[Lieu] Le Belvédère du Parc verdoyant

[Galathée]

Au moment où elle terminait de revêtir son costume, elle entendit une voix résonner dans sa tête. C'était quelqu'un qu'elle ne connaissait pas, un homme, au ton à la fois amusé et interdit.
Derrière la troisième serre, il y a la statue d'une dryade. Appuie sur son nez.

[Chandara]

Chandara se retint de justesse de se retourner en entendant la voix. Elle avait déjà eu affaire à ce genre de sortilèges mais c'était toujours aussi déstabilisant. Surtout quand il s'agissait de la voix d'un parfait inconnu.

Elle commença à fourrer les vêtements qu'elle ne portait plus dans le sac de jute, espérant tout de même les récupérer plus tard quand elle se fit la réflexion que la voix s'était déclenchée bien trop fort à propos : elle avait à peine fini de s'habiller après tout et ce ne pouvait être une coïncidence : l'homme en question avait donc du l'observer, d'une façon ou d'une autre et elle ne savait qu'en penser.

Mais elle était déjà allé trop loin pour hésiter maintenant. C'est donc courtement vêtue mais toujours armée de son marteau impressionnant qu'elle avança, cherchant cette troisième serre et cette fameuse statue de dryade...

[Galathée]

Chandara trouva sans difficulté la statue de la dryade, même sans compter les serres : c'était la seule statue dans cette partie du parc. Par contre, reconnaître une dryade sous la couche de lierre ne fut pas aisé. Mais en déduisant plus ou moins l'endroit où devait se trouver son visage, et en tâtonnant parmi les feuilles et les toiles d'araignée, elle finit par trouver ce fichu nez. Quand elle le pressa, comme de bien entendu, il s'enfonça sous ses doigts. Un grincement retentit et la jeune femme découvrit que le socle s'était ouvert, révélant un escalier... drôlement sombre et poussiéreux.

[Kasumi]

Le court trajet depuis la commanderie fut heureusement sans surprise même si les adolescents des portes avaient jeté un regard curieux à Arthur. Après s'être changé, celui-ci avait pu constater que sa nouvelle tunique était parfaitement ajustée à sa taille...

En s'approchant du belvédère, il se rendit compte que Chandara ne s'y trouvait pas encore. Peut-être était-il en avance ? Soudain, un petit reflet de lumière attira son attention en passant sur son visage. Une fois, puis deux. L'ayant remarqué, il put facilement le suivre du regard alors qu'il se dirigeait vers une statue de nymphe comme pour la désigner. La créature tenait une petite carte dans sa main droite...

[Arthur de Faisanlys]

Un jeu de piste...
Arthur n'avait jamais participé à ce genre de divertissement, mais il fallait bien une première fois... Avant d'aller vers la nymphe, il chercha cependant la source de la lumière. Chandara devait être quelque part, à s'amuser de ses incertitudes, jouant avec un petit miroir et les rayons du soleil déclinant. Il décida de lui laisser cette petite victoire et alla prendre la carte dans la main de la nymphe de pierre.

[Kasumi]

La lueur semblait provenir d'une zone en hauteur et relativement sauvage du parc verdoyant si tant est que cela ait du sens dans un environnement cerné par la ville. La carte était recouverte de la même écriture désormais reconnaissable et stipulait :

C'est un bon début ! Suis la lumière pour me trouver !

La lumière devint à nouveau visible, désignant clairement les arbres les plus proches où le luménien se souvenait qu'un sentier traversait une zone boisée pour grimper sur la petite éminence.

[Galathée]

Décidément, c'était à peine croyable que Chandara, d'entre toutes, ait pu devenir paladine. Cette fille avait un tempérament de barde, elle avait raté sa vocation. Mais Arthur se doutait que c'était quelque chose qu'elle n'accepterait jamais d'entendre. Finalement, ce n'était pas plus mal qu'elle se soit tournée vers Sunie : sans doute ses futurs frères d'armes partageraient-ils son goût pour la fantasie.
Il se mit donc en quête de la lumière, vers la zone boisée, oscillant toujours entre amusement et inquiétude.

[Kasumi]

La lumière le mena vers une sente recouverte d'un doux tapis de feuilles et serpentant entre plusieurs essences de bois. Les abords du sentier étaient délimitées par des pierres nues et des massifs de fougère aussi était-il difficile d'en dévier et donc de faire fausse route. Du reste, la petite éminence depuis laquelle Arthur avait aperçu la lumière n'était guère éloignée et il lui fallut bien moins de dix minutes pour en venir à bout.

Ou presque... Car peu avant le sommet, il remarqua une nouvelle carte oscillant doucement au bout d'un ruban en travers du chemin. Il pouvait l'ignorer et poursuivre, bien sûr, mais elle avait été clairement placée là à son intention.

[Arthur de Faisanlys]

Il valait mieux de rien laisser au hasard et se préparer, peut-être, à la réception. Aussi Arthur s'immobilisa-t-il pour prendre connaissance du contenu de la carte, tout en demeurant aux aguets. Chandara n'était sans doute plus très loin et il n'avait pas l'intention d'être pris par surprise...

[Kasumi]

Mais il semblait cette fois que Chandara ait prévu exactement l'inverse de ce qu'il souhaitait. En effet, la carte ne comportait cette fois que cinq mots suivis par le dessin d'un cœur :

Ferme les yeux, aie confiance !

Il n'y avait pas le moindre son hormis de lointain craquement de bois et le bruit du vent dans les feuilles au-dessus de sa tête. En revanche, les sens du paladin percevaient à présent des odeurs assez nettes : de droit devant - semblait-il - émanait une odeur qui aurait ravi le plus exigeant des gourmets amateur de crustacés. Et, d'un peu à la droite du sentier lui parvenait un parfum entêtant qui lui semblait vaguement familier. A moins que sa mémoire ne lui joue des tours, il l'avait déjà senti auparavant.

[Arthur de Faisanlys]

Il réprima un soupir et fit ce qu'elle exigeait : il ferma les yeux. Il anticipa qu'elle viendrait de la droite, se campa sur ses pieds fermement pour ne pas tomber si elle lui sautait dessus et attendit. Le dénouement de ce petit parcours mystérieux était immanquablement proche...

[Chandara]

Mais il n'y eut pas une telle manifestation débordante... Il entendit des pas légers sur les feuilles sèches dans la direction qu'il avait prévue. Aussitôt, le parfum entêtant se fit plus nettement sentir. Les pas s'arrêtèrent à un mètre, peut-être deux. Juste un peu trop loin pour entendre la respiration de la jeune-femme qui demeura muette pendant de longues secondes. Puis la voix familière de Chandara rompit doucement le silence :

- Je comprends pourquoi c'est ta couleur préférée : elle te va à ravir ! Oh, et tu peux rouvrir les yeux !

Son amie se tenait devant lui, un grand sourire aux lèvres. Il était difficile de ne pas le remarquer même si bien d'autres choses captivaient le regard. Chandara avait visiblement pris grand soin de se mettre sur son trente-et-un.

Elle portait une robe d'un vert pâle et d'un goût exquis qui s'ajustait parfaitement à ses courbes pour les mettre en valeur sans pour autant dévoiler plus que nécessaire. La jeune-femme avait également mis un soin tout particulier à soigner sa coiffure : ses cheveux roux étaient relevés en un chignon élaboré parsemé de quelques rubans de couleurs pastels et elle avait laissé une partie d'entre eux libres de retomber sur l'une de ses épaules.

Les yeux grands ouverts, elle semblait guetter la réaction d'Arthur avec de la curiosité, de l'impatience et peut-être une petite pointe d'anxiété.

[Arthur de Faisanlys]

Pendant un moment, Arthur ne dit rien, demeurant muet, charmé, admiratif, ému peut-être.
Elle est bien trop belle pour toi, lui souffla une petite voix familière. Et bien trop sauvage, incompréhensible, fantasque, raffinée, curieuse et bavarde. Mais elle ne s'en rend même pas compte.
Il ne dit rien, sourit.
Il était séduit mais effrayé.
" Tu es..."
Il s'éclaircit la voix.
" ... très en beauté."

[Chandara]

La jeune-femme esquissa un sourire attendri, ses yeux ne reflétaient plus seulement leur malice coutumière mais aussi et surtout une profonde affection. Elle fit un pas en avant, lui offrit une accolade brève mais d'une grande délicatesse et déposa un baiser chaste et léger sur sa joue avant de reprendre sa position :

- Merci d'être venu. C'est très important pour moi, surtout aujourd'hui !

[Arthur de Faisanlys]

Il lui rendit son étreinte, puis la regarda, un peu incrédule.
" Tu as vraiment cru que je pourrais ne pas venir ?" s'étonna-t-il.
Pour quel genre de rustre le prenait-elle, au juste ? Paraissait-il à ce point inconstant ? Ah non... Elle avait dû penser qu'il serait incapable de comprendre ses messages, bien sûr... Il rougit.
" Ta piste était... très claire. Je ne pouvais pas me tromper. Et merci pour la tunique. Elle est très élégante."
Il n'était pas tout à fait sûr de savoir quand, exactement, il pourrait la porter, en réalité. A part ce soir.

[Chandara]

La jeune-femme balaya à nouveau un regard appréciateur sur le paladin et ne résista pas à l’impulsion de laisser courir la main sur le tissu, le long de son flanc. Elle n’avait fait que l’effleurer du bout des doigts et répondit d’un ton détaché mais il était évident que ce bref contact lui avait beaucoup plu et qu’elle était probablement tentée de le prolonger :

- Je suis ravie qu’elle te plaise. Et j’espère que la suite te plaira tout autant. D’ailleurs allons-y tant que c’est bien chaud !

[Arthur de Faisanlys]

Arthur sourit à la jeune femme et la laissa le guider vers la source de la bonne odeur. Il se demanda si elle avait vraiment prévu de les faire manger dans le parc... C'était audacieux, mais ce serait bien son genre... et elle avait manifestement choisi un endroit reculé où ils avaient peu de chance d'être dérangés.

[Chandara]

Chandara lui attrapa la main pour le guider et confirmer toutes ses hypothèses. Le sentier débouchait sur un petit promontoire rocailleux offrant une vue imprenable sur le parc, une partie du quartier portuaire et la mer au-delà. L'endroit - relativement inaccessible - était particulièrement magnifique à cette période de la journée où ils pourraient admirer le coucher de soleil et il ne fallait pas y voir un hasard. La jeune-femme se glissa aux côtés du paladin pour le laisser découvrir la scène.

Mais la vue à couper le souffle n'était pas la seule chose remarquable : une petite table et deux chaises avait été dressées dans le peu d'espace disponible. L'odeur appétissante, quant à elle, venait de plusieurs plats parmi lesquels le digne luménien repéra aussitôt une soupe de poisson, des pinces de crabe et même un homard. Pour accompagner ces délices, il y avait du riz, du pain et quelques pommes de terre. Enfin, plusieurs biscuits reposant sur une assiette et une bouteille de vin blanc complétaient ce festin.

- J'ai fait un effort : j'ai préparé l'un des plats mais je préfère ne pas te dire lequel pour ne pas t'influencer !

[Arthur de Faisanlys]

" Je suis sûr que ce sera parfait, murmura Arthur en admirant la table, la vue, avant de se tourner vers Chandara. Mais comment diable as-tu pu dénicher un endroit pareil ? Tu n'es même pas d'ici... et moi qui y suis né, je ne connaissais pas son existence !"
Il était stupéfait... et se demandait surtout qui avait pu renseigner la jeune femme. On ne découvrait pas ce genre de site par hasard...

[Chandara]

Chandara semblait soudain très fière de son effet et si la tentation de faire des mystères lui traversa l'esprit, elle n'avait rien moins qu'envie que la question tracasse son compagnon et lui gâche le simple plaisir de la soirée :

- Ça n'a pas été facile et j'ai eu pas mal de chance ! En fait, je cherchais un endroit qui soit romantique et insolite pour notre soirée alors je me suis renseigné sur les restaurants et les traiteurs en ville. En leur posant des questions, on m'a conseillé cet endroit. Heureusement que personne n'a eu l'idée de le chiper sous notre nez !

[Arthur de Faisanlys]

" Heureusement, en effet." dit Arthur.
Il n'osait imaginer l'incongruité de la situation si un autre couple débarquait soudain sur leur promontoire. Mais il chassa rapidement ces pensées et prit place devant le festin qu'avait organisé la jeune femme. C'était plutôt touchant, il fallait bien l'avouer. Et elle avait eu une bonne idée de choisir des plats de la mer : même s'il n'avait rien d'un gourmet, il savait que la nourriture servie dans la Trouée serait tout autre, et bien loin des mets de son enfance...

[Chandara]

Chandara mit une touche finale en allumant une petite bougie pour compenser la luminosité déclinante puis prit place à ses côtés. Comme l'ami d'Arthur le lui avait conseillé, la dorrandine avait veillé à ce que la plupart des mets soient déjà apprêtés et partiellement décortiqués ce qui pourrait éviter bien des accidents malencontreux. Ne restait donc plus qu'à se servir et surtout se régaler... Elle en laissa l'initiative à son compagnon bien plus connaisseurs de ce genre de produits pendant qu'elle même s'occupait du vin.

[Arthur de Faisanlys]

Mais Arthur ne savait pas quoi faire : comme il était l'invité, il aurait été malvenu qu'il prenne la moindre initiative. Il demeura donc immobile et silencieux, tandis que Chandara servait le vin. Il songea qu'il aurait dû y penser, l'inviter dans une auberge de renom, quelque chose comme ça. Mais la vérité était qu'il n'en avait absolument pas les moyens...

[Chandara]

Percevant son hésitation, la jeune-femme corrigea rapidement le tir pour ne pas risquer de l'embarrasser. Elle leur servit à chacun un bol de soupe chaude puis entreprit de remplir généreusement leurs assiettes. Les ayant servis tous les deux, elle leva son verre pour porter un toast :

- Au chemin parcouru au cours de ces six derniers mois et aux rêves un peu fous qui deviennent réalité !

[Arthur de Faisanlys]

Arthur se demanda à quoi, exactement, elle faisait référence, mais ne posa pas de questions et trinqua avec elle. Le vin était évidemment délicieux — le contraire aurait été comble, vu la personne avec laquelle il mangeait — et il goûta la soupe. Il se sentait à court de mots, et ce n'était pas une surprise : il n'était généralement bavard que dans des situations incongrues, et pour l'heure, il était terriblement intimidé. Chandara ne pouvait le savoir, mais ce genre de mise en scène le ramenait immanquablement aux dîners de sa jeunesse, dans l'immense salle à manger où sa mère recevait. Depuis qu'il s'était enfui de la maison en pleine guerre civile, il n'avait plus jamais été dans ce genre de situation...

[Chandara]

Chandara ne chercha pas à rompre à tous prix le silence : son compagnon était présent, il appréciait apparemment les mets qu'elle avait réunis pour l'occasion et parvenir à lui faire plaisir était tout ce qui importait.

Au bout d'un moment, elle déclara cependant d'un ton sincère :

- Tu avais raison : je serais passée à côté de quelque-chose si je n'avais pas goûté au moins une fois les produits de la mer avant mon départ.

[Arthur de Faisanlys]

Arthur rit.
" Antelucas est aussi en bord de mer. Et on dit que le poisson est excellent pour la santé. Autant dire qu'en t'intégrant dans une commanderie sunite, tu risques d'en voir passer souvent... Vois ça comme un avant-goût !"

[Chandara]

Elle répondit joyeusement, ravie surtout de voir Arthur se détendre un peu. Elle n'avait rien moins envie que de l'embarrasser et peut-être que sa petite mise en scène n'avait pas arrangé les choses :

- Et c'est un avant-goût succulent : je crois que je m'y ferai vite. Et si c'est bon pour la ligne, ce n'est pas plus mal ! D'ailleurs, ça t'a plutôt bien servi !

Et elle ponctua sa remarque d'un clin d'œil taquin avant de lorgner sur une pince de crabe et d'ajouter d'un ton léger :

- Mais je crois que je vais avoir besoin d'un mode d'emploi ou au moins d'une démonstration pour manger ce truc...

[Arthur de Faisanlys]

" Je n'ai pas dit que c'était bon pour la ligne, j'ai dit que c'était bon pour la santé, il y a une nuance !" s'exclama Arthur en secouant la tête.
Il lui aurait bien dit qu'il l'aimerait tout autant avec vingt livres de plus mais elle n'aurait pas compris, aussi se tint-il coi sur le sujet.
" Il faut juste aller chercher la chair à l'intérieur, avec ce petit crochet..."
Heureusement que l'aubergiste avait fourni la coutellerie nécessaire, sans quoi ils auraient été bien marris...
" Tu fais comme ça... puis comme ça... et voilà ! Le homard c'est bien plus compliqué. Enfin... à une table respectable. Après, moi je suis paladin : je n'ai rien contre les manières un peu plus... franches. Mais c'est risqué pour ta robe et ma tunique. Enfin... même avec des couverts, c'est risqué."

[Chandara]

Chandara se montra à la fois très attentive à ce qu'il disait et - il fallait bien l'avouer - un peu distraite car il était difficile de se concentrer vraiment quand elle se trouvait si proche de lui. Elle reproduisit ses gestes avec une certaine prudence tout en faisant remarquer d'un ton guilleret :

- Je crois que je comprends mieux les légendes qui circulent autour de ce genre de mets !

Elle marqua une pause empreinte de gravité avant d'ajouter, hilare :

- Ils présentent tellement de risques pour les beaux vêtements que certains doivent préférer les manger dans le plus simple appareil !

La jeune-femme eut tout de même le bon goût de rougir légèrement mais peut-être était-ce dû à l'image qui venait de lui traverser l'esprit...