[Bâtiment] Domaine de Hautetour

[Taliesin]

A la frontière entre le Havre bourgeois et le Noyau Occulte, c'est à dire dans un quartier particulièrement huppé et prestigieux, se dresse une demeure dont la taille et la splendeur lui confèrent les allures d'un véritable palais. Très ancienne, elle a si souvent changé de mains qu'on a depuis bien longtemps cessé de la désigner par le nom des familles qui s'y succèdent régulièrement : on a plutôt pris l'habitude de la nommer Domaine de Hautetour, dénomination fort justifiée, puisque son point culminant domine assurément les alentours... Elle trône en outre au milieu d'un jardin particulièrement vaste et, de surcroit, la légende veut qu'elle ait été bâtie sur les ruines d'un édifice antique.

Quête : Plus dure sera la chute

Vingt minutes peut-être après avoir quitté le manoir familial, Claris parvint en vue de la fastueuse résidence récemment acquise par les Valombre : le domaine de Hautetour, dont les splendeurs s'offraient aux regards, au-dessus du mur d'enceinte ceignant son luxuriant jardin.
A présent, elle allait devoir choisir entre se présenter à la porte principale ou, plus modestement, à celle d'ordinaire réservée aux domestiques et aux différents fournisseurs.

[Claris de Corvimande]

Quelque prétention que Gail ait pu avoir, une personne qui venait de passer plusieurs jours dans la rue – ou du moins, qui en a l'allure dans les moindres détails – avait peu de chances de se faire accueillir dans une telle demeure par la grande porte. Ce fut donc l'autre qui eut sa préférence.

Claris s'avança vers l'entrée des domestiques – l'entrée des artistes dans la comédie qu'ils s'apprêtaient à jouer, en quelque sorte –, se demandant quelle était la manière la plus appropriée de formuler sa demande. Pour que ses talents martiaux soient pris au sérieux, abattre quelques hommes du clan rival dès son arrivée en ville avait son petit effet, mais ce n'était guère applicable en l'espèce. Sans doute allait-il falloir se contenter, là aussi, d'une ouverture plus modeste.

[Taliesin]

Contrairement à l'entrée principale, qui était fermée par une grille ouvragée, celle réservée aux domestiques consistait en une simple mais solide porte de bois renforcée de métal. Aucun garde ne faisait le planton dans la rue et, pour qui voulait entrer - ou, du moins, attirer l'attention -, il y avait un simple heurtoir.
Une minute environ après que Claris l'eut utilisé, un petit panneau coulissa sur le battant, révélant un regard scrutateur et peu amène.
-Qu'est-ce que tu veux ? s'enquit son interlocuteur.

[Claris de Corvimande]

Le grand jeu commençait. Et évidemment pas par sa partie la plus facile.

Gail affichait néanmoins un air sur de soi, ne doutant pas de ses capacités.

« J'ai entendu dire que les nouveaux propriétaires des lieux pouvaient avoir besoin de personnel. Il se trouve que je n'ai pas d'employeur actuellement et que je pourrais faire l'affaire. »

Il n'y avait aucun excès de prétention dans ses paroles, pas plus que d'obséquiosité. C'était le ton tranquille d'une personne qui énonce de simples faits concordants.

[Taliesin]

Son interlocuteur - un garde, sans doute, à moins qu'il ne s'agisse d'un membre de l'intendance - le toisa avec davantage d'attention mais guère plus de sympathie.
-Et pour quel genre de place tu pense pouvoir faire l'affaire ? demanda-t-il sur le même ton.

[Claris de Corvimande]

L'absence de sympathie était fort prévisible et n'était pas plus dérangeante en apparence que dans les faits.

« Dans mon précédent emploi, j'assistais un maître d'arme. Un rôle de ce genre me conviendrait parfaitement ; mais à défaut, tout autre métier d'épée serait susceptible d'être dans mes cordes. »

Peut-être en dire plus sur ses références maintenant aurait été judicieux ; toutefois, il semblait à Claris qu'il valait mieux éviter d'en faire étalage avant que des questions ne lui soient posées à ce sujet.

[Taliesin]

Impossible de déduire, au regard que braquait sur lui son interlocuteur, ce que celui-ci pensait de sa déclaration. Mais au moins l'observait-il toujours, alors qu'il aurait très bien pu le congédier sans autre forme de procès.
-Dis voir... Quel âge t'as ? Et qu'est-ce que t'entends par assistant d'un maître d'armes ? C'était quoi ton boulot, exactement ?

[Claris de Corvimande]

Bien. Le moment semblait donc venu de donner davantage de détails.

« Seize ans. Mon travail consistait à apprendre à de jeunes gens à avoir une maîtrise des armes dignes de leurs rangs. Mon rôle était celui d'assistant, car nous étions toute une équipe ; mais maître d'Âpremont m'estime capable de me faire le boulot seule, si… vous avez moins de personnel dédié à cette tâche que la famille d'Archelieu. »

Restait à voir si l'un ou l'autre de deux ces noms était suffisamment connu en ces lieux pour lui en ouvrir la porte.

HRP : désolé pour le manque de réactivité. D'ailleurs, je pourrai peut-être poster demain ou après-demain, mais sans doute plus ensuite jusqu'au dernier week-end d'août.

[Taliesin]

L'autre éclata de rire.
-Un maître d'armes de seize ans. Et sans doute de moins, vu que t'as l'air pas vraiment assez viril pour cet âge... Diantre, j'crois que ça ferait s'retourner mon vieil instructeur dans sa tombe, lui qui disait qu'pour ce genre de boulot, fallait au moins une vraie campagne militaire à son actif.
Il reprit mon sérieux.
-Et dis-moi, ô jeune prodige... Si t'es déjà si fortiche alors que t'as pas encore de poil au menton, comment qu'ça s'fait qu't'en sois réduit à faire du porte-à-porte pour chercher du turbin ? Non parce que, tu vois, un tel profil, ça devrait s'arracher...

[Claris de Corvimande]

C'était mal parti. Et, quelque part… guère surprenant. Mais ce n'était que le début. “Gail” répondit calmement, comme si la moquerie ouverte ne l'atteignait pas.

« Avec tout le respect que je dois à la mémoire de votre instructeur, une vraie campagne militaire apporte assurément beaucoup sur un plan purement martial ; mais j'ai plus de doutes pour ce qui est de l'essence de notre travail, à savoir la capacité à faire acquérir les techniques à d'autres gens. »

Soit précisément le point sur lequel les compétences de Claris étaient encore à prouver ; mais c'était une autre histoire.

« Pour répondre à votre question, il se trouve que la maison d'Archelieu, qui m'employait jusque là, a brusquement décidé de recentrer ses intérêts sur ses domaines, et de réduire drastiquement son personnel urbain. Je pense d'ailleurs avoir peu de risques de me tromper en affirmant que vous avez déjà reçu, ou recevrez prochainement, d'autres anciens membres de leur personnel cherchant une nouvelle situation. »

Encore fallait-il espérer que ce type soit au courant de l'arrivée d'Antin ; et qu'il n'y ait pas eu d'autres serviteurs susceptibles de semer le doute à leur sujet.

[Taliesin]

-P't'être ben qu'on en a eu un, ouais. Et p't'être ben qu'il avait une particule, ce qui ouvre des tas d' portes, évidemment.
Courte pause.
-C'qui m'étonne, c'est que ton maître d'armes, là, j'ai oublié son nom... Il t'ait pas expliqué que dans son métier, fallait en imposer. Avoir une sorte... d'autorité naturelle, tu vois. Tu peux être aussi... comment c'est le mot, déjà ? Ah oui : pédagogue. Tu peux être aussi pédagogue que tu veux, si t'as pas ça, ça marche pas. Et pardon de te le dire, mais t'auras du mal à en imposer à des p'tits seigneurs à peine moins âgés que toi.

[Claris de Corvimande]

“Gail” prit un air détendu.

« Ça, j'admet volontiers que le fait de ne pas avoir, pour ma part, de particule, peut être un handicap si les jeunes-gens d'ici ne regardent que ça – encore que pour leur en imposer ainsi, il faudrait sortir directement du palais de l'Empereur, pas vrai ?
Néanmoins, ne vous fiez pas tant aux apparences : les gamins des rues ne sont pas tellement plus impressionnables ; et j'ai pourtant déjà réussi à en tirer quelque chose de correct. Et vous conviendrez aisément que vos petits seigneurs ont un potentiel autrement plus important, n'est-ce pas ? »

Du moins, exposer une particule devant ceux qui étaient censés avoir été ses camarades de jeux – et que Claris avait effectivement quelque peu fréquenté dans sa jeunesse, sous un autre déguisement – sans l'entourer d'un bon nombre de gardes était risquer de s'attirer davantage de mauvais traitement que de respect. Restait à voir si les détails de l'histoire de son personnage, soigneusement préparés mais à peine évoqués pour l'instant, étaient de nature à convaincre ce cerbère-ci.

[Taliesin]

-T'as de la répartie, faut te reconnaître ça, fit son interlocuteur. Mais t'attends pas à pouvoir en imposer à des petits seigneurs comme t'en imposais à des gosses des rues : si tu leur déplais, peuvent te faire renvoyer du jour au lendemain, ou te faire donner le fouet... Et comme justement t'as pas de particule et pas encore de réputation, leurs parents hésiteront pas à leur donner satisfaction...
Courte pause.
-Face au dédain et aux brimades, t'es plutôt du genre à courber l'échine ou à te rebeller ?

[Claris de Corvimande]

« Je suis du genre à aviser selon la situation. »

C'était, certes, une échappatoire, mais ça lui semblait la réponse la plus raisonnable. Et ce n'était pas loin de la réalité : la façon dont on réagissait à ce genre de choses dépendait trop de tout un tas d'autres facteurs pour qu'on puisse à ses yeux donner une réponse aussi tranchée et décontextualisée.
Il lui semblait, toutefois, que la situation ne pouvait être aussi noire que ce que l'homme décrivait : si les enfants étaient enclins à réclamer des mauvais traitements sans raison et si leurs parents les accordaient sans sourciller, il était évident qu'aucun précepteur n'arriverait à quoi que ce soit avec eux – le niveau scolaire de Claris était en grande partie dû au fait que ses parents lui avaient inculqué le respect de ses professeurs, même s'ils étaient de condition nettement inférieure ; et n'avaient pas été prêts à les congédier sur un simple caprice. Les Valombre adultes ne pouvaient pas être assez stupides pour faire de leurs gosses des analphabètes, ne serait-ce qu'eût égard à leurs prétentions hiérarchiques.
Il était évident que la plupart des domestiques devaient s'attendre à ce genre de traitements ; et que les pédagogues n'en étaient pas exempts. “Gail” avait pu s'y préparer. Mais c'était sans doute de l'ordre du tenable.

« Et j'aime les défis. Si je n'étais pas à la hauteur, les coups de fouet seraient mérités. »

[Taliesin]

-Le problème, c'est que ça pourrait parfois être immérité et qu'il te faudrait quand même en prendre ton parti.
Court silence.
-Les Archelieu, c'est une famille plutôt mimitaire, non ? Du coup, être l'assistant du maître d'armes, c'était une bonne place. Mais ici... Disons que l'enseignement martial n'est pas du tout jugé primordial par les maîtres des lieux et que ça n'est pas sans conséquences. Mais bon, comme tu as déjà bossé pour une maison noble, tu dois connaître les deux règles d'or. Règle numéro un : les maîtres ont toujours raison. Règle numéro deux : si les maîtres ont tort, se référer à la règle numéro un.

[Claris de Corvimande]

À en juger par la façon dont répondait maintenant son interlocuteur, “Gail” avait au moins gagné quelques points. Bien sûr, ce serait toujours plus facile avec lui qu'avec ses maîtres…

« Et règle numéro trois : quand ils se rendent compte qu'ils avaient tort, c'est sur nous que ça retombe quand même. Je connais le topo, oui. »

Son ton était quelque peu désabusé. Cette manière de penser était tellement courante… y compris et surtout de la part de “nobles” eux-mêmes fort loin de se montrer dignes de leur sang. Comme le disait le vieil adage, aux vertus que l'on exigeait des domestiques, bien peu de maîtres étaient dignes d'être valets.

[Taliesin]

HRP : Désolé pour le délai de ma réponse, les derniers jours ont été un peu bousculés.

-Je vais pas te mentir : ici, tu seras jamais recruté comme maître d'armes, finit par répondre son interlocuteur. Et à mon avis, aucune autre maison noble, même modeste, te prendrait à ce poste : t'es trop jeune, t'as participé à aucune bataille... Bref, ça serait un peu la honte pour elles, même si t'étais du genre hyper doué. En plus, on a déjà quelqu'un qui fait office de maître d'armes, même si c'est surtout la garde qu'il entraîne. Ceci dit, comme l'un des jeunes seigneurs s'est mis en tête d'apprendre l'escrime... Il pourrait bien t'engager comme assistant. Je peux me renseigner, si tu veux. Sachant que c'est à tes risques et périls : ce sera pas de la tarte, ce boulot.

[Claris de Corvimande]

HRP : aucun problème Ça ne me dérange pas de traîner un peu si tu as besoin. Je sais ce que c'est…

« Comme je l'ai dit, j'aime les défis. Et je pourrais sans doute trouver d'autres genres de postes ; mais si je peux exercer mon véritable métier, je préfère, même si les conditions sont rudes. J'étais assistant chez mes précédents employeurs ; je suppose que je peux rester assistant encore un moment. Donc si c'est possible… ça m'intéresse. »

Ça faisait au moins une personne que “Gail” avait réussi à gagner à sa cause. Bien. Restait à voir ce qui en découlerait. Après tout, discuter à la porte n'était que le prélude, et la partie la plus dure – mais la plus intéressante – viendrait ensuite.

« Merci. »

[Taliesin]

Les yeux l'observèrent un moment.
-Bon, tu pourras pas dire qu'on t'a pas prévenu.
Soupir.
-Attends là, je vais me renseigner.
Et le panneau de bois se referma.

[Claris de Corvimande]

De Corvimande se garda bien de désobéir à la dernière consigne : son intention était bien d'attendre devant cette porte jusqu'à ce que celle-ci se réouvre.

…quitte à frapper de nouveau si l'attente se prolongeait trop.

Mais d'ici-là, il fallait faire preuve de patience – ce qui risquait de toute façon d'être plus que nécessaire pendant le reste de la mission. Qui allait être son élève ? Le garde avait parlé d'« un des jeunes seigneurs » : ce n'était donc probablement pas la fille d'Aldabert – la plupart des filles avaient de toute façon trop peu tendance à s'intéresser à l'épée. Pouvait-ce être l'aîné ? Il avait dit « à peine moins âgés que toi », et celui-ci avait un an de plus que Claris. Bien sûr, l'âge était difficile à évaluer aussi précisément d'un simple regard, mais le garde aurait sans doute davantage encore insisté sur ce point s'il avait pensé à un élève plus vieux que son maître d'arme. Il fallait donc miser sur l'un des enfants d'Ameline. Probablement le plus âgé des deux. Restait à voir l'autorité que de “Gail” pourrait bien avoir sur un gosse de douze ans…

[Taliesin]

Alors qu'elle commençait à se dire qu'il allait lui falloir à nouveau toquer au battant, un bruit de serrure se fit entendre. Quelques instants plus tard, la porte s'ouvrait.
-Entre, le capitaine va te recevoir, fit son interlocuteur, un garde d'une vingtaine d'années, le cheveu brun et la mine plutôt avenante.
S'étant exécutée, Claris put avoir un aperçu du parc qu'enserraient les hauts murs du domaine. Bien sûr, ce n'était certainement pas sa plus superbe portion, puisque domestiques, livreurs et autres commissionnaires la traversaient ; néanmoins, force était de constater qu'elle ne manquait pas d'allure.
-Tu vas devoir laisser tes armes ici, reprit l'autre.
Difficile de savoir s'il allait ou non la fouiller ensuite pour s'assurer qu'elle ait bien tout laissé...

[Claris de Corvimande]

“Gail” n'avait pas l'air impressionné outre mesure : la demeure était, certes, plus belle que celle de ses précédents employeurs ; mais ce n'était pas l'objet de sa venue. Il y aurait tout le temps d'admirer les lieux lorsque ce serait son nouveau lieu de travail.

Il fallait bien se prêter à l'exercice de se désarmer, et ce fut fait de bonne grâce : son épée, qui était sa seule arme ostensible ; mais également plusieurs de ses dagues – tirées de ses manches et de ses bottes – furent déposées à l'endroit dit. En apparence, de Corvimande – ou plutôt Narslan – avait entièrement obtempéré et ne gardait plus aucune arme. À la vérité, mieux valait sans doute garder un minimum d'habillement : il lui restait un de ces couteaux dissimulé à sa ceinture. Mais un couteau, après tout, était-il vraiment une arme ?

[Taliesin]

La suite prouva qu'ici, c'était ainsi qu'on l'envisageait.
-Désolé mon gars, mais va falloir que je te fouille, expliqua l'homme quand il en eut terminé. C'est la procédure.
Il joignit ensuite le geste à la parole, se montrant méticuleux et professionnel. Et il départit Claris de ce qui lui restait comme lames.
-T'inquiète pas : personne va te les voler, personne va t'attaquer non plus, sauf évidemment si tu fais quelque chose d'irréfléchi, dit-il, manifestement pas offusqué par ses découvertes. Et les consignes sont les consignes : aucun inconnu n'entre armé au domaine.

[Claris de Corvimande]

Claris se laissa faire sans sourciller, et répondit simplement.

« Oh, j'n'ai pas peur. C'est juste que… ça me gêne un peu de me présenter nu devant mes futurs collègues et employeurs, 'voyez ? »

Certains bretteurs, spadassins et autres gens d'épée avaient tendance à considérer que le port d'une lame était, en toute circonstances, bien plus indispensable à leur dignité que celui de vêtements. Manifestement, “Gail” était de ceux-là.

« M'enfin, j'suppose qu'il faut en passer par là. »

[Taliesin]

-Yep, pas le choix. Mais t'en fais pas. De un, rien dit encore que tu rencontreras les vrais patrons. De deux, du moment que tu te mets pas à piquer des trucs , à te balader n'importe où ou à faire l'imbécile, aucun risque que ça se passe mal. Et de toi à moi, si ça se passait mal, c'est pas une arme qui changerait quoi que ce soit.
Il alla déposer l'équipement de Claris dans une guérite installée juste à côté de la porte secondaire du domaine puis revint vers elle.
-Allez, je t'amène voir le capitaine. Oh, et un conseil : essaie pas de lui en mettre plein la vue. Il aime pas ça.

[Claris de Corvimande]

« Bien noté. »

La seule manière selon laquelle “Gail” aurait pu tenter d'en mettre « plein la vue » à quelqu'un aurait de toute façon été le maniement de l'épée, chose difficile une fois privée dudit accessoire. Fanfaronner par le seul discours pouvait sans doute être utile dans pas mal de circonstances, mais sans doute pas dans celles-ci.

Ce fut donc sans protestation particulière que Claris emboîta le pas de son guide. Restait maintenant à faire la connaissance dudit capitaine.

[Taliesin]

En compagnie du garde, elle remonta une allée gravillonnée parfaitement ratissée puis franchit une porte s'ouvrant dans le flanc de l'immense demeure. Ce fut ensuite une enfilade de couloirs : s'ils étaient peu décorés, signe que l'endroit était probablement destiné au personnel, on ne pouvait que relever la qualité des matériaux de construction et l'élégance de l'architecture.
Leur cheminement s'arrêta devant une porte entrouverte à laquelle son guide frappa. Ayant obtenu la permission d'entrer, il s'exécuta. Lui emboîtant le pas, Claris découvrit un bureau relativement austère. Là se tenait, debout, un homme d'une quarantaine d'année, au costume sans le moindre pli et à la barbe poivre et sel parfaitement taillée. Cependant, à sa carrure, à ses traits burinés, à son regard scrutateur, l'on sentait bien qu'on avait affaire à un soldat qui n'occupait pas sa place par pur hasard.
-Voilà donc ce fameux gamin... dit-il tout en scrutant le nouvel arrivant.

[Claris de Corvimande]

« Bonjour. »

“Gail” salua et s'approcha, adoptant une attitude polie, sans pour autant être obséquieuse. Quoique sa propre mise soit nettement moins soignée que celle de l'homme, aucune gêne n'était visible sur son visage, et son attitude était celle de quelqu'un qui attend que le responsable des lieux ait l'initiative de la conversation.

[Taliesin]

Le capitaine garda le silence un moment, se contentant d'observer Claris de son regard pénétrant.
-En voilà un que rien n'impressionne, dit-il enfin. Cela peut être un atout certain comme un lourd handicap.
Il croisa les bras.
-Bon, c'est quoi, ton histoire ?

[Claris de Corvimande]

“Gail” ne broncha pas sous ce regard. Après tout, même si ses précédents employeurs n'avaient pas la puissance des Valombre, ils étaient une famille beaucoup plus martiale : des vétérans comme ce capitaine, il y en avait eu un certain nombre dans son entourage, et se faire dévisager ainsi devait donc lui être habituel.

Son histoire… elle avait été faite sur mesure et était toute prête à être déballée ; mais il lui semblait assez naturel de ne pas entrer dans les détails sans qu'on ne l'y invite expressément : du point de vue de son personnage, certains passages n'étaient pas spécialement valorisants.

« La version courte en est que mon précédent employeur a décidé de réduire son personnel, et que je cherche donc une nouvelle place. J'ai exercé plusieurs années les fonctions d'assistant du maître d'armes Rodrick d'Âpremont, et je pense pouvoir mettre ces compétences au service de la noble famille de Valombre. »

Si cette introduction s'avérait avoir les effets escomptés, la version longue lui serait sans doute demandée sous peu…