[Lieu] Une cité perdue

[Hubert de Maleval]

" Pourtant les militaires sont des gens comme les autres... C'est dommage d'imaginer qu'une ambiance de caserne est sinistre."
Son sourire se fit distant.
" Evidemment, c'est mon environnement depuis dix ans. Je n'ai pas l'impression d'avoir été en manque... de rien, sur le plan humain. J'ai connu des joies et des désillusions... Je me suis fait des amis... Je ne sais pas... C'est un groupe comme un autre..."

[Taliesin]

-Si je puis me permettre, c'est quand même un groupe un peu particulier... D'abord, il est majoritairement masculin : les femmes ne sont pas aussi nombreuses que les hommes dans les carrières martiales. Ensuite, les couples y sont rares, pour la raison évoquée précédemment et aussi parce qu'en général, les deux conjoints n'exercent pas la même profession. Enfin, on n'y trouve aucun enfant et aucun vieillard : contrairement aux autres métiers où les petits apprennent aux côtés de leurs ainés et ou les anciens peuvent dispenser leur savoir... Ceux de garde ou de soldats sont interdits aux trop jeunes ou aux trop vieux. Bref, les casernes ne sont en rien le reflet de la société dans son ensemble, si bien qu'il faut une certaine tournure d'esprit pour s'y sentir vraiment à l'aise. Même les temples accueillent davantage de diversité.

[Hubert de Maleval]

" Mais pas beaucoup plus." dit Hubert, avec un sourire.
Il haussa les épaules.
" Je ne vais pas chercher à te convaincre."

[Taliesin]

-Pas beaucoup plus ?
Il sourit.
-Il n'y a pas des tas de novices, dans un temple ? Il n'y a pas non plus des tas de vieux clercs tout prêts à dispenser leur savoir ? Et il n'y a pas globalement autant d'hommes que de femmes ? Allons, Hubert : je crois que justement, tu as passé trop de temps dans une caserne pour te souvenir... de la diversité des autres milieux. Et je puis t'assurer que pour la plupart des gens, être entouré quasiment uniquement d'hommes de vingt à quarante ans tous bardés de fer et armés jusqu'aux dents, c'est un peu... spécial, pour dire le moins.

[Hubert de Maleval]

Misère, c'est que Thibault était tenace.
Le paladin soupira.
" D'accord, tu as raison. Je suis désolé pour toi que l'ambiance de caserne te soit si pénible. J'espère que tu y survivras. Mais ne t'inquiète pas, ce sera de courte durée : soit nous vaincrons, soit nous périrons. L'un dans l'autre, à l'aune de tes quarante années d'existence... Vois ça comme une expérience nouvelle."

[Taliesin]

Le Sunite secoua la tête.
-Je ne me plaignais pas, tu sais. Et il serait indigne de ma part de le faire, car beaucoup sont bien moins lotis que moi. Non, je réagissais juste parce que tu donnais l'impression de ne pas comprendre ce que l'atmosphère actuelle du palais a de spécial, de ne pas comprendre que certains puissent ne pas l'apprécier. Bref, on discutait, c'est tout. Mais je vois bien que je t'ennuie, alors j'arrête. Il faut croire que je ne suis pas adaptable au point de savoir distraire un militaire.
Il avait prononcé la dernière phrase sur le ton de la plaisanterie. Mais il ne s'en tut pas moins.

***

Du côté d'Albérich, l'attente se prolongeait.
Combien de temps s'était-il écoulé depuis qu'il se trouvait dans la salle des symboles ?
Il n'aurait su le dire.
Tout ce qu'il savait, c'est que personne n'était apparu.

[Galathée]

Il décida d'aller trouver Frida, comme il avait prévu de le faire, et de lui exposer la situation. Il lui semblait que la première chose à faire était de sortir pour tenter de contacter Hubert. Or, vu que l'attaque était venue des profondeurs, les risques que les démons soient toujours embusqués étaient élevés. Il faudrait donc faire une sortie protégée. Mais Albérich disposait de sortilèges qui le garderaient du mal. Le souci était qu'il faudrait aussi protéger les portes... Bref, l'avis et l'expertise de Frida étaient nécessaires.

[Taliesin]

La rôdeuse avoua que l'absence d'Hubert et de son escouade l'inquiétait depuis un bon moment, déjà. Et, globalement, elle souscrivit à l'idée du Luménien.
-Le souci, c'est qu'il est impossible d'entrouvrir la porte et de couler un regard à l'extérieur : non, elle s'ouvre entièrement sans qu'il soit possible de faire autrement, si bien que des ennemis guettant une telle opportunité auront la possibilité de s'engouffrer par la brèche. Il faut donc mobiliser une troupe conséquente pour accueillir un assaut éventuel.

[Galathée]

" C'est sans doute mieux si tu constitues ce groupe... Les deux paladins lathandrites me semblent incontournables, et peut-être un clerc en plus de moi ? En fait, peut-être que Gabriel peut contacter Hubert pendant que je fais partie du groupe protecteur. Il faudra sans doute replacer la gemme, puisqu'elle contrôle cette porte."

[Taliesin]

Ainsi fut fait.
Ils commencèrent par remettre la gemme en place puis, après avoir ouvert la porte et s'être assurés que le couloir était désert, sortirent et se déployèrent. lorsque les hommes furent en place, lorsque les sortilèges eurent été lancés, Gabriel contacta Hubert, apprit quel était le problème, l'informa de la réactivation du mécanisme et, bientôt, tout le monde était de retour au palais et cet incident était de l'histoire ancienne.

[Galathée]

Pas complètement, en ce qui concernait Albérich. Une fois la gemme ôtée à nouveau, il monta à la rencontre d'Hubert et des Sunites. Il était à la fois contrarié et soulagé, prenait conscience de la tension qui l'avait habité puis quitté brusquement, et qui le laissait vidé. Il était cependant heureux d'avoir pu traverser l'épreuve sans flancher. Il n'était pas certain de savoir s'il s'agissait d'un endurcissement progressif, d'un fatalisme provisoire ou de la certitude, plutôt, qu'ils survivraient en dépit de tout. Peut-être était-ce simplement l'épuisement. Après les événements de la veille, il n'avait plus assez d'énergie en lui pour paniquer.
Hubert survint avec un sourire embarrassé.
" Désolé pour l'angoisse...
— Vous n'êtes pas responsables, répondit Albérich. Et vous devez mourir de faim...
— En effet."

[Taliesin]

Comme c'était toujours le cas lorsqu'il y avait des retardataires, les cuisines avaient prévu pour eux de quoi manger et on ne tarda pas à les servir.
Les Sunites engloutirent leur repas rapidement puis se dispersèrent, sans doute pour compenser leur ennui des heures précédentes en se livrant à de trépidantes activités.
Quant aux deux conseillers, le moment était sans doute venu pour eux de songer à la cérémonie de l'après-midi, celle qui se déroulerait dans le temple de l'aube.

[Galathée]

Albérich avait d'autres plans.
" Tu vas prendre le temps d'analyser cette salle aux gemmes avec Daniel, cet après-midi, dit-il à Hubert. En fonction du temps que ça vous prendra, nous louerons Lathandre plus tard ou demain. Nous avons une cérémonie funéraire à organiser en dehors des limites de la ville, aussi... Notamment pour Varamyr, et pour les soldats tombés hier que nous ne pouvons ramener. Tout cela est plus urgent. Avec un peu de chance, nous aurons compris comment bloquer les portes et pas les téléporteurs, ou comment forcer une réouverture depuis l'extérieur assez rapidement."
Le paladin sourit.
" Oui, chef !"
Il se leva aussitôt et partit en quête du servant de Dénéir, pendant que le Lathandrite se chargeait de la vaisselle.

[Taliesin]

Daniel abandonna sans protester la lecture dans laquelle il était plongé pour emboîter le pas au paladin. Néanmoins, avant de quitter la bibliothèque, il récupéra les notes prises par les instituteurs et Giovanni, lesquelles résumaient leurs connaissances sur les symboles et les effets qui leur étaient associés.
Ils gagnèrent de concert la salle des gemmes et le clerc, absolument pas versé en ces matières, se contenta de compulser leur maigre documentations tandis qu'Hubert s'efforçait de trouver en lui-même ce savoir inné censé lui permettre de percer les mystères des lieux. Mais il comprit vite que ce ne serait pas simple : entrer dans cette manière de transe serait plus ardu ici que face à l'un des manuscrits, peut-être parce que l'étrange écriture était moins omniprésente. De surcroit, contrairement à la veille, il n'était pas aiguillonné par l'urgence...

[Hubert de Maleval]

Il finit par s'impatienter et se tourner vers le Dénéite.
" Je n'arrive à rien sans démons à mes trousses, c'est du temps perdu."
Il sourit, penaud.
" Et vous ? Des choses intéressantes dans les notes qu'on vous a laissées ?"

[Taliesin]

Mais elles ne contenaient rien qu'ils ne connaissent déjà : aux symboles correspondant à la cuisine, aux thermes, aux halls d'exposition et à l'amphithéâtre, ils pouvaient simplement rajouter celui lié au verrouillage des portes et des téléporteurs quand il s'agissait de les franchir depuis l'extérieur.
Toutefois, habitué qu'il était aux longues études, Daniel ne semblait pas le moins du monde pressé et l'encouragea même diplomatiquement à persévérer.

[Hubert de Maleval]

Hubert ne connaissait pas le Dénéite suffisamment bien pour oser exprimer son agacement, aussi fit-il ce que le clerc lui demandait et persévéra-t-il. Ce n'était pas facile : il n'avait jamais été ni du genre méditatif, ni du genre très réfléchi. Son heure de prières quotidienne représentait déjà un certain effort en matière d'immobilité. Il ne s'était jamais considéré comme nerveux, mais tout bien considéré... Sans doute l'était-il. Il aimait le mouvement. Scruter des symboles en quête de sens, c'était bien plus complexe pour lui que de combattre un démon.
Il essaya d'infléchir sa transe en songeant à des points précis de défense... Peut-être le palais disposait-il d'un réel système offensif, par exemple... ou bien pouvait-il créer une zone repoussant les démons à partir des chapelles... N'importe quoi...

[Taliesin]

Malheureusement, il ne découvrit rien de tel.
Pour autant, ses efforts ne furent pas vains.
Non, l'un des symboles lui inspira bientôt une sensation de chaleur, et il eut l'impression qu'il était lié au système de chauffage du palais.
Et cela ne s'arrêta pas là, non. Après quelques minutes de concentration supplémentaire, il eut le sentiment qu'un autre signe, surmontant une niche occupée par une gemme luisante, était lié à l'imperméabilité des lieux aux sorts de communication et de divination.

[Hubert de Maleval]

Hubert informa Daniel de ce qu'il avait découvert. C'était toujours ça de pris, et il n'était pas mécontent d'avoir tiré quelque chose de son observation. Il était cependant interdit quant à ce qu'il convenait de faire ensuite : aurait-il d'autres visions le lendemain ou bien avait-il épuisé tout ce qu'il pourrait tirer des lieux ? Impossible de le savoir. Sans doute serait-il nécessaire de revenir et réessayer...
" Je crois que je vais en rester là pour l'heure." dit-il cependant au Dénéite.

[Taliesin]

Daniel, qui n'avait pas manqué de coucher sur le papier ses observations, se contenta d'acquiescer. Ils quittèrent de concert la salle des gemmes puis les caves, regagnant un rez-de-chaussée où les membres de la Communauté vaquaient à leurs habituelles occupations.
Le clerc de Deneir prit alors congé du paladin, non sans lui avoir précisé au préalable que si on le cherchait, on avait toutes les chances de le trouver à la bibliothèque, pièce qu'il ne quittait guère.

[Hubert de Maleval]

Le paladin trouva aisément Albérich, qui l'entraîna auprès de Frida pour un conseil improvisé en milieu de couloir.
" Bon. Nous avons des crémations à organiser en dehors du palais, dit d'emblée le Luménien. Ma proposition serait d'ôter la gemme de sa niche le temps qu'un groupe passe au fort avec les corps, puis de la replacer, et de décider d'une fenêtre de retour. Une heure plus tard, ou deux, selon le temps que nous imaginons que cela peut prendre.
— Freya était prête à officier pour Varamyr...
— Ça me semble approprié. Tara peut sans doute le faire pour les soldats tombés... mais l'un d'entre eux était antelucien... Donc Tara et Thibault."

[Taliesin]

La rôdeuse opina du chef.
-Je vous laisse décider, en ces matières qui ne me sont guère familières. Pour le reste, je pense effectivement que nous devons laisser les entrées verrouillées la plupart du temps et ne les libérer qu'aux moments ou c'est nécessaire : ainsi limiterons-nous les risques de mauvaises surprises.

[Hubert de Maleval]

Albérich décida d'aller prévenir les officiants : Tara, Thibault et Freya, tandis qu'Hubert s'occupait d'organiser le transport des corps. Grâce au tri que le Lathandrite avait effectué le matin-même, il suffisait de vider la salle dévolue aux corps abîmés. Ils convinrent de se renseigner auprès de Marcus pour voir si on pouvait sacrifier du tissu à leur intention : envelopper chaque corps dans un drap mortuaire semblerait moins irrespectueux de leurs dépouilles.
Ensuite, une fois que tout serait prêt, un petit groupe pourrait partir pour le fort. La gemme serait replacée dans sa niche environ une heure plus tard, tandis qu'une escouade triée sur le volet surveillerait la porte des caves. Mais il aurait fallu que Beshaba s'intéresse particulièrement à eux pour que les démons choisissent juste cet instant pour attaquer une issue qui leur était restée fermée toutes les heures précédentes. Albérich décida néanmoins de se renseigner sur ce que Tara avait trouvé en matière de diamants... Peut-être pouvait-il se résoudre à placer un glyphe de garde puissant à cet endroit, par sécurité.

[Taliesin]

La Tymorane, qui se tenait prête à partir pour le fort sitôt que le signal serait donné, l'informa qu'elle n'avait pas fait de découvertes extraordinaires. Pour autant, elle n'était pas rentrée bredouille de ses recherches. Outre les quelques petits diamants encore présents dans les vitrines de la galerie constatée à la géologie et aux fossiles, elle en avait repéré plusieurs de bonne taille mais... ils étaient sertis dans de magnifiques pièces d'orfèvrerie. Les en retirer ne serait guère difficile, assurément ; cependant, cela gâcherait irrémédiablement ces antiques œuvres d'art.

[Galathée]

Pour Albérich, le vivant devait primer sur l'inerte, mais dans le même temps, il n'était pas favorable à la résurrection, aussi décida-t-il... de ne rien décider. Il y avait une vingtaine de personnes qui pouvaient prétendre à un retour depuis l'au-delà, et ils ne disposaient assurément pas d'assez de diamants pour les ramener tous. Sans compter qu'ils subiraient certainement d'autres pertes... Bref, c'était un sujet épineux, et qui le mettait mal à l'aise. Discuter de la valeur relative des gens lui semblait indécent, mais il préférait encore ne pas s'en mêler. Il avait remis la chose entre les mains de ses collègues, après tout. Son glyphe de garde n'entrait cependant pas en concurrence avec les résurrections s'ils trouvaient des petits diamants dont la valeur était inférieure à celle requise pour un rappel à la vie...

[Taliesin]

Il en trouva dans la vitrine : insuffisants pour ressusciter quelqu'un, ils feraient largement l'affaire pour son sortilège.
Lorsqu'il l'eut lancé, il découvrit que tout était prêt pour le déplacement au fort. Si l'ensemble de la Communauté aurait bien aimé assister aux funérailles, cela n'était guère envisageable, compte tenu des circonstances : par conséquent, seuls viendraient les plus proches compagnons d'armes des soldats tombés ainsi que l'ensemble des Paludiers, désireux de rendre hommage à leur concitoyen. Frida serait également du nombre et ce fort logiquement : après tout, elle avait étroitement collaboré avec Varamyr.

[Galathée]

Albérich leur souhaita bon voyage mais resta en arrière. Hubert laissait Guillermo à son service pour organiser la protection de la porte, ainsi que les quatre paladins, aussi le Luménien se sentait-il bien protégé. Il avait de surcroît placé un puissant sortilège de Bannissement dans son glyphe, ce qui devrait éliminer le ou les premiers adversaires à le franchir... Pour autant qu'ils ne subissent pas un nouvel assaut des Ithiliens...
Il décida d'aller revoir le clerc ennemi, pendant que les autres officiaient à l'extérieur, sans réel espoir qu'il ait changé d'attitude, mais il n'avait rien de mieux à faire dans l'immédiat...

[Taliesin]

Les gardes de faction l'informèrent que les Ithiliens n'avaient tenté aucune sortie : pour l'heure, ils constituaient des prisonniers qu'il n'était guère difficile de surveiller. En fait, on les avait simplement entendu procéder à une célébration, quelques heures plus tôt.
-Messire Megrall, que me vaut le, hum, plaisir de votre visite ? finit par demander leur meneur à travers le battant hermétiquement clos.

[Galathée]

" Une nouvelle tentative de conciliation, dit le Luménien. Je pars du principe, peut-être erroné, que vous disposez d'informations utiles concernant cette cité. Vous êtes oghman, le mensonge vous révulse par définition. Je ne crois pas que vous me tromperiez sur cet aspect des choses : je ne vaux pas que vous soyez traître à votre dieu."
Il croisa les bras.
" Pourquoi avoir laissé le Duc creuser, si vous saviez ce qu'il y avait dans le ventre de cette cité ?"

[Taliesin]

-C'est une question sérieuse ?!
Brève pause.
-Peut-être n'y a-t-il plus la moindre hiérarchie sociale, dans vos contrées. Peut-être le premier individu venu peut-il contester et empêcher les décisions des plus puissants... Mais je n'y crois pas vraiment. Bref : quand un tel seigneur souhaite faire quelque chose, bien malin celui qui peut arriver à l'en dissuader.