[Lieu] La Vallée Fertile

[Galathée]

" Apparemment, ça ne dépend que de vous, dit le jeune homme avec un sourire, avant d'étouffer un bâillement. Je ferais mieux d'aller dormir, moi. Je dois apparemment gérer trois gosses délurés demain... Il va me falloir une énergie de tous les diables !"
Il se leva. Taliesin entendait un murmure dans la cuisine, mais il semblait bien que Victor, Baptiste et Titus soient déjà montés se coucher, peut-être sous la houlette de Mona.

[Taliesin]

Il décida d'aller fumer la pipe quelques minutes, histoire de ne pas interférer dans les manœuvres de Mona. Ensuite seulement, il irait souhaiter la bonne nuit aux enfants et en profiterait pour annoncer le programme à Titus : ce serait tout de même plus correct que le prendre au dépourvu... Et avec un peu de chance, le faune ne s'inquiéterait pas.

[Galathée]

La veuve ne tarda pas à redescendre les escaliers et il put monter embrasser ses enfants. Victor était déjà presque endormi et Baptiste lisait encore. Titus était emmitouflé sous ses couvertures comme s'il était au coeur de l'hiver, seuls ses yeux vaguement animaux luisaient dans son petit nid. Il parut un peu inquiet quand il réalisa que c'était à lui que Taliesin entendait parler. Il l'écouta cependant avec attention, hochant la tête au fur et à mesure de son discours, soulagé finalement de ne pas devoir affronter Champsdor qu'il imaginait manifestement comme une immense cité labyrinthique.

[Taliesin]

Rassuré par sa réaction, il lui dit néanmoins qu'il pouvait faire entière confiance tant aux garçons qu'à leurs hôtes et l'assura qu'il serait de retour au plus tôt le lendemain soir, au plus tard le surlendemain dans la matinée. Puis il lui souhaita bonne nuit et gagna sa propre chambre.
Pas de lecture, ce soir-là : il devait se coucher tôt pour être prêt à prendre la route dès l'aube.

[Galathée]

Vint l'aube. Yann le réveilla alors que le soleil pointait, tandis que les enfants — y compris Baptiste — dormaient encore. Le ciel était encore un peu nuageux mais se dégageait, comme la veille et l'avant-veille il avait plu pendant la nuit. Harnacher Minuit ne prit que quelques minutes, le cheval paraissait ravi de pouvoir sortir un peu, et il fut rapidement sur la route de Champsdor. Comme l'avait averti le porcher, il n'était pas complètement seul, mais louvoyer entre un troupeau d'oies et la charrette à bras d'un maraîcher ne lui prit que quelques secondes. Ensuite, il put prendre de la vitesse et filer vers la petite cité au grand galop.

[Taliesin]

Puisqu'il espérait bien rencontrer une princesse, et puisque la route était pavée - ce qui assurait une chevauchée peu salissante -, l'elfe avait pris soin de s'apprêter quelque peu, passant sa tenue la plus habillée qui, sans être luxueuse, lui semblait malgré tout plus adaptée à la situation. Pour le reste, il gardait à l'esprit ce qu'il devrait acheter au bourg, ce qui se limitait somme toute à de quoi écrire : comme ils avaient déjà pu recopier parfaitement les symboles, du plâtre n'avait plus rien de nécessaire.

[Galathée]

Il galopa dans la campagne qui s'éveillait autour de lui, admirant les champs magnifiques, les pâturages fleuris, les fermes cossues disséminées ça et là. La région paraissait vraiment idyllique, tranquille et lumineuse, avec une nature verdoyante et prospère. Si les champs tenaient leurs promesses, les récoltes seraient indéniablement magnifiques.
Minuit galopa avec ardeur, ses sabots claquant sur les pavés, jusqu'à ce qu'ils aperçoivent Champsdor. Il y avait davantage de monde autour d'eux, désormais, des bergers ou des maraîchers, et ils durent ralentir car des chariots circulaient plus volontiers, transportant des jeunes animaux, ou des légumes de saison, asperges, épinards, choux divers, carottes ou salsifis.
La cité était protégée par une enceinte de pierre blanche, relativement basse mais massive, et des tourelles rondes jalonnaient son pourtour, déployant une bannière vert et or. Il ne fallut au barde que quelques minutes pour être hélé par les gardes, au moment où il s'approcha de la porte est.
" Bienvenue à vous, seigneur, lui dit un vétéran d'une quarantaine d'années, impeccable dans sa livrée vert tendre. Pouvez-vous mettre pied à terre ?"

[Taliesin]

-Bien sûr, répondit-il, courtois, avant de s'exécuter.
Il avait depuis longtemps perdu le nombre de ses entrées dans des villes inconnues et la procédure habituelle n'était donc pas de nature à l'inquiéter : on lui demanderait son nom, l'endroit d'où il venait, la raison pour laquelle il souhaitait franchir les portes et autres choses du même genre. Bref, tout cela ne serait qu'une formalité vite expédiée.

[Galathée]

L'homme sourit, tandis qu'un autre de ses collègues, plus jeune, prenait la bride de Minuit.
" Vous êtes le barde elfe de Vauxgrisants, dit le soldat. C'est toujours un plaisir d'accueillir les membres de votre peuple parmi nous."
Il avait sorti son registre, qu'il ouvrit, et montra une ligne à l'elfe. La date du jour était inscrite en haut de page et de nombreux noms le suivaient.
" Si vous voulez bien inscrire votre nom, votre métier, le motif de votre visite à Champsdor... Vous pouvez être flou... Puis signer."

[Taliesin]

Bigre, il avait oublié à quel point les nouvelles pouvaient aller vite, dans ce genre d'endroit...
Toujours est-il qu'il remercia amicalement le soldat pour son accueil et qu'il remplit rapidement le registre, Pour la raison de sa présence, il alla au plus simple, indiquant qu'il allait rendre visite à des personnes résidant actuellement sur les lieux.

[Galathée]

Le garde le remercia et lui souhaita un bon séjour — avec la bénédiction de Chauntéa — avant de le laisser franchir les portes. Champsdor, derrière sa muraille, semblait être une petite ville de maisons de pierre et de bois, avec des colombages apparents, rarement plus de trois étages, quelques encorbellements, des rues plutôt étroites pour la plupart, mais une large avenue partait droit devant, vers l'ouest, et la route qui suivait les remparts permettait également à deux chariots de se croiser de front.

[Taliesin]

D'après les indications de Yann, la Corne d'Abondance, une vaste bâtisse blanche aisément repérable, se trouvait près des murs, dans la partie sud du bourg : c'est donc sur la route longeant les remparts qu'il s'engagea. Une fois sur place, si Cordélia n'était pas déjà partie vaquer à ses affaires, les choses pourraient s'enchaîner très rapidement...

[Galathée]

De nombreux artisans et petits marchands étalaient leurs échoppes le long de la route circulaire. Taliesin vit ainsi un luthier, un sabotier, un tanneur, un maréchal-ferrant et une multitude d'autres personnes affairées soit à leur labeur, soit à leurs emplettes. Quand il croisait un regard, on le saluait. Il croisa aussi plusieurs clercs — tous Chauntéens — ainsi que deux chapelles dédiées à la déesse des moissons. Elle régnait apparemment sans partage sur la région. La plupart des gens étaient humains, bien sûr, mais il croisa aussi quelques demi-elfes et même un gnome. Il finit par atteindre la Corne d'Abondance, abandonna son cheval à la barre extérieure, et entra.
L'établissement était vaste, propre, bien tenu, et les derniers convives y petit-déjeunaient. Un homme d'une cinquantaine d'années briquait le comptoir et deux jeunes gens nettoyaient les tables délaissées. Les yeux se levèrent, des signes de tête s'échangèrent, et l'aubergiste l'accueillit d'un sourire mesuré.
" Bienvenue à la Corne d'Abondance. Qu'est-ce que ce sera pour vous, messire ?"

[Taliesin]

-Bonjour messire, répondit-il, cordial comme toujours.[color=#FFFFF66] Une amie, Cordélia, s'est récemment installée dans votre établissement. Pourriez-vous me dire si elle n'est pas encore descendue de sa chambre ou si elle est déjà sortie ? Nous avions convenu que je viendrai la voir aujourd'hui dans la matinée mais comme je n'avais pas été en mesure de fixer d'heure exacte...[/color]

[Galathée]

L'homme secoua la tête, embarrassé.
" J'peux pas vous aider, messire. Miss Cordelia n'est pas rentrée hier. J'imagine que le travail qu'elle avait trouvé a pris plus de temps qu'elle ne l'avait imaginé."

[Taliesin]

Voilà qui n'arrangeait pas ses affaires.
-Sauriez-vous, par hasard, où l'a amenée ce travail ?
Si le tenancier n'en avait aucune idée, et si Cordélia n'avait laissé aucun mot à son attention - ce qui semblait être le cas -, il aurait le choix entre l'attendre ici, partir faire des emplettes et revenir plus tard ou tenter par lui-même d'obtenir une audience auprès de la princesse.

[Galathée]

" Aucune idée. Elle n'a pas rencontré son commanditaire ici et elle est partie très tôt hier matin... Elle avait l'air enthousiaste, et elle a parlé d'une journée, donc... Je me suis dit que ça ne devait pas être bien loin. Mais... j'évite de questionner mes clients. C'est indiscret, vous savez, et un bon aubergiste ne se montre jamais trop curieux. Maintenant, si le client a envie de bavarder, c'est autre chose... Mais j'ai pas parlé avec Miss Cordelia, personnellement. Un peu jeunette, vous voyez. Puis y'a du boulot. Je pourrais pas vous aider."

[Taliesin]

-Je comprends bien.
Il réfléchit quelques instants.
-Je pense que je vais aller faire quelques courses en ville et repasser en milieu de matinée. Si Cordélia revenait entretemps, pourriez-vous l'en informer ?

[Galathée]

" Bien sûr. Enfin... Si vous me dites qui vous êtes !"
Une fois chose faite, il ne restait plus à Taliesin qu'à retourner dans les rues et procéder à ses emplettes.

[Taliesin]

Il se mit d'abord en quête du service du courrier afin de déposer la lettre pour Galathée - la veille, il avait veillé à ce que les garçons puissent y ajouter un mot. Quand ce serait chose faite, et bien... Il déambulerait. Il ne doutait pas de trouver rapidement une boutique fournissant du parchemin et, pour le reste... Il verrait si quelque chose l'inspirait ou était susceptible d'intéresser les enfants.

[Galathée]

Il trouva le service de courrier dans le quartier ouest de la petite cité. Il en avait aisément pris la mesure : c'était un bourg de taille moyenne, propre et tranquille, aux balcons fleuris et aux habitants affables. Trois portes menaient à la campagne environnante, par l'est, l'ouest et le sud. Au nord, une porte close menait à l'abbaye, mais elle n'était pas ouverte au public. Il y avait vraiment toutes sortes de boutiques et d'artisans, mais très peu de produits d'exportation : tout semblait être local, des matériaux de base aux artefacts les plus raffinés. Il semblait y avoir des étrangers, cependant, marchands et visiteurs, en plus des gens du terroir.
Au relais de poste, on lui annonça que son courrier partirait avec le coche quotidien qui repartait vers Togoria. Il faudrait compter sept ou huit jours avant que la lettre n'arrive à bon port, cependant.

[Taliesin]

Il n'était pas impossible qu'à ce moment là, ils soient déjà sur le chemin du retour. Quoique cela semble malgré tout improbable, vu toutes les tâches qu'il lui restait à accomplir...
Tout en observant la cité, les boutiques longeant les rues, il reprit la direction de la Corne d'Abondance. Si Cordélia ne s'était pas encore montrée, sans doute se renseignerait-il sur l'endroit où logeait la délégation elfe...

[Galathée]

Cordélia n'avait pas donné signe de vie mais le tenancier put le renseigner sur l'endroit où il pourrait trouver la princesse elfe et sa suite : ils avaient établi leurs quartiers chez un marchand du quartier nord, un demi-elfe répondant au nom d'Amrod, qui était spécialisé dans les objets d'art anciens et contemporains. Le barde ne pourrait rater sa demeure : elle détonnait dans l'environnement de part son architecture elfique tout à fait particulière.

[Taliesin]

Après avoir remercié l'aubergiste, c'est vers cette fameuse maison qu'il se dirigea. Si Cordélia avait pu entreprendre des démarches en vue de l'obtention d'une audience, il n'arriverait pas comme un cheveu sur la soupe. Sinon... Bah, il n'y avait aucune raison qu'on le reçoive mal s'il se montrait courtois. Et puis, à bien y réfléchir, il n'était pas indispensable qu'il rencontre la princesse en personne : les membres de sa suite seraient sans doute tout autant qu'elle en mesure de le renseigner.

[Galathée]

Il retraversa donc la ville, croisant placettes fleuries, halles commerçantes et chapelles toujours plus nombreuses, avant d'atteindre la demeure d'Amrod Hesseniel, qu'on lui indiqua bien volontiers. Entourée d'un vaste jardin, elle avait tout d'une villa dans cet environnement de maisons modestes : Messire Hesseniel ne manquait manifestement pas de revenus.
On devinait à peine la construction derrière le rideau d'arbres luxuriants. Un portail s'ouvrait cependant dans la grille d'enceinte, flanqué de deux statues, l'une figurant un cerf, l'autre un loup, tous deux dans des positions sereines. Il n'y avait pas de gardes et la voie était ouverte, chemin de cailloux multicolores, jusqu'à la porte de la villa, un vaste bâtiment qui paraissait de plain-pied, à l'exception d'une tour en son centre, qui rivalisait de hauteur avec les arbres.

[Taliesin]

Par acquis de conscience, il prit le temps de chercher une cloche qu'il serait possible de faire sonner afin d'attirer l'attention d'un membre du personnel - vu l'opulence des lieux, il semblait logique que leur maître emploie des serviteurs. S'il ne trouait rien, le barde remonterait l'allée gravillonnée et irait toquer à la porte.

[Galathée]

Mais il n'y avait rien de ce genre et le barde s'engagea donc sur l'allée qui menait à la porte. Des oiseaux se mirent à chanter dans les arbres, trilles et gazouillis, comme pour saluer sa venue. Ou pour l'annoncer, car la porte s'ouvrit au moment où il gravissait les marches et un homme en livrée s'inclina devant lui.
" Bienvenue à vous, maître Taliesin. Vous étiez attendu." lui annonça-t-il en commun, avant de s'effacer pour le laisser entrer dans le couloir.

[Taliesin]

Et de remercier mentalement Cordélia.
-Je vous présente mes excuses si je suis en avance ou en retard, dit-il, quelque peu embarrassé. Mais je n'ai pas réussi à revoir l'amie qui a pris contact avec vous de ma part et... Elle n'a donc pu me dire si et quand elle avait réussi à obtenir un rendez-vous...

[Galathée]

" Ça n'a pas grande importance, dit le serviteur, poliment. Un invité de marque peut se présenter chez maître Amrod à toute heure, et nous sommes honorés de votre présence. Mon maître et Dame Elwyn sont dans l'atrium, si vous voulez bien me suivre..."
L'homme guida Taliesin le long d'un couloir rectiligne, de pierre blanche, décoré de statues, d'artefacts, de peintures et de draperies qui semblaient issus de mille lieux et mille cultures différentes. Il y avait un visage gravé dans le tronc d'un arbre, une tapisserie brodée d'or et d'argent qui représentait un esprit de l'onde, une coupe sertie où un géant aurait pu boire, un cor torsadé et décoré de runes, une peinture monochrome représentant un rossignol dans un arbre, une armure en pied, couleur rouille, d'un style que Taliesin ne connaissait pas, la tête d'un griffon empaillé, une épée intégralement bleue, de la lame au pommeau, un tissu arc-en-ciel qui semblait onduler sous l'oeil, et bien d'autres pièces encore. Mais le serviteur marchait vite, droit vers la porte qui fermait le couloir et il l'ouvrit cérémonieusement, laissant passer le barde.
Celui-ci déboucha dans un jardin circulaire, qui encerclait la base de la tour qu'on voyait de l'extérieur. Ce jardin était fleuri, bien sûr, en cette saison, et une fontaine y murmurait. Sous une tonnelle chargée de chèvrefeuille étaient installées deux personnes, buvant un verre au son de la mélodie d'un jeune musicien, qui pinçait les cordes de sa harpe en chantant d'une voix aérienne. Le serviteur guida Taliesin jusque là et le présenta à ses hôtes.
Assis à gauche, vêtu de soie bleu outremer, se trouvait un demi-elfe aux traits fins, qui tenait davantage de l'elfe que de l'humain. Il se leva à son arrivée. En face de lui, sur une méridienne, se trouvait la princesse elfe. Elle était merveilleusement belle, vêtue d'une robe écrue rehaussée de broderies sombres. Elle lui sourit doucement, sans se lever.
" Ah ! Voilà notre maître barde ! Bienvenue, messire." dit Amrod en lui serrant la main.
Il s'exprimait en elfique, bien entendu.

[Taliesin]

Surpris par la manière dont on le recevait - il se demandait ce qui pouvait bien lui valoir ce statut d'invité de marque -, regrettant de ne pas avoir disposé d'une tenue plus en accord avec les lieux et leurs résidents, il serra la main tendue puis salua la princesse conformément à l'étiquette.
-Merci d'avoir accepté de me recevoir, dit-il enfin, courtois.