[Lieu] Une cité perdue

[Hubert de Maleval]

" Je voudrais qu'on ramène un des blessés ithiliens à l'intérieur. Je veux voir comment la chapelle à présent qu'elle est activée réagit à... ces ténèbres. Je vais aller le chercher. Sois sur tes gardes, on ne sait jamais ce qui peut se passer..."
Puis il sortit à l'extérieur, jusqu'à l'endroit où ils avaient cruellement abandonné les corps de leurs ennemis mourants. La culpabilité le reprit tandis qu'il marchait dans la neige. Peut-être avaient-ils tous succombé, en réalité... Il aurait dû les achever, c'était la chose la plus respectable à faire. Compter sur le retour de leurs alliés pour les sauver, compte tenu de ce qui s'était produit plus tôt, était illusoire... Dans le même temps, il avait l'impression qu'il aurait dû tenter de les ramener vers la lumière. Il était Lathandrite... mais il y a des jours où être Helmite lui aurait franchement facilité la vie.

[Taliesin]

Certains des blessés respiraient encore.
Il souleva l'un d'entre eux, le transporta jusqu'au seuil de la chapelle.
Et fut incapable d'aller plus loin.
Il n' eut pas d'événement spectaculaire : pas de bruit, pas de lumière.
Il avait simplement l'impression qu'une barrière intangible lui interdisait le passage.
A lui ou... à son fardeau.

[Hubert de Maleval]

Cela réglait le problème. Il ramena le blessé jusque là où reposaient ses confrères, puis dégaina son épée et prit une profonde inspiration. Il faisait froid, prolonger leur agonie était indigne. Et il ne pouvait rien pour eux.
Ou alors...
Peut-être était-il capable, lui, l'être de sang céleste, de repousser le démon qui avait pris racine chez ces malheureux. Il n'en était pas certain, et il ne savait pas comment faire pour l'extirper de leur carcasse.
S'ils étaient possédés, ce qui restait une supposition.
Il frissonna, puis ferma les yeux et essaya de trouver cette résonance en lui-même, le contact avec cette essence étrangère, qui était pourtant intimement sienne. Repousser l'ombre, le mal, le démon. Peut-être savait-il le faire sans le savoir... Il devait au moins essayer.

[Taliesin]

Il ne sut combien de temps il resta plongé en lui-même.
Mais il finit par rouvrir les yeux, par se voir lever une main, par s'entendre prononcer des syllabes qui lui étaient totalement étrangères.

Hubert --> Rejet du Mal

Il fut aussitôt entouré d'une aura lumineuse, blanche et scintillante, qui repoussa quelque peu la nuit.
L'instant suivant, il posait sa paume contre le front du blessé.
Les paupières de l'Ithilien se soulevèrent, sa bouche s'ouvrit sur un cri silencieux.
Un cri que le paladin cru toutefois percevoir, à l'intérieur de lui-même.
Un cri de haine, de colère, de dépit.
Une fraction de seconde, il eut l'impression qu'une ombre se dressait devant lui, avant de se volatiliser.
Le soldat, lui, s'était affaissé.
Les ténèbres régnaient à nouveau en maîtresses : l'aura s'était dissipée.

[Hubert de Maleval]

Hubert resta incrédule, assis sur ses talons. Il détecta à nouveau le mal, pour voir ce qu'il en était de l'aura de l'Ithilien qu'il venait de... toucher. S'il était désormais moins vicié, il le ramènerait à l'intérieur et le soignerait. Il ne pouvait rien faire pour les autres car il sentait, viscéralement, que le prodige qui venait de se produire ne pourrait être répété cette même nuit.
Il faudrait qu'il s'en ouvre à Guillermo, même si le mercenaire lui dirait immanquablement de les achever, il le savait bien...

[Taliesin]

Hubert ne détecta rien.
Mais il n'en put rien déduire car... l'Ithilien venait de rendre son dernier soupir.
Affaibli par ses blessures et par le froid mordant dans lequel on l'avait laissé, sans doute n'avait-il pas supporté sa "libération", laquelle était forcément un moment éprouvant.
Cependant, sans doute aurait-il été trop tard pour le sauver.

[Hubert de Maleval]

Cette déconvenue l'affecta durement. Il avait cru un instant avoir réussi à sauver cet homme et en réalité, il l'avait perdu. Il sentit une boule de rage se former dans son estomac et se releva, s'offrant une seconde au vent glacé pour retrouver son calme. Puis il dégaina à nouveau son épée et acheva les autres blessés. C'était la seule chose à faire, une chose répugnante, qui le hanterait, mais il ne pouvait pas les sauver, ni les laisser à agoniser là, et il fallait que quelqu'un s'en charge, et ça aurait été injuste de charger Guillermo d'une telle besogne.

[Taliesin]

-Vous auriez dû me laisser faire, dit cependant le mercenaire lorsqu'il le rejoignit.
Un regard à son expression avait suffi à lui apprendre ce qu'il soupçonnait sans doute déjà.
-Je ne fais pas ce genre de chose de gaieté de cœur mais... comme je n'ai pas votre sens de l'honneur, c'est forcément un peu moins rude.

[Hubert de Maleval]

" Je suis désolé, je n'ai pas envie d'en parler." répondit Hubert en évitant son regard.
Il soupira.
" Je n'ai rien pour mettre le feu... Je ne sais pas si tu as quelque chose..."

[Taliesin]

-J'ai ce qu'il faut.
Il lui donna une tape amicale sur l'épaule.
-Je vais en avoir pour un petit moment. Mais restez donc tranquillement ici : l'atmosphère est particulièrement apaisante.
Sur ce, il alla récupérer une bougie et sortit.

[Hubert de Maleval]

Il s'assit sur un banc et se prit la tête dans les mains. Il se sentait malade. Il n'avait même pas songé à une bougie, pas un instant, l'esprit complètement emprisonné dans l'ignominie qu'il venait de commettre. Il s'excusa à mi-voix auprès de Sunie, et pria Lathandre, cherchant du réconfort dans l'atmosphère protégée de la chapelle. Guillermo avait raison, il y avait quelque chose dans l'air qui tempérait peu à peu les battements de son coeur, qui relaxait sa carcasse tendue, qui chassait la fatigue. Mais le dégoût était tenace. Il avait déjà tué des hommes, pourtant, plus d'une fois depuis le début de cette expédition. Il avait espéré retrouver son élan de paladin, mais à la seconde présente, il avait l'impression qu'il n'avait récolté que du sang sur les mains. Du sang humain, beaucoup trop de sang humain. Il se sentait sale, sans savoir ce qui lui ôterait cette impression d'avoir la mort vissée au corps.
Il avait tué des adversaires, mais il venait d'achever des hommes blessés, possédés, prisonniers d'un cauchemar déclenché par la bêtise ou la perversion de leur chef. Où iraient leurs âmes, à présent, qu'ils avaient trépassé avec l'ombre en leur sein ? Peut-être... aurait-il dû appeler les clercs à la rescousse, pour chasser les ténèbres, soigner leurs corps... Si seulement il avait songé à soigner avant de purger... Mais là aussi, il n'y avait pas pensé.
Il frissonna, pria à nouveau, chercha la lumière dans les yeux de l'elfe de pierre qui surplombait l'autel. Ils avaient réussi quelque chose, ce soir, mais à quel prix ?

[Taliesin]

-Hubert ?
Même si le mercenaire avait parlé doucement, cela avait suffi à le faire sursauter.
-Nous pouvons rentrer; Je crains que les autres ne commencent à s'inquiéter.
Combien de temps était-il resté ainsi ? Impossible de le dire. Mais quelque chose, en lui, sentait l'aube toute proche.

[Hubert de Maleval]

" Oui." dit simplement le paladin en se levant.
Finalement, c'était une bonne chose que le jour approche : il savait qu'il ne parviendrait de toute façon pas à dormir.
" Nous allons ramener nos morts."
Il ne restait pas grand chose de Varamyr, mais Hubert se refusait à abandonner son corps — ou celui de l'Antelucien tombé, d'ailleurs — derrière eux. Il activa le téléporteur et laissa Guillermo passer devant.

[Taliesin]

Le mercenaire, grave et respectueux, ce chargea de l'un des fardeaux.
Tour à tour, ils quittèrent la quiétude de la chapelle pour l'atmosphère plus neutre - mais plus chaude - de la salle des symboles.
S'y trouvait le garde envoyé par Albérich, lequel parut soulagé de les voir revenir.
Ils avaient été absents un bon moment...

[Hubert de Maleval]

Hubert décida de ne pas descendre en transportant les cadavres au vu et au su de toutes les personnes réveillées et sûrement soucieuses qui les attendaient. Il proposa à Guillermo de les entreposer dans une des pièces voisines. Ensuite, il proposa au chef mercenaire de descendre avec lui pour prendre un remontant — peut-être simplement le petit déjeuner, tout en lui assurant qu'il comprendrait très bien qu'il préfère se replier dans la chambre qu'il partageait avec les jeunes Paludiers. De son côté, il fallait qu'il s'assure de la bonne santé de tous ceux qui avaient traversé cette nuit difficile : Giovanni, Gaspard, Thibault, notamment... qu'il voit Frida et Albérich... puis qu'il s'asseye quelque part en attendant l'aube et, il l'espérait, un moment de paix. Si Lathandre ne le punissait pas pour ses crimes, évidemment...

[Taliesin]

Après qu'ils aient déposé leurs défunts dans la pièce qui, de fait, ferait office de chambre mortuaire, Guillermo lui dit de prendre les devants, l'assurant qu'il le rejoindrait avant longtemps. De fait, il le rattrapa alors que le paladin parcourait les couloirs du rez-de-chaussée.
L'aube avait beau être proche, beaucoup de monde dormait et la préparation du petit déjeuner général n'avait pas encore commencé. Mais on avait prévu de quoi sustenter et abreuver les membres de l'expédition à la chapelle, et Hubert ne tarda pas à apprendre que tous les blessés étaient hors de danger et qu'ils se reposaient simplement dans l'infirmerie fraichement aménagée.

[Galathée]

Plus tôt, Albérich avait rejoint la salle commune où devait se trouver Frida. Il voulait superviser l'installation des blessés avec Marcus et s'occuper les mains et l'esprit jusqu'au retour d'Hubert et de Thibault. Malheureusement, il n'y avait pas suffisamment à faire, et il se retrouva rapidement oisif, assis, à attendre et scruter le chemin qu'emprunterait le reste du groupe en rentrant. Il songea qu'à nouveau, les personnes qui lui étaient les plus chères s'étaient retrouvés en danger pendant qu'il était en sécurité au palais. Thibault avait plaisanté avant de partir... et le désastre avait frappé. Il frissonna. Pourvu que rien d'autre ne se soit produit...

[Taliesin]

Thibault finit par faire son apparition dans la salle commune. Il avait l'air épuisé, éprouvé, mais cela ne l'empêche pas de sourire en s'assayant face à son ami.
-Et voilà, c'est réglé. On notera ici la supériorité des Sunites sur les Lathandrites : vous n'en avez même pas terminé avec vos chapelles alors que ça fait des jours que vous y êtes et nous, ça a été bouclé en une nuit...

[Galathée]

Albérich leva les yeux au ciel.
" Tu m'avais promis d'être sage, accessoirement, et on peut dire que tu as encore réussi à attirer les ennuis..."
Mais son sourire se figea.
" Je suis heureux que vous vous en soyez tirés..."
Aucune trace d'Hubert, cependant.

[Taliesin]

-Malheureusement pas sans pertes, comme tu le sais... Mais bon, il y a ici des diamants et des clercs : rien n'est irrémédiable, dès lors. J'en suis la preuve vivante.
Il soupira.
-Le cercle extérieur a donc été bouclé. Il ne s'est rien passé de spectaculaire mais j'ai eu l'impression que la chapelle où nous nous trouvions est devenue... Plus sacrée que jamais. Il faudra essayer de faire la même chose pour le cercle intérieur : s'ils ont voulu nous en empêcher, ça n'est pas pour rien.

[Galathée]

" D'abord vérifier qu'ils n'ont pas pu détruire celles que nous avions déjà activées, je suppose... Mais oui, c'est la prochaine étape, tu as raison. Je mémoriserai les sorts nécessaires pour remettre les lieux en état... J'espère juste que la magie de la statue n'est pas complètement perdue."
Il se força à sourire.
" Nous essaierons, de toute façon..."
Il regarda à nouveau vers l'escalier.
" Hubert n'est pas rentré avec vous ?"

[Taliesin]

Thibault secoua la tête.
-Non, il s'est attardé avec Guillermo.
Son sourire se fit mutin.
-Mais rassure-toi : je ne crois pas que c'était pour passer un moment romantique.

[Galathée]

Albérich se sentit rougir.
" Je n'imaginais rien de tel, c'est juste... Je ne sais même pas exactement ce qui s'est passé. Je n'ai pu qu'en contempler le résultat... Giovanni avait l'air très éprouvé. Vexé, aussi, qu'Hubert le laisse en rade..."
Il regarda derrière son épaule.
" Je ne sais pas où il est allé..."

[Taliesin]

-Je ne l'ai pas croisé depuis mon retour...
Il soupira.
-Mais il faut qu'Hubert arrête de... mettre à l'abri ceux qu'il apprécie. Cela part d'un bon sentiment mais... C'est humiliant et infantilisant, quelque part. Cela n'aide pas à avoir confiance en soi, en tout cas.

[Galathée]

" Tu prêches un converti, dit Albérich avec un calme sourire. Dans le même temps, sa tranquillité d'esprit est parfois plus utile qu'un allié supplémentaire. C'est un équilibre difficile à trouver. Et Giovanni avait vraiment l'air épuisé, Thibault. Tu as l'air épuisé, toi aussi, d'ailleurs. Curieusement serein, pour quelqu'un qui vient de réchapper à la mort, mais épuisé."

[Taliesin]

-Épuise et pas déprimé, car j'ai eu la chance de ne pas être fichu dehors contre ce pauvre Giovanni, dont l'amour-propre a dû en prendre un sacré coup. Je le répète, Hubert devrait faire attention, sous peine de démotiver tout le monde : s'il veut vraiment tout régler tout seul, pourquoi ne pas nous avoir renvoyé avec les civils ?
Il avait parlé sans agressivité mais l'on sentait que cela ne lui plaisait pas, malgré tout.

[Galathée]

Même si le côté protecteur d'Hubert l'agaçait, il le comprenait, dans le même temps. Mais il avait plus d'affection pour le paladin que Thibault, qui ne voyait que le côté humiliant des choses, pas la démonstration d'une vocation, d'un souci sincère, et, sans doute, d'un sens des réalités qui prenait le pas sur l'amour-propre. Mais en ces matières, les Sunites étaient des créatures tout à fait incompréhensibles pour Albérich : lui-même n'avait jamais été quelqu'un de fier et il ne comprenait pas qu'on puisse placer une espèce de notion de soi-même idéalisée au-dessus des nécessités. Giovanni était épuisé après avoir activé six chapelles et s'être battu contre des Ithiliens... En quoi rentrer se reposer était-il scandaleux ?
Il décida de tempérer.
" Je lui en parlerai."
Mais sûrement pas ce soir-là : il avait comme l'impression qu'importuner Hubert avec ce genre de choses terminerait de l'achever.

[Taliesin]

-J'en doute, répartit Thibault d'un ton léger. Tu aurais trop peur de... nuire à sa tranquillité d'esprit.
Il eut un sourire désarmant.
-Mais bref, je m'efforcerai de réparer ce qui peut encore l'être. Je m'y efforce déjà un peu, en coulisse... Et je ne m'en plains pas : c'est important de pouvoir se rendre utile.

[Galathée]

" Tu sais, pendant que vous étiez en train de prier et de vous battre... Tu m'as envoyé me coucher. Tu m'as même ordonné d'aller me coucher. Comme si j'étais un môme de six ans. Est-ce que je l'ai mal pris ? Est-ce que mon amour propre a saigné de savoir que pendant que j'allais dormir, vous seriez dehors, toute la nuit, à vous esquinter pour la communauté ? Je me suis senti coupable, oui, un instant. Mais tu avais raison. J'avais besoin de dormir. Et je suis allé dormir. Je n'en ai pas... brusquement perdu toute estime de moi-même. Alors que je dois maintenant gérer le fait que vous avez affronté des Ithiliens, pour la deuxième fois en une poignée de jours, que vous avez risqué vos vies, que je n'étais même pas là pour me battre à vos côtés et vous soutenir."
Il secoua la tête.
" Franchement, il y a des moments où j'ai l'impression que nous ne vivons pas dans le même plan."

[Taliesin]

Le Sunite retrouva son sérieux.
-Sans doute que nous ne vivons pas dans le même monde, dans la mesure où... Hubert et toi êtes aux commandes. Nous, nous ne sommes que des exécutants. Ce qui nous convient très bien. Mais là où vous êtes tout le temps sur la brèche, à prendre les décisions et à les appliquer... Nous, nous n'agissons que quand on nous le demande. Bref : autant vous, il est nécessaire de vous envoyer au lit de temps à autre, autant nous, qui passons le plus clair de notre temps à nous tourner les pouces... on pourrait au moins nous linir ce que nous avons commencé.