[Quête] Sur la Sylvestre...

[Galathée]

Ils les sentirent et les entendirent avant de les voir. Voronwë fit un geste, la voile fut relevée et l'Ecureuil dériva vers l'aval, freiné dans sa progression. Nremyn stabilisa la barge, elle glissa vers la berge à tribord, lentement, silencieuse. On percevait le fumet répugnant des gobelins, mais aussi le bruissement de leurs pas, le murmure de leurs cris, plus, ténue, une plainte qui aurait pu être humaine. Pendant un moment, personne ne dit rien. Nremyn se porta auprès du capitaine et ils tinrent un court conciliabule. Tous deux paraissaient tendus, la décision n'était manifestement pas facile à prendre. Mais ils se mirent d'accord.
Nremyn descendit de la cabine et vint vers le barde.
" Tout le monde sous le pont. Nous allons forcer le passage. Gardez votre épée à la main au cas où ils réussiraient à nous aborder. C'est très peu probable, cependant, mais on ne sait jamais."

[Taliesin]

Il esquissa une grimace.
-Ne peut-on vraiment rien tenter pour aider leurs captifs ? souffla-t-il.
Il savait que rien ne serait tenté, peut-être parce que la troupe ennemie était trop nombreuse, peut-être parce que le capitaine ne souhaitait pas prendre de gros risques pour un sauvetage hasardeux - un sauvetage d'humains, de surcroit. Néanmoins, il n'avait pu s'empêcher de poser la question.
Tout en se tenant prêt à aller récupérer Baptiste pour l'emmener dans la cale, évidemment : perdre trop de temps aurait été une grave erreur.

[Galathée]

" Vu l'odeur et le bruit, ils doivent être plus d'une centaine, dit Nremyn avec un sourire embarrassé. Nous ne sommes pas équipés pour faire face à une telle menace. Nous préviendrons les habitants de Faisan-l'eau, c'est la seule chose que nous puissions faire... A moins que vous n'ayez envie de tenter d'occire les prisonniers à l'arc depuis le pont, pour vous assurer que leur fin ne sera pas douloureuse... mais j'imagine que ce n'était pas ce que vous aviez en tête en parlant de les aider..."

[Taliesin]

-Non, pas exactement...
Il songea à la bourgade qui se trouvait sur le chemin des gobelins : serait-elle de taille à résister ?
Si ce n'était pas le cas ou si les monstres contournaient l'endroit... Ne risquaient-ils pas d'être assaillis par eux juste après leur débarquement, le lendemain ?
Questions pour le moins inquiétantes... auxquelles il n'avait pas le loisir de songer dans l'immédiat.
6-Nous descendons, soupira-t-il.
Et il s'en fut chercher Baptiste.

[Galathée]

Les deux jeunes elfes et le quartier-maître descendirent également sous le pont et refermèrent la trappe derrière eux, les plongeant dans une pénombre verdâtre. Aucun ne paraissait véritablement nerveux, mais c'était peut-être juste le résultat d'une discipline très elfique.
" Ça va secouer. Je ne resterais pas dans le hamac." suggéra Gaelin en désignant Victor qui émergeait de son sommeil.
Baptiste, à côté de Taliesin, lui prit la main et la serra fortement une seconde, avant de frissonner.

[Taliesin]

-Victor, viens t'assoir avec nous, dit-il au gamin, prêt à aller le chercher, au besoin.
Puis, à Baptiste et à mi-voix :
-Ne t'inquiète pas. Je suis certain que ce n'est pas la première fois que le capitaine est dans pareille situation. Et au pire des cas, nous avons des ressources, nous aussi.
Des armes, des sorts... et surtout, en dernière extrémité, le pipeau.

[Galathée]

Pendant un moment, il ne se passa absolument rien. L'Ecureuil était toujours immobile. Un des deux jeunes elfes, le dénommé Rissien, était entré en Rêverie. Gaelin découpait un grand fruit rouge dont il distribua des tranches à tout le monde. Baptiste eut du mal à s'y intéresser mais remercia l'elfe avec un accent presque parfait. Victor bâillait, encore trop engourdi pour poser des questions. Le dernier elfe, Alyan, était appuyé à l'échelle et lorgnait la trappe close, la main caressant nerveusement la garde de son épée. Puis la coque de l'Ecureuil vibra légèrement, émettant une note sourde, puis une seconde, et l'air s'emplit d'une odeur de miel.
" Magie de la Rivière." expliqua Gaelin à Taliesin.
D'un seul coup, il fit complètement noir, si bien que même le barde n'y vit plus rien ; Baptiste ne put contenir un hoquet et se blottit contre lui.
" Mais il se passe quoi ?" demanda Victor, plutôt agacé.
Les ombres revinrent, troubles, bleutées.
" C'est la nuit, déjà ?"

[Taliesin]

Il passa un bras autour des épaules de Baptiste et le serra contre lui.
-Ce n'est pas du tout la nuit, expliqua-t-il doucement à Victor. Nous avons rattrapé la troupe de gobelins et le capitaine a décidé de forcer le passage. Nremyn doit être en train de protéger le navire avec de puissants sortilèges.
Lesquels donnaient l'impression qu'ils ne voguaient plus sur l'eau, mais bien... sous l'eau. En tout cas, il n'avait jamais rien vu de pareil.

[Galathée]

L'Ecureuil fit alors un bond en avant et ils repartirent sur la rivière, à une vitesse qui parut, de l'intérieur, impressionnante. Luttant contre la senteur parfumée du miel, ils devinèrent les remugles dégagés par les gobelins, puis ils eurent la sensation de plonger au coeur d'un essaim de mouches immondes, l'univers bruissant autour d'eux de mille pattes et mille mandibules. Les elfes ne bronchèrent pas. Baptiste eut un haut le coeur mais rien ne sortit. Victor paraissait absolument stupéfait, mais pas particulièrement effrayé.
Ils entendirent des cris de guerre, le sifflement de projectiles, même quelques chocs autour d'eux, aux endroits où la coque était frappée par des traits, probablement. Mais l'Ecureuil ne ralentissait pas, il bondissait sur les flots comme un cheval au grand galop, se secouant parfois brutalement quand il rencontrait un remous, une vague, un rocher. Il vira brusquement, vira encore, le raffut ne décroissait pas, puis il bondit à nouveau et comme crevant la surface d'une flaque de vase, il s'extirpa de la puanteur et du bruit. L'odeur de miel triompha puis s'éteignit brusquement et tout redevint normal autour d'eux : les sensations, la lumière... Gaelin se leva et Alyan grimpa sur l'échelle, soulevant la trappe. Rissien émergea et les suivit. Ils n'avaient pas sortis leurs armes. Taliesin n'entendit aucun son de lutte. Ils étaient passés.

[Taliesin]

La tentation de sortir de la cale était grande... Mais il y résista. Non seulement le capitaine ne leur en avait pas donné l'autorisation mais, de surcroit, Baptiste n'était pas prêt.
-Ça va ? lui demanda-t-il, prévenant. C'était impressionnant mais... Nous nous en sommes tirés sans mal. Nous avons bien fait de suivre les conseils de Gwenola...
Oui, la situation aurait été tout autre s'ils avaient opté pour un capitaine humain.
Mais... Ils n'étaient pas encore tirés d'affaire.

[Galathée]

Victor était déjà en train d'escalader l'échelle. Baptiste frissonna.
" Oui, ça va. C'était... c'était bizarre."
Il eut un petit sourire embarrassé.
" Je crois que j'ai besoin d'air."
Et il se dirigea à son tour vers l'échelle.
Sur le pont, les elfes avaient repris leur travail. Deux d'entre eux scrutaient les rives, une flèche encochée dans l'arc. Gaelin gérait la voile. L'Ecureuil semblait avancer moins aisément, comme légèrement enlisé. Imperturbable, le capitaine Voronwë tenait son gouvernail. Le mage, lui, n'était visible nulle part.
Baptiste en profita pour vomir au-dessus du bastingage.

[Taliesin]

Il avait emporté son arc et, déjà, scrutait plus ou moins la rive.
Pour autant, il garda l'essentiel de son attention tournée vers Baptiste, espérant qu'il se remettrait vite de son maialse.
Sans doute aurait-il du mal à trouver le sommeil, cette nuit, sans doute que recourir aux plantes ne serait pas une mauvaise idée.
Un qui, lui, n'aurait pas de difficultés pour sombrer, c'était le mage : ses sortilèges avaient dû littéralement l'épuiser.

[Galathée]

Baptiste se remit peu à peu. Il était très pale, l'air un peu vaseux, mais il se remit peu à peu et, conscient de l'attention du barde, lui décocha des sourires timides, pour le tranquilliser. Victor, lui, arpenta le pont de l'Ecureuil à la recherche de signes de l'échauffourée et parut extrêmement déçu de ne même pas trouver une petite flèche plantée dans le bois de la coque.
Pour le reste, la vigilance de l'équipage se relâcha peu à peu, jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu'une seule sentinelle postée à la proue.

[Taliesin]

Il finit par aller déposer son arc dans la cale : il n'en aurait plus besoin dans l'immédiat.
Néanmoins, il s'inquiétait pour Faisan-l'eau, essayait de se rassurer en se disant que les gobelins n'étaient pas rares dans la région et que la bourgade était forcément préparée à les recevoir.
Il s'inquiétait pour les garçons et pour lui-même, aussi : ils auraient intérêt à quitter les rives de la Sylvestres sacrément vite s'ils ne voulaient pas avoir affaire à la troupe ennemie - du moins, si elle n'avait pas été éliminée entretemps, ce qui arriverait, avec un peu de chance.

[Galathée]

Faisan-l'eau apparut bien avant la nuit. Ils croisèrent d'abord un ponton, puis une première maison, enfin un petit rassemblement de bâtisses modestes, situées de part et d'autre de la rivière. En les voyant approcher, une nuée d'enfants se rassembla sur les berges pour leur faire signe et admirer l'Ecureuil. Victor répondit à leurs gestes, mais Baptiste demeura pétrifié, comme s'il voyait des fantômes. Deux hommes pêchaient, une femme faisait sa lessive, et tous parurent surpris quand l'élégante barge elfe manoeuvra pour venir accoster le long de l'unique quai. Quelques secondes plus tard, Alyan et Rissien installaient la passerelle.
" On peut descendre ?" demanda Victor.

[Taliesin]

-Attends que le capitaine en ait donné l'autorisation, lâcha-t-il machinalement et d'une voix blanche.
Lui aussi gardait les yeux rivés sur la bourgade et ses habitants.
Lui aussi avait l'impression de voir des fantômes.
Ces gens n'avaient même pas dressé de palissade autour de leur infime village !
Ils n'avaient probablement, pour assurer leur sécurité, qu'un seul et unique garde champêtre !
Jamais ils ne pourraient résister aux gobelins.
Il fallait non seulement les prévenir mais, de surcroit, les pousser à partir.
Et ce, le plus rapidement possible.
Les monstres, en effet, n'avaient que quelques heures de retard sur eux.

[Galathée]

Mais le capitaine n'invita personne à descendre. Une fois la passerelle installée, il l'emprunta seul. Sur la berge, il se dirigea vers la personne la plus proche, une femme qui réparait l'osier d'une chaise, pour lui annoncer son message. Il était trop loin pour que Taliesin l'entende. Depuis la rive, deux petites filles s'étaient lancées dans un concours de grimaces avec Victor. Baptiste serra la main de Taliesin.
" On va faire quelque chose, hein ? murmura-t-il. On va pas les laisser comme ça..."

[Taliesin]

-Je ne suis pas sûr que nous pourrons faire grand chose, dit-il, objectif. Mais ce que nous pourrons faire, nous le ferons : hors de question de repartir sans s'être au moins assurés qu'ils ont un endroit ou se replier ou qu'ils peuvent prévenir des soldats installés à proximité.
S'il agissait autrement, s'il se contentait de passer son chemin, il ne pourrait plus jamais se regarder dans un miroir.
[color=#FFFFF66]-Au cas où le capitaine entende lever l'ancre immédiatement et où il soit impossible de le faire changer d'avis... Tiens-toi prêt à récupérer nos affaires, [/color]souffla-t-il.

[Galathée]

" Et toi, tu vas faire quoi ?" demanda Baptiste.
La femme avec laquelle s'était entretenu le capitaine avait ouvert des yeux effrayés, tandis qu'un autre homme s'approchait, en tablier de cuir, la hache à la main. Il avait l'air de considérer l'elfe avec méfiance. Celui-ci fit volte-face et repartit vers la passerelle, qu'il gravit aussitôt.

[Taliesin]

L'expression de l'homme ne lui avait pas échappé, et cela ne fit qu'accroître son malaise.
Aussi prit-il son courage à deux mains... et une profonde inspiration.
-Capitaine... fit-il lorsque celui-ci passa à proximité. Avec tout le respect que je vous dois... Êtes-vous certain qu'ils ont pris vos propos au sérieux ? Qu'ils ont pris la mesure de la menace qui plane sur eux ?

[Galathée]

Voronwë le dévisagea, surpris.
" Oui, je le crois." dit-il avec un haussement d'épaules.
Sur la rive, plusieurs adultes discutaient maintenant vivement. Les enfants continuaient leurs jeux, ignorant encore ce qui se profilait. Une femme se mit à pleurer. Alyan et Rissien remontèrent la passerelle.

[Taliesin]

Alors ainsi, ils entendaient vraiment repartir sans rien faire de plus ?
Il avait du mal à le croire et pourtant, les faits étaient devant lui...
[color=#FFFFF66]-Un instant, s'il vous plait,[/color] dit-il aux matelots.
Il fit face au capitaine.
[color=#FFFFF66]-Je ne vous retarderai guère : juste le temps de vous payer ce que je vous dois, de récupérer nos affaires et de débarquer.[/color]

[Galathée]

Voronwë le dévisagea sans comprendre, puis avec une légère incrédulité.
" Qu'est-ce que vous imaginez que vous allez faire, au juste ? dit-il. Organiser leur évacuation ? Vous ne connaissez même pas ces gens."
Il secoua la tête.
" Mais soit, vous êtes libre de vos mouvements."
D'un geste, il fit signe aux matelots de replacer la passerelle. De son côté, il regagna son gouvernail.

[Taliesin]

-Merci, dit-il simplement.
Il était déçu, en réalité. Il avait vaguement espéré que sa démarche le pousserait à y réfléchir à deux fois avant de simplement lever l'ancre. Mais... c'était manifestement peine perdue.
-Victor, Baptiste, allez récupérer ce que nous avons laissé dans la cale. De mon côté, je prends ce qu'il y a dans le coffre. Enfin... Nous nous occuperons de Minuit.
Sans doute leur faudrait-il un coup de main pour la mener à terre, cependant...

[Galathée]

Les enfants s'exécutèrent : Baptiste d'emblée, Victor manifestement incrédule. Sur un geste de Voronwë, Gaelin était allé ouvrir la cale de Minuit. Mais sans l'aide de Nremyn, sortir le cheval du sous-sol s'avéra moins facile. Nerveux, l'animal se rebiffa, si bien qu'il finit par se retrouver au milieu du pont, désorienté. C'est Victor qui le reprit en charge et l'emmena, tant bien que mal, jusqu'à la terre ferme. Baptiste le suivit, puis Taliesin.
Au moment où le barde posait le pied à terre, l'homme en tablier de cuir vint à sa rencontre.
" Nous sommes prêts à vous payer, pour votre aide, dit-il avec précipitation. Demandez à vos amis quel serait le prix."

[Taliesin]

Il soupira.
-Malheureusement, ce ne sont pas mes amis, messire : je suis simple passager sur ce navire.
Il jeta un regard par-dessus son épaule.
-Mon aide vous est déjà acquise. Je vais essayer de convaincre le capitaine mais je ne puis rien garantir.
Et il rebroussa chemin, se disant que les choses auraient été beaucoup plus simples s'il n'avait s'agit là que d'une question d'argent.

[Galathée]

" Essayez quand même." avait murmuré l'homme avant qu'il ne reparte.
Le capitaine vit le barde remonter à bord et vint à sa rencontre, la mine fermée. Il avait l'air de se douter de ce qu'il voulait.
" Je ne veux pas de leur argent. Ils savent très bien ce que je veux." dit-il d'emblée, bras croisés.

[Taliesin]

Un instant, Taliesin fut décontenancé, car il s'était entendu à ce qu'il l'envoie tout simplement balader.
Mais au lieu de cela, il ménageait une ouverture. C'était presque inespéré.
-Je ne pensais même pas évoquer l'argent, répondit-il, sincère. Mais si vous me dites ce que vous souhaitez obtenir d'eux, je peux essayer de négocier. De toute façon, ils ont cruellement besoin d'aide.
Il aurait préféré que celle-ci leur soit accordé gratuitement, sans rien attendre en retour. Mais le moment était mal choisi pour faire la fine bouche.

[Galathée]

" Je veux qu'ils cessent d'occuper et d'exploiter la colline du Faisan. Définitivement. Mais ils n'accepteront pas." dit le capitaine avec mépris.
Son regard passa par-dessus l'épaule du barde, pour se poser sur les villageois rassemblés au pied de la passerelle. Pas un n'aurait osé monter à bord de l'Ecureuil. Les autres elfes les observaient avec méfiance, sans plus d'aménité que s'ils avaient été des gobelins.

[Taliesin]

-Puis-je demander... ce qu'est exactement ce site ? fit-il, poli.
Un ancien lieu sacré, probablement. Un lieu, également, qui soit abritait des ressources naturelles, soit constituait un emplacement stratégique, ce qui avait amené des gens à s'installer en ce point précis de la région. Un lieu dont l'abandon les forcerait certainement... à déménager.
Mais mieux valait être fixé qu'émettre des hypothèses.