[Lieu] Une cité perdue

[Hubert de Maleval]

Mais Hubert ne craignait pas l'escalade aussi entreprit-il d'aller dénicher le mercenaire dans les hauteurs, dès qu'il eut terminé son repas et ramené sa vaisselle en cuisine. Il prit d'emblée une épée et une cotte de mailles : autant ne pas redescendre, il y avait suffisamment de place au deuxième étage pour faire leur bonheur...

[Taliesin]

Le mercenaire était déjà tout équipé. Et pour cause : il entraînait consciencieusement ses "associés".
Néanmoins, il les envoya se reposer sitôt qu'il aperçut Hubert et accepta immédiatement de s'exercer en son compagnie.
S'ensuivirent de furieuses passes d'armes qui confirmèrent à Hubert que si la Communauté comptait des fines lames, Guillermo était de loin la meilleure. Difficile de dire qui, entre eux deux, serait sorti victorieux d'un véritable affrontement.

[Hubert de Maleval]

Hubert pensait pouvoir l'avoir à l'usure, mais il n'était pas certain que le mercenaire ne retenait pas ses coups. Il était nettement plus vif et plus adroit que lui, mais le paladin se sentait increvable. Quoi qu'il en soit, il n'était pas d'humeur belliqueuse, il avait juste envie de se dépenser, et affronter Guillermo était un plaisir. Tout en le combattant, il songea à ce que Lathandre lui avait dit au sujet des Hermines. Selon Albérich, qui le tenait de Marthe, Guillermo n'était pas redoutable que sur le champ de bataille. Peut-être était-ce à lui qu'il devrait demander des conseils, histoire de piéger le Luménien ensuite... Bon, ce n'était pas exactement ce que lui avait suggéré Lathandre, mais c'était presque la même chose, non ?
Une fois l'entraînement terminé, Hubert remercia son adversaire et s'enquit de son installation dans les hauteurs.

[Taliesin]

-Comme tout le monde je pense, je regrette l'absence de matelas, répondit-il. Mais pour le reste, rien à redire. L'endroit est magnifique, calme, assez vaste pour que les garçons puissent se défouler et donc en partie épuiser leur énergie débordante... Oh, et les balcons donnant sur les jardins sont des endroits particulièrement apaisants. Bref, tout est pour le mieux.

[Hubert de Maleval]

" N'hésitez pas à descendre et profiter de l'herbe... Personne ne s'en offusquerait." dit le paladin.
Il renonça à son projet d'Hermines. Finalement, tout bien réfléchi, il n'était pas certain d'avoir envie d'afficher qu'il était si mauvais, même s'il était certain que Guillermo ne se moquerait pas de lui.
" Bon, je vais te laisser à tes ouailles. Je te préviendrai s'il y a une opération à venir... Apparemment, le clerc ithilien qui s'est retranché avec ses hommes dans l'une des salles prétend qu'il y a des colons en sécurité quelque part... Si nous arrivons à le faire parler ou à trouver un terrain d'entente... Il faudra monter une opération pour aller les chercher, je suppose."

[Taliesin]

-N'hésitez pas à me mobiliser pour ladite expédition si le besoin s'en fait sentir.
Il sourit.
-Et ne vous inquiétez pas pour mes associés. Comme je vous le disais, ils sont devenus très disciplinés. Ils n'ont par exemple pas bougé de nos quartiers durant tout l'assaut sur le palais ce qui est, à mon sens, une belle preuve qu'ils ne causeront aucun grabuge.

[Hubert de Maleval]

" Je ne suis pas inquiet, Guillermo. Je te fais confiance."
Il regarda les gamins à la dérobée.
" C'est sûr que je n'ai pas un souvenir très enchanté de ces trois-là... mais les gens changent. Et ils ont droit à une seconde chance. Bref, ne t'en fais pas."

[Taliesin]

-Oh, je ne m'en fais pas. Ou plutôt, je m'en fais uniquement pour votre tranquillité d'esprit : celle-ci est absolument nécessaire, au vu des circonstances, et il ne doit pas être aisé de la conserver quand on a tant de responsabilités en pareille situation... Par conséquent, n'hésitez pas non plus à venir à nouveau me trouver si d'autres passes d'armes vous tentent. Ou, je ne sais pas, si vous souhaitez disputer une partie de cartes ou d'Hermines.

[Hubert de Maleval]

" Je ne suis pas dans ta ligue aux Hermines. Ta réputation a déjà fait le tour de la communauté. Mais je reviendrai me battre, à coup sûr. C'est stimulant d'affronter quelqu'un de ton niveau... et ça me permet de progresser."
Il sourit, se dirigea vers la porte.
" Tu auras de mes nouvelles si Marthe arrive à faire céder l'Ithilien. Sinon... N'hésite pas à descendre, de temps en temps... Nous sommes nombreux à apprécier ta compagnie... et je pense que les avantages que nous percevons à ta présence contrebalancent de loin les petites inquiétudes concernant tes protégés."

[Taliesin]

-Je descends de temps à autres. Mais je laisse mes associés ici : j'aurais trop peur qu'on me les vole si je les montre trop. Comme ils ont dû, depuis le plus jeune âge, se débrouiller seuls et surtout se rendre utiles, is savent très bien faire tout un tas de choses...
Il sourit.
-A plus tard, Hubert. Mais réfléchissez quand même à cette histoire d'Hermines : je pourrais peut-être vous montrer quelques coups... Imaginez la surprise de messire Megrall si vous le vainquiez subitement !

[Hubert de Maleval]

Hubert le dévisagea avec suspicion, se demandant subitement si le mercenaire lisait dans les pensées... ou si quelqu'un l'avait informé de ses déboires.
" J'y réfléchirai... mais ce n'est pas très digne d'un paladin..."
Sur un sourire, il abandonna le mercenaire à ses apprentis et repartit vers le rez de chaussée. Il avait bien l'intention de dénicher le Luménien, à présent, s'il n'était pas trop occupé ailleurs...

[Taliesin]

Il dénicha Albérich... à la bibliothèque.
Celui-ci savait que Marthe avait entamé de lentes et patientes discussions avec l'Oghman. Il savait aussi que les gardes de faction avaient demandé à être relevés plus souvent, tant la côté pointu de la conversation leur donnait mal à la tête. Il savait enfin qu'une nouveauté était intervenue en début d'après-midi : le clerc avait accepté de sortir de sa retraite et il devisait désormais avec la magistrate... autour d'une table, d'un thé et de petits gâteaux.

[Galathée]

Albérich essayait de ne pas le prendre personnellement, mais il avait du mal. Il avait du mal aussi à comprendre pourquoi Marthe acceptait de prendre le thé avec quelqu'un qui avait indirectement condamné plus de deux cents des leurs à l'esclavage. Négocier, d'accord, mais il y avait des limites. Il avait donc décidé... de ne plus prendre aucune information concernant ces tractations, et demandé explicitement à Frida de ne plus lui communiquer que ce qui le concernait directement, c'est à dire rien pour l'heure. Il espérait quand même que Marthe les consulterait avant de promettre la lune à son interlocuteur. Il n'était en tout cas pas question qu'il accepte, lui, de manger à la même table que ce meurtrier.
Aussi la diversion offerte par Hubert fut-elle bienvenue, car il n'était pas très concentré. Il abandonna son livre et suivit le paladin jusqu'à la salle du trésor.
" Tu te souviens du premier jour ? demanda Hubert.
— Quel premier jour ?
— Le jour du tournoi. Quand je me cherchais un écuyer..."
Albérich acquiesça.
" Oui."
Hubert lui sourit.
" J'ai besoin de toi, maintenant."
Il désigna l'armure de plates, le Luménien leva les yeux au ciel.
" Allons-y, alors."
Il alla chercher les premières plaques.
" Tu sais comment on fait ?
— Tu sais, les clercs de Lathandre ordinaires... se battent en armure. Donc oui. J'ai appris à aider un clerc à revêtir des plates quand j'étais novice.
— Tu m'avais caché ça ! Tu as fait celui qui n'y connaissait rien !
— Je n'avais pas envie de te servir d'écuyer !"
Hubert rit joyeusement.
" Tu aurais fait ça bien."
Il se tut ensuite et Albérich devina à son expression qu'il songeait à Ruth... et immanquablement à Alban. Il le laissa à son moment de nostalgie tout en l'aidant à revêtir l'armure qui, il n'en doutait plus, lui irait parfaitement bien.

[Taliesin]

Qu'elle ait été prévue pour un individu ayant des mensurations relativement proches des siennes ou que quelque magie la rende particulièrement adaptable... Oui, elle lui alla très bien.
Mieux encore, le paladin la découvrit étonnamment légère, étonnamment pratique : elle pesait son poids, évidemment, mais c'était sans commune mesure avec les armures de plates ordinaires et il ne s'y sentait point trop engoncé, point trop entravé. Nul doute, cependant, qu'il en faudrait beaucoup pour percer cette splendide carapace de métal.

[Galathée]

" Qu'est-ce que ça donne ? demanda Hubert, tout en testant les articulations de l'armure.
— Dans le genre métallique, très séduisant, répondit Albérich non sans humour.
— Haha.
— Avoue que l'esthétique n'est pas le principal.
— C'est vrai."
Il fit quelques pas, se pencha, dérouilla ses épaules toujours endolories, puis soupira
" Bon. C'est bien. Elle est à ma taille."
Et il entreprit aussitôt de s'en défaire. Une fois qu'elle fut soigneusement rangée, ils quittèrent la pièce. Hubert se rendit à la salle d'entraînement, où il avait l'intention d'épauler les instructeurs, tandis qu'Albérich regagnait la bibliothèque et son bouquin.

[Taliesin]

La fin d'après-midi s'écoula sans incident et sans qu'Albérich ait reçu la moindre nouvelle des Oghmans.
Vint ensuite le repas, encore un peu moins crispé que les précédents.
Puis débuta la soirée, que les deux amants pouvaient occuper comme ils l'entendaient.

[Galathée]

Hubert passa la soirée avec les officiers, prenant le temps de faire plus ample connaissance avec les nouvelles venues, Rachel et Sophia. Albérich, de son côté, alla bavarder avec Marcus dans les cuisines. Il était curieux de savoir ce que l'intendant avait fait depuis son départ du temple, et entendait bien lui poser l'une ou l'autre question sur le destin de Tybert, le novice qui avait aussi été son secrétaire, pendant quelques mois, et qu'Albérich n'avait jamais imaginé poursuivre dans la prêtrise.

[Taliesin]

-J'ai essayé de le promener un peu, pour qu'il prenne du recul, mais... Il a laissé tomber le noviciat très rapidement pour entrer comme apprenti au sein d'une guilde marchande où il exerce plus ou moins les fonctions de secrétaire. Quant à moi, bah, rien de particulier à signaler : j'ai fait le clerc itinérant, j'avais envie de changer d'air et certainement pas de reprendre immédiatement une place au sein d'une structure, quelle qu'elle soit.

[Galathée]

" Je comprends..."
Il ne comprenait pas vraiment, en réalité. Il avait imaginé que Marcus reprendrait la tête du temple à son départ. Il était jeune, fiévreux, mais c'était un vrai Lathandrite, avec la fougue et le feu nécessaires. Alaric était sûrement un bon aubemestre, bien sûr... et il pouvait tenir tête à Maelwedd. Mais Marcus était un pur produit du Temple Luménien, un fils de la ville, une âme lumineuse... Sans doute avaient-ils été trop proches. Sans doute sa déchéance aurait-elle de toute façon terni la confiance que les autres clercs portaient à son cadet.
" Pour Tybert... C'était mieux qu'il arrête. Il n'était vraiment pas taillé pour ça. Je sais que tous les temples connaissent leur crise de recrutement mais franchement... Il y a des limites."

[Taliesin]

-C'est certain. Mais comme tu le sais, il faut aussi composer avec le désir des parents. Certains voient le prestige qu'ils pourront tirer du fait que l'un de leurs enfants devienne clerc. D'autres songent qu'ainsi, quoi qu'il advienne, il sera nourri, blanchi, éduqué et ne connaîtra jamais la misère. Mais dans un cas comme dans l'autre, ils doivent accepter la réalité : on ne peut pas forcer les coses. Et concernant Tybert... Oui, c'est mieux ainsi, indéniablement.

[Galathée]

" Je dois dire que le désir des parents a toujours été mon dernier souci... Mais c'est vrai que les novices qui nous passent entre les mains reçoivent au moins quelques années d'instruction, d'exercices et de nourriture saine. Même s'ils prennent ensuite une autre voie, ce sont des compétences qu'ils peuvent exploiter... et Lathandre aime la jeunesse."
Il sourit puis hésita un instant.
" Tu n'as jamais eu envie de rentrer ? Je veux dire... à Luménis. Chez toi."

[Taliesin]

Il secoua la tête.
-Non, pas un seul instant. Alors bien sûr, je sais qu'il ne faut jamais dire jamais et je ne suis pas du genre à me bloquer sur des décisions de principe ou prises sous le coup de l'émotion mais pour l'heure... Non, je suis très heureux de voir comment c'est ailleurs, de respirer un autre air. Sans compter que chez soi, c'est avant tout... Là où sont les gens qui comptent.

[Galathée]

Albérich sourit doucement. Il aurait imaginé Marcus plus attaché à la cité qu'il n'avait jamais quittée... mais c'était peut-être la raison même de son envie de voyage. Lui-même avait vécu presque quinze ans à Eredhun avant d'entendre l'appel de Luménis. Mais peut-être était-ce aussi fonction des causes de leur départ. Marcus avait fait un choix... Lui, beaucoup moins.
L'un dans l'autre, de toute façon, il n'y avait plus d'avenir immédiat. Il ne fallait donc pas se montrer nostalgique, et accepter, simplement, que la vie continuait ailleurs.

[Taliesin]

Marcus resta un moment songeur avant de reprendre la parole.
-Tu as une idée de ce que tu feras quand la situation sera réglée ici ? Tu avais des projets, avant de croiser la route de la Communauté ? Enfin, j'imagine que ce qui s'est produit durant le trajet... que le fait d'avoir retrouvé Lathandre change considérablement la donne.

[Galathée]

" Je n'avais pas vraiment de projets, non. Comme tu l'as sans doute appris, j'ai assuré le remplacement de Béranger de Solarcis pendant quelques mois, cet automne... J'ai été un peu échaudé par la manière dont les choses se sont terminées."
Il haussa les épaules. Tant de choses s'étaient produites, depuis... Pourtant, deux mois ne s'étaient pas écoulés, encore. Mais cela paraissait dater d'un autre temps, d'une autre vie.
" Je crois que maintenant que je baigne à nouveau dans la lumière de Lathandre... J'ai avant tout le désir de le servir. Mais je pense que je serais encombrant dans la plupart des temples établis, même si je m'efforçais de garder un profil bas... Peut-être à Lunaros, mais vu leur culture martiale, je ne crois pas que je m'y sentirais à mon aise. Donc nous verrons... Pour l'heure, je me projette demain... mais pas encore après-demain."

[Taliesin]

-Je comprends.
Il soupira.
-Et je suis désolé que cela se soit si mal terminé à Solarcis. Malheureusement, je crains que ce ne soit assez incontournable, quand on est aussi brillant, aussi charismatique et aussi dévoué que toi : tu abats un travail monstrueux en très peu de temps, tu le fais très bien et tu sais te faire apprécier, ce qui met les autres face à leurs propres limites et les amène à craindre que tu ne les supplantes...
Il sourit.
-Mais je ne doute pas que tu finisse par trouver une place qui te convienne et où tu seras reconnu à ta juste valeur. Le monde ne se compose pas que d'envieux jaloux de leur pouvoir. Loin s'en faut.

[Galathée]

Albérich avait rougi pendant la tirade de son cadet et secoua la tête en riant.
" Qu'est-ce que tu attends de moi pour me lancer pareils compliments au visage ?! s'exclama-t-il. Je ne suis ni brillant, ni charismatique. Dévoué, ça, oui, j'essaie en tout cas. Mais en fait... pas autant que toi. Je m'octroie bien plus de pauses que toi ! En fait, tu es responsable de mon côté bûcheur. Au temple, tu étais tout le temps sur la brèche, à prévoir des menus genre deux veilles à l'avance..."

[Taliesin]

Marcus rit à son tour.
-Je n'ai absolument aucun mérite : je fais ça uniquement pour combattre mon anxiété naturelle, ma peur chronique d'être débordée. Quant à toi... Tu es modeste, ce qui est à porter à ton crédit, mais je crois quand même que tu te voiles un pu la face. Si tu étais si ordinaires, aurais-tu occupé les fonctions que tu as occupées ? Le seigneur de Solarcis se serait-il empressé de te débarrasser de toi ? En aucun cas ! Bref, il n'y a pas de hasard là-dedans, pas de hasard non plus dans le fait que tu sois, si jeune, l'un des plus puissants clercs de tout Helonna. Et je le dis sans la moindre arrière pensée, sans la moindre once de flagornerie : je ne suis pas un envieux, je suis plutôt du genre à m'émerveiller et... Je dis les choses telles qu'elles sont.

[Galathée]

" Je pense que... j'ai peut-être certains atouts... mais j'ai aussi eu beaucoup de chance, jusqu'à un certain point. Je n'ai été victime ni des purges qui ont suivi la cabale au Temple, ni de celles qu'a organisées Morféa. De nombreux clercs de ma génération sont morts, tout simplement. Après... j'ai toujours aimé les problèmes quotidiens des gens, plus que les soucis des élites. C'est sans doute autant ce qui a causé mon ascension que ma chute. Mais je reconnais que j'ai une affinité particulière avec notre dieu, depuis adolescent... Peut-être plus de facilité à entrer en contact avec son énergie... en partie parce que rien ne me retenait parmi les hommes, quand j'étais novice. J'étais un gosse introverti, abandonné par sa famille... Lathandre, c'était tout pour moi. Un peu comme Clairétoile l'est pour de nombreux colons aujourd'hui, peut-être. Je n'avais pas le droit à l'échec et donc j'étais prêt à me donner tout entier à ma foi, jusqu'au plus profond de mon essence."

[Taliesin]

-Il y a une différence entre prêt à quelque chose... et la réussir.
Il sourit
-Enfin, tout ça pour dire que si je me suis inquiété pour toi à un moment, ce n'est plus du tout le cas : je sais que tu finiras par trouver ta place, ou qu'elle soit, qu'il y aura des gens pour t'accueillir et pour te seconder. Bon, il y en aura aussi pour être jaloux mais pourquoi se gâcher l'existence à cause de quelques fâcheux ?