aller moi, dit Hubert. Je pense que je suis à une bonne distance entre vos deux extrêmes."
Albérich n'était pas ravi, mais le paladin avait raison.
" Il faudrait juste que tu le contactes pour que je sache où et quand le retrouver."
Le clerc acquiesça.
" Ça me permettra au passage de juger d'éventuels changements en ville... Je ne sais pas bien ce que je suis censé chercher, mais... je serai vigilant. Varamyr encore davantage. Et je vais essayer de ne pas détruire ma toute nouvelle tenue."
Albérich ne put s'empêcher de sourire. Hubert faisait de beaux efforts pour détendre l'atmosphère.
" Qu'allez-vous faire, ici ?"

[Taliesin]

-Lire, j'imagine, en espérant que nous finirons par trouver des éléments tangibles et utiles. Sans doute aussi l'un d'entre nous ira-t-il jeter un coup d’œil à cet observatoire bien que, comme le soupçonnait Albérich, il y ait fort peu de chance que ce lieu puisse nous servir d'une quelconque manière.
Elle esquissa un sourire.
-Sans doute ce palais n'a-t-il pas encore révélé tous ces mystères. Mais pour en savoir davantage, il nous faudra attendre que les instituteurs aient progressé dans leurs recherches ou... que Tymora nous fasse un signe.

[Galathée]

" Espérons que Tymora réalisera que nous n'avons plus beaucoup de temps devant nous." murmura Hubert.
Il se tourna vers Albérich et celui-ci écarta les mains, en signe d'ignorance.
" Lire, activer l'observatoire avec Marthe, approcher Etienne, ce genre de choses." dit-il simplement.
Et espérer, espérer, espérer.
" Nous allons fatalement finir par trouver quelque chose."
S'ils en restaient là, le Luménien irait contacter Guillermo.