[Lieu] Peyregorde

[Kasumi]

La raison pour laquelle le gamin voulait ces objets ne faisait que peu de doute. Sans doute ruminait-il son impuissance à échapper aux malarites et en avait-il besoin pour se sentir rassuré. Mais il doutait que ce soit une mauvaise chose en soi et répondit d'un ton amical :

- Je crois que je pourrai te trouver une meilleure branche pour ton arc. Enfin, si ton père est d'accord pour que je t'en rapporte une. Est-ce qu'il est à la maison ?

[Voyageuse]

" Oui, oui, il est dans le jardin, derrière... Vous pouvez passer sur le côté..."
Il parut hésiter un moment, sourcils froncés, puis il planta son regard dans celui de Kasumi pour demander brutalement.
" Est-ce que vous êtes un loup-garou ?"

[Kasumi]

Il se retint pour ne pas rire - sachant pertinemment que la question tracassait le pauvre petit garçon - et répondit le plus sérieusement du monde :

- Non, je ne suis pas un loup-garou. Juste un rôdeur. Alors il m'arrive parfois de chasser les loups-garous quand ils sont mauvais.

Il esquissa ensuite un sourire qui se voulait rassurant, attendant de voir la réaction de l'enfant avant de se rendre dans le jardin pour parler à Bertrand.

[Voyageuse]

" Le... loup... qui m'a attaqué... papa dit que ça en était un. Et le type qui m'a dit de suivre le loup pour revenir, je crois que c'est lui, il ma dit..."
Il parut réfléchir un instant.
" Il m'a dit que quand il avait mon âge il était comme moi, et que je deviendrai à mon tour comme lui..."
Il soupira.
" Alors je crois qu'il veut dire que je vais devenir un loup-garou aussi..."

[Kasumi]

Kasumi se renfrogna, sentant une vague de colère monter à l'égard du loup-garou qui s'en était pris à un enfant si jeune et innocent. Mais il ne doutait pas qu'Aïdan avait pris le temps de l'examiner et d'éliminer la lycanthropie qui infectait peut-être le garçon. C'était après tout une maladie et donc le domaine d'expertise des prêtres.

- Tu ne dois pas t'en faire Loïc : le loup-garou est maintenant loin et il ne te fera plus de mal. Peut-être que son intention était de te transformer, oui. Mais nous ne l'avons pas laissé faire. Est-ce qu'il t'a mordu ?

[Voyageuse]

" En fait... je ne suis pas sûr... J'avais peur, je sais qu'il m'a attrapé et traîné avec lui, puis je ne sais plus, c'est tout flou dans ma tête... Derrière ma cuisse, j'avais une blessure, je peux pas voir donc maman a absolument voulu regarder... la honte. Elle est pas sûre que ce soit ça, elle n'y connaît pas grand-chose, mais papa dit que puisque c'est un loup, il n'a pu m'attraper qu'avec ses crocs pour me traîner. C'est pour ça qu'ils m'ont emmené à Respelm. Il m'a sûrement mordu... Donc... ça veut dire que je suis un loup-garou ?"

[Kasumi]

Le rôdeur se pencha à nouveau et posa délicatement une main sur son épaule en s'efforçant d'adopter un ton rassurant.

- Non, tu n'es un loup-garou que si tu acceptes de le devenir. Et si tu as malgré tout été infecté, c'est quelque-chose qui se soigne comme une maladie. Nous serons vigilants et nous t'aiderons, ne t'en fais pas pour ça !

Il allait falloir demander à Bertrand ce que lui avait dit Aïdan. Le demi-elfe savait seulement qu'ils ne seraient fixés qu'à la prochaine pleine lune et qu'il faudrait se montrer extrêmement prudent à ce moment-là. Et d'ici là, mieux valait ne pas inquiéter le garçon sur cette éventualité.

[Voyageuse]

Le gosse haussa les épaules et finit par répondre, d'un ton pensif.
" Bah, c'est peut-être pas une mauvaise chose d'être un loup-garou. On doit être drôlement fort... plus fort que tous les autres..."
La perspective ne semblait pas lui déplaire, à la réflexion.
" Il avait l'air... je ne sais pas... plutôt content d'être comme ça. Fier."

[Kasumi]

Kasumi esquissa une grimace mais répondit d'un ton doux :

- Ils sont plus forts, oui. Mais les loups-garous oublient qui ils étaient avant. Qui ils aiment et qui les aiment. Je trouve qu'on y perd énormément au change, pas toi ? D'autant qu'il y a beaucoup d'autres moyens de devenir fort. Et toi, tu es déjà un petit garçon très courageux. Tu as suivi la louve et tu as même su rentrer seul au matin.

[Voyageuse]

" Oui... Mais elle était gentille, ta louve...."
Il fronça brusquement les sourcils.
" Mais si t'es pas un loup-garou, comment ça se fait que tu peux parler à ta louve ?"
Il semblait soudain bien plus méfiant et Kasumi crut deviner l'amorce d'un mouvement de recul.

[Kasumi]

Le demi-elfe ne chercha pas à se rapprocher de nouveau mais répondit plutôt d'un ton serein pour tenter de rasséréner le petit :

- Je peux communiquer avec elle dans certaines limites. C'est un don qui est accordé à tous les rôdeurs : ils peuvent s'associer à un compagnon animal comme je l'ai fait avec Première Neige. Malheureusement, je ne peux pas le faire avec les autres loups.

[Voyageuse]

" Ah..."
Il semblait dubitatif : tout cela était nouveau pour lui, et probablement peu compréhensible.
" Moi je n'aimerais pas vraiment communiquer avec les animaux, en fait. J'aime mieux les tuer... Mais ta louve est gentille quand même, ne t'en fais pas, je ne lui tirerai pas dessus, même si tu me fais un arc !"
Le tutoiement lui était venu, finalement, signe qu'il était plus à l'aise -ou qu'il oubliait les règles de bienséance.

[Kasumi]

Kasumi était ravi de constater que l'enfant se détendait quelque peu en sa présence. Il esquissa un nouveau sourire et répondit d'un ton amical :

- Ça, ce sera seulement si ton père est d'accord, n'oublie pas ! Et on a beaucoup de choses à apprendre des animaux même si on n'en a pas conscience : il n'y a pas plus doué pour savoir se débrouiller dans la nature.

[Voyageuse]

" Mwouais, fit le gamin en haussant les épaules. Mais bon, j'ai pas besoin d'eux pour vivre, je vis pas au milieu des bois moi..."
Il était apparemment assez peu convaincu par la tirade sur ce que pouvaient apporter les animaux
" Mais tu peux d'mander à mon père, pour l'arc, il est derrière... Et tu reviens me dire après, hein ?"

[Kasumi]

Ce gamin ne perdait décidément pas le nord : en somme, seul lui importait d’obtenir l’arc tant désiré et il ne pouvait pas lui jeter la pierre. Les préoccupations des enfants de cet âge étaient bien différentes de celles des adultes après tout. Le demi-elfe se contenta en tous cas d’esquisser un sourire amusé et d’une réponse assez évasive avant d’entreprendre de contourner la maison pour trouver Bertrand :

- Je vais voir ce que je peux faire mais je ne te promets rien !

[Voyageuse]

Il n'eut aucun mal à trouver le chef de la communauté : des coups de marteau régulier le guidèrent jusqu'à un petit cabanon de bois dont le bûcheron était occupé à réparer le toit.
" Ah, vous voilà ! fit-il en apercevant le rôdeur. Je m'attendais bien à recevoir votre visite un de ces jours..."
Il sauta lestement du toit et lui tendit une main calleuse. Kasumi nota qu'il avait les traits tirés et l'air un peu soucieux malgré son sourire de façade.
" Quel bon vent vous amène ?"

[Kasumi]

Kasumi était suffisamment fin pour voir au-delà de la façade affichée par Bertrand. Il y avait une retenue qu'il n'avait pas ressenti lors de leurs précédentes rencontres et la raison en était malheureusement évidente.

- En réalité, j'étais venu solliciter un petit service mais c'est surtout une excuse pour venir prendre des nouvelles de votre petit. J'ai l'impression que la visite chez Aïdan ne vous a pas pleinement rassuré.

[Voyageuse]

Le bûcheron acquiesça, sombrement.
" En effet. Il dit qu'il ne peut pas le soigner, qu'il faudrait un clerc plus puissant, peut-être l'emmener à Luménis... mais il faut que le clerc le soigne dans les trois jours. Le temps d'y aller, on aura dépassé les délais."
Il poussa un profond soupir.
" Sinon, il dit qu'il peut essayer, par un autre sortilège, en le lançant à la pleine lune. C'est-à-dire demain. Il va venir exprès... Et le résultat n'est pas garanti. Et il veut qu'on l'enferme solidement dans sa chambre pour la nuit d'ici là, puisque la lune est presque pleine... au cas où il se transforme."
Il frissonna.

[Kasumi]

Les nouvelles étaient donc pires qu'il ne l'avait craint. Au moins pouvaient-ils se reposer sur Aïdan qui connaissait assurément son affaire. Mais ce serait une tristesse que les malarites soient à nouveau parvenus à leur fin et nuisent encore malgré leur départ. Kasumi réfréna la poussée de colère qu'il ressentit à l'idée qu'il ait sauvé Loïc en vain. Non, les dieux bons ne le permettraient pas : si le petit était infecté, le Seigneur de l'Aube le délivrerait du mal qui l'accablait. Cela ou d'autres moyens qu'il était prêt à tenter. Il posa une main compatissante sur l'épaule du chef de la communauté :

- Ce n'est qu'une mesure de précaution pour éviter qu'il ne se blesse. Et Aïdan saura le soigner demain si le loup-garou a sévi. Vous pouvez avoir confiance en lui.

Il aurait aimé être présent, faire lui-même quelque-chose mais cela aurait signifié déserter une nouvelle nuit sa clairière. Il ne pouvait pas se le permettre et devait donc s'en remettre à l'expertise de son ami.

[Voyageuse]

" Il dit que peut-être il n'est pas infecté, mais qu'on ne peut pas savoir et qu'il faut faire comme si. Il parait qu'un adulte vigoureux en réchappe, un gosse c'est plus rare... Et il a vaguement parlé de différents types de loup-garous, que certains ne sont pas contagieux, mais j'avoue que j'ai pas tout suivi..."
Il poussa un nouveau soupir.
" Mais bref... De toute façon on ne peut rien faire d'autre que prier, nous autres. Et surveiller. Mais venez donc vous asseoir à l'intérieur, je vais vous servir un verre."

[Kasumi]

Décliner l'invitation aurait été particulièrement cavalier alors même que Bertrand avait besoin de tout le soutien possible. Le demi-elfe n'hésita donc pas un seul instant :

- J'accepte avec plaisir. Et je prierai moi aussi pour le rétablissement de votre fils. C'est un garçon vraiment courageux que vous avez là. Je veux croire que ce sombre incident sera bientôt de l'histoire ancienne.

[Voyageuse]

" J'espère... On ne le saura que demain ou après-demain."
Il le précéda à l'intérieur. Sa demeure était organisée comme celle de Martha : une vaste pièce de vie, des portes donnant probablement dans deux chambres, la cuisine et le cellier au fond. Sa femme, une femme grassouillette aux cheveux paille que Kasumi ne se souvenait pas avoir déjà rencontré, le salua d'un air timide et s'éclipsa aussitôt pour leur chercher à boire.
Quelques instants plus tard, ils étaient tous deux attablés devant un petit verre de liqueur de poire. L'épouse du bûcheron avait préféré les laisser seuls.
" Vous parliez d'un service à me demander ?, finit par questionner Bertrand après quelques minutes de silence. Ce serait bien sûr avec joie..."

[Kasumi]

Le demi-elfe esquissa un sourire et leva son verre pour trinquer avec Bertrand avant de lui répondre :

- Oh, je n'ai pas le cœur à vous le demander tant que nous ne serons pas fixé pour Loïc : votre place est ici à ses côtés. Et rassurez-vous, ce n'est pas grand chose et Mylène a déjà accepté de me prêter main forte. En fait, j'entreprends de dégager les cendres qui entourent la clairière où se trouve le chêne que j'ai planté.

[Voyageuse]

" Oh..."
Visiblement, il ne s'attendait pas à quelque chose de ce genre. Et son air surpris montrait clairement qu'il n'en voyait guère l'importance.
" Je dois rester ici jusqu'à ce qu'on ait réglé le problème pour Loïc... Cependant, si c'est vraiment important, je peux demander à des collègues s'ils veulent donner un coup de main. Mais vous savez, les cendres seront balayées par le vent et la pluie sous peu. Je crains que vous ne fassiez tout ce travail pour rien..."

[Kasumi]

Le rôdeur s'était attendu à cette réponse de la part du bûcheron de métier qu'était Bertrand mais il répondit sans hésiter :

- Le problème est que je compte bien sur une repousse plus rapide que la normale autour de la clairière. Je pourrais laisser faire la nature mais balayer les cendres l'encouragera : j'ai peur que sans cela mon chêne ne demeure trop visible pour les créatures qui hantent encore les bois. Mais je pense sincèrement que Mylène et moi nous en sortirons pour couvrir la zone que je cible en priorité. En tous cas si elle n'en a pas marre et ne me plante pas au bout de deux heures !

[Voyageuse]

" Ne vous en faites pas pour ça, elle est un peu volcanique mais on peut compter sur elle. Elle est du genre tenace : quand elle avait quinze ans, elle voulait devenir bûcheronne. Elle y voyait le plaisir de se balader dans la forêt, peut-être celui de travailler le bois aussi. Elle a même bossé avec nous quelques temps... Y'en a qui ont cru que c'était pour draguer, ça n'a pas été bon pour sa réputation d'ailleurs. Et on n'arrivait pas à lui faire comprendre qu'elle n'avait pas les biceps pour ça ! Elle ne voulait pas démordre de sa vocation. Mais quand même, c'est un métier d'hommes... Il a fallu qu'elle se blesse pour accepter de s'arrêter. Enfin, tout ça pour vous dire que c'est une tête de mule ! Elle vous laissera pas tomber si elle s'est engagée, mais je vous souhaite bien du courage pour la canaliser..."

[Kasumi]

Kasumi se permit cette fois un sourire amusé qui tranchait avec leur conversation précédente.

- Croyez-moi, je suis très bien placé pour savoir qu'il vaut mieux ne pas chercher à canaliser ce qui ne peut pas l'être ! Mais quelqu'un de têtu, volontaire et loyal est exactement ce dont j'aie besoin de toute façon. Au besoin, je ne doute pas de pouvoir l'amadouer en acceptant de lui montrer certains trucs de rôdeur : je pense que c'est pour ça qu'elle m'a approché en fait.

[Voyageuse]

" Bah, il fallait quelqu'un pour vous guider l'autre jour, et objectivement elle est certainement la pisteuse la plus douée du village, depuis la disparition du fils de Marco. Mais ne lui dites pas, elle va prendre la grosse tête ! Et je pense qu'elle sera effectivement très intéressée par tout ce que vous pourrez lui apprendre... au grand désespoir de sa mère qui préférerait qu'elle se préoccupe d'autre chose, je pense. Mais voilà, on ne maîtrise pas l'avenir de nos enfants..."
Son sourire s'éteignit. Il songeait probablement à son propre fils.
" je vous souhaite bon courage pour votre tâche... Je vous aurais aidé avec plaisir, mais vous comprenez bien que ce n'est pas le bon moment pour moi..."

[Kasumi]

Kasumi lui retourna une expression grave et digne et lui serra la main avant de prendre congé :

- Je vous souhaite bon courage et j'espère sincèrement que les nouvelles seront bonnes demain soir. Une dernière chose... Loïc a manifesté de l'intérêt pour avoir un arc. Il est encore jeune mais j'ai eu moi-même mon premier à peu près à cet âge. M'autorisez-vous à lui en amener un en cadeau ? Je pense que ça l'aidera à oublier cette épreuve mais vous êtes seul juge en la matière bien sûr.

La proposition pouvait paraître un peu déplacée mais c'était aussi une façon de montrer à Bertrand qu'il était certain que tout se passerait pour le mieux.

[Voyageuse]

" Ça ne pose aucun problème, bien au contraire ! Il sera très heureux. Ça le consolera un peu de toute cette histoire. Et puis, un arc artisanal est sûrement moins dangereux qu'un arc comme le vôtre, j'imagine... Mais méfiez-vous, il voudra ensuite que vous lui appreniez à l'utiliser !"
Sur un dernier sourire, Bertrand le raccompagna à la porte, et sortit avec lui sur le perron.
" Je vais retourner à mes réparations, ça m'occupe l'esprit... Je vous laisse aller, sauf si vous avez besoin d'autre chose ?"