[Lieu] La Route du Nord

[Galathée]

" Oui, sans doute." dit le petit garçon en se repenchant pensivement sur son bol.
Il demeura silencieux tout en savourant la soupe. L'aubergiste l'avait servie avec un beau pain de campagne et de la crème fraîche. La porte s'ouvrit environ un quart d'heure plus tard sur Victor, qui rapporta les deux bols vides. Il se rassit à table avec un sourire tranquille.
" C'est pas encore gagné, mais c'est presque gagné. Sans la pluie, ce serait impossible, mais là, le vent chasse juste dans la bonne direction." annonça-t-il.

[Taliesin]

Il lui sourit.
-Bravo. A présent, ne reste plus qu'à attendre...
Il ne s'était certainement pas attendu, en ce levant ce matin-là, à devoir apprivoiser un gosse abandonné ramassé au bord de la route... Mais à bien y réfléchir, s'était-il attendu ne serait-ce qu'à la moitié des choses qui s'étaient déjà produites en ce début de voyage ?

[Galathée]

L'aubergiste revint près de leur table peu après.
" Bon. Est-ce que vous voulez manger tout de suite ? Ou prendre un bain ? Ou aller vous reposer ? Comme je vous ai dit, la salle d'eau est pas grande, donc faudra de toute façon y aller chacun à votre tour... Pour le reste, c'est vous qui voyez. Ce soir c'est de la perdrix rôtie. Une demi pour les gamins, une entière pour les adultes."

[Taliesin]

Il ne fut pas long à trancher.
-Nous allons commencer par manger, si cela ne vous dérange pas. Servez-nous quatre parts, car il est probable que notre... invité ne tarde pas à nous rejoindre.
Il espérait que, le ventre plein, Marius serait moins hostile à l'idée de plonger dans un baquet.

[Galathée]

Le tavernier repartit et revint peu après avec les quatre assiettes. Marius n'avait pas paru. Victor commençait à montrer des signes d'impatience, s'agitant sur sa chaise.
" J'étais sûr qu'il allait venir. Il avait l'air affamé. Peut-être qu'il a trouvé une entrée directement dans les cuisines, ou quelque chose comme ça.
— Si c'est le cas, ça promet." remarqua Baptiste.

[Taliesin]

-Oui, je risque fort de devoir reprendre mon travail plus tôt que prévu : toutes les bêtises qu'il commettra, toutes les choses qu'il volera, il me faudra les rembourser.
Il soupira.
-Victor, tu veux bien aller voir dehors ? Et toi, Baptiste, aller jeter un coup d’œil aux cuisines ? Sitôt que vous l'aurez repéré, je le ramènerai ici.
De gré ou de force.

[Galathée]

Les deux gamins obtempérèrent et revinrent, Victor d'abord, Baptiste ensuite, bredouilles. Marius n'était plus sous le porche et personne ne l'avait vu aux cuisines. Rien n'avait disparu, non plus, ce qui n'était pas une mauvaise nouvelle.
" Est-ce que tu veux qu'on le cherche ? demanda Victor, manifestement ravi à cette perspective.
— Ça va refroidir..." grommela son frère, peu enthousiaste.

[Taliesin]

Taliesin dut l'admettre : il commençait à en avoir assez.
-Victor, tu peux aller lui déposer son assiette dehors mais ensuite, tu reviens manger : il ne veut pas qu'on le trouve, et bien nous ne le trouvons pas. Vient un moment où on ne peut pas aider les autres contre leur gré : si nous persistons, et même si nous parvenons à l'attraper, il faudra passer chaque seconde à le surveiller, le forcer à rester assis à table, puis à aller se laver, puis à aller se coucher... Le tout en ennuyant les autres clients. Bref : je pense que nous en avons fait suffisamment pour lui.

[Galathée]

Les deux garçons parurent surpris par la brusque sortie du barde, mais aucun ne protesta. Victor attrapa l'assiette, sauta de sa chaise et quitta la pièce, pour reparaître quelques secondes plus tard et reprendre son repas. Ils mangèrent ainsi tout trois sans que rien ne se produise de particulier, puis le tenancier vint les débarrasser. Comme ils venaient de se nourrir, le bain était contre-indiqué, mais il leur expliqua comment trouver leur chambre et promit que le premier baquet serait prêt d'ici une demi-heure. Baptiste baillait déjà et son frère lui offrit de passer le premier.
La chambre était rustique mais propre et confortable. Chaque garçon se choisit un lit. Baptiste ouvrit rapidement un carnet — sans doute le second, mais Victor montrait des signes d'excitation. Il allait falloir trouver un moyen de canaliser tout ça...

[Taliesin]

Il soupira.
-Victor, tu peux aller récupérer l'assiette de Marius, si tu veux. Et même chercher à voir comment il s'en tire. Mais ne t'éloigne pas de l'auberge et ne reste pas trop longtemps absent, d'accord ? Nous ne pourrons pas réserver la salle de bains éternellement...
Ah, tout aurait été tellement plus simple si l'orphelin avait été moins craintif... Mai il ne pouvait pas lui en vouloir.

[Galathée]

" D'accord !" s'exclama Victor, ravi, avant de bondir hors de son lit et de quitter la pièce.
Baptiste leva à peine les yeux de son bouquin.
L'aubergiste vint finalement les prévenir que le bain était prêt et le gosse sortit pour rejoindre la salle d'eau. Victor reparut peu après.
" Il a mangé mais il s'est réinstallé dans le coche. Je dois dire que j'ai un peu peur que les gardes de la compagnie le virent à nouveau... T'as pas un sortilège pour l'ensorceler, des fois ? Ou le séduire ?"

[Taliesin]

Il grimaça.
-J'ai bien un sort pour plier les gens à ma volonté mais il est très... intrusif, et je me refuse à l'utiliser hormis sur des gens foncièrement mauvais. Après, hum... Je pourrais tenter de me lancer ce qu'on appelle une Splendeur de l'Aigle, afin de me rendre plus charismatique. Toutefois, vu sa méfiance, sinon son hostilité, pas sûr que ça change quoi que ce soit.

[Galathée]

" Et si tu la lançais sur moi, la Splendeur de l'Aigle ? demanda Victor, un sourire malicieux au coin des lèvres. Moi, il a moins peur de moi. Il a mangé sa soupe à côté de moi. Il est méfiant, mais pas autant qu'avec les adultes..."
Il croisa les bras.
" Bon, je ne sais pas si c'est possible de devenir vraiment plus magnifique que je le suis déjà..."

[Taliesin]

-Disons qu'avec ce sort, on pourra te regarder sans cauchemarder pour le restant de ses jours... répondit-il d'un ton dégagé. Mais allez, pourquoi pas.
Et il incanta

Taliesin --> Splendeur de l'aigle --> Victor

-Allez, à présent, vas-y, dit-il quand il en eut terminé. Le sort ne restera actif qu'une dizaine de minutes.

[Galathée]

Mais Victor passa d'abord un certain temps à se pavaner dans la pièce, comme un jeune coq lumineux. Et il faut dire qu'il avait fière allure : Taliesin lui-même n'était pas immunisé contre les effets du sortilège. Mais le gamin finit par se souvenir qu'il avait une mission et il détala dans les escaliers. Baptiste reparut peu après, propre et en tunique de nuit. Il avisa la mine du barde et grimaça.
" Est-ce que ça va ? Tu as une tête bizarre."

[Taliesin]

Il hocha la tête.
-Oui oui. Victor a eu l'idée que je le rende plus charismatique par magie afin qu'il amadoue plus facilement Marius. Comme cela pouvait marcher, je l'ai fait et... Disons que ton frère a sacrément de l'allure.
Restait à savoir si leur "invité" y serait sensible...

[Galathée]

" Pfff..." fit Baptiste, hilare, en se glissant dans les couvertures.
Il bâilla profondément.
" Bon, le bain suivant est prêt dans cinq minutes, je pense. Si Victor le splendide est en vadrouille, ce sera pour toi... C'est la troisième porte à gauche. Tu verras c'est vraiment minuscule."

[Taliesin]

-Bah, ce sera toujours mieux que rien...
De son existence itinérante, il avait gardé l'habitude des installations spartiates : combien de fois, avec son maître et même en solitaire, avait-il dû se contenter d'un ruisseau pour ses ablutions, faute de village assez proche pour le rallier en une journée de voyage ?
Néanmoins, il allait attendre les cinq minutes qu'il lui restait, au cas où Victor et Marius reviennent. S'ils ne revenaient pas... C'est que le sortilège n'aurait pas porté ses fruits.

[Galathée]

Ni Marius ni Victor ne revinrent, et Taliesin entendit l'aubergiste exiger qu'un crasseux se présente, si bien qu'il dut aller se laver. Baptiste n'avait pas menti, la salle d'eau était minuscule, mais il y avait néanmoins un beau baquet d'eau fumante, un peu exigu, dans lequel il put se décrasser sans déplaisir.
Lorsqu'il regagna sa chambre, il réalisa qu'il avait vendu la peau de l'ours un peu vite : Victor était assis sur son lit, souriant mais à nouveau parfaitement... normal. Sur le lit qu'avait abandonné le barde, se trouvait Marius, dans sa couverture, fixant la porte avec sa méfiance coutumière. L'elfe eut l'impression qu'il y avait une bosse dans la couverture, comme si l'enfant avait tenu quelque chose de pointu à la main.
" Bienvenue." annonça joyeusement Victor.

[Taliesin]

Dites-moi que ce n'est pas un couteau... songea-t-il, vivement inquiet.
Il s'efforça néanmoins de se composer un visage avenant, sourit à Marius puis alla s'assoir auprès de Victor.
-J'imagine que tu as dû négocier pour le convaincre de venir... Est-ce que je peux connaître les termes de votre accord, histoire de ne pas commettre d'aimpair ?

[Galathée]

" Il n'y a pas de termes : il a juste été séduit par la perspective de chaleur, de couvertures, d'un matelas moelleux, et même d'un bon bain chaud ! Je crois juste que... ce serait sans doute bien si je lui cédais une de mes tuniques, cela dit, parce que s'il remet ce qu'il a sur le dos après s'être lavé... ça ne vaudra pas grand chose."
Il sourit.
" Je suis assez fier de moi, je dois le dire.
— Ben bien sûr." grommela Baptiste sans lever les yeux de son livre.

[Taliesin]

Il afficha un sourire tranquille.
-Je vais aller trouver l'aubergiste pour lui demander d'installer un matelas : il m'a dit que c'était envisageable quand je me suis renseigné à ce sujet. Je verrai, aussi, s'il est possible de préparer un quatrième bain. Dans le cas contraire, peut-être pourrais-tu céder ton tour à Marius.
Il n'aimait pas jouer les clients pénibles et craignait que ce soit ainsi que commence à le considérer le tenancier. Mais... C'était pour la bonne cause.

[Galathée]

Mais le tenancier se révéla parfaitement accommodant. Non seulement il dénicha un matelas supplémentaire — Marius se cacha complètement sous la couverture pendant son court passage entre leurs murs — mais il décréta que vu la taille des gosses, un bain de plus ne demanderait finalement pas tant d'eau. Le suivant était prêt, d'ailleurs. Victor le prit, ce qui eut pour résultat que Marius ne reparut pas, demeurant dissimulé aux regards dans sa cachette peu discrète.

[Taliesin]

Se disant que la meilleure solution était de laisser Marius respirer, de le laisser observer à sa guise sans l'enquiquiner, Taliesin se contenta de récupérer son livre - avec précaution, pour ne pas effrayer le gamin - puis de retourner s'installer sur le lit de Victor pour lire distraitement. En effet, il ne fallait pas trop espérer réussir à se concentrer : il avait trop de choses en tête pour cela. Mais au moins la manœuvre lui donnait-elle contenance en attendant que le petit Desmoulins reparaisse.

[Galathée]

Victor reparut un moment plus tard, sans que rien n'ait bougé, ni personne pipé le moindre mot en son absence.
" C'est ton tour, Marius. Tu veux que je te frotte ?
— Jamais !" s'exclama la bosse dans la couverture.
Sa tête réémergea et il jeta un regard mauvais à la cantonade, mais ne se fit pas prier pour quitter la pièce.
" Je crois qu'il nous aime bien." dit Victor, satisfait.

[Taliesin]

L'elfe rit.
-Ah, qu'est-ce que ce serait s'il nous détestait ! lança-t-il joyeusement.
Et bien... il ne serait pas là, tout simplement, songea-t-il en se faisant plus grave.
-Mais tu as raison, au fond. Hum, est-ce que tu pourrais juste me dire ce qu'il brandissait sous sa couverture ? Ce n'est pas un couteau, quand même ?

[Galathée]

" C'est sa cuillère. Je sais bien qu'il va falloir la récupérer, mais bon... Je crois qu'il a besoin de penser qu'il à de quoi se défendre."
Il haussa les épaules.
" Il l'oubliera peut-être sur le bord du baquet. C'est pas facile de se laver avec une cuillère à la main. Et c'est pas aussi pratique qu'une fourchette pour se gratter le dos."

[Taliesin]

-Pas faux, répondit-il, amusé.
N'empêche, pauvre môme... Il espérait sincèrement qu'ils parviendraient à trouver une solution pour l'arracher à cette vie d'errance, de misère et de danger constants.
-Que diriez-vous si je vous racontaits une histoire à son retour ? Qui sait, cela pourrait lui plaire, voire l'aider à se sentir un peu plus à l'aise.

[Galathée]

Pour la première fois depuis longtemps, Baptiste releva les yeux de son livre, subitement intéressé. Victor acquiesça.
" Ouais ! Super ! Une histoire de Gérard de Berge ! Une avec un monstre trop répugnant !
— Ça va sûrement le rassurer, ça, tiens, intervint Baptiste.
— A l'âge qu'il a, tous les enfants adorent les trucs crados !
— Parle pour toi."

[Taliesin]

Il sourit, amusé.
-Voilà ce qu'on va faire : vous allez réfléchir à ce que vous souhaitez et vous me le direz quand Marius sera revenu. Qui sait, peut-être aura-t-il des envies, lui aussi..; La carrière du chasseur de monstres est suffisamment riche pour trouver de quoi satisfaire tous les goûts.
Encore fallait-il aimer les histoires.