[Lieu] Une cité perdue

[Taliesin]

Le Paludier hésita puis secoua la tête.
-Bah, à moins que tu ne souhaites rester seul, je propose que nous rentrions. Je doute d'arriver à trouver quoi que ce soit et même si les choses sont incroyablement bien conservées, ici, je ne suis pas convaincu que cela soit valable pour les odeurs. Bref, à part faire passer le temps, cela ne servirait à rien de s'attarder : autant nous regrouper.

[Hubert de Maleval]

" Allons-y, alors." dit le paladin en regagnant la sortie.
Une fois à l'extérieur, il avait l'intention de rentrer au Temple par le chemin le plus court. Ensuite, il faudrait sans doute qu'ils avisent : on ne pouvait probablement pas laisser toute la journée à Giovanni pour trouver... quelque chose d'indéterminé.

[Taliesin]

Mais le barde, lui, semblait convaincu du contraire.
Lorsqu'ils eurent regagné la nef, il le découvrirent fouillant avec plus de minutie que jamais : il examinait chaque centimètre carré de mur ou de sol avec sa loupe, donnait des petits coups secs ici, appuyait avec force là... Et de temps à autre, il s'accordait une pause pour admirer une fresque, peinant alors à s'arracher de sa contemplation béate pour se remettre au travail.
Albérich, lui, semblait méditer.

[Hubert de Maleval]

" C'était une mauvaise idée, en fait, ce temple, remarqua Hubert avec un peu d'humour, en rejoignant le Luménien. Maintenant, il ne va plus nous laisser partir."
Albérich sourit.
" Bah, sois généreux : c'est un endroit formidable, pour lui. Un temple dédié à une version archaïque de Sunie... C'est normal qu'il soit en transe. Pour le reste, nous n'avons rien de critique à faire au palais. C'est juste dommage que je n'ai pas pensé à prendre un livre.
— Faire l'aller-retour te prendrait une seconde, Albérich. Je peux réactiver la console, tu vas chercher ton bouquin, tu reviens...
— J'aurai besoin de toi dans l'autre sens.
— Pas sûr... Un singe suffira.
— Alors je vais tout de suite me servir du singe. Reste à veiller sur Giovanni. J'arrive tout de suite. Je ramènerai à manger, aussi. Tu me raconteras ce que vous avez trouvé.
— Tu peux rester là-bas, si tu veux."
Le clerc pinça les lèvres. Le paladin rougit.
" Non.
— D'accord. Bien sûr. Excuse-moi"
Albérich lui sourit, embarrassé, puis repartit dans le couloir qui menait au téléporteur. Hubert, de son côté, chercha un endroit pour s'asseoir.

[Taliesin]

Il ne put chercher bien longtemps tandis qu'Albérich, lui, ne put aller bien loin.
Sans qu'il en ait vraiment conscience, en s'écartant de la colonne à laquelle il s'était adossé, sa main avait appuyé sur le marbre.
Quelques fractions de secondes plus tard, on entendit un grondement et l'autel pivota, dévoilant les premières marches d'un escalier.
-Je... Je démissionne, lâcha Giovanni qui avait un instant abandonné ses recherches pour les observer de loin.
Et, à grandes enjambées, il se dirigea vers le couloir que l'ancien aubemestre avait eu l'intention d'emprunter.

[Galathée]

Albérich grimaça.
" Arrête, Giovanni, c'est un hasard. Tout le monde a un peu de chance, de temps en temps. C'était mon tour aujourd'hui, et ce sera le tien demain."
Ces Anciens avaient quand même une manière étrange de dissimuler leurs passages secrets : comment les gens faisaient-ils pour mémoriser la place de tous ces leviers cachés ?
" Allons plutôt voir ce qu'il y a en bas. Les lynx d'abord."

[Taliesin]

-Ouais ouais : moi ça fait depuis qu'on est arrivés dans cette fichue ville que je l'attends, mon jour de chance, et que je l'attends en regardant les autres dont ça semble plus ou moins être tous les jours le jour de chance, lâcha le Sunite, manifestement furibond, sans le moins du monde ralentir le pas. Je vous attends près du téléporteur, a admirer ma ma-gni-fique trouvaille.
Varamyr, autrement plus pragmatique, avait dû donner une consigne car son fauve descendait déjà les escaliers.

[Galathée]

Albérich goûtait peu la saute d'humeur du barde, mais il n'était pas certain de savoir comment réagir. Hubert, lui aussi, était décontenancé.
" Je vais le suivre, proposa le paladin. Va avec Varamyr."
Le clerc acquiesça, puis se détourna et rejoignit le rôdeur, attendant son signal pour descendre les escaliers.

[Taliesin]

Le rôdeur ne tarda pas à donner ledit signal.
Moins d'une minute plus tard, ils atteignaient un sous-sol dont Albérich dut repousser l'obscurité en enchantant un objet.
Un sous-sol qui était en réalité une crypte : de part et d'autre d'une longue allée s'alignaient des tombeaux sculptés surmontés de gisants. Les prêtres qui avaient officiés en ces lieux, probablement, à moins qu'il s'agisse uniquement des chefs du culte qui s'étaient succédés au fil des ciècles...
Il semblait y avoir une estrade au bout de l'allée. Mais pour en savoir davantage, il fallait s'approcher.

[Galathée]

Ce qu'il fit, en surveillant où il mettait les pieds. Déranger un lieu de repos millénaire était la dernière de ses intentions et il n'avait aucune intention de se muer en pilleur de tombes. Mais il n'en était pas encore là : peut-être pouvait-on apprendre quelque chose de cet endroit sans le désacraliser...

[Taliesin]

Le sol était aussi dégagé qu'exempt du moindre grain de poussière.
Au bout de l'allée, quelques marches permettaient d'atteindre l'estrade de pierre.
A chacun des angles de celle-ci se dressait de haut candélabres dorés encore chargés de cierges de cire parfumée ; en son centre, l'on voyait un lutrin sur lequel reposait un épais volume ; à coté, c'était un coffre de marbre rose.

[Galathée]

Albérich regretta que Giovanni se soit pas resté. Un Sunite aurait su quelles paroles rituelles prononcer pour saluer la déesse avant de poser la main sur des objets qui devaient être, sans nul doute, sacrés.
Il hésita, puis recula.
" Je vais aller chercher Thibault. Il saura quoi faire. Je préfère ne pas toucher à ça moi-même." expliqua-t-il à Varamyr.
Le Paludier allait sans doute le trouver ridicule, mais Albérich était ce qu'il était, et son respect des cultes, même millénaires, était absolu. Il prit donc rapidement le chemin de la sortie, dans l'idée de rejoindre le téléporteur et, au-delà, son ami sunite.

[Taliesin]

Giovanni, cependant, n'avait pas quitté le temple.
Il s'était contenté de retourner dans la salle du symbole et de s'assoir dans un coin, la mine fermée, l'air aussi furieux que misérable.
Du moins est-ce ainsi qu'Hubert le découvrit. Et quoi qu'il tentât pour nouer le dialogue, il s'opposa à un mur de silence.
Il faut dire que pour un barde sunite, ne pas parvenir à trouver un passage secret dans le sanctuaire d'une déesse proche de la sienne et voir un Lathandrite réussir là où il avait lui-même échoué, cela devait tenir de l'humiliation suprême.

[Hubert de Maleval]

Pendant un moment, Hubert ne dit rien, se contentant de l'observer de loin, embarrassé, sensible à sa fureur. Il finit par s'éclaircir la gorge et tenter une dernière chose.
" Est-ce que tu veux que je te ramène ? Au palais, je veux dire ? Ou tu préfères attendre ici ?"

[Taliesin]

Cette fois, le barde réagit.
-Volontiers.
Déjà, il était debout.
-J'ai tout un tas de bouquins à lire, notamment pour tenter de découvrir comment on bloque les mécanismes d'ouverture des portes secrètes. Donc voilà, si ça ne te dérange pas... Oui, autant que je rentre le plus vite possible.

[Hubert de Maleval]

Hubert acquiesça puis activa la console en posant la main dessus. Au même moment, Albérich arrivait dans la pièce. Il croisa le regard du paladin, jeta un coup d'oeil vers le barde, puis parut hésiter une seconde, avant de soupirer légèrement et de parler.
" Nous avons trouvé des objets de culte dans ce qui ressemble à une crypte... Giovanni, est-ce que tu voudrais y jeter un oeil ? Je préférerais qu'un Sunite s'en charge. Je ne me sens pas... autorisé à y toucher."

[Taliesin]

Giovanni poussa un soupir agacé.
-J'ai beau être Sunite, je ne suis pas prêtre et n'ait donc rien à fiche dans cette crypte, d'autant que je n'ai absolument pas la moindre idée de ce qu'il faut faire ou ne pas faire en pareils lieux.
Il fit un nouveau pas en direction du symbole puis s'immobilisa.
-Je t'envoie Thibault, si tu veux. C'est son créneau.

[Galathée]

Albérich acquiesça.
" Oui, envoie-le moi. Il est effectivement le mieux placé."
C'était ce qu'il avait voulu faire dès le départ, mais la mine du barde l'avait convaincu de lui faire une ouverture. En vain.
Dès que le peintre eut disparu, il se tourna vers Hubert.
" Il faudra sans doute que tu retournes de l'autre côté pour allumer la console là-bas. Le système n'a pas l'air de fonctionner dans les deux sens pour tout le monde et le temps qu'il déniche Thibault, le symbole aura sûrement disparu."
Hubert acquiesça, la mine un peu désemparée.
" Je suis désolé pour Giovanni.
— Ne le sois pas. Ce n'est pas de ta faute si tu as appuyé sur cette pierre.
— Peut-être que... ce serait mieux qu'il ne vienne plus en exploration, s'il supporte si mal ce genre de situations.
—Sans doute, oui. Nous verrons."
Le paladin sourit et s'engagea à son tour sur le symbole.

[Taliesin]

Moins de cinq minutes plus tard, c'est un Thibault frais, dispos, flamboyant et concentré qui rejoignait Hubert dans la salle des symboles.
-On me dit que mes services sont requis ? fit-il, sérieux.
L'instant suivant, toutefois, il se fendait d'un sourire en coin.
-Moi qui m'attendais à ce que ma convalescence dure dix ans...

[Galathée]

Le paladin sourit. C'était la première fois qu'il revoyait le clerc, en tête à tête, depuis leur escapade tragique. Pendant une seconde, il songea lui dire combien il était heureux de le voir sur pied, et combien il était désolé de ce qui s'était produit. Mais quelque chose le retint, une sorte de gêne viscérale qui le saisissait en sa présence.
" Et bien... Nous avons trouvé une sorte de temple de... Sunie, je suppose. Albérich ne veut pas commettre de sacrilège, je pense, dit le paladin. Tu dois marcher sur ce symbole, là, et tu seras téléporté. Attention, ça retourne un rien l'estomac."
Dès que le clerc aurait disparu, il lui emboîterait le pas.

[Taliesin]

Le prêtre s'avança, confiant, et disparut...
...pour reparaître aussitôt face au Luménien, duquel il s'approcha sans tarder.
-Messire Megrall, je ne vous félicite pas ! Voler la vedette à un Sunite dans un temple quasiment sunite, ça ne se fait pas ! lâcha-t-il, mi sérieux, mi joyeux.
Hubert se matérialisa avant que son ami ait eu l'opportunité de répondre.

[Galathée]

" Je n'ai pas fait exprès." dit le Luménien avec une grimace.
Il n'ajouta pas ce qu'il pensait, que réagir de la sorte dans des circonstances aussi graves était vraiment puéril et quelque part réellement problématique, mais Thibault n'était pas responsable des humeurs de son coreligionnaire.
Mais cette personnalité sanguine rendait Giovanni finalement aussi peu fiable qu'Hubert. Il fallait espérer qu'en cas de crise, il parviendrait à remiser son amour propre pour servir la communauté.
" Je pense que tu vas aimer cet endroit, poursuivit le Luménien. Mais je voudrais que... tu ne l'admires pas trop longtemps aujourd'hui. Si les choses finissent bien, tu pourras venir t'y installer de manière permanente, après tout, et la résolution de cette affaire ne dépend que de nous."
C'était un écho de leur conversation de la veille, Albérich espéra qu'il ne lui en tiendrait pas trop rigueur.

[Taliesin]

Son ami haussa les épaules.
-Allons, ne t'en fais pas comme ça. Je sais quand même garder le sens des priorités, sans compter qu'à force de voir merveille sur merveille, on finit par être blasé...
Il les suivit jusqu'à la nef et là, s'immobilisa tout net, bouche bée.
-Ah ouais, quand même... lâcha-t-il.
Près d'une minute durant, il ne parvint pas à détacher son regard de la statue. Puis, subitement, au prix d'un violent effort, il baissa les yeux et lorgna obstinément le sol.
-Alby, tu veux bien me guider jusqu'aux escaliers ? Si je regarde à nouveau... Je risque d'entrer en transe mystique.

[Galathée]

Albérich grimaça. Il avait un grand respect pour ce qui existait entre un clerc et son dieu, le pouvoir de leur lien, et empêcher Thibault de faire une expérience mystique lui paraissait complètement sacrilège.
" Viens voir, et puis tu pourras entrer en transe. Je surveillerai tes arrières."
Il le prit par le bras et le guida vers la crypte, mortifié d'avoir à l'arracher à la représentation de la déesse. Hubert resta en arrière, regardant la statue avec admiration, mais sans trouble. Il n'était décidément pas Sunite.

[Taliesin]

Parvenu au pied de l'escalier, Thibault observa la crypte avec attention puis remonta l'allée dans le plus grand silence. Il ne parla pas davantage en découvrant l'estrade et se qu'elle supportait, se contentant de gravir les quelques marches et d'aller se planter devant le coffre et le lutrin. Il finit cependant par jeter un regard par dessus son épaule, par prendre une profonde inspiration et par déclarer :
-Honorés confrères, je me doute que là où vous êtes, vous vous amusez tellement bien que vous ne vous souciez plus guère d'observer ces lieux. Mais, au cas où, sachez que ce que nous faisons, nous le faisons pour la bonne cause ! Sachez aussi que nous lèverons nos verres en votre honneur dès que l'occasion se présentera !
L'instant suivant, sans plus de cérémonie, il se penchait et ouvrait le coffre.

[Galathée]

Sacré Thibault, songea Albérich, surpris par sa désinvolture.
Les Sunites étaient décidément des gens étranges.
Mais il ne quitta pas sa place, attendant que son ami lui fasse part de ses découvertes.

[Taliesin]

-Mazette, ils ne s'emêtaient pas, les Anciens ! lança joyeusement le Sunite.
Il se redressa et fit face à Albérich.
-Bon, il y a là-dedans l'attirail complet d'un parfait grand prêtre : couronne, aube rouge brodée d'or, symbole sacré fait d'un énorme rubis taillé, bijoux divers, sceptre... On dirait l'équivalent sunite de ce que vous avez déniché à l'école de magie.

[Galathée]

" Si tu penses que nous n'allons déclencher aucune malédiction, autant embarquer tout ce bazar avec nous." dit le Luménien, songeur.
Il pinça les lèvres.
" Je ne sais toujours pas bien à quoi cela nous avance. Je conçois que ce sont sûrement des objets de pouvoir mais... pour quoi faire ? Combattre le Mal de front, vêtus comme des... épouvantails ? Enfin, c'est du matériel sunite, je suis donc tranquille...
— Guillermo a parlé d'un temple dédié au soleil, intervint alors Hubert, qui avait fini par descendre.
— Formidable, dit le Luménien.
— Il n'est pas relié au téléporteur, cependant. Il va falloir le chercher."

[Taliesin]

-Albérich, à qualifier ces ornements sacrés de bazar et à affirmer que qui les revêt aura des allures d'épouvantail, tu risques fort de provoquer le courroux de ceux qui reposent ici, voire celui de la déesse ! fit un Thibault qui semblait se soucier comme d'une guigne du temple du soleil. Tu devrais donc mesurer tes propos.
Il jeta un regard au lutrin.
-Je te laisse prendre le bouquin : c'est sans intérêt aucun. Moi, je récupère ce qui en vaut vraiment la peine. j'ai hâte d'essayer tout ça et de me pavaner devant la galerie...

[Galathée]

" Une aube, voilà bien qui ne peut servir qu'à ça, dans le genre vêtement le moins fonctionnel de l'histoire de l'habillement, dit le Luménien en s'approchant du livre, qu'il souleva de son lutrin. Merci pour ton aide, Thibault. Hubert va te raccompagner au téléporteur, puis nous chercherons ce temple du Soleil. Si toute la zone est dédiée aux dieux, il n'est sans doute pas très loin.
— Il n'y a pas que des temples, à l'extérieur, il y a aussi des maisons, dit le paladin en le délestant du livre. Je vais ramener ça au palais au passage.
— On se retrouve sous le porche."