[Lieu] Peyregorde

[Kasumi]

Le rôdeur comprenait tout à fait sa réaction et il entreprit aussitôt de le rassurer autant qu’il pouvait :

- Je ne vais pas partir. Ni vous abandonner. Mais je vais être très occupé et sans doute tenu de ne pas trop m’éloigner de la ma tâche. Ma louve restera avec la meute et saura m’avertir s’il se passe quelque chose de nature à vous menacer mais je me dois de régénérer le bosquet qui vous protégeait autrefois et qui est le seul à pouvoir régler vos problèmes sur le long terme. J’ai trouvé l’endroit idéal - à quelques heures de marche - où replanter un grand chêne. Mais j’aimerais autant que ça ne s’ébruite pas, sauf si on commence à s’inquiéter de ma défection apparente.

Il s’interrompit et ajouta d’un ton inquiet :

- Est-ce de nature à remettre en cause votre accord pour la cabane ?

[Voyageuse]

" Hein ? Heu... non, bien sûr que non ! Vous êtes bien libre de vos allées et venues ! Et si vous dites que votre louve vous préviendra... J'espère que vous aurez le temps de nous prévenir..."
Il soupira.
" Cette histoire de loups m'inquiète. Les chasseurs sont sur les dents, j'ai la sensation qu'il suffirait d'une étincelle pour que tout s'embrase. J'espère que ça ne se produira pas... Mais il n'y a rien eu depuis plusieurs jours, je m'accroche donc à l'espoir..."

[Kasumi]

Le dermi-elfe partageait ses inquiétudes et le cacher ne pouvait qu’entretenir les étincelles de suspicion qui couvaient encore à son égard.

- Moi aussi cela m’inquiète : je n’aime pas laisser un problème aussi grave en suspens, d’autant que ceux qui sont à l’origine des troubles sont libres de commettre leurs méfaits. Mais je n’ai pas le choix : ce compromis est la meilleure solution que j’aie trouvée pour ne pas mettre en péril la germination du chêne. Je suis obligé d’agir avant les grosses chaleurs et si j’ai trouvé l’endroit idéal, c’est grâce à un signe de ma déesse, j’en suis persuadé.

[Voyageuse]

Le bûcheron pinça les lèvres, sceptique.
" Vous semblez persuadé qu'il y a un lien entre le culte maléfique dont vous avez découvert l'existence et l'attaque des loups. Or, c'est pour moi loin d'être une certitude, et résoudre l'un ne résoudra pas forcément l'autre. Je ne suis pas sûr non plus que votre chêne sacré ait une quelconque utilité dans le contexte qui est le nôtre.... mais puisque vous y tenez, à votre bosquet, je ne vais certes pas vous empêcher de mener votre projet à bout ! Je doute juste de son utilité."[

[Kasumi]

Kasumi esquissa un sourire compréhensif et répondit sans chercher à imposer ses propres certitudes :

- Je comprends votre scepticisme. Vraiment. Tant qu’on n’a pas vu la magie dont est capable un Bosquet sacré, il n’y a aucun moyen de l’anticiper. Et il est vrai aussi que cela ne réglera probablement pas tous vos problèmes, surtout en bordure de la Forêt Maudite. Mais le Bosquet sera une garantie que la situation s’améliore.

[Voyageuse]

" Espérons-le, fit le bûcheron en haussant les épaules. Mais donc, si je comprends bien, vous partez... dès demain ? Vous n'allez pas d'abord emménager dans la cabane ?"
Un groupe d'enfants les dépassa en hurlant. L'un d'eux bouscula Kasumi et s'excusa platement, rougissant, l'air presque terrifié. Il entendit, dans les murmures de ses camarades, les mots d'homme-loup. Ou peut-être avait-il mal entendu et était-ce l'homme au loup. Mais ils se dispersèrent aussitôt.

[Kasumi]

Kasumi se doutait bien qu’il pouvait intimider les enfants – tout comme leurs parents – mais il n’eut pas d’effort à fournir pour sourire dans leur direction, les regardant avec amusement poursuivre leurs jeux et leur chahut. C’était bien dans un tel environnement qu’il comptait élever son enfant à venir.

- Oui, je pense planter le gland dès demain et revenir ensuite de loin en loin. Sylvia a à cœur de trouver des meubles pour notre futur chez nous mais j’aime autant la savoir encore sous la bienveillante surveillance de Martha. Et comme ça, nous pourrons fêter dignement notre emménagement dès mon retour définitif !

[Voyageuse]

Le bûcheron sourit.
" Si elle recherche des meubles, dites-lui d'aller voir Bertille. Elle a perdu sa mère il y a quelques mois, la maison est vide... et meublée. Certes, les enfants et petits-enfants ont dû se partager des choses, mais ils étaient tous déjà installés, il doit rester du mobilier..."
Il désigna une maison aux soubassements de pierre et aux murs de torchis.
" Elle habite là... et sa mère habitait juste à côté."

[Kasumi]

Le rôdeur lui rendit son sourire, réjoui par la bienveillance dont Bertrand faisait preuve à leur égard alors même qu’il venait de lui annoncer une nouvelle sans doute décevante.

- Je ne manquerai pas de lui parler de cette Bertille : elle sera sans doute enthousiaste ! J’oubliais : nous allons rester en contact grâce à son oiseau : vous pourrez donc m’envoyer un message si jamais les loups ou autre chose vous posait problème et que j’en n’ai pas été averti. J’espère que cela n’arrivera pas mais mieux vaut deux précautions qu’une, n’est-ce pas ?

[Voyageuse]

" Oui, c'est une bonne chose en effet. Je suppose qu'on aurait pu envoyer quelqu'un vous chercher... mais encore aurait-il fallu qu'il vous trouve. Non, l'oiseau est bien plus pratique pour communiquer."
Il lui tendit une main amicale.
" Il me reste à vous souhaiter bonne chance pour votre mission. Même si je n'y crois qu'à moitié, je me dois de vous encourager : rares sont les humains à venir s'installer par ici, en bordure de cette sinistre forêt. Accueillir un nouvel habitant dans notre village est une joie !"

[Kasumi]

Kasumi serra la main avec enthousiasme à nouveau : l’accueil qui leur était fait été en tous points chaleureux. Bien davantage encore que ses attentes les plus folles. Et malgré l’excentricité apparente de ses projets, il sentait Bertrand tout près à lui faire confiance et même à le soutenir en cas de besoin.

- Le plaisir est tout à fait partagé. Mais nous en rediscuterons bientôt : je crois que ces dames ont l’intention de m’exploiter toute la soirée en menues corvées et je n’entends pas les décevoir : ce serait très imprudent !

[Voyageuse]

" Bonnes corvées, alors. Et à nouveau, bonne chance pour la suite !", répondit gaiement le chef du village avant de s'éloigner en direction de la salle commune où semblait l'attendre l'un de ses concitoyens.

Kasumi trouva Martha et Sylvia tranquillement assises à l'extérieur, la rôdeuse sur une chaise longue. A l'intérieur, une pile de légumes impressionnante attendait d'être épluchée... et elles semblaient bien décidée à lui laisser le faire lui-même.
" Il y a aussi les fraises, dont il faudrait faire des confitures ce soir", lui fit remarquer Martha alors que Sylvia pouffait.

[Kasumi]

Kasumi joua le jeu pour leur faire plaisir, baissant les épaules comme il faisait mention d’être abattu par cette perspective, mais il ne protesta pas – comme si c’était peine perdue – et s’installa non loin de la porte pour se mettre aussitôt à l’ouvrage mais rester à portée de conversation. Alors qu’il entamait son travail, il lança gaiement :

- Cela tombe bien, j’ai toujours adoré la soupe et les confitures !

[Voyageuse]

Et elles le laissèrent faire, seul, sans lui proposer d'aide. Il éplucha et coupa tous les légumes en dés, tandis qu'à côté, les femmes discutaient layette et nausées matinales...
Une marmite avait été posée sur le feu, et l'eau bouillait depuis un moment lorsqu'il en eut terminé. Au moment où il y versait ses légumes, elles apparurent enfin, chargées elles aussi, Martha d'un récipient plein de haricots grains qu'elle comptait faire sécher, et Sylvia des fameuses fraises dont elle se chargerait de faire des confitures.
" Ben oui, tu ne crois pas qu'on allait tout te laisser faire seul, tout de même, lui fit-elle remarquer en l'embrassant avant de déposer son fardeau près d'une grande gamelle de cuivre.
- Mais ce n'est pas fini !Il y a la table à mettre, la vaisselle à faire... allez, au travail, jeune homme !"

[Kasumi]

Kasumi lui rendit son baiser avec tendresse et ne put retenir un sourire franchement amusé des remarques des deux femmes. Il ne se fit pourtant pas prier pour commencer à nettoyer la vaisselle qui s’était accumulée puis dresser la table. Finalement, s’occuper de cette façon était loin d’être désagréable et à des lieues des soucis qu’il se faisait au sujet des loups, du Bosquet et de tout le reste.

[Voyageuse]

La soirée se déroula agréablement, chargée des mille et unes petites tâches quotidiennes, mais s'acheva tôt. Sylvia se prétendait fatiguée, pressée de dormir, et Martha semblait vouloir se coucher tôt également. Ils préparèrent simplement l'essentiel des affaires que Kasumi devrait emmener le lendemain. Sylvia avait effectivement ressemblé tout le matériel utile, et il se retrouva avec un sac particulièrement lourd, chargé de provisions, couvertures, menu matériel, vêtements de rechange... Mais il partait pour une durée indéterminée et il valait mieux prévoir de quoi tenir un moment.
Bien sûr, Sylvia, une fois seule avec lui dans sa chambre, avait en tête toute autre chose que dormir... et ils trouvèrent le sommeil particulièrement tard ce soir-là.

[Kasumi]

L’un comme l’autre semblait vouloir prendre des réserves sur les temps de privation qui s’annonçaient et resserrer encore plus leurs liens et leur complicité avant la séparation. Kasumi se montra donc particulièrement attentionné comme il éprouvait une certaine culpabilité à laisser Sylvia si seule pendant une longue période. Car même s’il ne se rendait qu’à une courte distance et que l’oiseau de la rôdeuse pourrait leur permettre de conserver un lien, cette séparation serait quasiment totale et c’était une épreuve de plus que la jeune-femme devrait supporter.

Ils s’endormirent pourtant sans rien évoquer de ce qui les attendait, épuisés mais apaisés et enlacés dans les bras l’un de l’autre. Le lendemain arriverait bien assez tôt…

[Voyageuse]

Lorsqu'il se réveilla le lendemain, un peu plus tard qu'escompté, Martha avait déjà préparé le petit déjeuner, et s'affairait dans la cuisine à préparer quelques provisions supplémentaires pour qu'il puisse tenir deux ou trois jours sans chasser.
" Hey, tu ne comptes pas partir sans me dire au-revoir ?", plaisanta la voix de sa compagne, juste derrière lui. Elle avait dû l'entendre se lever, malgré ses précautions. Elle l'enlaça tendrement, l'embrassant avec fougue, comme si elle ne devait jamais être rassasiée.

[Kasumi]

Il la serra dans ses bras un long moment, prenant subitement conscience de ce que lui coûteraient son absence et la solitude. C’est donc d’une voix un peu enrouée qu’il répondit :

- Au revoir, oui. Mais j’ai surtout envie de te dire à bientôt, ma toute belle. Si tu as besoin… Surtout n’hésites pas : je reviendrai. Le Bosquet est vraiment à deux pas et il survivra bien quelques heures sans que je le regarde pousser.

Ce ne serait probablement pas aussi simple et ils le savaient tous les deux mais se quitter ainsi et dans ces conditions n’avait rien de simple non plus.

[Voyageuse]

" J'essaierai de ne pas te déranger sans raison importante, dit gravement la rôdeuse. Ta mission est importante, et je m'en voudrais de la faire échouer... Mais pars transquille. Il n'arrivera rien, et je survivrai bien à quelques veilles sans toi. Et puis, il faut que je m'habitue ! Si jamais tu avais envie de reprendre des missions pour la compte de Luménis, il pourrait t'arriver de temps en temps d'être absent..."
Elle se blottit contre lu.
" Mais ça va être long, tout de même..."
Sa voix était un peu enrouée, mais elle lui sourit bravement.

[Kasumi]

Il approcha son visage du sien et passa tendrement une main dans ses cheveux :

- Tu es si forte, si admirable. Ma Sylvia. Cela va être long mais nous serons toujours là l’un pour l’autre. Je t’aime.

Il sentait sa volonté vaciller : il était plus que temps de partir car cela semblait devoir devenir de plus en plus difficile…

[Voyageuse]

Sylvia dut se faire le même raisonnement car elle l'entraîna par la main au-dehors, prenant elle-même l'un de ses sacs.
" Hey, attendez avant de partir tout de même, j'ai quelques provisions à ajouter !" les prévint Martha, depuis la cuisine.
La rôdeuse, elle, s'écarta légèrement de son compagnon, mais sans lâcher sa main. Elle fixait un point dans le ciel. Vif-Argent. Le faucon blanc vint se percher sur son épaule, et elle lui caressa doucement les plumes, tout en communiquant avec lui.
" Il va t'accompagner, expliqua-t-elle à Kasumi. Si tu acceptes sa présence sur ton épaule..."

[Kasumi]

Le demi-elfe allait se retrouver lourdement chargé mais il lui faudrait heureusement moins d’une demi-journée pour atteindre sa destination. Il tendit lentement sa main à destination du faucon comme pour l’inviter au contact mais avec prudence.

- Personnellement, je suis tout prêt à accepter qu’il me grimpe sur l’épaule mais j’ai un peu peur que ce ne soit pas réciproque. Mais bon, j’ai une trousse de soin bien garnie pour me panser l’épaule ce soir !

[Voyageuse]

Comme attendu, l'oiseau lui planta allègrement ses serres dans l'épaule. Sans volonté de faire mal, c'était certain, mais avec une certaine force.
" Hum... Tu devrais rembourrer tes vêtements, proposa Sylvia qui avait décrypté sa légère grimace. Il te faut une épaisseur de cuir supplémentaire, c'est tout. Attends, je vais te chercher quelque chose."
Elle disparut tandis que Martha apparaissait, à son tour, un sac de toile à la main.
" Trouvez donc un peu de place pour ça ! Il y a du jambon, du pâté, et une bonne provision de pain surtout. Je sais que Sylvia vous a mis de la farine pour faire des galettes, mais je vous ai mis presque un kilogramme de pain, de quoi tenir presque une veille je pense...
- Et voilà une épaulette à placer sous ta veste... Ou dessus si tu me laisses le temps de coudre..."

[Kasumi]

Il était tentant de repousser encore un peu le départ mais cela n’aurait pas été raisonnable. Kasumi remercia donc Martha pour ces nouvelles provisions et choisit de glisser la pièce de cuir sous sa tunique. Une fois assuré qu’elle ne bougerait pas, il esquissa un pauvre sourire à l’intention de Sylvia. L’heure du départ était arrivée : il ne pouvait plus reculer…

[Voyageuse]

La rôdeuse se jeta dans ses bras pour le serrer de toutes ses forces.
" Tu vas me manquer, lui souffla-t-elle d'une voix un peu rauque à l'oreille. Prends soin de toi..."
Elle se détacha presque aussi vite, les yeux un peu rouge.
" Reviens-nous vite !"

[Kasumi]

Sa propre voix n’était plus qu’un murmure tant il se sentait submergé par l’émotion :

- Tu vas énormément me manquer, toi aussi…

Il esquissa un sourire qui vira un peu à la grimace avant de faire demi-tour et d’avancer sans plus oser se retourner. Le faucon de Sylvia perché sur son épaule lui donnait une impression bizarre mais il savait aussi qu’il représenterait leur seul lien au cours des prochains jours sinon plus.

[Voyageuse]

Le ciel était d'un bleu lumineux, annonciateur d'une chaude journée d'été. La boue de la veille avait séché, mais la terre, bien arrosée par deux vagues de pluie assez rapprochées, demeurait humide : parfaite, en somme, pour planter un gland.
Il ne croisa personne en chemin, à part Ombrage qui vint le saluer à sa manière, frottant sa grosse tête contre lui, et qu'il dut caresser un moment avant de reprendre son chemin.
La forêt était paisible, et il commençait à bien connaître le chemin. Il arriva à la mi-journée aux abords de la résurgence souillée qu'il avait déjà nettoyée, redécouvrant les carcasse qu'on y avait à nouveau abandonnées. Il ne semblait pas y en avoir de nouvelles depuis la veille.

[Kasumi]

Une nouvelle fois, il hésita avec un pincement au cœur en passant devant la résurgence : cette souillure était une insulte à la nature. Mais il avait un autre combat à mener et nettoyer la résurgence devrait attendre, d’autant que cela ressemblait à un piège qui lui était destiné, une façon de savoir qu’il était repassé par ici.

Comme il ne voulait pas attirer l’attention aux abords du seul passage menant à la clairière, il s’y engagea de nouveau aussitôt après avoir vérifié qu’il n’était pas observé. Avec un peu de chance, il pourrait tranquillement installer son campement après avoir déjeuné puis il profiterait des heures un peu moins chaudes de la soirée pour planter le gland. Après ça, il réciterait les prières qu'avaient prononcées Celd lors de la plantation de l'autre gland.Tout un programme qui promettait de lui occuper l'esprit et de penser un peu moins à la séparation avec Sylvia et sa longue période de solitude.

[Voyageuse]

Il ne semblait y avoir personne aux alentours. Aucun humain, en tout cas. Mais il ne pouvait pas être totalement certain qu'on ne l'observait pas à travers les yeux d'un volatile ou d'un rongeur.
Vif-Argent s'était envolé, une fois ou deux, dans des secteurs à la végétation moins dense, juste pour se dérouiller les ailes. Mais il était sagement posé sur son épaule lorsqu'il s'engagea dans l'étroit passage dans le buis.