[Lieu] Une cité perdue

[Taliesin]

-Deux, en réalité : un jeune homme et une femme un peu plus âgée : elle a un peu d'expérience, est aventureuse sans se ruer tête baissée vers le danger... Bref, somme toute fiable, bien plus que son collègue. Nous avons également un Chauntéen, une Sunite et son acolyte adepte de Liira, un Lathandrite et, pour clore la liste, un clerc de Dénéir, Il semblerait que les cultes, conscients d'avoir manqué le coche, aient tenté de se rattraper.
Elle eut un sourire fugitif.
-Et j'allais oublier... Nous comptons dans nos rangs deux jeunes paladins de ton ordre, Hubert. Désireux de bien faire, dévoués mais un peu trop... impétueux.

[Hubert de Maleval]

" Un peu trop... impétueux ?" dit le paladin avec une grimace.
Ah mais ça, il était l'expert en gestion des paladins impétueux !
" Ah... Je serai heureux... de les rencontrer."
Il pinça les lèvres, se tourna vers Marthe.
" J'ai l'impression qu'il y a mille choses à te raconter, et je ne sais pas par où commencer... Albérich a dû te transmettre certaines choses mais... en peu de mots... Je ne sais pas si tu as des questions, des réflexions, des déclarations... Hum."

[Taliesin]

-Dans l'immédiat, je sais ce qu'il y a à avoir sur les événements passés et un rapport factuel de la situation actuelle, des forces en présence et des moyens à notre disposition suffira pour que je me fasse une idée d'ensemble. De mon côté, je vous remettrai une liste de nos nouveaux membres et un inventaire de notre matériel, réalisés avec le plus grand soin par notre Lathandrite, Marcus, qui n'est autre que l'ancien bras droit d'Albérich au temple de Luménis. Je peux même vous fournir dès ce soir les denrées ou objets qui vous font le plus défaut.

[Hubert de Maleval]

" L'ancien bras droit d'Albérich ?" lâcha Hubert, sans pouvoir s'en empêcher.
Il n'était pas certain d'avoir jamais entendu ce nom... Albérich n'avait jamais vraiment parlé du temple, comme si c'était un endroit tabou, obsolète, dont il ne voulait plus rien savoir... avant aujourd'hui. Il se demanda comment il prendrait la chose, puis songea qu'il était peut-être déjà au courant.
" Heu... Oui. Si vous avez des vêtements excédentaires... Nous vivons dans le plus grand dénuement, à ce niveau... Chacun dispose de ce qu'il portait sur le dos au moment de la fuite... ou même moins..."
Il songea à sa propre tenue, confectionnée à partir de celle des enfants.
" Et si vous avez des tapis de sol, n'importe quoi pour adoucir le couchage... Nos dos sont perclus à force de dormir sur le sol."

[Taliesin]

Elle acquiesça.
-Suivez-moi.
Elle les mena dans un coin de la cour où avaient été rangés des chariots et où l'on continuait à transporter des caisses. Une liasse de documents à la main, se tenait là un clerc, blond et solide, qui semblait ne plus savoir où donner de la tête.
-Je vous présente Marcus, dit la rôdeuse. Marcus, voici Hubert et Marthe, je t'ai déjà parlé d'eux... Est-ce que tu pourrais faire en sorte qu'on leur fournisse plusieurs des ballots de vêtements ainsi que des tapis de sol ?
Marcus parut pris de panique, comme si ce surcroit de travail allait le rendre fou. Il acquiesça néanmoins.

[Hubert de Maleval]

" Heu... Si c'est trop compliqué, nous ne sommes franchement pas à une nuit près..." dit tout de suite le paladin, sensible à la réaction de leur interlocuteur.
Il se tourna vers Frida.
" Peut-être devrions-nous simplement vous laisser vous installer à votre aise et prévoir de nous retrouver demain matin. Nous avons pris l'habitude d'organiser un conseil après la cérémonie de l'aube, chaque matin... Ne t'inquiète pas, nous ne nous sommes mués en une confrérie lathandrite, mais... ça s'est mis, simplement. Et nous n'en avons pas fait hier et aujourd'hui, à vrai dire."

[Taliesin]

Le Lathandrite s'était déjà éloigné.
-Des cérémonies, tu veux dire. Parce que des conseils, je suis sûre que vous en avez tenus. Et le fait qu'ils aient été déplacés du soir au matin montre assez l'influence que le culte de Lathandre a pris en mon absence.
Elle sourit légèrement, pour bien montrer que c'était une boutade.
-Et ne vous en faites pas pour Marcus : il réagit comme ça quoi qu'on lui demande mais il s'en tire toujours à merveille.

[Galathée]

" Ça doit être mauvais pour la santé, quand même, dit Hubert en le regardant s'éloigner. Mais j'imagine qu'Albérich doit savoir comment le prendre, s'ils travaillaient ensemble."
Thibault, et maintenant Marcus... Le passé d'Albérich était en train de le rattraper, et le paladin ne savait pas exactement ce qu'il devait en penser. Pour l'heure, il ressentait un peu d'anxiété. Légère, mais réelle.
" Mais oui, je parlais des cérémonies, pas des conseils. Nous en faisons plus d'un par jour, cela dit... Le soir aussi, souvent. Dès qu'il y a quelque chose à échanger en somme..."
Il se tut brutalement, pinça les lèvres.
" Mais... je ne sais pas si Albérich... t'a dit pour Ezéchiel."

[Taliesin]

Ses traits se crispèrent et elle garda un moment le silence.
-Non, nos communications étant fort brèves, il n'a pas pu m'en parler, répondit-elle.
Soupir.
-Espérons que les mines de diamant sont aussi productives que le dit la légende et que nous retrouverons son corps. C'étatit quelqu'un de rude mais... quelqu'un de bien.

[Galathée]

" Oui." dit simplement Hubert, sans mentionner tout ce qui tournait autour de la mort du rôdeur, les circonstances, l'état du cadavre, les risques que les Ithiliens s'en servent pour les débusquer.
Jusqu'ici, ils semblaient n'en avoir rien fait. Sans doute Albérich avait-il raison, sans doute avaient-ils mille autres chats à fouetter à présent qu'ils avaient ouvert la brèche vers les gemmes de pouvoir.
" Bon... Donc... Comme tu le sais, il y a un téléporteur entre cet endroit et l'endroit où nous sommes réfugiés... Pour l'heure, je suis le seul à pouvoir en ouvrir les passages..."
Il songea aux singes célestes, puis à l'absence de certitudes qu'ils avaient sur la nature de tous ces inconnus qui les avaient rejoints.
" Frida, comment est-ce que cette colonne s'est organisée ? Est-ce que tu as recréé un semblant de conseil ? Est-ce que... tu as fait signer un contrat à tous ces gens ?"

[Taliesin]

-Le semblant de conseil s'est créé tout seul au moment de ma disparition : mon bras droit et une partie des clercs ont pris les choses en main. Deux assemblées ont ensuite été organisées. La première, à mon retour, a considéré que nous étions en état d'urgence, qu'il était impératif que nous rallions Clairétoile au plus vite et que comme j'étais le mieux placée pour les y conduire, il était nécessaire de m'accorder temporairement les pleins pouvoirs. La deuxième, après qu'Albérich m'ait recontacté, a décidé la poursuite de l'expédition. Pour résumer : jusqu'ici, je commandais tout en m'appuyant sur le conseil informel auto-constitué. Quant aux contrats... Oui, tout le monde en a signé avant notre départ, soit pour rester le temps que la Communauté soit autonome, soit pour s'y installer.

[Hubert de Maleval]

Hubert pinça les lèvres.
" Vu ce qui s'est produit avec Ignace et Agnès... et avec Louis... Je voudrais vraiment sonder les gens individuellement, comme nous l'avons fait pour le reste de la communauté. Je sais que c'était tabou, mais les gens ont compris, vu les circonstances, que c'était nécessaire, et personne ne s'est défilé... Je conçois que vous voudrez sans doute que nous en discutions d'abord en conseil, avec Albérich..."
Il était certain que le Luménien l'appuierait, il l'avait fait la dernière fois...
" ... mais ensuite, il faudrait convoquer une assemblée de ce groupe-ci, pour qu'ils l'acceptent... si nous le décidons."

[Taliesin]

-Tu penses bien que pragmatique comme je suis, au regard des événements et en particulier de la trahison de Louis, je n'ai pas attendu notre arrivée ici pour faire sonder absolument tout le monde. Avec l'accord de notre propre assemblée, évidemment. Ce sont nos clercs et nos paladins qui ont mené l'opération. Évidemment, comme on ne peut pas être absolument sûr qu'ils soient ce qu'ils prétendent être, il faudra que tu les sondes eux-mêmes : ils savent que cela se produira. Mais s'ils sont irréprochables, cela t'évitera de devoir faire la même chose avec trois cent personne.

[Hubert de Maleval]

Hubert sourit à la rôdeuse sans oser regarder Marthe. Elle était la dernière survivante de l'aile idéaliste de la communauté : Ignace et Agnès s'étaient révélés traîtres et Etienne était actuellement hors course. Albérich se rangerait à la nécessité et le pragmatisme de Frida leur permettrait de se défier du mal. Il ne savait cependant pas bien comment lui exprimer sa satisfaction sans offusquer la juge.
" Ah... Heu... Très bien. Je ferai ça... Demain matin sans doute."
Il se tourna vers Marthe.
" Vois-tu autre chose que nous devrions régler avant de retourner au palais ?"

[Taliesin]

La magistrate soupira. Elle avait l'air à la fois triste et résignée.
-Non, je ne vois rien à ajouter. Frida, tu es évidemment la bienvenue si tu souhaites visiter le palais dès à présent, même si je me doute que tu préféreras le faire en même temps que les autres.
-Effectivement. De plus, je prendrai le temps de réfléchir à la situation, afin d'être en mesure de participer activement au Conseil, demain.
Sur des entrefaites, Marcus revint, accompagné d'une troupe chargée de volumineux ballots.
-Voilà la première livraison, dit le clerc. Une autre est en préparation, elle suivra dès que nous aurons pu amener celle-ci au palais.

[Hubert de Maleval]

" C'est déjà formidable. Suivez-moi." dit Hubert en leur désignant le chemin de la salle de téléportation.
Il se tourna vers Frida.
" Je vous souhaite une bonne première nuit parmi nous, ou presque." dit le paladin à la rôdeuse, avant de prendre congé pour guider les hommes de l'intendance.

[Taliesin]

Marcus les abandonna à l'entrée de la salle du symbole, déclarant qu'il y mènerait la seconde équipe puis saluant les deux conseillers avant de s'esquiver.
Grâce à Hubert, la troupe put gagner le palais où Marthe, qui n'avait pipé mot durant tout le trajet, proposa immédiatement de les conduire aux réserves, ce qui permettrait à Hubert d'accueillir la nouvelle livraison.
Elle partit sans un regard en arrière.

[Hubert de Maleval]

Hubert poussa un bref soupir et se tourna vers Albérich, qui les avait attendus, et paraissait un peu déstabilisé.
" Qu'est-ce qui se passe ?
— Frida est pragmatique, voilà ce qui se passe."
Le Luménien se redressa et pinça les lèvres.
" Tu crois que je dois aller voir ?
— Viens plutôt dire bonjour à Frida. Et à Marcus.
— Ah... Tu as rencontré Marcus ?
— Tu savais qu'il était là.
— Je l'ai appris aujourd'hui. C'était mon intendant, au Temple.
— J'ai cru comprendre. Viens. Tu iras voir Marthe ensuite."
Le Luménien, incertain, acquiesça, et l'accompagna pour franchir le symbole.

[Taliesin]

Il leur fallut attendre quelques minutes dans la salle du symbole absolument déserte. Mais les environs, en revanche, bruissaient d'animation, de vie... D'une vie à l'organisation parfaitement huilée : Hubert l'avait constaté, que ce soit dû à Frida ou à Marcus, l'ordre régnait.
Enfin, le clerc refit son apparition, suivi de sa nouvelle troupe. Apercevant Albérich, il marqua un temps d'arrêt.
-Bonsoir, lâcha-t-il, embarrassé
Ce fut tout ce qu'il trouva à dire.

[Galathée]

Le Luménien se sentait au moins aussi embarrassé que son ancien intendant, mais il était conscient d'être en public, et il sourit doucement.
" Bonsoir Marcus. Je suis heureux de te revoir." murmura-t-il.
Il se demanda comment le Lathandrite en était venu à rejoindre l'expédition. Selon Alaric, il avait trouvé refuge non loin de Sailorath... Sans doute avait-il alors entendu parler d'Albérich, quand il avait repris les rênes de Solarcis. Ils avaient vécu si près l'un de l'autre, alors, sans jamais se rejoindre...
" On dirait que tu gères déjà tout de main de maître..."

[Taliesin]

Marcus grimaça.
-Faut le dire vite. Une colonne en mouvement, comptant tant de gens dans ses rangs... Un temple paraît beaucoup plus simple à gérer, en comparaison, alors qu'il y a déjà de quoi devenir chèvre.
Il eut un sourire en coin.
-Mais les livres de comptes, les inventaires généraux et thématiques ainsi que les divers recensements sont à ta disposition, si tu veux y jeter un coup d’œil ou si tu veux qu eje te les présente.

[Galathée]

" Sûrement pas ce soir... dit Albérich en ouvrant de grands yeux. Et de toute façon, tu sais bien que je n'y entends pas grand chose... et que j'ai la plus totale des confiances en toi.
— Bon, je vais gérer la téléportation pendant que vous bavardez, proposa Hubert.
— Quoi ? Heu... Oui, merci."
Le paladin fit signe aux hommes qui accompagnaient Marcus et les dirigea vers le symbole, leur recommandant de bien s'écarter après le passage pour ne pas tomber les uns sur les autres.
" Tu as l'air en forme..."

[Taliesin]

-Toi aussi.
Il se racla la gorge.
-Frida m'avait dit que... tu avais retrouvé Lathandre. Mais le savoir et le voir sont deux choses différentes. Cela te transfigure et... je suis sincèrement heureux pour toi.

[Galathée]

" Je suis revenu à moi-même. Cela a pris un certain temps... et il a fallu des circonstances extrêmes mais... j'ai retrouvé la lumière."
Il sourit doucement, embarrassé, se souvenant des derniers jours au temple, des échanges douloureux qu'il avait eus avec l'intendant, de leurs adieux sur un banc, dans les jardins, alors que le soleil n'était pas encore levé...
Il eut envie de dire à Marcus combien il était désolé, encore, pour le bouleversement qu'il avait amené dans sa vie, mais c'était regarder vers hier alors qu'ils étaient réunis à l'aube de demain. Le moment était mal choisi.
" Tu savais que je faisais partie de cette expédition, alors ?"

[Taliesin]

-Je l'ai appris au camp de la Communauté, à Grand-Estuaire. Après avoir signé, sans quoi j'aurais hésité, me disant que tu n'aurais peut-être pas envie que je vienne te déranger uau beau milieu de cette région inaccessible.
Il eut une légère grimace.
-Et ne me demandes pas ce que je fichais à Grand-Estuaire, car je ne le sais pas moi-même. Enfin, je n'en suis pas sûr, disons.

[Galathée]

" Une réponse pour attiser ma curiosité, c'est cruel. Aux dernières nouvelles, tu étais près de Sailorath... Je pensais justement à toi, tout à l'heure."
Il sourit.
" Je n'aurais jamais imaginé que tu puisses être juste là..."

[Taliesin]

-Comment l'aurais-tu pu ?
Il hésita.
-Ceci dit, sans vouloir t'offenser, je pense qu'aucune de tes anciennes connaissances n'aurait pu, non plus, imaginer que tu irais te joindre à pareille aventure...

[Galathée]

" C'est de la faute d'Hubert." dit Albérich avec le sourire.
Il se retourna mais le paladin avait disparu.
" Tu as rencontré Hubert ? C'est un paladin de l'Aster. Notre chef militaire. Un ami. Je l'ai rencontré à Solarcis et... c'est lui qui a eu envie de se joindre à la communauté. Moi... Tu as raison : je ne l'aurais jamais fait, vu l'état dans lequel j'étais. Mais regarde : en dépit des écueils, j'ai eu ma seconde chance."
Il sourit. En moins d'un mois, sa vie avait été bouleversée du tout au tout. L'instant était critique, mais en même temps, il était merveilleux.
" J'aimerais connaître ton histoire aussi... mais je ne sais pas si nous avons vraiment le temps, juste là maintenant, de nous asseoir pour bavarder..."

[Taliesin]

-Même s'il n'y a absolument rien à raconter, je crains effectivement de ne pas avoir le temps de le faire, soupira-t-il. Je dois vérifier que tout le monde s'est bien installé selon le plan préétabli, que les écuries, la rééserve et la cuisine sont en place, que le repas est lancé... Ensuite, il me faudra reporter le transfert de matériel dans les registres, puis refaire l'inventaire des vivres... Bref, j'aurais de la chance si j'arrive à en terminer ne serait-ce que la moitié avant l'aube. Mais le côté positif, c'est que je serai déjà sur le pont pour la prière.

[Galathée]

Albérich acquiesça, n'osant pas tancer l'intendant pour sa tendance — habituelle — au catastrophisme. Si les choses avaient été si pénibles, il ne se serait pas replongé dedans à la première occasion. Pourtant il n'avait tenu les rênes de l'organisation pratique du temple luménien que très peu de temps : Albérich l'avait nommé trois jours après sa propre accession à la position d'aubemestre. Mais Marcus avait travaillé dans la Résistance et y avait gagné des compétences utiles : ne pas les reconnaître à leur juste valeur, ne pas les exploiter ensuite, aurait été une perte pour tout le monde.
" Je ne vais pas te retarder. Je voudrais juste aller saluer Frida... puis je regagnerai l'autre côté du mur... mais j'espère que tu trouveras du temps pour moi entre deux registres, Marcus... Je voudrais... tenter de renouer ce qui a été défait..."