[Lieu] Une cité perdue

[Galathée]

Giovanni était subtil : Hubert ne le laisserait pas s'en tirer à si bon compte. Mais c'était une joute qui se livrerait hors de sa présence. Albérich repartit donc à la recherche de Freya, tout en se demandant si Marthe, aussi, viendrait lui annoncer qu'elle partait. Il ne savait pas bien ce que cette perspective lui évoquait... Des regrets, peut-être un peu de soulagement, de la crainte, de la résignation. Si seulement elle osait venir le lui dire...

[Taliesin]

La rencontre avec Freya fut pareille à toute les précédentes : ils devisèrent tranquillement en marchant dans les jardins.
Le nombre des civils évacués ne l'effraya en rien et elle l'assura qu'elle avait déjà discuté avec ses compagnons pour savoir lesquels guideraient la colonne et lesquels demeureraient ici. Elle souligna toutefois qu'il vaudrait mieux armer certains membres de la Communauté : les Landes, après tout, demeuraient la région la plus dangereuse d'Helonna et même avec des locaux, il se pouvait que le trajet ne se révèle pas totalement exempt de périls.

[Galathée]

Ces paroles ne rassurèrent pas Albérich. Peut-être aurait-il dû mettre un frein à cet exode ridicule : ils étaient en sécurité, dans le palais, alors pourquoi partir ? Il était conscient qu'il craignait, viscéralement, que ce refuge ne soit pas aussi sûr qu'il en avait l'air. Pourtant Lathandre l'avait assuré de son inviolabilité. Philibert avait raison : certaines personnes s'étaient laissées convaincre par sa réputation, alors qu'objectivement, il n'était pas certain que ce soit le meilleur choix.
C'est particulièrement troublé qu'il se rendit au rendez-vous qu'il avait lui-même fixé aux colons sur le départ...

[Taliesin]

Se trouvaient là les dizaines d'adultes qui accompagneraient les enfants en un lieu dont l'avenir dirait s'il était réellement plus sûr.
Les mines étaient graves, le silence profond.
Non, décidément, s'il avait eu le moindre doute à ce sujet, il aurait été instantanément dissipé : personne, absolument personne n'était heureux de partir. On s'y résignait, simplement, et on essayait de ne pas trop montrer à quel point c'était douloureux.

[Galathée]

Il s'assit sur le bord de l'estrade plutôt que de prendre sa place habituelle et attendit qu'ils soient tous plus ou moins installés pour prendre la parole.
" Je dois être honnête avec vous, dit-il. Plus le temps passe, et moins je suis convaincu par la nécessité que vous partiez. La première fois que j'y ai songé, ça m'a semblé la chose à faire. Aujourd'hui je ne sais plus bien. Alors je propose qu'on prenne peut-être le temps d'en rediscuter tous ensemble, et que vous ayez chacun l'opportunité d'y réfléchir une dernière fois, à votre aise."
Il chercha ses mots une seconde.
" Les Paludiers des Dents Grises sont des gens honorables. Lorsque nous aurons établi la cité, ce seront probablement nos premiers voisins. Nous avons beaucoup à gagner d'échanges avec eux : ils ont une expertise de l'environnement qui est précieuse, ils savent vivre dans ces landes dévastées, en abstraire nourriture, combustibles, textiles... Même si nous travaillons la terre autour de Clairétoile, il faudra des années avant qu'elle produise de quoi nous nourrir tous... Grâce au savoir des Paludiers, nous pourrons, petit à petit, nous approprier ces lieux et ne pas dépendre uniquement des denrées de Grand Estuaire. Vu la situation présente, nous ne savons prévoir quelle partie des mines pourra être exploitée... si nous pouvons seulement le faire sans prendre de risques. En cela, aller aux Dents Grises, tisser des liens vrais avec les Paludiers, est utile à la communauté. A la fois au niveau diplomatique, mais aussi au niveau pratique que je viens de vous exposer. C'est un premier aspect positif du voyage. Un second aspect, c'est l'accès à l'extérieur. Ici, nous sommes protégés mais enfermés. C'est vrai qu'on jouit de ces jolis jardins préservés... On est presque dehors. Mais c'est peu propice aux batailles de boules de neige et au patinage sur lac gelé. Je ne sais pas si certains d'entre vous se sentent confinés... si certains aimeraient aller à la pêche ou à la chasse, si d'autres voudraient... fendre du bois et se réchauffer à la flamme d'un vrai feu. Il est vrai qu'en dépit des événements, nous sommes ici depuis peu de temps..."
Il soupira.
" A côté de ça, il y a l'aspect sécuritaire. Je sais que c'est celui que nous avons mis en avant. Il émane, je pense, d'un réel sentiment de menace... mais qui reste diffus. Nous sommes peut-être, effectivement, en absolue sécurité. C'est un paradoxe, quelque part, pour ceux d'entre nous qui sommes en première ligne à tout moment : comment concilier notre impression de sécurité avant le savoir que nous avons d'une réelle catastrophe en gestation ? C'est peut-être ce qui nous donne l'impression que tout va s'écrouler. Je ne sais pas. Je sais que je ne peux pas nier que le voyage jusqu'aux Dents Grises sera long, pénible et dangereux. Et peut-être, effectivement, n'en vaut-il pas la peine. Peut-être que vous devriez tous rester ici, tout compte fait. Mais je ne veux pas décider pour vous. On m'a dit que j'avais induit votre décision, parce que vous me faites confiance, que j'ai été aubemestre, conseiller à Luménis... Mais tout ça ne me donne aucune expertise sur la situation présente. Si j'avais des certitudes, je vous le dirais. Et quand j'en aurai, je vous le dirai aussi. Mais aujourd'hui, je n'en ai aucune. Je sais que c'est insécurisant, mais je pense que vous avez tous et toutes fait le choix d'un futur où vous êtes les acteurs des décisions, pas de simples témoins."

[Taliesin]

Son discours les fit peut-être douter mais, pour autant, ils ne changèrent pas d'avis.
Les arguments concernant la nécessité de tisser les liens avec les Paludiers et d'apprendre leur savoir ne portèrent guère : sans doute avait-il semé des graines qui germeraient et feraient sens plus tard mais, dans l'immédiat, il eut l'impression qu'ils étaient surtout pris comme une tentative pour parer du sceau de l'utilité une opération qui ne l'était pas vraiment.
Personne ne rebondit non plus sur les aspects de détente que pourrait avoir la retraite : manifestement, les colons avaient davantage envie d'aider le groupe à s'en sortir que de se distraire. Néanmoins, d'aucuns reconnurent que de l'air frais ne ferait pas de mal aux enfants.
Les retours les plus nombreux concernèrent... la tranquillité d'esprit des conseillers et des soldats : si ceux-ci passaient leur temps à s'inquiéter pour les civils, ils seraient moins concentrés sur la lutte contre les périls qui les menaçaient. En cela... Aller en un lieu sûr pouviat être considéré comme utile.
Enfin, plusieurs personnes demandèrent solennellement à Albérich de ne faire appel à des forces extérieures qu'en cas d'extrême retour : accepter d'être temporairement écarté du projet, accepter d'être pour quelques temps envoyé loin de ce qui était devenu leur foyer, c'était une chose ; renoncer entièrement à leur projet, c'en était une autre à laquelle ils ne pourraient consentir que si vraiment le destin d'Helonna en dépendait.

[Galathée]

Sur cet aspect, Albérich promit. Il partageait leur sentiment et entendait ne les décevoir que si les choses leur échappaient complètement. Puisqu'ils étaient décidés à partir, il discuta ensuite avec eux des aspects pratiques, y compris la nécessité de s'armer pour parer à toute éventualité, comme le lui avait demandé Freya. Dès que la réunion serait terminée, il irait d'ailleurs voir les intendants pour discuter avec eux des préparatifs du départ... qui aurait lieu dès le lendemain matin, idéalement.
Il aborda encore deux sujets avec les colons en partance.
Le premier avait trait aux contrats. Il estimait que la situation était telle que certains pouvaient désirer rompre leurs engagements. Cela devrait pouvoir se faire sans sanctions d'aucune sorte, bien évidemment.
Le second était lié à la nécessité, à son sens, d'élire un second conseil, pour les représenter aux Dents Grises. Les Paludiers auraient besoin d'interlocuteurs et la communauté de portes-paroles. Il lui paraissait important qu'ils puissent décider, dès à présent, de quelques noms. Puisqu'ils étaient tous réunis, pourquoi ne pas le faire tout de suite ? Lui-même se retirerait pour ne pas influencer leurs délibérations.

[Taliesin]

Personne ne réagit au premier point.
Concernant le second... Tout le monde vit le bien fondé de la remarque mais l'avis général fut d'avoir un temps de réflexion. Même à des centaines de lieues de distance, ils entendaient demeurer des membres à part entière de la Communauté : élir un second Conseil aurait des allures... De sécession. Mais ils promirent d'y réfléchir et de trouver, à minima, des délégués pour discuter avec les Paludiers.

[Galathée]

Albérich leva la séance, promettant de rester disponible pour toute question, suggestion, changement d'avis, ou quoi que ce soit d'autre. Il se trouverait probablement en cuisine ou dans une des pièces dévolues à l'accueil de leur matériel. Si qui que ce soit manquait de couvertures, vêtements, chaussures, ou de n'importe quelle autre fourniture, c'était le moment d'y penser. Pour le reste, il les reverrait d'ici à leur départ, bien sûr.

[Taliesin]

Il trouva Clovis et Marcus dans la petite salle dévolue à l'intendance, à côté des cuisines.
Et il découvrit que les choses étaient déjà bien engagées.
Le premier partirait, avec toute son équipe ; demeurerait le second, avec la sienne.
On avait même déjà commencé à procéder à la division des vivres et du matériel.

[Galathée]

Il les félicita pour leur esprit d'initiative et leur remit les listes, afin qu'ils sachent exactement combien d'adultes et d'enfants seraient dans le groupe qui partait. Il leur suggéra de compter large, et de peut-être prévoir l'un ou l'autre présent pour les Paludiers qui les accueilleraient... Peut-être pouvait-on prélever dans les tonneaux qu'ils avaient trouvés dans les caves du palais, par exemple... De son côté, il irait voir à l'armurerie pour les armes... mais il avait autre chose en tête, d'abord. Il n'avait pas vu Gabriel, parmi les personnes en partance, et cela lui semblait... tout à fait très suspect.

[Taliesin]

Les petits Paludiers - qui allaient se retrouver hébergés au sein d'une tribu qui avait toute les raisons de haïr leur défunt clan - étaient sous la garde provisoire de volontaires. Lesquels lui apprirent qu'il y avait une réunion entre clercs, pour savoir lesquels accompagneraient les civils et lesquels resteraient avec les militaires. On lui conseilla cependant d'attendre qu'elle soit terminée : apparemment, l'ambbiance était assez houleuse.
Autant pour la franche camaraderie qui s'était établie de prime abord.

[Galathée]

Albérich battit en retraite vers l'armurerie et se chercha un officier. Ni Hubert ni Frida n'étant disponible, il espérait que l'état-major avait désigné quelqu'un qui pourrait l'aider à armer la nouvelle colonne. Cette histoire de réunion de clercs l'inquiétait quelque peu. Si cette retraite jusque chez les Paludiers les déforçait de compétences précieuses, elle était vraiment de moins en moins utile et de plus en plus problématique. Il ne l'avait suggérée que parce qu'il espérait que les hommes de Freya pourraient la mener sans l'appui des combattants de la colonne...

[Taliesin]

Le premier des officiers qu'il croisa fut Gaspard, lequel lui promit de veiller à ce que les civils qui constitueraient l'escorte soient convenablement équipés. Mais au moment où le clerc s'apprêtait à repartir, il le retint, très embarrassé.
-Pensez-vous qu'il... hum... vous serait possible de convaincre messire de Maleval de me laisser accompagner la colonne ? Mes vœux m'engagent à... protéger la veuve et l'orphelin, et cela s'applique évidemment à... toutes les personnes sans défenses. Alors sachant qu'ils vont devoir traverser les Landes sans guère de protection, sachant aussi que mon écuyer... ne peut pas rester...

[Galathée]

Diable, Gaspard venait de confirmer ses craintes de manière spectaculaire.
" Rien n'oblige ton écuyer à partir... Il n'y a d'obligation pour personne. Et tu ne dois pas non plus convaincre Hubert, ou moi : tu es libre, toi aussi. Mais... réfléchis-y quand même, Gaspard... La colonne sera protégée par les Paludiers, ils connaissent bien la région... Si les militaires se mettent à quitter la cité avec eux, alors leur mise en sécurité n'aura servi à rien, nous serons moins nombreux ici, comme si nous avions dû affecter une partie des effectifs à leur protection au sein du palais."

[Taliesin]

Le chevalier acquiesça, mal à l'aise.
-Je comprends bien. Néanmoins, après avoir traversé les Landes, après avoir... expérimenté les différents dangers qu'elles recèlent... Je vais avoir du mal à être rassuré, sachant la colonne protégée par une poignée de civils et de Paludiers.
Il soupira.
-Merci de m'avoir écouté. Je vais y réfléchir et, auparavant, m'occuper de l'équipement.

[Galathée]

Albérich pinça les lèvres.
" Réfléchis... mais si ta décision est prise, ne reste pas contre ton gré. Hubert comprendra."
Laissant le chevalier à ses préparatifs, le Luménien repartit, croisant les doigts pour que la défection de Gaspard n'en entraîne pas d'autres. Il avait demandé aux gens de venir le trouver avant midi, mais dans les faits, plusieurs avaient attendu de le croiser plus tardivement pour lui annoncer leurs intentions. Il lui semblait que Marthe et Etienne restaient à risque. Mais peut-être que la première demeurerait pour ne pas désavouer le conseil deux fois de suite... et que le second se refuserait à s'éloigner encore davantage des autres prisonniers, en dépit de l'écroulement de ses espoirs.
A cet égard, le retour de son écuyer, si Louis n'avait pas menti, changerait peut-être la donne...

[Taliesin]

Pendant qu'Albérich arpentait le palais, Hubert, comme convenu, s'était rendu dans la chapelle où avait résidé Guillermo et où ils avaient procédé à une petite célébration.
Rien n'avait changé depuis leur départ : le mercenaire n'était pas revenu, les yeux de la statue brillaient toujours et - élément désormais beaucoup plus remarquable - les cierges continuaient à brûler, comme si on les avait allumés seulement quelques instants plus tôt. De surcroit, le paladin se sentit particulièrement bien, ici, éprouvant un sentiment qui, sans être aussi fort que celui qu'il avait connu au temple de l'aube, ne l'en rappelait pas moins.

[Hubert de Maleval]

Le paladin avait espéré que Guillermo serait revenu, aussi éprouva-t-il une furtive déception en réalisant qu'il n'en était rien. Les lieux auraient sûrement constitué un refuge contre la catastrophe ambiante, peut-être pas aussi puissant que le palais, mais imbu tout de même de magie. Il ne s'attarda pas, cependant. Il devait encore aller à la chapelle que le Luménien avait indiquée à Louis, et pour cela, il voulait constituer une petite équipe : Tara la Tymoranne, bien sûr, qui lui semblait plus fiable que son jeune collègue, Varamyr, et un des deux paladins sunites, sans doute Renaud. Il avait aussi besoin du concours de Giovanni, mais il ne lui avait plus parlé depuis sa colère de l'avant-veille, aussi décida-t-il de commencer par lui... Dès qu'il fut de retour au palais, il se mit donc en quête du barde.

[Taliesin]

Debout dans la salle commune, le barde était en pleine conversation avec Roxane. Lorsqu'il aperçut Hubert, de l'inquiétude et de l'embarras se peignirent brièvement sur son visage. Cela ne l'empêcha pas de s'excuser auprès de sa consœur, de se composer une mine avenante et de rejoindre rapidement le Lathandrite.
-Salut Hubert. Est-ce que je peux faire quelque chose pour toi ?

[Hubert de Maleval]

" Oui, dit le paladin. Je dois faire une intervention cet après-midi pour laquelle j'ai besoin d'être invisible... Est-ce que tu pourrais m'aider pour ça ? Et te joindre à nous ensuite, si tu veux... Je sais que tu ne voulais plus trop sortir mais... il n'y aura pas grand chose à découvrir... sauf peut-être des colons en péril que nous devrons ramener ici."

[Taliesin]

-Vous organisez une nouvelle opération de secours ?
Il se frotta le menton, songeur.
-Pour l'invisibilité, aucun problème, j'en ai toujours quelques sortilèges en réserve. Pour vous accompagner... Honnêtement, je ne vois pas trop en quoi je pourrais vous être utile, sans compter qu'il y a un livre auq je dois impérativement finir de lire d'ici ce soir. Mais après, si tu as impérativement besoin de moi...

[Hubert de Maleval]

" Je comprends... Je te préviens un peu à l'improviste et franchement... Soit ça barde, et c'est sans doute mieux de ne pas t'y exposer, soit ça ne barde pas, et ça devrait être réglé en quelques minutes. Bon, mais... si tu me dis où tu es, je pourrai venir te chercher au moment où j'ai besoin du sortilège ? C'est peut-être le plus simple..."

[Taliesin]

-Je serai soit ici, soit à la bibliothèque : aucune chance, vraiment, que je me trouve ailleurs.
Il sourit.
-Je te dis donc à plus tard, Hubert !
Et, sur un salut amical, il s'en fut retrouver Roxane.

[Hubert de Maleval]

Hubert laissa donc le barde et alla chercher les autres protagonistes de l'intervention, qu'il rassembla dans la salle d'état-major.
" Bien. Nous allons procéder, cet après-midi, à une intervention un peu particulière... qui pourrait se dérouler en dix minutes... ou bien mal se passer. Nous allions rallier une chapelle non loin de la caserne. Nous devrions, si tout se passe bien, y récupérer un groupe de prisonniers qui ont échappé aux Ithiliens. Je passerai le premier pour m'assurer que la voie est libre. Si elle l'est, Tara, tu devras chercher le panneau de transfert, comme chaque fois. Varamyr, ton rôle sera de surveiller les portes. Renaud et moi, nous nous chargerons des évadés. Je les sonderai avant le passage, on ne peut pas faire autrement."

[Taliesin]

Clair, précis, efficace : aucun des membres de la future expédition n'eut de question à poser, tous semblaient motivés et ils lui demandèrent simplement l'heure et l'endroit auxquels ils devaient se rassembler.
La perspective de retrouver certains des captifs ne les laissait pas indifférents, c'était le moins que l'on puisse dire. Restait à savoir si cela se concrétiserait ou... s'il s'agirait d'une nouvelle duperie de la part du comte d'Argencourt.

[Hubert de Maleval]

Hubert n'avait pas l'intention de se faire piéger. Pendant les deux heures qui le séparaient de l'intervention, il s'entraîna, beaucoup plus concentré que la veille, reprenant même ses exercices de tir à l'arc, puisque Freya avait fait installer un pas de tir. Quand enfin il fut l'heure d'aller à la chapelle, il commença par débusquer Giovanni, puis rejoignit le reste de l'équipe dans la salle aux symboles.
" Bon. Dès que je serai invisible, j'irai jeter un oeil dans la chapelle. Je serai vite de retour, sinon le téléporteur va cesser de fonctionner... Ne passez pas tant que je ne vous en donne pas le signal. A tout de suite !"

[Taliesin]

Ils acquiescèrent.
-Fait vite, vraiment, lui conseilla Giovanni. N'oublie pas que je ne suis pas un expert et que mon sortilège est donc susceptible de se dissiper avant que le symbole, lui, n'ait disparu.
Sur ces mots, il incanta.
-Voilà, ta splendeur est désormais dissimulée aux yeux du monde. Alors file !

[Hubert de Maleval]

Sans plus attendre, Hubert se dirigea donc vers le symbole qui figurait la chapelle de l'anneau intérieur le plus proche de la caserne qu'ils avaient visitée la veille. Par précaution, il avait déjà dégainé son épée : ce serait plus silencieux si c'était nécessaire...

[Taliesin]

Il faisait sombre, très sombre, même, dans la petite chapelle.
La lumière qui filtrait depuis l'extérieur était pour ainsi dire insignifiante.
Mais cela n'empêcha pas Hubert de discerner bon nombre de silhouettes.
Plusieurs personnes étaient adossées contre l'un des murs, emmitouflées dans des couvertures en loques.
Il entraperçut des visages ridés, des visages juvéniles.
Des visages invariablement marqués.
Plus loin, un adolescent armé de pied en cap mais les épaules voûtées se tenait à côté d'un homme à l'allure familière.
Guillermo.
Celui-ci venait de poser la main sur la bouche du garçon - l'écuyer d’Étienne, semblait-il - pour le réduire au silence.
Et, l'autre main sur la garde de son épée, il se tenait aux aguets, comme s'il avait perçu un changement.
Peut-être un mouvement d'air inhabituel avait-il trahi Hubert. A moins qu'il ne s'agisse d'un bruit léger.
Mais cela avait aussi pu provenir du dehors...